Serge Larcher, président.- Mes chers Collègues, notre thème de travail, aujourd'hui, concerne le rhum des DOM : c'est une nouvelle initiative à portée européenne que nous prenons après la pêche et l'avenir des régions ultrapériphériques. Gérard César et Jacques Gillot ont accepté d'être co-rapporteurs.
Il s'agit cette fois, par l'élaboration d'une proposition de résolution européenne, de peser dans les négociations entre le Gouvernement et la Commission européenne pour obtenir le renouvellement du régime fiscal dérogatoire indispensable à la sauvegarde du rhum traditionnel des DOM. Le régime actuel vient en effet à expiration à la fin de l'année 2013 : l'échéance est donc très proche et les négociations loin d'être finalisées ; il y a urgence et les données du problème sont assez complexes comme vous allez le découvrir au gré des auditions.
Je cède la parole à Madame Isabelle Chmitelin, directrice de l'ODEADOM, pour nous présenter la filière rhum et son importance économique pour les économies des DOM. Madame, vous avez la parole.
Merci de m'accueillir. Je suis directrice de l'ODEADOM depuis un peu moins de deux ans. Je vais commencer par dresser un panorama de la filière canne-sucre-rhum. Son poids dans l'économie des quatre DOM qui produisent de la canne à sucre est très important aux Antilles et à La Réunion. Le seul DOM où cette activité n'est pas présente est Mayotte. Le chiffre d'affaires de la filière, tous DOM confondus, est de 250 millions d'euros. De même que la filière banane, la filière canne-sucre-rhum pèse positivement, et de façon déterminante, dans la balance commerciale des DOM insulaires. Et vous savez à quel point les DOM sont dépendants des importations ; les soldes commerciaux, tous DOM confondus, sont très déficitaires. Le déficit est estimé à 10 milliards d'euros, et le taux de couverture à 7 %, ce qui est très faible.
En Guadeloupe, le sucre et le rhum constituent le principal poste d'exportation : 24,36 % des exportations dans l'industrie agro-alimentaire et 12,95 % de celles de la production agricole.
Les exportations de sucre et de canne, et des produits de la mer de La Réunion, représentent 51% du total des ventes.
En termes d'emploi, l'importance de la filière est plus difficile à chiffrer, en particulier pour les emplois indirects. Le recensement agricole de 2010 donne un éclairage assez précis du poids de ces emplois dans l'agriculture, mais parvient difficilement à distinguer les emplois uniquement destinés à cette filière par rapport à d'autres, car certaines exploitations agricoles ne sont pas monocultures.
On estime à 40 000 les emplois générés dans le secteur canne-sucre-rhum, dont 22 000 emplois directs (planteurs et emplois de transformation industrielle). S'agissant des emplois primaires, 8 000 exploitations cultivent la canne, réparties entre la Guadeloupe (4 312) et La Réunion (3 500), selon les chiffres du recensement agricole de 2010. Dans ces exploitations, 5 000 personnes travaillent à temps plein.
La filière contribue donc fortement au maillage territorial par les unités industrielles de transformation de la canne. Elle contribue aussi à l'emploi dans ces bassins agricoles. Il est aussi important de souligner que l'emploi tend à s'y maintenir, il n'y diminue pas dans ces secteurs d'activité. Dans un contexte où la surface agricole utile (SAU) tend à diminuer, la hausse de la productivité permet en effet de maintenir l'activité, le volume de production et l'emploi.
La SAU est de 40 000 hectares consacrés à la canne tous DOM confondus. La canne vient souvent en complémentarité d'autres productions agricoles. Ces 40 000 hectares représentent 34 % de la SAU. 3 millions de tonnes de canne ont été produits en 2011, ce qui a permis une augmentation légère de 5,5 % sur ces cinq dernières années.
Les situations par département sont très différentes :
En Martinique, la production est essentiellement tournée vers le rhum agricole AOC, avec cependant le maintien d'une sucrerie qui perdure, la sucrerie du Gallion.
À La Réunion, la SAU de la canne représente 57 % de la SAU totale. La production est surtout tournée vers le sucre ; la production de rhum provient presqu'exclusivement de rhum de sucrerie, c'est-à-dire de la distillation de la mélasse. Il existe néanmoins un rhum agricole.
En Guadeloupe, même si la production de rhum agricole reste importante, 88 % des cannes sont destinés à la transformation en sucre.
La Guyane se distingue par de très petites surfaces : 140 hectares sont cultivés en canne. La production de canne est exclusivement tournée vers le rhum agricole, produit dans la seule distillerie de Guyane : la distillerie de Saint-Maurice à Saint-Laurent du Maroni.
Pour résumer, tous DOM confondus, 34 % de la SAU sont consacrés à la canne, avec un maximum à La Réunion (57 % et 25 000 hectares) ; 16 % de la SAU en Martinique (3 906 hectares) ; 43% en Guadeloupe (ce qui représente 13 800 hectares) ; 5,5 % en Guyane (140 hectares).
Par ailleurs, les surfaces en canne résistent bien à la pression foncière dans tous les départements, même si elles sont en légère diminution au cours des cinq dernières années. C'est en Guyane que la diminution a été la plus importante. Elle a avoisiné les 3 % dans les autres départements.
La production de canne se maintient, voire augmente légèrement, grâce à deux facteurs : l'augmentation des rendements, obtenue grâce à une meilleure maîtrise des parcours de production ; et l'augmentation des surfaces irriguées. La production reste ainsi relativement stable à la fois en surface et en production.
J'en viens maintenant à la production de rhum, qui concerne les quatre départements qui cultivent de la canne. Elle procure 9 000 emplois dans les plantations, et 15 000 emplois directs et indirects si on prend en compte les emplois des 24 distilleries. Le rhum contribue aussi à la richesse locale par le biais du tourisme et des exportations.
Seule, la Martinique bénéficie d'une AOC pour l'ensemble de sa production de rhum agricole. Les situations sont contrastées : la part de la canne destinée au rhum agricole varie beaucoup d'un DOM à l'autre.
En Guyane, 100 % de la production est destinée au rhum agricole, mais avec une production limitée et exclusivement destinée au marché local. C'est le plus petit producteur de rhum en volume des quatre DOM, avec une unique distillerie.
À l'opposé, La Réunion est le DOM qui produit le plus de rhum en volume : la production atteint 106 400 hectolitres d'alcool pur (HAP) ; mais La Réunion ne produit quasiment pas de rhum agricole.
La Martinique est le deuxième producteur de rhum sur les quatre DOM ; 66 % de la production cannière de la Martinique sont destinés au rhum agricole, ce qui représente 83 000 HAP, soit 83 % de la production totale du rhum martiniquais.
La Guadeloupe, troisième producteur de rhum juste après la Martinique, présente une situation contrastée : la production de sucre y est importante. 7 % de la production de la canne sont destinés au rhum agricole avec une production de rhum de 75 656 HAP.
En revanche, pour la production de rhum agricole pur, qui provient directement de la distillation du jus de canne, la Martinique est de loin le premier producteur, avec ensuite la Guadeloupe, puis la Guyane et enfin La Réunion.
On voit donc que le positionnement des quatre DOM est différent selon le critère considéré : SAU cannière, production globale de rhum, ou production de rhum agricole.
Les quatre DOM disposent de 24 distilleries : 12 en Guadeloupe (dont 4 petites à Marie-Galante, et 2 de taille assez importantes mais indépendantes : Damoiseau et Bologne), 8 en Martinique, réparties de façon assez homogène sur le territoire, avec une production relativement basse en 2010 par rapport aux « bonnes années » 2007 et 2008, et rattachées en général à de grands groupes, sauf la distillerie indépendante Neisson, à 70 % tournée vers le marché local ; 3 à La Réunion et une en Guyane, destinée uniquement au rhum agricole et destinée au marché guyanais.
