Chef de la mission de liaison et de coordination pour l'outre-mer à la direction générale des politiques agricole, agroalimentaire et des territoires, ministère de l'agriculture.- Les chiffres que je vais utiliser sont issus du recensement agricole de 2010, du rapport annuel d'exécution du POSEI France 2011, et de l'ODEADOM. En 2010, les quatre DOM avaient 42 750 hectares en filière canne, dont 57 % des plantations à La Réunion, 45 % à la Guadeloupe et 16 % en Martinique. La production de sucre issue de ces plantations était en 2010 de 260 à 280 000 tonnes équivalent sucre blanc, pour un quota de 432 000 tonnes. La filière correspond à 22 000 emplois directs. On compte plus de 8 000 exploitations cannières dans les trois DOM qui emploient l'équivalent de 7 100 personnes à temps plein. Les sucreries emploient environ 900 personnes (500 à La Réunion, 300 en Guadeloupe et 100 en Martinique).
La filière rhum, c'est 24 distilleries, dont 7 distilleries de sucrerie et 17 distilleries agricoles, qui produisent un peu moins de 280 000 HAP dont 106 000 de rhum agricole, soit 38 % de la production de rhum.
On note des différences importantes entre les DOM :
- 83,4 % du rhum produit en Martinique est du rhum agricole, la majorité des cannes étant livrée aux distilleries ;
- La Réunion ne produit quasiment pas de rhum agricole, moins de 1 % ;
- la Guadeloupe est dans une situation intermédiaire avec une part de rhum agricole dans la production totale de 45 % ;
- la Guyane compte une unique distillerie de rhum agricole à laquelle la totalité de la canne est livrée.
La filière canne-sucre-rhum a un rôle important à jouer en termes d'aménagement du territoire et de préservation de l'environnement. En effet, la canne est une culture qui protège les sols de l'érosion et participe à leur régénération. Elle fournit également des produits utilisables pour l'alimentation animale. En outre, la filière couvre entre 30 et 50 % des besoins en électricité des îles à partir d'une ressource renouvelable, la bagasse, et contribue ainsi à la réduction de l'émission de gaz à effet de serre.
Le POSEI validé par la Commission européenne définit le rôle de la filière canne-sucre-rhum de la manière suivante :
- elle contribue à la stabilité de l'économie agricole des DOM, dans la mesure où il existe des complémentarités entre les productions agricoles ;
- elle a des retombées sur l'économie générale, approvisionnement en énergie et attrait touristique notamment ;
- elle contribue à la qualité de l'environnement : lutte contre l'effet de serre, protection des sols contre l'érosion, qualité du paysage... ;
- elle contribue au maintien de l'emploi ;
- elle contribue au maillage du territoire par la présence d'unités industrielles soutenues dans le cadre du programme.
L'agriculture ultramarine mobilise 34 200 emplois à temps plein sur les départements des Antilles, de la Guyane et de La Réunion et 13 400 à Mayotte. Elle se déploie sur 24 800 exploitations dans les quatre départements et 15 700 à Mayotte.
Si la surface agricole utilisée en Guyane a progressé entre 2000 et 2010, celle des Antilles et de La Réunion a perdu 17 840 hectares pour atteindre 99 560 hectares en 2010. 31 768 hectares et 24 975 hectares sont cultivés à la Guadeloupe et à la Martinique. À La Réunion, la SAU se stabiliserait autour de 42 810 hectares, soit 880 hectares de moins qu'en 2000.
Les orientations économiques « fruits » et « grandes cultures » dominent aux Antilles et à La Réunion. À la Martinique, la banane, qui mobilise 70 % de la SAU des exploitations spécialisées en « fruits », lesquelles exploitent 98 % de la surface totale de banane, donne toujours un poids économique prépondérant à cette orientation. Avec la canne, les grandes cultures dominent à la Guadeloupe et à La Réunion. La canne occupe 70 % de la SAU de cette orientation et 90 % de la sole cannière totale à la Guadeloupe. Pour La Réunion, les chiffres sont respectivement 90 % et 80 %.
Le maraîchage et les légumes frais de plein champ maintiennent ou renforcent légèrement leur poids économique. Les orientations animales spécialisées comportent peu d'exploitations et pèsent peu dans l'économie globale. En Guyane les orientations dominantes des exploitations sont plus équilibrées en zone intérieure. Les « grandes cultures » sont surtout caractérisées par la production de tubercules, les « fruits » occupant le littoral.
