Séance en hémicycle du 20 mars 2013 à 14h30

Résumé de la séance

Les mots clés de cette séance

  • bancaire
  • spéculative

La séance

Source

La séance est ouverte à quatorze heures trente-cinq.

Debut de section - PermalienPhoto de Bariza Khiari

Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.

Il n’y a pas d’observation ?…

Le procès-verbal est adopté sous les réserves d’usage.

Debut de section - PermalienPhoto de Bariza Khiari

En application de l’article 45, deuxième alinéa, de la Constitution, le Gouvernement a engagé la procédure accélérée pour l’examen du projet de loi portant diverses dispositions d’adaptation dans le domaine de la justice en application du droit de l’Union européenne et des engagements internationaux de la France, déposé sur le bureau de l’Assemblée nationale le 20 février 2013.

Debut de section - PermalienPhoto de Bariza Khiari

M. le président du Sénat a reçu de M. le Premier ministre le rapport sur la situation financière des organismes complémentaires assurant une couverture santé établi en application de l’article L. 862-7 du code de la sécurité sociale.

Acte est donné du dépôt de ce rapport.

Il a été transmis à la commission des affaires sociales et est disponible au bureau de la distribution

Debut de section - PermalienPhoto de Bariza Khiari

M. le président du Conseil constitutionnel a informé le Sénat, le 20 mars 2013, qu’en application de l’article 61-1 de la Constitution, la Cour de cassation a adressé au Conseil constitutionnel deux décisions de renvoi d’une question prioritaire de constitutionnalité, l’une portant sur les articles L. 3123-1, L. 3123-2 et L. 3124-9 du code des transports (transports publics particuliers) (2013-318 QPC), et l’autre portant sur l’alinéa 6 de l’article 35 de la loi du 29 juillet 1881 (diffamation et liberté de la presse) (2013-319 QPC).

Le texte de ces décisions de renvoi est disponible à la direction de la séance.

Acte est donné de ces communications.

Debut de section - PermalienPhoto de Bariza Khiari

Mme la présidente. Mes chers collègues, je suis particulièrement heureuse de saluer, en votre nom, la présence dans notre tribune d’honneur d’une délégation de parlementaires des États fédérés de Micronésie

Mmes et MM. les sénateurs ainsi que M. le ministre se lèvent.

Debut de section - PermalienPhoto de Bariza Khiari

Le programme de cette visite porte sur la coopération en matière d’énergies renouvelables et d’action culturelle, ainsi que sur les perspectives de développement des actions bilatérales concernant la politique de la pêche et l’adaptation au changement climatique.

Nous leur souhaitons de fructueux échanges ainsi qu’un excellent séjour parmi nous !

Applaudissements.

Debut de section - PermalienPhoto de Bariza Khiari

L’ordre du jour appelle la discussion du projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale, de séparation et de régulation des activités bancaires (projet n° 365, texte de la commission n° 423, rapport n° 422, avis n° 427 et 428).

Dans la discussion générale, la parole est à M. le ministre.

Debut de section - Permalien
Pierre Moscovici

Madame la présidente, monsieur le rapporteur, messieurs les rapporteurs pour avis, mesdames, messieurs les sénateurs, reprendre la main par rapport aux dérives de la finance, répondre avec précision aux causes profondes de la crise financière qui a ébranlé les économies occidentales, renforcer le contrôle politique et démocratique d’un secteur qui fait depuis, soyons-en conscients, l’objet d’une défiance certaine, telle est l’ambition du projet de loi qui est soumis à votre examen, tel est le sens de cet effort affirmé et assumé de régulation, de moralisation et de contrôle que nous menons ensemble.

Je suis fier, mesdames, messieurs les sénateurs, de présenter ce projet de loi devant vous, après son adoption en première lecture par l’Assemblée nationale à une large majorité, dépassant les frontières habituelles de notre vie politique. Ce projet de loi a été adopté à l’unanimité des présents par votre commission des finances, qui l’a enrichi et amélioré. Je vois dans cette unanimité un excellent présage pour la qualité à venir de nos débats. Je les aborde, comme à l’accoutumée, avec un état d’esprit ouvert aux propositions de la Haute Assemblée.

