Intervention de Pierre Moscovici

Réunion du 20 mars 2013 à 14h30
Séparation et régulation des activités bancaires — Discussion d'un projet de loi dans le texte de la commission

Pierre Moscovici, ministre :

Mesdames, messieurs les sénateurs, ces pouvoirs renforcés vont considérablement accroître et améliorer la régulation du système financier. Croyez-moi, j’ai souvent regretté que les autorités publiques ne puissent pas en disposer depuis dix mois, quand il m’a fallu traiter des sinistres financiers comme celui de Dexia ou du Crédit immobilier de France. Si tel avait été le cas – je vous incite à réfléchir non pas seulement à ces situations précises, mais aussi à d’autres qui ont pu se produire ou pourraient se reproduire ! –, les pouvoirs publics auraient été plus tôt en mesure d’inciter les dirigeants à adopter un comportement plus responsable, ou bien, le cas échéant, de les changer, ce qui n’était alors pas possible. Nous aurions ainsi évité bien des difficultés.

Je sais à quel point nombre de sénateurs sont attachés à la situation de ces établissements financiers et de leurs personnels. L’étant autant qu’eux, je suis heureux que nous puissions disposer à l’avenir, si de telles situations venaient à se reproduire, de ces outils.

Soyons conscients, mesdames, messieurs les sénateurs, que ces sujets ne sont pas seulement nationaux ; ils sont aussi, et peut-être d’abord, européens. Nombre d’entre eux sont ainsi examinés en parallèle, à Bruxelles, en particulier dans le cadre de la renégociation des règles européennes sur les exigences de fonds propres et sur les marchés financiers. Je pense au trading à haute fréquence, par exemple, mais surtout aux avancées récentes, sous impulsion française notamment, en matière de rémunérations dans le secteur financier – les « bonus » des traders dont les montants ont, dans le passé, interpellé nos concitoyens –, ou encore en matière de transparence sur les activités des banques dans les paradis fiscaux.

Si elles restent à confirmer – et il faut se battre pour cela ! –, ces avancées européennes viennent, je crois, valider notre stratégie et les choix que le Gouvernement vous propose dans ce projet de loi.

Enfin, je veux dire un mot du dernier grand axe structurant de ce projet de loi, la protection des clients, en particulier les plus fragiles. Sans entrer ici dans le détail, je veux mettre en lumière trois avancées du projet de loi.

Tout d’abord, le texte propose un plafonnement des « commissions d’intervention », c’est-à-dire ces commissions que les banques prélèvent à un client quand son compte fonctionne de manière irrégulière, par exemple quand la banque autorise le paiement d’un chèque sans provision.

Ensuite, les banques auront également l’obligation d’offrir aux clients les plus fragiles des moyens de paiement adaptés à leur situation et permettant notamment de prévenir les incidents.

Enfin, et c’est un apport de la discussion devant l’Assemblée nationale, plusieurs mesures ont été adoptées pour renforcer la transparence des frais bancaires et permettre une information préalable des clients avant que ces frais ne soient prélevés.

Le texte comporte aussi des dispositions pour accroître la transparence et la concurrence dans le domaine de l’assurance emprunteur, cette assurance que la banque exige, dans les faits, quand un client contracte un crédit immobilier, par exemple : elles permettront de dégager du pouvoir d’achat pour les ménages.

Le projet de loi prévoit également de faciliter le recours à la procédure du « droit au compte » pour ceux qui n’ont pas accès à un compte bancaire. Cette procédure permet à toute personne qui ne parvient pas à ouvrir un compte d’obtenir de la Banque de France qu’elle désigne une banque proche de son domicile pour lui ouvrir un compte accompagné d’un ensemble de services bancaires de base gratuits.

En matière de surendettement, le projet de loi vise à simplifier la procédure afin de réduire la durée d’examen de certains dossiers et de permettre la suspension effective du cours des intérêts des crédits dès que la commission de surendettement reconnaît la recevabilité du dossier. Nous connaissons tous, dans nos circonscriptions, des situations dans lesquelles, malgré la reconnaissance de la recevabilité d’un dossier, les intérêts continuent à courir, ce qui crée des injustices évidentes.

Enfin, à l’issue des travaux de l’Assemblée nationale, le texte inclut des dispositions pour mettre en œuvre plusieurs des mesures prévues par le plan pluriannuel contre la pauvreté et pour l’inclusion sociale que le Gouvernement a préparé à l’issue de la conférence nationale consacrée à ces sujets.

Mesdames, messieurs les sénateurs, j’ai évoqué à plusieurs reprises les travaux de l’Assemblée nationale. Je veux, avant de conclure, évoquer les améliorations très significatives apportées par la commission des finances du Sénat. J’avais, dès la présentation du projet de loi, le 19 décembre, indiqué que mon intention était de travailler sur ce projet en écoutant et entendant les propositions de la représentation nationale.

C’est dans cet esprit que s’est déroulée notre discussion au sein de votre commission des finances. Je souhaite à ce titre remercier ses membres, particulièrement le rapporteur Richard Yung et les rapporteurs pour avis, de leur travail, ainsi que l’ensemble des sénateurs de leur sagesse, et mentionner certains des amendements adoptés qui contribuent à faire de ce bon texte un très bon texte.

Les amendements déposés par le rapporteur ont ainsi permis de renforcer considérablement le contrôle du trading automatisé, facilitant ainsi la lutte contre les pratiques spéculatives nuisibles utilisant des techniques de trading à haute fréquence.

Ils permettront non seulement de s’assurer de la robustesse des bourses et plates-formes de négociation, mais également d’obliger ces dernières à se doter des moyens de filtrer et de limiter les ordres susceptibles de poser des problèmes ainsi que de restreindre le volume des ordres annulés, puisque c’est bien cette pratique qui est au cœur des stratégies nuisibles.

Je pense également aux dispositions adoptées pour brider les manipulations d’indice financier – nous avons tous en mémoire le scandale du Libor – en confiant de nouveaux pouvoirs à l’Autorité des marchés financiers, l’AMF.

La commission des finances a également amélioré les dispositions relatives aux dérivés de matières premières agricoles. Elle a adopté des amendements du rapporteur visant à renforcer les pouvoirs d’enquête de l’AMF afin que celle-ci puisse mieux lutter contre les manipulations de ces marchés.

L’adoption d’autres amendements que nous examinerons lors de la discussion des articles permettra sans doute de compléter utilement ce dispositif, en garantissant une plus grande transparence et en dotant l’AMF des outils dont elle a besoin pour encadrer la spéculation, empêcher les abus et, le cas échéant, sévir, tout en évitant de tomber dans une interdiction de ces opérations qui auraient, in fine, un effet très négatif sur les acteurs de la filière agricole. À l’issue de la discussion à l’Assemblée nationale, j’avais identifié ce sujet comme pouvant, et même devant faire l’objet de travaux complémentaires avec vous, mesdames, messieurs les sénateurs. J’espère que nous parviendrons, comme nous l’avons fait sur le trading à haute fréquence, à nous doter d’un éventail de mesures complet pour répondre aux enjeux posés par les produits dérivés sur les matières premières agricoles.

Plusieurs amendements s’inscrivent enfin dans la logique engagée à l’Assemblée nationale et visent à renforcer le cantonnement des filiales spéculatives, à éviter certains contournements que la rédaction du texte semblait permettre et à renforcer les pouvoirs de contrôle de l’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution.

Mesdames, messieurs les sénateurs, je souhaite attirer votre attention sur un dernier élément qui intéressera particulièrement les représentants des collectivités locales que vous êtes.

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