Les distilleries sont d'importance variable ; un tiers d'entre elles sont de petites distilleries produisant moins de 2 000 HAP commercialisés hors du territoire des DOM. 3 distilleries sont indépendantes et de taille moyenne ; les autres, de plus grande taille, appartiennent à de grands groupes. 6 distilleries produisent du rhum de sucrerie, qui provient de la transformation de la mélasse.
Le rôle de ces filières en termes d'aménagement du territoire et de préservation de l'environnement est également important. Les causes en sont les suivantes :
- le cycle de production de la canne est annuel mais il est étalé dans le temps : une plantation de canne doit être renouvelée tous les cinq à huit ans ; c'est donc une culture pluriannuelle ;
- la période de récolte est étalée sur six mois, ce qui est assez long, et bénéfique pour l'outil industriel et pour l'emploi ; la récolte est réalisée selon le cas de façon manuelle ou mécanique et il faut ensuite transporter la canne jusqu'à son lieu de transformation ;
- la canne protège et limite l'érosion des sols, ce qui est particulièrement bénéfique pour les territoires accidentés davantage exposés à ce phénomène ;
- la canne résiste bien à la sécheresse et aux cyclones (contrairement à la banane ou aux cultures maraîchères, beaucoup plus fragiles) ;
- ses sous-produits (mélasse et paille) agissent comme des fertilisants qui contribuent au maintien de la qualité agronomique des sols et à l'enrichissement de la structure des sols ;
- la canne permet, dans une certaine mesure, grâce à la mélasse et la paille, d'être incorporée dans l'alimentation du bétail, et évite les importations de ces matières ;
- la valorisation énergétique est très importante : la production de canne permet de couvrir entre 30 % et 50 % des besoins d'électricité des îles à partir de la bagasse, utilisée comme source d'énergie de combustion à La Réunion et en Guadeloupe.
J'en viens maintenant aux aides publiques, de deux ordres : les aides communautaires et nationales.
Les aides communautaires sont évaluées à 75 millions d'euros de crédits d'intervention par an. Elles sont de trois types. Tout d'abord, l'aide forfaitaire annuelle d'adaptation à l'industrie sucrière, destinée aux usines de production de sucre. Elle a été mise en place pour compenser la baisse annoncée du prix du sucre et s'élève à 59,2 milliards d'euros. Elle est subordonnée à la présentation par l'industriel d'un plan d'entreprise en faveur du maintien et du développement de la production de la canne, qui garantisse le paiement d'un prix minimum de la canne aux planteurs. Ce plan d'entreprise doit prévoir des investissements en outils industriels dans les exploitations agricoles, en particulier en lien avec le développement durable. Cette aide est attribuée chaque année selon une base historique.
Cette aide est calculée à partir du plan d'entreprise. On vérifie chaque année que ce plan a été respecté, et le montant de l'aide attribuée à chaque unité de production de sucre est calculé selon une base historique définie dès le départ.
Elle a été définie par rapport à une quantité de sucre produite ; ce régime était lié à l'organisation commune du marché du sucre (« OCM sucre »), destinée à compenser la baisse du prix du sucre. C'est une aide forfaitaire : le plan d'entreprise, qui peut comporter un certain nombre d'investissements, ne dépense pas nécessairement en totalité l'aide annuelle reçue.
La deuxième aide communautaire est l'aide au transport de la canne à sucre, versée aux planteurs, destinée à compenser le coût lié au transport de la canne entre le bord de champ et la première balance de pesée. Elle s'élève à 10 millions d'euros par an. C'est une aide directe, donc soumise aux règles de conditionnalité de la PAC.
La troisième aide est l'aide à la transformation de la canne à sucre en rhum agricole, accordée aux distillateurs. Elle est octroyée dans la limite d'un volume global de rhum produit de 88 757 HAP, et s'élève à 5,7 millions d'euros.
Ces trois aides sont versées par l'ODEADOM, organisme payeur. Nous assurons la réception et l'instruction des dossiers de paiement, le paiement des aides et le contrôle avant paiement de ces aides.
Les aides nationales représentent 157 millions d'euros.
Je vous suggère de nous faire parvenir une note écrite sur les aides nationales, afin que nos rapporteurs aient le temps de vous poser des questions.
Gillot, co-rapporteur.- Avez-vous réalisé des simulations prévoyant les cas où le régime fiscal actuel ne serait pas renouvelé ?
Non. Nous ne travaillons pas sur les aspects fiscaux. La fiscalité du rhum représente 66,42 millions d'euros au titre d'aides d'État. L'équivalent « aides » du régime fiscal est très important.
De telles simulations auraient été éclairantes sur l'incidence du régime actuel sur la production de canne à sucre et donc de rhum. Pourquoi la Martinique est-elle le seul DOM à bénéficier d'une AOC ? Quel est l'intérêt d'avoir une AOC pour le rhum agricole ?
Les producteurs de rhum sauront mieux vous répondre que moi. Cette question a fait l'objet de grandes discussions en particulier en Guadeloupe. La production de rhum en Guadeloupe et en Martinique est un peu compliquée. L'aide à la transformation de la canne en rhum agricole est ventilée entre deux enveloppes, l'enveloppe Martinique et l'enveloppe Guadeloupe, et la séparation de ces deux enveloppes est régulièrement remise en cause. En Guadeloupe, la production de sucre est encore importante, et les arbitrages favorables à la production de sucre ou de rhum sont une question sensible. Les producteurs de rhum de Guadeloupe argumentent qu'ils ont besoin d'être davantage aidés que ceux de la Martinique parce qu'ils sont confrontés à une sorte de concurrence des producteurs de sucre. Le positionnement du rhum agricole en Guadeloupe et en Martinique n'est donc pas le même, et les stratégies n'ont pas été les mêmes. De plus, mettre en place une AOC est coûteux.
Mes chers Collègues, nous recevons maintenant M. Alain Joly, Chef de la mission de liaison et de coordination pour l'outre-mer à la direction générale des politiques agricole, agroalimentaire et des territoires, au ministère de l'agriculture.
Chef de la mission de liaison et de coordination pour l'outre-mer à la direction générale des politiques agricole, agroalimentaire et des territoires, ministère de l'agriculture.- Les chiffres que je vais utiliser sont issus du recensement agricole de 2010, du rapport annuel d'exécution du POSEI France 2011, et de l'ODEADOM. En 2010, les quatre DOM avaient 42 750 hectares en filière canne, dont 57 % des plantations à La Réunion, 45 % à la Guadeloupe et 16 % en Martinique. La production de sucre issue de ces plantations était en 2010 de 260 à 280 000 tonnes équivalent sucre blanc, pour un quota de 432 000 tonnes. La filière correspond à 22 000 emplois directs. On compte plus de 8 000 exploitations cannières dans les trois DOM qui emploient l'équivalent de 7 100 personnes à temps plein. Les sucreries emploient environ 900 personnes (500 à La Réunion, 300 en Guadeloupe et 100 en Martinique).
La filière rhum, c'est 24 distilleries, dont 7 distilleries de sucrerie et 17 distilleries agricoles, qui produisent un peu moins de 280 000 HAP dont 106 000 de rhum agricole, soit 38 % de la production de rhum.
On note des différences importantes entre les DOM :
- 83,4 % du rhum produit en Martinique est du rhum agricole, la majorité des cannes étant livrée aux distilleries ;
- La Réunion ne produit quasiment pas de rhum agricole, moins de 1 % ;
- la Guadeloupe est dans une situation intermédiaire avec une part de rhum agricole dans la production totale de 45 % ;
- la Guyane compte une unique distillerie de rhum agricole à laquelle la totalité de la canne est livrée.