Après la crise financière de 2008, le monde de la finance ne pouvait continuer à fonctionner à l’identique et nos concitoyens ne nous pardonneraient pas notre inaction. C’est la raison pour laquelle le projet de loi de séparation et de régulation des activités bancaires se fonde sur une analyse à la fois précise et sans complaisance des causes de cette crise. Ces causes, il faut, bien sûr, les rechercher avant tout dans la crise de l’endettement, mais aussi dans le manque de régulation de la finance, avec ses effets sur le secteur bancaire. C’est justement ce qui a mis le feu aux poudres !

Plus précisément, la déflagration de 2008 a été provoquée par la conjonction de trois facteurs : d’abord, une mauvaise compréhension et une mauvaise gestion des risques, liées à la complexité et au manque de transparence des acteurs financiers ; ensuite, des incitations perverses pour les acteurs de la finance, largement liées à ce que l’on appelle « l’aléa moral », dû au fait que les États garantissent in fine les risques excessifs pris par les banques ; enfin, une approche de la régulation trop axée sur les comportements individuels et qui ne prenait pas en compte les déséquilibres globaux du système financier.

L’objet de ce projet de loi est simple : il consiste à répondre, point par point, à chacune de ces défaillances pour écrire et décrire un avenir différent. Ce texte vient donc réformer durablement le secteur, autour de trois grandes lignes de force.

Premièrement, il s’attaque aux activités spéculatives des banques – notamment en matérialisant l’engagement du Président de la République, François Hollande, de « séparer les activités des banques qui sont utiles à l’investissement et à l’emploi, de leurs opérations spéculatives ».

Deuxièmement, la réforme protège les dépôts des épargnants, mais aussi les contribuables dont l’argent ne doit plus être le premier mis à contribution pour sauver un établissement par hypothèse en faillite.

Troisièmement, il s’agit d’instaurer un contrôle efficace et préventif des risques au sein des banques et, plus largement, pour le système financier dans son ensemble.

J’ajoute une quatrième dimension plus concrète, à laquelle je suis personnellement très attaché, davantage tournée vers les consommateurs. Elle permettra de renforcer la protection des clients, à commencer par celle des clients les plus fragiles. Elle répond à une attente forte de nos concitoyens qui ont eu – et ont encore – le sentiment que l’État se préoccupait jusqu’alors davantage des banques que de leur propre sort.

Laissez-moi maintenant, mesdames, messieurs les sénateurs, revenir un peu plus en détail sur chacun de ces points.

Tout d’abord, le projet de loi sépare les activités utiles au financement de l’économie et à l’emploi des activités spéculatives des banques en changeant à la fois – et j’y insiste – les structures et les comportements.

Pour ce faire, le texte introduit une isolation stricte – chacun a sa formule, j’ai parlé, pour ma part, de « mise en quarantaine » – des activités spéculatives que la banque mène pour compte propre, c’est-à-dire avec son propre bilan, en mettant en risque les dépôts de ses clients.

Les banques devront, à l’avenir, après l’entrée en vigueur de cette loi, créer une filiale ad hoc soumise à une réglementation prudentielle stricte et isoler dans cette filiale ces activités spéculatives. Ce point, qui peut paraître technique, est tout à fait essentiel. Concrètement, même en cas de difficultés, même en cas de faillite, la maison mère ne pourra pas financer davantage sa filiale, quitte à la condamner.

Dans la lignée des travaux de l’Assemblée nationale, qui avait déjà « électrisé » – j’emploie des guillemets, car c’est le mot qui a été utilisé – la barrière entre la filiale et sa maison mère, la commission des finances du Sénat a adopté plusieurs amendements pour renforcer davantage encore ce cantonnement afin de rendre les choses encore plus claires, en vue d’éviter certains contournements potentiels. Aujourd’hui, je peux le dire, les dispositions relatives à la filialisation sont très solides.

Si le texte choisit d’isoler spécifiquement ces activités, c’est pour la simple raison qu’elles ont concentré le gros de pertes essuyées par les banques françaises sur les marchés pendant la crise. Le cantonnement va donc protéger à la fois la maison mère et ses clients et empêcher que les activités pour compte propre ne retrouvent leur niveau d’avant la crise, lorsque celles-ci menaçaient la stabilité financière.

Quant aux activités qui ne seront pas cantonnées dans la filiale, elles ne seront évidemment pas, pour autant, laissées sans surveillance. Au contraire, elles feront l’objet d’un encadrement très précis, d’une surveillance étroite de la part d’une nouvelle autorité, l’Autorité de contrôle prudentiel, l’ACP, qui existe déjà, mais à laquelle on ajoute le « r » de « résolution », pour en faire l’ACPR. Au total, l’ensemble des activités que les banques mènent sur le marché financier seront, à l’avenir, soumises à des règles strictes et à un contrôle étroit.

