C’est la première fois que l’on parle autant de la retraite des femmes, et, il faut le reconnaître, le sujet est extrêmement riche, puisqu’il reflète les évolutions fondamentales de notre histoire économique et sociale.
D’une part, l’arrivée massive des femmes sur le marché du travail dans les années soixante-dix se manifeste aujourd’hui dans l’évolution de leur durée d’assurance. D’autre part, la montée du travail à temps partiel à partir des années quatre-vingt, la diminution, puis la stagnation des inégalités salariales se traduisent par d’importants écarts de niveau des pensions.
Un autre aspect essentiel est celui de la progression du nombre de divorces, et plus généralement de la fragilisation des unions, qui a été contemporaine de l’accès des femmes à l’autonomie financière : n’oublions pas de prendre en compte, dans la réflexion sur l’avenir du niveau de vie des retraités, le problème de l’isolement des personnes âgées, qui sera tout aussi important que celui du niveau des pensions.
Ces quelques remarques permettent de mieux situer l’approche de la délégation et l’état d’esprit qui anime ses recommandations, que je vous présenterai, mes chers collègues, de façon synthétique.
Tout d’abord, dans son analyse sur l’égalité des chances entre femmes et hommes, la délégation s’est d’abord attachée à prendre en compte le contexte restrictif général, qui a déjà été évoqué : pour 10 retraités, 40 cotisants en 1960, 14 seulement en 2009 dans notre régime général.
Au sein de cette tendance générale, la délégation a ensuite constaté deux évolutions défavorables aux femmes.
Juridiquement, au cours des dix dernières années, les avantages familiaux de retraite, traditionnellement réservés aux femmes, ont été remis en question par les politiques d’égalité entre femmes et hommes adoptées à l’échelon européen. Il faut cependant rendre hommage au Parlement et au Gouvernement, qui se sont efforcés de préserver l’essentiel, pour les mères, en introduisant dans notre législation des critères objectifs d’interruption de carrière.
Économiquement et professionnellement, comme le souligne le Conseil d’orientation des retraites, qui se réfère à des indicateurs d’activité « équivalent temps plein », la montée du temps partiel, concernant aujourd’hui 30 % des femmes occupant un emploi, et celle du chômage contrarient l’effet bénéfique de la progression du taux d’activité des femmes sur le montant des pensions.
De plus, l’essoufflement depuis les années quatre-vingt-dix de la réduction des inégalités salariales entre femmes et hommes, dont la raison principale est la précarisation de l’emploi féminin, explique qu’au total, les inégalités des niveaux de retraite entre les sexes restent aujourd’hui deux fois plus fortes que les inégalités salariales.
On rappelle souvent que les bénéficiaires du minimum contributif sont, à 63 %, des femmes. Ce chiffre est révélateur, mais je rappelle, pour éviter les conclusions hâtives, que le fait de percevoir une petite pension n’implique pas nécessairement la pauvreté, car, comme le fait observer le Conseil d’orientation des retraites, le niveau de vie dépend aussi de la situation matrimoniale.
En revanche, le minimum vieillesse, qui a pris, depuis 2007, la forme d’une allocation unique appelée allocation de solidarité aux personnes âgées, constitue un indicateur significatif : les femmes représentent 62 % des allocataires.