Comme le Conseil constitutionnel a beaucoup de travail en ce moment, il n'est pas certain qu'il ne prenne pas tout le temps nécessaire pour examiner tous les textes dont il est saisi, dont celui-là.
Les moyens de ce recours, vous les connaissez : ils ont à l'instant été évoqués par notre collègue Mme Borvo.
Vous ne voulez pas reconnaître la jurisprudence du Conseil constitutionnel, qui est pourtant évidente : dans une décision de 1975, le Conseil constitutionnel a considéré qu'il n'était pas pensable que des affaires de même nature soient jugées ou par un tribunal collégial ou par un juge unique, selon la décision du président de la juridiction.
C'est très exactement la même chose ici : il faudrait une décision du président de la juridiction pour qu'un prévenu soit ou non jugé par une formation correctionnelle comprenant ou non un juge de proximité. C'est donc parfaitement anticonstitutionnel.
Par ailleurs, dans une décision datant d'août 2002, le Conseil constitutionnel a accepté que soient dévolues à la juridiction de proximité des compétences en matière pénale, dès lors que ne lui serait pas confié le pouvoir de prononcer des peines privatives de liberté.
Il est évident que si, dans une formation collégiale comprenant un juge de proximité, il y a divergence d'opinion entre les deux magistrats professionnels, c'est bien le juge de proximité qui est le juge de la peine privative de liberté finalement prononcée !
C'est tout de même un argument suffisamment sérieux, me semble-t-il, pour que vous vous y arrêtiez. Non ! Rien ne vous arrête ! Vous voulez absolument poursuivre, avec ces juges de proximité qui devaient être 3 300 et qui ne sont encore que 172, puisque, même si leur nombre augmente tous les jours, cela se fait à une vitesse extrêmement réduite.
J'en viens au troisième moyen du recours que nous déposerons rapidement devant le Conseil constitutionnel : il n'y a pas partout des juges de proximité. Par voie de conséquence, il y a une inégalité dans l'application de la loi : dans certains cas, il serait possible d'être jugé par un juge de proximité alors que ce serait impossible dans d'autres.
Monsieur le garde des sceaux, vous vous êtes emparé de l'exemple que je m'étais permis de donner : les avocats, avais-je indiqué, peuvent compléter le tribunal correctionnel.
Devant l'Assemblée nationale, vous avez même dit, chose curieuse me semble-t-il, qu'il n'y avait pas eu d'« exception d'inconstitutionnalité ». Depuis que cela est inscrit dans la loi - la loi n° 2004-204 du 9 mars 2004, dite « loi Perben II » en particulier -, on ne voit pas bien comment il pourrait y avoir une « exception d'inconstitutionnalité ».
Mais surtout, on ne peut ici faire de comparaison, car c'est l'avocat le plus ancien à la barre qui peut compléter le tribunal. Or des avocats à la barre, il en existe devant tous les tribunaux correctionnels.
On comprend très bien que, depuis très longtemps, pour permettre une marche effective du service public de la justice, le tribunal puisse être ainsi complété. Personne n'y a jamais trouvé à redire.
On peut dire également que les avocats présents à la barre d'un tribunal correctionnel, surtout que ce sont les plus anciens - bien souvent, il s'agit du bâtonnier -, connaissent tout de même un peu le droit pénal. Ce n'est évidemment pas le cas des nombreux magistrats des tribunaux administratifs et de la Cour des comptes, qui ont reçu une formation de cinq jours à l'ENA. Ils seraient pourtant amenés à compléter le tribunal correctionnel !