S'agissant du rhum des DOM, la typologie (rhum agricole/de sucrerie, degré d'alcool) et les spécificités par rapport aux rhums des autres pays sont les suivantes :
La production de rhum représentait en 2011 plus de 275 000 hectolitres d'alcool pur (HAP), dont 114 000 HAP pour La Réunion, 83 000 HAP pour la Martinique, 75 600 HAP pour la Guadeloupe et un peu moins de 2 800 HAP pour la Guyane.
Les DOM comptent 17 distilleries agricoles (dont 9 en Guadeloupe, 7 en Martinique et une en Guyane) et 7 distilleries de rhum de sucrerie (dont 3 à La Réunion, 3 en Guadeloupe et une en Martinique). La part de rhum agricole par rapport au volume total de rhum produit dans les DOM était de 39 % en 2011.
Une dénomination spécifique est reconnue au niveau communautaire, à savoir le terme de « rhum traditionnel ». Ce type de rhum comporte des caractéristiques techniques particulières qui sont précisées dans des textes européens (notamment son degré d'alcool qui ne peut être inférieur à 40 %). La définition renvoie également au lieu de production ultramarin (matière première et processus de fabrication). En 2012, dans le cadre du contingent fiscal applicable au rhum traditionnel des DOM, 110 000 HAP de rhum traditionnel ont été commercialisés en France métropolitaine.
L'une des spécificités des rhums des DOM est leur degré d'alcool et leur centilisation. Les rhums des DOM sont historiquement vendus à des titrages plus élevés et dans des formats plus grands que les rhums concurrents issus de pays tiers (bouteilles de 70 centilitres à 37,5 degrés d'alcool majoritairement).
J'en viens maintenant aux débouchés de la production.
Globalement, le marché européen du rhum est en progression régulière depuis le milieu des années 1990. Il était de 313 459 HAP en 1986, pour passer à 791 542 HAP en 2006. Les quatre grands marchés de l'UE sont fortement segmentés. En France, les rhums proviennent majoritairement des DOM.
Sur le marché européen, au cours des vingt dernières années, on constate une progression des origines pays tiers et Afrique-Caraïbes-Pacifique (ACP) sur le marché communautaire, malgré un ralentissement sur les cinq dernières années. En 2011, les importations ACP et pays tiers représentaient 75 % de l'approvisionnement du marché européen en volume, la part des DOM étant de 25 %. La part relative des importations d'origine ACP a fortement diminué (ils représentaient 81 % des importations en 2002 contre 37 % en 2011).
70 % des expéditions des DOM sur le marché européen sont destinées au marché français (environ 140 000 HAP sur les 205 500 HAP expédiés sur le marché de l'UE en 2011).
S'agissant de l'évolution du marché français, le marché français des spiritueux est estimé, en 2011, à environ 380 millions de litres, ce qui représente 22,7 % des alcools mis sur le marché de la consommation. Le marché du rhum (grande distribution et consommation CHR - cafés hôtels restaurants) représente 7 % des spiritueux consommés en France soit 26,5 millions de litres.
Les ventes de rhum en CHR représentent 5 millions de litres. En 2011, 1es rhums pays tiers détenaient 19 % du marché total et 90 % de la consommation de rhum en CHR. Sur ce segment de marché, les ventes de rhum sont principalement réalisées par les deux plus grandes marques importatrices de rhums de pays tiers (Baccardi et Havana Club).
En 2012, les parts de marché des deux principales marques originaires de pays tiers ont augmenté de 13 % pour Havana Club et 8 % pour Baccardi. En comparaison, le rhum des DOM a progressé en moyenne de 3 % par an sur les dix dernières années.
Selon des estimations de la direction générale des douanes et des droits indirects (données reconstituées sur la base des droits de mise à la consommation perçus), les mises à la consommation de rhum produit localement dans chacun des DOM s'élèveraient pour l'année 2011 à 56 000 HAP environ, répartis de la manière suivante : Guadeloupe : 16 934 HAP ; Martinique : 18 822 HAP ; Guyane : 5 206 HAP ; La Réunion : 15 091 HAP.
Je vais vous présenter le bilan des aides publiques (européennes et nationales) à la filière canne-sucre-rhum, et notamment à la production de rhum.
Je vous rappelle que l'article 349 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne reconnaît les spécificités des départements d'outre-mer, en leur accordant le statut de région ultrapériphérique (RUP). À ce titre, les DOM bénéficient d'un certain nombre de « mesures spécifiques » qui adaptent le droit communautaire en tenant compte des caractéristiques propres et des contraintes particulières à ces régions, notamment l'insularité et l'éloignement du territoire européen.