La filière canne-sucre-rhum a un rôle important à jouer en termes d'aménagement du territoire et de préservation de l'environnement. En effet, la canne est une culture qui protège les sols de l'érosion et participe à leur régénération. Elle fournit également des produits utilisables pour l'alimentation animale. En outre, la filière couvre entre 30 et 50 % des besoins en électricité des îles à partir d'une ressource renouvelable, la bagasse, et contribue ainsi à la réduction de l'émission de gaz à effet de serre.
Le POSEI validé par la Commission européenne définit le rôle de la filière canne-sucre-rhum de la manière suivante :
- elle contribue à la stabilité de l'économie agricole des DOM, dans la mesure où il existe des complémentarités entre les productions agricoles ;
- elle a des retombées sur l'économie générale, approvisionnement en énergie et attrait touristique notamment ;
- elle contribue à la qualité de l'environnement : lutte contre l'effet de serre, protection des sols contre l'érosion, qualité du paysage... ;
- elle contribue au maintien de l'emploi ;
- elle contribue au maillage du territoire par la présence d'unités industrielles soutenues dans le cadre du programme.
L'agriculture ultramarine mobilise 34 200 emplois à temps plein sur les départements des Antilles, de la Guyane et de La Réunion et 13 400 à Mayotte. Elle se déploie sur 24 800 exploitations dans les quatre départements et 15 700 à Mayotte.
Si la surface agricole utilisée en Guyane a progressé entre 2000 et 2010, celle des Antilles et de La Réunion a perdu 17 840 hectares pour atteindre 99 560 hectares en 2010. 31 768 hectares et 24 975 hectares sont cultivés à la Guadeloupe et à la Martinique. À La Réunion, la SAU se stabiliserait autour de 42 810 hectares, soit 880 hectares de moins qu'en 2000.
Les orientations économiques « fruits » et « grandes cultures » dominent aux Antilles et à La Réunion. À la Martinique, la banane, qui mobilise 70 % de la SAU des exploitations spécialisées en « fruits », lesquelles exploitent 98 % de la surface totale de banane, donne toujours un poids économique prépondérant à cette orientation. Avec la canne, les grandes cultures dominent à la Guadeloupe et à La Réunion. La canne occupe 70 % de la SAU de cette orientation et 90 % de la sole cannière totale à la Guadeloupe. Pour La Réunion, les chiffres sont respectivement 90 % et 80 %.
Le maraîchage et les légumes frais de plein champ maintiennent ou renforcent légèrement leur poids économique. Les orientations animales spécialisées comportent peu d'exploitations et pèsent peu dans l'économie globale. En Guyane les orientations dominantes des exploitations sont plus équilibrées en zone intérieure. Les « grandes cultures » sont surtout caractérisées par la production de tubercules, les « fruits » occupant le littoral.
S'agissant du rhum des DOM, la typologie (rhum agricole/de sucrerie, degré d'alcool) et les spécificités par rapport aux rhums des autres pays sont les suivantes :
La production de rhum représentait en 2011 plus de 275 000 hectolitres d'alcool pur (HAP), dont 114 000 HAP pour La Réunion, 83 000 HAP pour la Martinique, 75 600 HAP pour la Guadeloupe et un peu moins de 2 800 HAP pour la Guyane.
Les DOM comptent 17 distilleries agricoles (dont 9 en Guadeloupe, 7 en Martinique et une en Guyane) et 7 distilleries de rhum de sucrerie (dont 3 à La Réunion, 3 en Guadeloupe et une en Martinique). La part de rhum agricole par rapport au volume total de rhum produit dans les DOM était de 39 % en 2011.
Une dénomination spécifique est reconnue au niveau communautaire, à savoir le terme de « rhum traditionnel ». Ce type de rhum comporte des caractéristiques techniques particulières qui sont précisées dans des textes européens (notamment son degré d'alcool qui ne peut être inférieur à 40 %). La définition renvoie également au lieu de production ultramarin (matière première et processus de fabrication). En 2012, dans le cadre du contingent fiscal applicable au rhum traditionnel des DOM, 110 000 HAP de rhum traditionnel ont été commercialisés en France métropolitaine.
L'une des spécificités des rhums des DOM est leur degré d'alcool et leur centilisation. Les rhums des DOM sont historiquement vendus à des titrages plus élevés et dans des formats plus grands que les rhums concurrents issus de pays tiers (bouteilles de 70 centilitres à 37,5 degrés d'alcool majoritairement).
J'en viens maintenant aux débouchés de la production.
Globalement, le marché européen du rhum est en progression régulière depuis le milieu des années 1990. Il était de 313 459 HAP en 1986, pour passer à 791 542 HAP en 2006. Les quatre grands marchés de l'UE sont fortement segmentés. En France, les rhums proviennent majoritairement des DOM.
Sur le marché européen, au cours des vingt dernières années, on constate une progression des origines pays tiers et Afrique-Caraïbes-Pacifique (ACP) sur le marché communautaire, malgré un ralentissement sur les cinq dernières années. En 2011, les importations ACP et pays tiers représentaient 75 % de l'approvisionnement du marché européen en volume, la part des DOM étant de 25 %. La part relative des importations d'origine ACP a fortement diminué (ils représentaient 81 % des importations en 2002 contre 37 % en 2011).
70 % des expéditions des DOM sur le marché européen sont destinées au marché français (environ 140 000 HAP sur les 205 500 HAP expédiés sur le marché de l'UE en 2011).
S'agissant de l'évolution du marché français, le marché français des spiritueux est estimé, en 2011, à environ 380 millions de litres, ce qui représente 22,7 % des alcools mis sur le marché de la consommation. Le marché du rhum (grande distribution et consommation CHR - cafés hôtels restaurants) représente 7 % des spiritueux consommés en France soit 26,5 millions de litres.
Les ventes de rhum en CHR représentent 5 millions de litres. En 2011, 1es rhums pays tiers détenaient 19 % du marché total et 90 % de la consommation de rhum en CHR. Sur ce segment de marché, les ventes de rhum sont principalement réalisées par les deux plus grandes marques importatrices de rhums de pays tiers (Baccardi et Havana Club).
En 2012, les parts de marché des deux principales marques originaires de pays tiers ont augmenté de 13 % pour Havana Club et 8 % pour Baccardi. En comparaison, le rhum des DOM a progressé en moyenne de 3 % par an sur les dix dernières années.
Selon des estimations de la direction générale des douanes et des droits indirects (données reconstituées sur la base des droits de mise à la consommation perçus), les mises à la consommation de rhum produit localement dans chacun des DOM s'élèveraient pour l'année 2011 à 56 000 HAP environ, répartis de la manière suivante : Guadeloupe : 16 934 HAP ; Martinique : 18 822 HAP ; Guyane : 5 206 HAP ; La Réunion : 15 091 HAP.
Je vais vous présenter le bilan des aides publiques (européennes et nationales) à la filière canne-sucre-rhum, et notamment à la production de rhum.
Je vous rappelle que l'article 349 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne reconnaît les spécificités des départements d'outre-mer, en leur accordant le statut de région ultrapériphérique (RUP). À ce titre, les DOM bénéficient d'un certain nombre de « mesures spécifiques » qui adaptent le droit communautaire en tenant compte des caractéristiques propres et des contraintes particulières à ces régions, notamment l'insularité et l'éloignement du territoire européen.
Le POSEI France est doté, depuis 2010, de 278,41 millions d'euros de fonds européens, complétés par une enveloppe de crédits nationaux plafonnée à 40 millions d'euros pour les filières de diversification. Sur les 10 mesures mises en place, la filière canne-sucre- rhum représente 27% de l'enveloppe communautaire, avec un montant de 74,9 millions d'euros.
