 
        … des cantons dont la population était cinq fois ou huit fois inférieure à la moyenne départementale.
Le Conseil d’État admettait donc implicitement la cohabitation de formes de représentation très différenciées au sein d’un même conseil général selon que l’on était dans un milieu urbain ou rural.
Le Conseil constitutionnel a fixé un premier bornage en matière de représentation par circonscription à l’intérieur d’une même collectivité avec sa jurisprudence sur la Nouvelle-Calédonie, en 1985.
Une première loi, qui avait établi des écarts de représentation allant environ de un à trois entre deux provinces de Nouvelle-Calédonie, fut censurée par le Conseil constitutionnel. Une seconde loi, instaurant cette fois un écart de un à deux, reçut l’aval du Conseil. Dès lors, – tout cela se passait il y a vingt-cinq ans – tout le monde comprit que la bonne cote en matière de représentation locale était de un à deux, soit, par rapport à la moyenne, de 66 %-67 % à 133 %. Ceci s’appliquait à des circonscriptions élisant des listes et non à un scrutin uninominal.
Arrive ensuite la loi d’habilitation sur le redécoupage des circonscriptions, fixant elle-même ce fameux écart de plus ou moins 20 %. Le Conseil va juger conforme à la Constitution ce dispositif, mais, en l’espèce, il s’agit du contrôle d’une loi d’habilitation portant sur des circonscriptions législatives.
Arrive enfin la saga du conseiller territorial au cours de laquelle, entre autres éléments pittoresques, le Conseil constitutionnel est amené à se prononcer sur le principe du plus ou moins 20 %, qu’il valide de manière implicite. Cette fois encore, le dispositif ne portait pas sur les futures circonscriptions d’élection des conseillers territoriaux mais sur la représentation collective de départements à l’intérieur d’une même région. Donc, le Conseil n’a pas eu à énoncer l’écart de plus ou moins 20 % en la matière.
À la fin de tout ce cheminement, le Gouvernement consulte le Conseil d’État et lui demande ce que pourrait dire le Conseil constitutionnel. Sans rompre aucune règle déontologique, je voudrais évoquer ce qui se passe dans une telle situation.
Que faire en pareil cas, surtout quand il vous est arrivé une fois ou l’autre de trébucher, c’est-à-dire d’indiquer au Gouvernement que son projet était conforme à la Constitution alors que six mois ou un an après le Conseil constitutionnel rendait une décision « légèrement » différente ? Vous ajoutez une couche de précautions ! C’est ainsi que l’on est arrivé aux plus ou moins 20 % préconisés dans l’avis du Conseil d’État : par la prudence.
Avec le plus 30 %, moins 30 %, constatons que l’on va accepter un écart de représentation allant de 1 à presque 1, 9 : un canton de 14 000 habitants sera représenté de la même manière qu’un canton de 26 000 habitants ! Il me semble que l’on tire un peu sur l’élastique. Je suis solidaire de ce nouveau choix, parce qu’il répond à des objectifs d’intérêt général et qu’il est présenté de bonne foi. Il me semble toutefois que nous nous trouvons sur un terrain légèrement mouvant.