Le POSEI France est doté, depuis 2010, de 278,41 millions d'euros de fonds européens, complétés par une enveloppe de crédits nationaux plafonnée à 40 millions d'euros pour les filières de diversification. Sur les 10 mesures mises en place, la filière canne-sucre- rhum représente 27% de l'enveloppe communautaire, avec un montant de 74,9 millions d'euros.
Le secteur de la canne à sucre et du rhum est le second secteur agricole aidé dans le cadre du POSEI après la banane (129 millions d'euros par an).
Le soutien de l'Union européenne à la filière canne-sucre-rhum, à travers le POSEI, est constitué de trois aides :
- une aide aux planteurs, pour le transport de la canne du bord du champ à la balance de pesée, pour un montant de 10 millions d'euros ;
- une aide aux industries sucrières, pour un montant de 59,2 millions d'euros. Cette aide vise à leur permettre de s'adapter à la réforme de 1'OCM sucre (organisation commune du marché du sucre) afin qu'elles maintiennent leur prix d'achat de la canne aux planteurs dans un contexte de baisse du prix de vente du sucre ;
- une aide aux distilleries au titre de la transformation de la canne en rhum agricole, pour un montant annuel de 5,7 millions d'euros.
À ces aides communautaires, s'ajoutent des soutiens nationaux au secteur sucrier et au rhum traditionnel des DOM. Dans le cadre du règlement (CE) n°247/2006 (article 16), la France est autorisée à verser des aides nationales à la filière sucrière des DOM pour un montant maximal de 90 millions d'euros par campagne sucrière.
Jusqu'en 2009, le budget consacré à la filière était de 59 millions d'euros au profit des planteurs de canne à sucre des trois DOM producteurs de sucre (aide à la production de cannes livrées en sucrerie). À partir de 2010, deux aides nouvelles ont été créées en faveur des industries sucrières des DOM :
- un complément national à l'aide forfaitaire d'adaptation des industries sucrières à la réforme de 1'OCM sucre versée dans le cadre du POSEI (pour un montant de 10 millions d'euros) ;
- une aide à l'écoulement des sucres produits dans les DOM et exportés sur le marché européen, pour un montant de 24 millions d'euros qui bénéficient à La Réunion et à la Guadeloupe.
Cette disposition est maintenue dans le futur règlement (CE) n° 247/2006 du Conseil modifié qui est en cours d'adoption.
S'agissant maintenant du contingent fiscal sur le rhum traditionnel des DOM, la filière rhum fait l'objet, dans le cadre d'une décision du Conseil des ministres de l'UE et des lignes directrices à finalité régionale applicables sur la période 2007-2013, d'une fiscalité dérogatoire visant à faciliter l'accès des rhums traditionnels des DOM au marché métropolitain, pour un différentiel maximum de 50 % des droits d'accise et un volume de 120 000 HAP jusqu'au 31 décembre 2013. Ce dispositif vise à compenser les surcoûts affectant la production de rhum dans les DOM.
Le régime du contingent fiscal est encadré par une décision de la Commission européenne au titre des « aides d'État » en date de 2007. Ce régime a été modifié à la suite de la loi de financement de la sécurité sociale 2012 et de la première loi de finances rectificative de 2012. II a ensuite fait l'objet d'une notification auprès de la Commission européenne en août dernier. Parallèlement, une demande de renouvellement du dispositif au Conseil, pour la période 2014-2020, doit être transmise prochainement par les autorités françaises.
Je rappelle que dans le cadre du Programme d'options spécifiques à l'éloignement et l'insularité des départements d'outre-mer (POSEI) France mis en place en 2006-2007, le montant des aides européennes versées aux filières agricoles des DOM est passé de 109 millions d'euros en 2006 à 272,5 millions d'euros en 2011. Entre 2007 et 2010, l'enveloppe POSEI en faveur de la filière canne-sucre-rhum est passée de 57,6 millions d'euros à 74,9 millions d'euros, soit 26,9 % du budget POSEI. En outre, la France est autorisée à compléter le montant alloué sur fonds communautaires aux mesures de diversification par des crédits nationaux, dans la limite de 40 millions d'euros par an.
La mesure qui bénéficie de l'enveloppe financière la plus importante est la filière banane avec 129 millions d'euros par an (46,4 % du budget POSEI). Les aides à la diversification végétale s'élevaient à 17 millions d'euros en 2011 (6,1 % du budget POSEI) et l'enveloppe en faveur des productions animales (regroupant 3 aides : primes animales, importation d'animaux vivants et structuration de l'élevage) à 35,1 millions d'euros (12,6 % du budget POSEI). À cela, il faut ajouter la mesure RSA pour un montant de 20,7 millions d'euros en 2011 (7 % du budget POSEI), qui cible en priorité l'alimentation animale ainsi que des actions transversales.