Le secteur de la canne à sucre et du rhum est le second secteur agricole aidé dans le cadre du POSEI après la banane (129 millions d'euros par an).
Le soutien de l'Union européenne à la filière canne-sucre-rhum, à travers le POSEI, est constitué de trois aides :
- une aide aux planteurs, pour le transport de la canne du bord du champ à la balance de pesée, pour un montant de 10 millions d'euros ;
- une aide aux industries sucrières, pour un montant de 59,2 millions d'euros. Cette aide vise à leur permettre de s'adapter à la réforme de 1'OCM sucre (organisation commune du marché du sucre) afin qu'elles maintiennent leur prix d'achat de la canne aux planteurs dans un contexte de baisse du prix de vente du sucre ;
- une aide aux distilleries au titre de la transformation de la canne en rhum agricole, pour un montant annuel de 5,7 millions d'euros.
À ces aides communautaires, s'ajoutent des soutiens nationaux au secteur sucrier et au rhum traditionnel des DOM. Dans le cadre du règlement (CE) n°247/2006 (article 16), la France est autorisée à verser des aides nationales à la filière sucrière des DOM pour un montant maximal de 90 millions d'euros par campagne sucrière.
Jusqu'en 2009, le budget consacré à la filière était de 59 millions d'euros au profit des planteurs de canne à sucre des trois DOM producteurs de sucre (aide à la production de cannes livrées en sucrerie). À partir de 2010, deux aides nouvelles ont été créées en faveur des industries sucrières des DOM :
- un complément national à l'aide forfaitaire d'adaptation des industries sucrières à la réforme de 1'OCM sucre versée dans le cadre du POSEI (pour un montant de 10 millions d'euros) ;
- une aide à l'écoulement des sucres produits dans les DOM et exportés sur le marché européen, pour un montant de 24 millions d'euros qui bénéficient à La Réunion et à la Guadeloupe.
Cette disposition est maintenue dans le futur règlement (CE) n° 247/2006 du Conseil modifié qui est en cours d'adoption.
S'agissant maintenant du contingent fiscal sur le rhum traditionnel des DOM, la filière rhum fait l'objet, dans le cadre d'une décision du Conseil des ministres de l'UE et des lignes directrices à finalité régionale applicables sur la période 2007-2013, d'une fiscalité dérogatoire visant à faciliter l'accès des rhums traditionnels des DOM au marché métropolitain, pour un différentiel maximum de 50 % des droits d'accise et un volume de 120 000 HAP jusqu'au 31 décembre 2013. Ce dispositif vise à compenser les surcoûts affectant la production de rhum dans les DOM.
Le régime du contingent fiscal est encadré par une décision de la Commission européenne au titre des « aides d'État » en date de 2007. Ce régime a été modifié à la suite de la loi de financement de la sécurité sociale 2012 et de la première loi de finances rectificative de 2012. II a ensuite fait l'objet d'une notification auprès de la Commission européenne en août dernier. Parallèlement, une demande de renouvellement du dispositif au Conseil, pour la période 2014-2020, doit être transmise prochainement par les autorités françaises.
Je rappelle que dans le cadre du Programme d'options spécifiques à l'éloignement et l'insularité des départements d'outre-mer (POSEI) France mis en place en 2006-2007, le montant des aides européennes versées aux filières agricoles des DOM est passé de 109 millions d'euros en 2006 à 272,5 millions d'euros en 2011. Entre 2007 et 2010, l'enveloppe POSEI en faveur de la filière canne-sucre-rhum est passée de 57,6 millions d'euros à 74,9 millions d'euros, soit 26,9 % du budget POSEI. En outre, la France est autorisée à compléter le montant alloué sur fonds communautaires aux mesures de diversification par des crédits nationaux, dans la limite de 40 millions d'euros par an.
La mesure qui bénéficie de l'enveloppe financière la plus importante est la filière banane avec 129 millions d'euros par an (46,4 % du budget POSEI). Les aides à la diversification végétale s'élevaient à 17 millions d'euros en 2011 (6,1 % du budget POSEI) et l'enveloppe en faveur des productions animales (regroupant 3 aides : primes animales, importation d'animaux vivants et structuration de l'élevage) à 35,1 millions d'euros (12,6 % du budget POSEI). À cela, il faut ajouter la mesure RSA pour un montant de 20,7 millions d'euros en 2011 (7 % du budget POSEI), qui cible en priorité l'alimentation animale ainsi que des actions transversales.
Vous avez cité une aide d'État destinée aux planteurs. Cette aide revient normalement aux départements. Pourquoi la Martinique n'en bénéficie-t-elle pas ? En Martinique en effet, ce sont les conseils général et régional qui financent cette aide, et non l'État. Par ailleurs, le taux d'alcool du rhum traditionnel ne peut pas descendre en dessous de 40 %. Or, vous avez évoqué le chiffre de 37,5 %. Le taux élevé d'alcool met en difficulté notre rhum compte tenu des habitudes de consommation du marché européen. Les jeunes en particulier consomment des cocktails ; or, Baccardi par exemple livre la totalité du rhum pour le mojito, qui est moins alcoolisé.
J'évoquais les règles de fixation des droits d'accise. S'agissant de l'aide aux planteurs, qui n'existe pas dans tous les DOM, faites-vous référence à la « prime bagasse » ou à l'aide au transport de la canne du champ à la sucrerie ?
C'est donc l'aide à la livraison du bord de champ à la balance. C'est une aide gérée localement, qui n'est pas consommée intégralement. Je vais m'enquérir d'une réponse.
Avez-vous déjà une idée des négociations en cours sur le renouvellement du régime fiscal ?
Le régime s'arrête en 2013. Nous envisageons pour le rhum traditionnel des DOM une contribution Sécurité sociale (une « vignette ») de 542,33 euros par HAP. On s'est posé la question de la mise en place d'une nouvelle aide d'État sachant que les accises sont plafonnées. On souhaite pouvoir adapter le droit d'accise pour le rhum des DOM et atteindre un montant d'aide, sachant qu'il y a un plafond de 50 % fixé par le Conseil européen, de 844,52 euros par HAP. Nous proposons aussi un mécanisme nouveau spécifique aux petites distilleries (moins de 2 000 HAP) en fixant la vignette de Sécurité sociale à 1,63 euros par litre. Ces propositions constituent la base de négociation du ministère de l'agriculture.
La production de sucre blanc, de 180 000 tonnes, est en-deçà du quota, qui est de 400 000 tonnes. Pourquoi n'utilise-t-on pas tout le quota ? Est-ce un problème de prix ? Quelle est la tendance de consommation du sucre blanc ?
C'est vrai qu'on n'utilise pas tout le quota. Mais nos industries sucrières se sont modernisées grâce au dispositif d'aides. Elles ont une capacité de production qui dépend de la production de canne sujette aux aléas climatiques. Elles fonctionnent au mieux de leurs capacités par rapport au matériel industriel. Et la tendance des prix est tout-à-fait satisfaisante.
Depuis quand la superficie agricole de la canne à sucre tend-elle à diminuer ? J'avais le sentiment que c'était le contraire.
La tendance à la baisse a été constatée entre les deux recensements agricoles, sur dix ans. C'est une tendance générale sur la période.
Vos propositions, qui sont fortes, sont-elles partagées par les autres ministères ? Avez-vous rencontré les professionnels ?
Nous avons eu plusieurs réunions interministérielles qui ont permis d'avancer. Nous avons besoin d'un soutien pour que la négociation aboutisse.
