Cette recommandation permettrait, en pratique, d’abord de favoriser les femmes en fonction d’un critère objectif et, ensuite, de prendre acte de l’évolution de notre société : les femmes interrompent aujourd’hui leur carrière non seulement pour élever leurs enfants, mais aussi pour apporter des soins à leurs parents.
Plutôt que de se contenter de redouter la montée des conflits générationnels, il faut également, selon moi, rappeler qu’on attend souvent des femmes, mais aussi des hommes en fin d’activité professionnelle, qu’ils aident non seulement la génération précédente qui glisse vers la dépendance, mais aussi les deux générations suivantes, celles des enfants et petits-enfants.
J’ajoute que, s’il est hautement souhaitable de développer le secteur des services à la personne, l’un des secteurs les plus créateurs d’emplois, il est de notre devoir de prendre en compte la charge que représentent les soins apportés aux parents dans un cadre familial.
À plus long terme, et dans la perspective d’une remise à plat de notre mosaïque de régimes, la délégation recommande d’ouvrir une piste de réflexion sur une meilleure prise en compte des choix de couple dans l’acquisition et l’éventuel partage, au moment de la séparation, des droits à la retraite.
Dans ses travaux, le COR démontre la nécessité de considérer non seulement le niveau des pensions, mais aussi la situation matrimoniale pour évaluer le risque de pauvreté des femmes retraitées. Il nous alerte sur la fragilisation accrue des unions conjugales, qui risque d’entraîner une dégradation des niveaux de vie des personnes au moment de la retraite.
On aurait pu envisager, pour atténuer les conséquences de cette situation, de transposer en France le dispositif allemand du partage des droits au moment du divorce. Cependant, selon le COR, le splitting est techniquement beaucoup plus facile à mettre en œuvre dans un système de retraite par points que dans un système d’annuités comme le nôtre.
En outre, son introduction brutale dans notre droit du divorce, qui a été rénové dans le sens de l’apaisement, ne paraît pas souhaitable sans qu’il soit procédé à une large série de consultations.
Enfin, cette initiative ne s’appliquerait qu’aux couples mariés.
Pour ces raisons, et parce que les choix professionnels sont souvent des « choix de couple », la délégation suggère une réflexion à la fois plus positive et plus globale sur la constitution de droits à la retraite communs par des couples qui font d’ores et déjà l’objet d’une imposition fiscale commune de leurs revenus. Acquis dans le cadre d’un projet de vie de famille, ces droits pourraient, plus facilement qu’aujourd’hui, faire prendre conscience aux femmes et aux hommes des conséquences à long terme d’une séparation et, le cas échéant, être partagés équitablement.
Dans l’immédiat, la délégation a souhaité que soient renforcés les outils d’information permettant d’éclairer les conséquences, en matière de retraite, des choix professionnels, tout particulièrement en cas d’expatriation, et que soit rendue obligatoire, en cas de divorce, l’élaboration d’un relevé comparatif précis des droits à la retraite acquis par les deux conjoints pendant leur vie commune.
Je conclus mon propos par une simple remarque : la société française a changé et, aujourd’hui, nous voyons apparaître non seulement des tensions qui risquent d’être exacerbées par la résorption des déséquilibres financiers, mais aussi, à long terme, un risque d’isolement et de paupérisation des retraités.
Il est donc plus que jamais nécessaire d’introduire dans nos mécanismes de retraite une logique de cohésion des liens familiaux et sociaux.
Marc-Aurèle disait : « Tu peux, à l’heure que tu veux, te retirer en toi-même. Nulle retraite n’est plus tranquille ni moins troublée pour l’homme que celle qu’il trouve en son âme. »