Intervention de Ernest Prévot

Délégation sénatoriale à l'Outre-mer — Réunion du 28 février 2013 : 1ère réunion
Thématique : renouvellement du régime fiscal européen applicable au rhum traditionnel des dom — Audition de M. Jean-Bernard deRly guadeloupe de M. Jérôme Isautier la réunion de Mme Claudine Neisson-vernant martinique et de M. Ernest Prévot guyane dirigeants de distilleries indépendantes

Ernest Prévot :

La Guyane est souvent oubliée quand on parle de rhum. Elle comptait naguère dix-sept distilleries ; fils de rhumier, je suis le dernier à survivre. Je tiens à laisser ce patrimoine à la Guyane ; avec le département et la région, nous y avons consacré un livre : Les Rhums Saint-Maurice. Reprendre et développer la distillerie familiale fut un long labeur, qui a exigé bien des sacrifices, mais les résultats sont là. Nous sommes reconnus au sein de la filière, même si nous représentons moins d'1 % du contingent des DOM ; membre de l'interprofession depuis dix ans, je mène le combat pour que la Guyane obtienne ce qui est accordé aux autres départements. La qualité de notre rhum est reconnue : j'en veux pour preuve notre prix d'excellence au concours général agricole en 2009, en 2012 et à nouveau en 2013.

Depuis 2004, je me bats pour obtenir les aides européennes. Nous étions partis sur un investissement de 5 millions d'euros, nous en sommes aujourd'hui à 8 millions, dont 4 financés par l'Union européenne. Les investissements seront finalisés en juin ; à cette occasion, j'ai invité le conseil d'administration de l'interprofession à siéger pour la première fois en Guyane. Vous êtes bien sûr les bienvenus !

Il s'agit de faire valoir notre nouveau procédé de production. Tout l'outil d'extraction a été rénové. Les services de l'État sont plus exigeants en termes de normes quand on est seul : l'arrêté préfectoral nous autorisant à exploiter comporte quinze pages de contraintes ! Le projet a traîné, les autorités voulaient nous éloigner du centre-ville de Saint-Laurent, sans indemnisation... Il a fallu se bagarrer. Bref, tout cela est derrière nous. Cette année, nous avons remporté deux médailles d'argent.

Difficile de mesurer l'impact d'une nouvelle fiscalité sur les rhums de Guyane. Ce département constitue le gros de mon marché : 1 million de litres en moyenne. Le prix a son importance, mais quand la qualité est là, il ne suffit pas à dissuader le client. Étant donné l'augmentation de mes coûts de production, mes prix ont augmenté de 40 %, sans que les ventes ne baissent. Pourtant, les multinationales vendent du rhum antillais en Guyane à moins de 4,50 euros - moins cher qu'en Martinique. C'est de la folie !

Il faut valoriser les rhums agricoles et de mélasse des DOM. Je ne crains pas la concurrence de la cachaça à 37,5 degrés : nous, nous consommons du rhum à 50 degrés et plus. Ce n'est pas le même produit, il n'est pas bu de la même façon. Avec un produit de qualité, nous avons un avenir sur le marché national. Il faut valoriser notre différence, sensibiliser les consommateurs. Le but n'est pas de faire plus de rhum - que jamais nous ne pourrons proposer au prix des producteurs ACP - mais de faire un produit de qualité.

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