Il existe un risque de contentieux avec la Commission européenne. Nous nous trouvons en difficulté car nous avons notifié en retard. Où en est-on ?
C'est le ministère des outre-mer qui pilote la négociation ; nous avons répondu aux observations de la Commission sur la notification. La Commission européenne nous reproche l'illégalité partielle de notre aide sur une période. Elle n'est pas satisfaite de toutes nos réponses. Nous négocions pour que la baisse du montant autorisé n'excède pas 7 millions d'euros, soit un montant de 103 millions d'euros au lieu de 110 en 2012. Nous avons bon espoir d'aboutir mais sommes toujours en négociation sur le montant.
Messieurs, je propose que vous commenciez par vous présenter brièvement.
Je suis le président des rhums Damoiseau, une entreprise familiale qui produit entre 12 et 14 mille hectolitres d'alcool pur (HAP) par an, ainsi que le représentant de l'interprofession des rhums traditionnels des départements d'outre-mer, le CIRT-DOM.
Je suis pour ma part vice-président de l'interprofession et vice-président de la compagnie financière européenne de prises de participation (COFEPP), qui détient notamment le groupe « La Martiniquaise ».
Notre interprofession, créée en 1995, regroupe pour l'ensemble des DOM les quatre étages de la filière canne-sucre-rhum : les planteurs de canne, mais aussi les usiniers des sucreries, dont les mélasses sont à la base du rhum de sucrerie, les distillateurs de rhum agricole et de rhum de sucrerie et enfin le négoce.
Le combat qui nous attend pour renouveler le dispositif d'aide - qui date de 1924 - s'annonce difficile et nous vous remercions du soutien que vous nous apportez.
C'est en effet notre objectif, à travers le dépôt d'une proposition de résolution européenne.
Nous sommes bien conscients de la nécessité de cet appui, car en face, la Commission est surtout soucieuse de libéraliser le commerce des spiritueux. De leur côté, les États-Unis n'hésitent pas accorder des aides très importantes - 263 millions de dollars par an - aux Îles Vierges et à Porto Rico. L'aide fiscale est notre dernier rempart.
En ce qui me concerne, j'ai longtemps été délégué général du CIRT-DOM et j'en suis désormais conseil. À ce titre, je suis pas-à-pas les négociations en cours.
Quant à moi, je suis le délégué général d'Eurodom, qui représente les intérêts des différents secteurs économiques des départements d'outre-mer, que ce soit le rhum ou d'autres, auprès des institutions françaises et communautaires.
Avant tout, je tiens à souligner que dans le dispositif qui nous intéresse aujourd'hui l'aide bénéficie directement au consommateur, en permettant de réduire de 4 à 5 euros le prix de la bouteille. À l'inverse, aux États-Unis, l'aide est versée directement au producteur, ce qui leur permet de nous concurrencer directement sur notre marché.
Celui-ci a crû de 1 % entre 2011 et 2012 ; dans le même temps, le volume du rhum des pays tiers a augmenté de 20 %. À l'origine, l'idée européenne était de protéger ses productions, mais aujourd'hui ça n'est plus le cas.
Pouvez-vous nous présenter les contraintes pesant sur l'activité de la filière et nous décrire l'apport du régime fiscal dérogatoire ? Nous parlerons ensuite des négociations en cours au niveau communautaire.
Pour situer l'enjeu, il faut rappeler que l'aide d'État s'élevait environ à 80 millions d'euros par an. Suite aux changements intervenus dans la fiscalité et à l'augmentation du contingent, le projet que va proposer le Gouvernement à la commission porte sur une enveloppe de 103 millions d'euros. Je précise que cette enveloppe est à la seule charge du budget français et ne pèse pas sur le budget communautaire.
Le SGAE a transmis la demande de renouvellement à la direction générale de la concurrence (DG Comp), mais pas encore à la direction générale de la fiscalité et de l'union douanière (DG Taxud).
Le soutien porte sur un contingent de 120 000 HAP, réparti entre les quatre DOM puis entre les distilleries.
On est passé progressivement de 90 000 HAP à 108 000, puis de 108 000 à 120 000 HAP.
En 2012, 109 000 HAP ont été commercialisés, contre 90 000 il y a six ans. Le rhum est le véritable moteur de la filière canne.
Le document remis par le premier ministre à la DG Comp est excellent et a reçu le plein soutien de l'interprofession. Il a demandé de longues négociations, mais je crois qu'il faut rappeler que le CIRT a de très bonnes relations avec les différents ministères concernés.
Le régime est renouvelable tous les cinq à sept ans. Si on obtient le renouvellement pour 2014, on irait jusqu'en 2020. Obtenir les 103 millions d'euros serait une victoire importante pour la filière et un facteur de stabilisation.
Cette visibilité à sept ans pose problème, car les investissements sont réalisés sur des durées d'amortissement de 20 ans.
C'est vrai, mais l'amortissement fiscal de nos investissements se fait sur 20 ans. Cette épée de Damoclès qui pèse sur nos têtes tous les sept ans est difficile à gérer.
Pour poursuivre la trame que vous nous avez transmise, je crois qu'il faut particulièrement souligner le lien entre le rhum des DOM et le secteur agricole, qui vient de la définition même du produit.
Le règlement (CE) n° 110/2008 définit les boissons spiritueuses dans l'UE et donc notamment le rhum et le rhum traditionnel des DOM. Mais ces deux notions définissent des choses bien différentes. Pour le rhum traditionnel des DOM, en application de ce texte, nous sommes le seul pays du monde à avoir une définition qui nous oblige à utiliser uniquement des matières premières locales : le rhum de la Martinique par exemple doit être produit avec des cannes de la Martinique.
Or, nous nous battons contre des producteurs qui n'ont pas ces contraintes. On voit même des rhums à 22 degrés ! Je me souviens de l'étonnement d'une délégation de députés européens venue visiter les distilleries à la Martinique et à Sainte-Lucie il y a une dizaine d'années : à la Martinique, ils avaient pu voir les champs de canne autour des distilleries ; mais quand nous nous étions ensuite rendus à Sainte-Lucie, il n'y avait plus de canne. La mélasse arrive directement par tanker de Colombie et est distillée dans le port. Et il en est de même aux Bahamas, à Porto Rico et aux Îles Vierges.
Ce lien avec l'agriculture est une autre justification de l'aide : il pèse sur les coûts et complique le processus de production, mais il permet, au niveau local, l'existence d'une filière canne dans son ensemble.
L'ensemble de l'interprofession est-elle sur la même ligne, que ce soit les gros producteurs comme les petits ? Et les producteurs de spiritueux métropolitains ?
Je suis directement concerné par la question car les rhums Damoiseau représentent 2,5 % du contingent : nous sommes donc un « gros petit » si je puis dire. Il faut être honnête, sans l'aide fiscale et les aides européennes, nous n'existerions pas. Il y a donc unanimité de l'interprofession pour soutenir le système. Il a fait ses preuves et a permis à beaucoup de distilleries de se développer. Elles sont nombreuses à connaître des difficultés aujourd'hui, mais sans aide, beaucoup auraient dû fermer leurs portes.
S'agissant de l'entente des producteurs au niveau national, elle me semble impossible. Le groupe Pernod-Ricard détient le rhum Havana Club, produit à Cuba ; ils ont un bar dédié à cette marque dans le quartier de bastille, le « Barrio latino ». Leurs coûts de production sont bien inférieurs et c'est aussi pour ça que nous avons besoin de cette protection.
Car la sensibilité au prix est forte : quand le droit d'accise a augmenté pour les autres alcools, nos ventes ont augmenté de 30 %. On considère qu'au-delà de 17 euros le litre à 50 degrés, il n'y a plus d'acheteurs. Sans aide fiscale, quelques gros producteurs auraient la force marketing pour résister, mais les rhums des pays tiers prendraient le dessus.