Ce projet de loi, vous le savez, ne vise pas à séparer les banques d’investissement des banques commerciales. Il a pour objet de séparer non les structures mais les activités.

J’ai déjà exposé le fondement de cette approche. Je n’y reviendrai donc pas longuement, mais je veux toutefois en dire quelques mots. Si j’avais estimé que couper les banques en deux pouvait permettre d’une quelconque manière de répondre aux causes profondes de la crise, je l’aurais fait. J’ai acquis la conviction que tel n’était pas le cas, à l’occasion des consultations que j’ai engagées avec les représentants des banques, bien sûr, mais aussi des usagers, des consommateurs et des organisations syndicales de cette industrie qui emploie tout de même, nous ne devons pas l’oublier, 400 000 personnes en France.

Debut de section - Permalien
Pierre Moscovici, ministre

Il n’est pas dans notre intérêt, j’en suis persuadé, de créer ou recréer aujourd’hui, trente ans après, une césure entre des banques de dépôt affaiblies, car privées d’accès aux marchés, et des banques d’affaires françaises moins puissantes que les grands acteurs anglo-saxons, tels Goldman Sachs ou Morgan Stanley, qui, quelles que soient leurs vertus, ne sauraient être des modèles pour nous.

Debut de section - Permalien
Pierre Moscovici, ministre

J’ai donc fait le choix, que j’assume devant vous, de ne pas retenir, au nom de la pureté des formes, une option qui, j’en suis persuadé, aurait risqué de mettre en danger le financement de nos entreprises – c’est une préoccupation que nous devons tous avoir ! –, sans pour autant traiter les causes de la crise.

J’ai la conviction, mesdames, messieurs les sénateurs, que ce projet de loi est à la fois radical

Sourires.

Sourires.

Debut de section - Permalien
Pierre Moscovici, ministre

Cela dit, il y avait un curseur à placer, une fermeté à marquer, et j’ai recherché sur ce point le juste équilibre, en bonne entente avec la représentation nationale. La spéculation peut parfois, on le sait, se dissimuler dans les activités dites de « tenue de marché ». C’est pourquoi l’Assemblée nationale a souhaité aller plus loin que la rédaction initiale du projet de loi, pour « donner la main » au politique. Je tiens ici à saluer le travail des députés, dont les apports ont été décisifs : ils ont permis de renforcer la séparation des opérations spéculatives des banques de leurs activités utiles à l’économie réelle, autour d’un mécanisme à la fois précis et souple.

Le texte prévoit aussi d’encadrer l’activité de tenue de marché en la définissant strictement, pour que les banques ne puissent y dissimuler des opérations spéculatives. Il donne également au ministre de l’économie et des finances le pouvoir de limiter le montant des opérations de tenue de marché conservées dans la banque.

En permettant de la sorte au Gouvernement d’élargir le périmètre des filiales dans lesquelles seront cantonnées les activités spéculatives ou les activités pour compte propre des banques, et en donnant au ministre – je parle de manière générique – le pouvoir de fixer un seuil à partir duquel les activités de tenue de marché qui dépassent ledit seuil devront être filialisées, le texte vient donc garantir que le régulateur pourra s’adapter aux évolutions de la spéculation, sans peser à l’excès sur le financement de l’économie. Si le politique en décide, et notamment si une spéculation exubérante devait reprendre demain, les filiales pourraient ainsi devenir plus importantes.

Vous avez pu entendre, ici ou là, annoncer des chiffres sur la taille des filiales au regard du produit bancaire. En réalité, il ne faut pas s’attarder sur un chiffre statique, mais bien comprendre la dynamique qui est au cœur de ce texte.

Le projet de loi ne vise pas seulement à changer les structures. Il veut aussi, et d’abord, peser sur les comportements ; c’est une autre de ses innovations majeures. De ce point de vue, les dispositions relatives à la « résolution » des banques en difficulté sont un complément indispensable du volet « séparation ».

Le projet de loi s’attaque en effet directement à « l’aléa moral » qui existe aujourd’hui dans les banques, qui est l’une des causes essentielles de la crise et qui a particulièrement choqué nos citoyens.