Je vous encourage à rencontrer les producteurs des petites distilleries, vous verrez qu'ils sont conscients de l'importance du dispositif.
Avant de transmettre sa proposition à Bruxelles, le Gouvernement s'est d'ailleurs assuré qu'elle emportait le soutien de l'ensemble de la profession.
Le fait de devoir renégocier tous les six ans est un vrai problème. Il y a ce combat à mener pour 2014, mais il y en aura d'autres. L'Europe pêche par un excès de libéralisme, il faut s'assurer de conserver une production locale.
À ce propos, avec la suppression des droits de douane européens pour le Brésil, le Venezuela, le Guatemala, le Pérou et la Colombie, certains États de la Caraïbe ont perdu 60 % des débouchés pour leurs rhums. Je pense à la Jamaïque, à Trinidad et Tobago ou au Guyana.
Quatre mois après la suppression des droits de douane, le groupe Diageo - premier producteur mondial de spiritueux, qui commercialise notamment les rhums Zacapa et Captain Morgan - a investi au Guatemala pour profiter de cette libéralisation. Et nous savons qu'il va maintenant s'attaquer au marché français. Le droit de douane représentait 0,6 euros par litre d'alcool pur (LAP) et le coût de production dans ce pays est de 0,8 euros par LAP. La suppression du droit de douane est donc extrêmement rentable pour eux. Cela va être mortel pour les pays que je vous citais, qui envisagent d'ailleurs de porter plainte à l'OMC, notamment contre le Brésil. Il en serait de même pour les DOM si nous n'avions pas cette aide fiscale.
C'est ce qui est arrivé à la banane antillaise. L'Europe ne peut pas sacrifier ses productions au profit de la libéralisation douanière.
L'avantage du rhum par rapport à la banane, c'est qu'il peut y avoir une labellisation et un travail de marketing.
C'est la DG Comp. De plus, comme celle-ci travaille sans s'entourer des conseils des autres directions, il n'est pas possible d'intervenir auprès d'autres directions générales ou d'autres commissaires. Le service juridique de la Commission, qui est consulté par la DG Comp, est également souvent un adversaire.
Il y a aussi la direction générale du commerce (DG Trade), qui encourage les accords commerciaux.
Je pense qu'il ne faut pas centrer notre résolution sur l'augmentation de la consommation, pour des raisons de santé publique, mais sur la protection de la filière.
Il est vrai que 2020 est un horizon trop court, mais il en est de même pour tous les secteurs. Je suis le dossier de la PAC : il arrive que ce soit même à un horizon de cinq ans. Il ne faut donc pas croire que l'on pourra changer cela.
S'agissant de l'aide fiscale, la Commission a-t-elle saisi la Cour de justice des Communautés européennes ?
Non. Le Gouvernement français a notifié le régime à la Commission et va demander le renouvellement de l'aide à la DG Taxud. La consultation a commencé, elle peut durer trois à quatre mois.
Ce qui caractérise cette négociation, c'est qu'il y a deux points : d'une part le renouvellement du dispositif pour l'après 2014, qui devait de toute façon avoir lieu ; et d'autre part la négociation sur le régime en vigueur depuis 2012, dont la commission étudie la conformité aux traités.
Il est donc plus difficile d'être ferme pour la négociation sur le renouvellement alors que l'on se retrouve en position de faiblesse, devant les mêmes interlocuteurs, pour la négociation sur le dispositif actuel. Les appuis supplémentaires dont nous pouvons bénéficier, comme celui du Sénat aujourd'hui, s'avèrent donc particulièrement utiles.
D'après nos informations, les négociations sont en bonne voie.
Je m'interroge sur les perspectives d'avenir. La demande en Europe se porte de plus en plus sur les cocktails comme le mojito, qui nécessitent des rhums à 37 degrés. C'est ce que l'on appelle chez nous du « coco merlo » ! Ça a la couleur du rhum, l'odeur du rhum mais ce n'est pas du rhum ! Aux Antilles, il est à 50 degrés. Même au restaurant du Sénat, ils servaient du « coco merlo » ! Nous avons obtenu que cela soit changé. Donc, le marché européen progresse - plus 3 % l'an dernier - mais la politique commerciale des autres rhums est très agressive. Heureusement, les rhums des Antilles font des efforts sur la distribution.
Il y a aussi la différence de contenance des bouteilles. Nous avons essayé de faire des bouteilles de 70 centilitres, mais cela n'a pas marché. Le consommateur local souhaite des bouteilles d'un litre.
Il faut aussi parler de la concurrence déloyale du Guatemala : les produits de ce pays ne respectent pas la définition du rhum, qui ne doit pas être aromatisé, par adjonction d'épices par exemple, ou édulcoré, par adjonction de sucre.
Nous avons interpelé les services des fraudes sur ce point, qui nous ont répondu que la Commission européenne avait approuvé la fiche du rhum du Guatemala et qu'elle n'entendait pas la transmettre aux autorités françaises. C'est donc la France elle-même qui doit saisir des bouteilles et prouver qu'il est édulcoré et aromatisé.
J'ajoute que des accords sont en cours de négociation avec l'Inde et le Mercosur, qui vont aboutir à une nouvelle libéralisation des échanges. Le projet de définition du rhum en Inde est tel qu'on peut en faire à partir de betterave !
Il y a également des fraudes sur l'âge des rhums : nous savons bien, nous professionnels, qu'un rhum trois ans d'âge Havana Club n'a pas vraiment trois ans d'âge.
Ainsi, on voit que nous sommes soumis à de nombreuses contraintes, que ne supportent pas nos concurrents.
Pour se protéger de la concurrence guatémaltèque, pourquoi ne pas déposer une appellation d'origine contrôlée (AOC) ou une indication géographique protégée (IGP) ?
Vous avez raison. Nous avons jusqu'en 2015 pour le faire.
La Martinique a une AOC, mais n'est pas protégée pour autant. Ça ne suffit plus.
On a l'impression que la question des territoires d'outre-mer ennuie profondément l'Union européenne.
Sur un autre sujet, je pense que dans la mesure où le droit d'accise et la vignette de sécurité sociale ont la même assiette, il faudrait songer à les fusionner. Car pour l'Union européenne, il s'agit de deux aides différentes.
Il ne faut pas trop compter là-dessus.
Est-ce que l'aide fiscale a permis de moderniser l'outil de production ?
Oui et d'ailleurs je souligne que nous pensons beaucoup de bien de l'Europe. C'est grâce à elle et à l'État français que les rhums Damoiseau ont pu développer une activité à l'international.
Le contingent est réparti, les parts de marché s'en retrouvent donc stabilisées. La modification du contingent en 2008 a bénéficié essentiellement à la Guadeloupe, avec une augmentation de 5 000 HAP.
Les rhums des DOM représentent 80 % du marché métropolitain et les pays tiers 20 %, parmi lesquels on compte notamment des rhums cubains. Le groupe Bacardi détient à lui seul 5 % du marché. Mais le taux de croissance du Havana Club était de 22 % l'an dernier, contre 3 % ou 4 % pour les rhums des DOM.
C'est aussi un problème de taille. Le groupe Pernod-Ricard a pu s'associer directement à l'État cubain, via la société « Cuba exports ». Nous connaissons les dotations des États-Unis aux îles vierges car elles sont décidées publiquement, mais on ne sait pas ce que reçoit Pernod-Ricard à Cuba.
Notre objectif est d'aboutir au dépôt d'une proposition de résolution européenne permettant de peser sur les négociations dans le cadre du renouvellement du régime fiscal du rhum traditionnel des DOM. Plusieurs des intervenants qui vous ont précédés nous ont présenté la filière. Il n'est donc pas utile que vous reveniez sur ce point et il serait plus utile que vous vous concentriez sur le régime dérogatoire et sur la procédure en cours au niveau européen.
Le rhum est défini assez précisément au niveau communautaire. Il existe en effet un « règlement spiritueux », le règlement du Conseil (CEE) n° 110/2008 du 15 janvier 2008, qui définit le rhum, le rhum traditionnel et les rhums de sucrerie ou agricole. Le rhum est ainsi la boisson spiritueuse obtenue exclusivement par fermentation alcoolique et distillation, soit des mélasses ou des sirops provenant de la fabrication du sucre de la canne, soit du jus de la canne à sucre lui-même. Ce règlement précise également la teneur en substances volatiles qui doit atteindre un niveau minimum pour garantir une certaine flaveur du rhum.
On distingue deux types de rhum : le rhum de sucrerie, d'une part, qui est un produit secondaire de la canne à sucre, issu de la mélasse, et le rhum agricole, d'autre part, issu de la fermentation du jus de canne à sucre, le vesou. Le terme « traditionnel » peut compléter l'une des indications géographiques mentionnées dans le règlement lorsque le rhum est produit par distillation à moins de 90 % du volume après fermentation alcoolique de produits alcooligènes exclusivement originaires du lieu de production considéré. En d'autres termes, le rhum traditionnel ne peut utiliser de la mélasse ou du jus de canne importé. Le terme « traditionnel » n'exclut pas l'utilisation des termes « issu de la production de sucre » ou « agricole » qui peuvent être ajoutés à la dénomination de vente « rhum » et aux indications géographiques. On trouve ainsi sur le marché du « rhum traditionnel issu de la production de sucre » ou le « rhum traditionnel agricole » - qui est pour les connaisseurs le meilleur rhum.
Depuis longtemps, on a essayé de protéger le rhum des DOM - en grande partie exporté vers l'Europe et en particulier vers l'hexagone - de la concurrence des alcools des pays tiers, pays qui ne disposent pas des mêmes normes sociales et environnementales. Ces alcools arrivent donc à un prix très inférieur par rapport au coût de revient du rhum des DOM. Une directive de 1992 a ouvert la possibilité d'appliquer un taux d'accise réduit jusqu'à 50 % au rhum récolté sur le lieu de fabrication. Cette directive ne précisait pas que cette possibilité était réservée aux rhums des DOM. La profession, craignant que cette possibilité soit utilisée pour les rhums issus des pays tiers, a préféré ne pas se contenter de cette directive - qui est toujours en application. Ce texte a donc été complété par une décision du Conseil du 30 octobre 1995 qui prévoit que les États membres peuvent appliquer un taux d'accise réduit jusqu'à 50 % uniquement pour les rhums des DOM. Cette décision constitue le fondement juridique des dispositions actuellement en vigueur.
Le régime dérogatoire actuel est fondé sur l'article 349 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne (TFUE) qui permet de prendre des mesures dérogatoires compte tenu des handicaps permanents des régions ultrapériphériques (RUP). Ce régime est autorisé par deux décisions : une décision du Conseil de 2011, qui porte sur le différentiel du taux d'accise, et une décision de la Commission de 2006 dans le cadre des aides d'État. La décision du Conseil prévoit la possibilité pour les États membres d'appliquer un différentiel pouvant aller jusqu'à 50 %. Si l'État membre veut utiliser cette faculté, il lui faut demander à la Commission l'autorisation d'appliquer cette aide d'État, en la décrivant avec précision.
Jusqu'au 31 décembre 2013, la France peut ainsi appliquer au rhum traditionnel produit dans ses quatre DOM et mis à la consommation dans l'hexagone un taux d'accise réduit à condition que ce taux ne soit pas inférieur à 50 % du taux d'accise national normal sur l'alcool. Ce taux s'applique exclusivement au rhum traditionnel produit à partir de canne à sucre récoltée sur le lieu de fabrication et ayant un titre alcoométrique acquis égal ou supérieur à 40 degrés. Cette précision sur le titre alcoométrique ne figurait pas dans le « règlement spiritueux » mais elle est importante : on ne peut pas appliquer ce mécanisme à des rhums dont un titre est inférieur à 40 degrés, ce qui est souvent le cas pour les rhums issus de pays tiers.
Des discussions ont par ailleurs eu lieu sur la définition du contingent : le taux d'accise réduit est limité à un certain contingent, qui a évolué avec le temps. Le premier contingent était fixé à 75 000 hectolitres d'alcool pur (HAP). Il a atteint 108 000 HAP en 2011 et il a été relevé , suite à une demande de la profession, à 120 000 HAP. Le contingent n'est pas utilisé aujourd'hui : seuls 110 000 HAP sont mis sur le marché. Si la production continue à augmenter, la France pourra demander une nouvelle augmentation.
Ce régime fiscal assure un débouché sur le marché européen au rhum des DOM face à la concurrence croissante des produits des pays tiers et des pays ACP. Ce différentiel de taxation se mesure en termes d'enveloppe par la différence entre ce que paieraient les rhums des DOM s'ils ne bénéficiaient d'aucune mesure de réduction et ce qu'ils paient effectivement. Cette enveloppe est importante : elle est estimée à 111 millions d'euros par an, contre 66 millions d'euros en 2007. Cette somme permet de compenser des coûts de production largement supérieurs à ceux des rhums concurrents et d'améliorer l'accès aux marchés.
La suppression de ce dispositif serait répercutée sur le prix de vente des rhums des DOM. Ils sont vendus aujourd'hui entre 15 et 18 euros par litre. Les alcools des pays tiers sont vendus à environ 13 euros, mais certains produits comme la cachaça - qui n'a pas la dénomination de rhum - sont vendus à 10 euros par litre. La répercussion de la suppression de ce dispositif conduirait à passer le prix de vente des rhums des DOM à 20 euros par litre. Ils n'auraient alors plus d'accès au marché de la grande distribution. Ce dispositif est donc indispensable à l'écoulement du rhum des DOM sur le marché hexagonal.
Le volume de l'enveloppe fait aujourd'hui l'objet de discussions avec la Commission européenne. Jusqu'en 2011, le contingent de 108 000 HAP avec une enveloppe d'aide de 78 millions d'euros ne posait pas de problème. Des modifications introduites dans la loi de financement de la sécurité sociale (LFSS) pour 2012 ont fait passer l'enveloppe à 111 millions d'euros. La Commission européenne demande à la France de justifier cette augmentation. Pendant un temps, il a été dit aux élus ultramarins que ce qui était demandé pour 2012 consistait juste à maintenir ce qui existait en 2011. Ce n'était pas exact ! Or, cette augmentation du montant de l'aide est difficile à justifier. Malgré la notification, la France est donc toujours dans un jeu de questions-réponses avec la Commission.