Debut de section - Permalien
Pierre Moscovici, ministre

Souvenons-nous de 2008 : des États ont été contraints d’intervenir avec l’argent des contribuables pour empêcher des faillites de banques, parce que celles-ci auraient eu des conséquences désastreuses pour l’économie.

Debut de section - Permalien
Pierre Moscovici, ministre

Ces banques avaient pris des risques excessifs, anticipant qu’en cas de banqueroute, l’État viendrait à la rescousse. Dès lors qu’il n’y a pas de risque, il est facile de se décharger de ses responsabilités.

Il est essentiel de désamorcer ce mécanisme qui non seulement est évidemment amoral, mais conduit aussi à maximiser la prise de risque, précisément parce que les spéculateurs savent que, in fine, ils ne seront pas les payeurs.

Je résumerai donc le volet « résolution » du projet de loi, qui, je le crois, fait l’unanimité sur toutes les travées, par la formule « qui faute, paie », en ajoutant : « qui faute ne doit plus pouvoir décider ».

Le projet de loi prévoit tout d’abord de doter le superviseur bancaire, l’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution, l’ACPR, de vrais pouvoirs d’intervention dans la structure et le fonctionnement de la banque. L’objectif est de protéger les déposants et les contribuables en renforçant la capacité d’intervention des autorités publiques, qui doivent pouvoir « prendre la main » lorsque c’est nécessaire.

Surtout, et c’est fondamental, il prévoit que cette nouvelle autorité puisse d’abord faire peser les pertes d’une banque sur ses actionnaires et sur certains créanciers, plutôt que sur les épargnants ou les contribuables.

Debut de section - Permalien
Pierre Moscovici, ministre

Comme l’aléa moral joue en faveur des dirigeants, le texte prévoit que l’ACPR puisse les révoquer lorsque leur banque connaît des difficultés. Croyez-moi, cela pourra être utile dans bien des circonstances !

Enfin, il existe un troisième « rempart » entre la faillite d’une banque et les dépôts des épargnants ou l’argent du contribuable, c’est le Fonds de garantie des dépôts et de résolution. Le texte prévoit que le secteur bancaire lui-même soit sollicité en cas de défaillance d’une banque après que les actionnaires et les créanciers auront été appelés.

Le Fonds de garantie des dépôts qui existe aujourd’hui, et dont je rappelle qu’il est abondé par les établissements financiers, verra à la fois ses missions et ses moyens élargis, puisque le projet de loi prévoit de le faire grossir progressivement d’environ cinq fois sa taille actuelle, de 2 milliards d’euros à 10 milliards d’euros d’ici à 2020. C’est une garantie supplémentaire donnée aux clients de la banque et aux contribuables qu’ils ne seront appelés qu’en tout dernier ressort.

Avec ces deux armes, la séparation et la résolution, nous nous donnons les moyens de lutter contre la spéculation, de réduire l’aléa moral et de protéger les dépôts et l’argent du contribuable. Nous nous donnons ainsi les moyens de moraliser certaines des pratiques du secteur.

Le deuxième axe fort de ce projet de loi concerne le contrôle efficace et préventif des risques.

Je le disais au début de mon intervention, la régulation portait jusqu’à présent trop sur les situations individuelles et pas assez sur les risques d’ensemble, ce qu’on appelle « le risque systémique ». Le manque de supervision des risques encourus par le système pris dans son ensemble, dans sa globalité, a été l’une des causes de la crise. Il y avait donc un vrai travail à faire pour renforcer la prévention et le contrôle, et le texte propose un ensemble très complet de dispositions dans cette optique.

Tout d’abord, l’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution voit ses structures et ses compétences en matière de contrôle renforcées. Le texte prévoit ainsi que chaque établissement bancaire prépare un « plan préventif de résolution », appelé dans le jargon un « testament » bancaire, pour faciliter l’intervention du superviseur en cas de risque de défaut. La commission des finances du Sénat a d’ailleurs proposé, à juste titre, de compléter ce dispositif en prévoyant notamment la mise à jour des plans préventifs de rétablissement et de résolution. L’ACPR pourra donc exiger « à froid » d’une banque dont l’organisation serait trop complexe toutes les modifications de sa structure qui permettraient de faciliter son intervention en cas de problème, par exemple en l’obligeant à filialiser certaines activités.

Ensuite, le projet de loi crée une nouvelle autorité, le Haut Conseil de stabilité financière, le HCSF, avec une double mission : la prévention et la surveillance des risques systémiques.

Ce Haut Conseil aura des pouvoirs d’intervention réels, juridiquement contraignants, ce qui n’est pas le cas de l’instance actuelle qu’il viendra remplacer, le Conseil de régulation financière et du risque systémique, le COREFRIS. Il pourra par exemple imposer aux établissements de crédit des exigences de fonds propres supplémentaires, ce qui permettra d’amortir les effets de la conjoncture sur l’offre de crédit, ou d’encadrer la politique d’octroi de crédit des banques, avec cette fois pour objectif d’éviter l’apparition de bulles spéculatives.

Autre mesure importante du projet de loi : l’ACPR pourra purement et simplement interdire à un établissement des activités présentant des risques excessifs, soit pour lui-même, soit pour le reste du système bancaire et financier.

Debut de section - Permalien
Pierre Moscovici, ministre

Mesdames, messieurs les sénateurs, ces pouvoirs renforcés vont considérablement accroître et améliorer la régulation du système financier. Croyez-moi, j’ai souvent regretté que les autorités publiques ne puissent pas en disposer depuis dix mois, quand il m’a fallu traiter des sinistres financiers comme celui de Dexia ou du Crédit immobilier de France. Si tel avait été le cas – je vous incite à réfléchir non pas seulement à ces situations précises, mais aussi à d’autres qui ont pu se produire ou pourraient se reproduire ! –, les pouvoirs publics auraient été plus tôt en mesure d’inciter les dirigeants à adopter un comportement plus responsable, ou bien, le cas échéant, de les changer, ce qui n’était alors pas possible. Nous aurions ainsi évité bien des difficultés.

Je sais à quel point nombre de sénateurs sont attachés à la situation de ces établissements financiers et de leurs personnels. L’étant autant qu’eux, je suis heureux que nous puissions disposer à l’avenir, si de telles situations venaient à se reproduire, de ces outils.

Soyons conscients, mesdames, messieurs les sénateurs, que ces sujets ne sont pas seulement nationaux ; ils sont aussi, et peut-être d’abord, européens. Nombre d’entre eux sont ainsi examinés en parallèle, à Bruxelles, en particulier dans le cadre de la renégociation des règles européennes sur les exigences de fonds propres et sur les marchés financiers. Je pense au trading à haute fréquence, par exemple, mais surtout aux avancées récentes, sous impulsion française notamment, en matière de rémunérations dans le secteur financier – les « bonus » des traders dont les montants ont, dans le passé, interpellé nos concitoyens –, ou encore en matière de transparence sur les activités des banques dans les paradis fiscaux.

Si elles restent à confirmer – et il faut se battre pour cela ! –, ces avancées européennes viennent, je crois, valider notre stratégie et les choix que le Gouvernement vous propose dans ce projet de loi.

Enfin, je veux dire un mot du dernier grand axe structurant de ce projet de loi, la protection des clients, en particulier les plus fragiles. Sans entrer ici dans le détail, je veux mettre en lumière trois avancées du projet de loi.

Tout d’abord, le texte propose un plafonnement des « commissions d’intervention », c’est-à-dire ces commissions que les banques prélèvent à un client quand son compte fonctionne de manière irrégulière, par exemple quand la banque autorise le paiement d’un chèque sans provision.

Ensuite, les banques auront également l’obligation d’offrir aux clients les plus fragiles des moyens de paiement adaptés à leur situation et permettant notamment de prévenir les incidents.

Enfin, et c’est un apport de la discussion devant l’Assemblée nationale, plusieurs mesures ont été adoptées pour renforcer la transparence des frais bancaires et permettre une information préalable des clients avant que ces frais ne soient prélevés.

Le texte comporte aussi des dispositions pour accroître la transparence et la concurrence dans le domaine de l’assurance emprunteur, cette assurance que la banque exige, dans les faits, quand un client contracte un crédit immobilier, par exemple : elles permettront de dégager du pouvoir d’achat pour les ménages.

Le projet de loi prévoit également de faciliter le recours à la procédure du « droit au compte » pour ceux qui n’ont pas accès à un compte bancaire. Cette procédure permet à toute personne qui ne parvient pas à ouvrir un compte d’obtenir de la Banque de France qu’elle désigne une banque proche de son domicile pour lui ouvrir un compte accompagné d’un ensemble de services bancaires de base gratuits.