Plus précisément, la LFSS pour 2012, modifiée ensuite par la première loi de finances rectificative (LFR) pour 2012, a - pour des raisons budgétaires et de santé publique -accru le niveau des droits d'accise supportés par tous les alcools au 1er janvier 2012. Le droit d'accise est passé de 1 517 euros à 1 660 euros par HAP. L'assiette d'une deuxième taxe, la vignette de sécurité sociale (VSS), a été modifiée : jusqu'au 31 décembre 2011, elle était fixée à 1,60 euro par litre volume pour tous les alcools de plus de 16 degrés. Elle était donc identique pour un alcool à 20 degrés et un alcool à 50 degrés. Pour des raisons de santé publique, le Gouvernement a souhaité aligner la base de la VSS sur celle de l'accise, c'est-à-dire en litre d'alcool pur. La VSS est désormais fixée à 533 euros par HAP pour tous les alcools à partir de 18 degrés. Pour protéger la compétitivité de la production ultramarine, le législateur a décidé de maintenir le droit d'accise applicable au rhum traditionnel des DOM à son montant de 2011 accru du taux de l'inflation. Au 1er janvier 2012, le droit d'accise est ainsi passé à 872 euros - contre 1 660 euros pour les autres alcools. Fin février 2012, la LFR a un peu réévalué ce taux en le portant à 903 euros, suite à un courrier de la Scotch Whisky Association qui s'est émue auprès de la Commission européenne de l'augmentation considérable de l'avantage dont bénéficie le rhum des DOM. La différence était ainsi de 4 euros entre une bouteille de rhum des DOM à 40 degrés et une bouteille de whisky à 40 degrés. Le différentiel a donc été réduit dans des proportions très limitées. Parallèlement, la VSS a été plafonnée : on a précisé qu'elle ne pouvait pas dépasser 40 % du droit d'accise. Dans les faits, cette mesure s'applique uniquement au rhum des DOM. Pour cet alcool, la contribution de la VSS est de 361 euros.
On a donc une double dérogation : un droit d'accise réduit et un plafonnement de la VSS, ce qui a fait passer l'enveloppe de 79 à 111 millions d'euros par an. Cette mesure - qui s'applique depuis le 1er janvier 2012 - n'est pas compatible avec la règlementation communautaire. Il n'était pas possible de la notifier avant de connaître le dispositif retenu par le Parlement. Par la suite, la période de changement de Gouvernement et les incertitudes quant à la position du nouveau Gouvernement sur ce dossier - cette mesure constituant un manque à gagner pour l'État - explique le délai avant la prise de décision. Des premiers contacts informels ont été pris avec la Commission en février 2012. La notification a été effectuée seulement en août 2012. L'aide générée par la réduction du droit d'accise atteint 90 millions d'euros, soit un montant supérieur au montant autorisé par la Commission européenne. Le plafonnement de la VSS, de 21 millions d'euros, n'a pas reçu d'autorisation. La décision du Conseil n'autorise en effet que la réduction du droit d'accise.
Le différentiel total de taxation a donc été porté à 42 % en 2012, chiffre qui a beaucoup circulé. Certains ont estimé que ce taux était déjà de 42 % en 2011 et qu'il était donc logique de demander le même taux en 2012. Cette affirmation est cependant faussée car l'assiette de calcul a été modifiée : le taux de 42 % correspond en 2011 au différentiel du taux d'accise. Si on ajoute la VSS - alors calculée en litre volume et qui constituait un avantage pour un alcool à 50 degrés par rapport à un alcool à 40 degrés -, le différentiel atteignait alors seulement 36 %. En 2012, on est donc passé de 36 à 42 %. C'est ce différentiel qui doit être justifié auprès de la Commission européenne, mais également une nouvelle aide d'État, puisqu'aucune décision du Conseil n'autorisait à appliquer une aide en utilisant la VSS. La Commission s'est pour l'instant réservé le droit d'enregistrer cette aide au registre des aides illégales.
Malgré les tentatives de la France pour justifier cette aide, la Commission ne l'accepte pas. Elle considère que les justifications des surcoûts (augmentation des intrants, surcoûts d'accès aux marchés) ne sont pas convaincantes. Le Gouvernement a donc décidé de modifier la notification pour réduire l'enveloppe de 8 millions d'euros. Le plafonnement de la VSS serait supprimé, ce qui permettrait d'échapper à la critique portant sur la notification d'une aide illégale et de conserver une enveloppe satisfaisante pour le rhum des DOM. Par ailleurs le maximum de différentiel autorisé par la décision du Conseil serait utilisé, c'est-à-dire 50 %. Une mesure serait prise en faveur des petites distilleries, les plus vulnérables : elles peuvent plus difficilement amortir les équipements et elles n'ont pas le même pouvoir de discussion avec la grande distribution et donc pas le même accès au marché. Par ailleurs, elles produisent du rhum agricole à 50 degrés et donc plus taxé : contrairement aux « grosses » distilleries qui produisent souvent également du rhum de sucrerie, elles ne peuvent compenser cette taxation par le bénéfice tiré sur des bouteilles moins taxées. Cette disposition conduirait à demander que, pour ces petites distilleries, la VSS soit calculée sur la même base que ce qui existait en 2011. Cette mesure serait relativement limitée : les 11 petites distilleries disposent d'un contingent de 8 800 HAP.
La Commission a pris connaissance de ces éléments, sans, à ce jour, avoir pris une position officielle. Nous avons le sentiment qu'elle est satisfaite que cette proposition aille dans le bon sens. Un point reste sensible : à quelle date cette modification sera appliquée ? Aura-t-elle un effet rétroactif au 1er janvier 2012 ? Sur le premier point, un vecteur législatif est nécessaire - comme il s'agit d'une disposition budgétaire, un vecteur budgétaire - mais nous n'avons pas de visibilité. Sur le second point, nous souhaiterions que la Commission passe l'éponge sur ce qui s'est passé en 2012 pour ne pas demander 8 millions d'euros aux distillateurs. Une intervention politique sera certainement nécessaire sur ce point. Il faut dans tous les cas éviter qu'une procédure d'aide illégale soit enclenchée. La Commission serait en effet alors en droit de demander le remboursement de la totalité de l'aide. Par le passé, plus de 100 millions d'euros ont ainsi dû être remboursés à cause d'aides à la production végétale de l'hexagone. 40 millions d'euros d'aides à la pêche durable ont également dû être remboursés. Par ailleurs, si cette procédure était lancée, tous les concurrents des rhums des DOM auraient accès au dossier.
L'objectif est donc d'aboutir à un compromis et de faire passer l'aide à 103 millions d'euros. Que va-t-il se passer à compter du 1er janvier 2014 ? Nous demandons le renouvellement de la décision du Conseil. Pour ce qui concerne l'aide d'État, la demande n'est pas encore réintroduite, car nous ne savons pas quelle sera la décision finale de la Commission sur l'aide actuelle.
C'est un sujet particulièrement important mais très complexe. Nous vous remercions donc de nous transmettre des éléments écrits.
Votre exposé est complexe mais ce dossier nous intéresse beaucoup. Il m'inquiète car il montre qu'il ne suffit pas de défendre la filière. Il faut aussi anticiper les réactions de la Commission européenne.
Jusqu'à présent, les autres ministères nous ont laissé la main sur ce dossier. Nous avons dû défendre une mesure qui avait été votée par le Parlement - et qui n'était pas la mesure que nous avions défendue initialement - et nous sommes en train de revenir en arrière.
Tout le monde est d'accord pour mettre en place une mesure de protection du rhum des DOM contre la concurrence insupportable des rhums des pays tiers. Un ouvrier brésilien qui coupe 8 tonnes de canne par jour est payé 3 dollars. Sans cette mesure, on risque la fin du rhum des DOM. La difficulté porte sur le volume de l'enveloppe, qui constitue le coeur de notre discussion avec la Commission européenne. Le volume de l'enveloppe actuelle se justifie par ces différences de coût, mais aussi par les accords de libre-échange que la Commission négocie avec les pays tiers. Pour la banane une mesure de compensation financière a été décidée, ce qui n'est pas le cas pour le rhum, alors que le rhum - comme tous les produits agricoles d'ailleurs - subit ces accords de baisse des barrières douanières. Il est vital de défendre cette filière capitale car elle sert de pilier et d'appui à toutes les mesures de diversification agricole. L'excellence technique de la culture de la canne à sucre outre-mer est reconnue au niveau international.