En matière de surendettement, le projet de loi vise à simplifier la procédure afin de réduire la durée d’examen de certains dossiers et de permettre la suspension effective du cours des intérêts des crédits dès que la commission de surendettement reconnaît la recevabilité du dossier. Nous connaissons tous, dans nos circonscriptions, des situations dans lesquelles, malgré la reconnaissance de la recevabilité d’un dossier, les intérêts continuent à courir, ce qui crée des injustices évidentes.

Enfin, à l’issue des travaux de l’Assemblée nationale, le texte inclut des dispositions pour mettre en œuvre plusieurs des mesures prévues par le plan pluriannuel contre la pauvreté et pour l’inclusion sociale que le Gouvernement a préparé à l’issue de la conférence nationale consacrée à ces sujets.

Mesdames, messieurs les sénateurs, j’ai évoqué à plusieurs reprises les travaux de l’Assemblée nationale. Je veux, avant de conclure, évoquer les améliorations très significatives apportées par la commission des finances du Sénat. J’avais, dès la présentation du projet de loi, le 19 décembre, indiqué que mon intention était de travailler sur ce projet en écoutant et entendant les propositions de la représentation nationale.

C’est dans cet esprit que s’est déroulée notre discussion au sein de votre commission des finances. Je souhaite à ce titre remercier ses membres, particulièrement le rapporteur Richard Yung et les rapporteurs pour avis, de leur travail, ainsi que l’ensemble des sénateurs de leur sagesse, et mentionner certains des amendements adoptés qui contribuent à faire de ce bon texte un très bon texte.

Les amendements déposés par le rapporteur ont ainsi permis de renforcer considérablement le contrôle du trading automatisé, facilitant ainsi la lutte contre les pratiques spéculatives nuisibles utilisant des techniques de trading à haute fréquence.

Ils permettront non seulement de s’assurer de la robustesse des bourses et plates-formes de négociation, mais également d’obliger ces dernières à se doter des moyens de filtrer et de limiter les ordres susceptibles de poser des problèmes ainsi que de restreindre le volume des ordres annulés, puisque c’est bien cette pratique qui est au cœur des stratégies nuisibles.

Je pense également aux dispositions adoptées pour brider les manipulations d’indice financier – nous avons tous en mémoire le scandale du Libor – en confiant de nouveaux pouvoirs à l’Autorité des marchés financiers, l’AMF.

La commission des finances a également amélioré les dispositions relatives aux dérivés de matières premières agricoles. Elle a adopté des amendements du rapporteur visant à renforcer les pouvoirs d’enquête de l’AMF afin que celle-ci puisse mieux lutter contre les manipulations de ces marchés.

L’adoption d’autres amendements que nous examinerons lors de la discussion des articles permettra sans doute de compléter utilement ce dispositif, en garantissant une plus grande transparence et en dotant l’AMF des outils dont elle a besoin pour encadrer la spéculation, empêcher les abus et, le cas échéant, sévir, tout en évitant de tomber dans une interdiction de ces opérations qui auraient, in fine, un effet très négatif sur les acteurs de la filière agricole. À l’issue de la discussion à l’Assemblée nationale, j’avais identifié ce sujet comme pouvant, et même devant faire l’objet de travaux complémentaires avec vous, mesdames, messieurs les sénateurs. J’espère que nous parviendrons, comme nous l’avons fait sur le trading à haute fréquence, à nous doter d’un éventail de mesures complet pour répondre aux enjeux posés par les produits dérivés sur les matières premières agricoles.

Plusieurs amendements s’inscrivent enfin dans la logique engagée à l’Assemblée nationale et visent à renforcer le cantonnement des filiales spéculatives, à éviter certains contournements que la rédaction du texte semblait permettre et à renforcer les pouvoirs de contrôle de l’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution.

Mesdames, messieurs les sénateurs, je souhaite attirer votre attention sur un dernier élément qui intéressera particulièrement les représentants des collectivités locales que vous êtes.

Debut de section - Permalien
Pierre Moscovici, ministre

Lors du dernier congrès des maires et présidents de communautés de France, à la fin du mois de novembre dernier, le Président de la République a fait part de son soutien à la création d’une Agence de financement des collectivités territoriales, pour que celles-ci puissent aller chercher, sur les marchés financiers, des ressources complémentaires aux crédits bancaires. Afin que ce projet, soutenu par les associations d’élus, puisse voir le jour, le Gouvernement a déposé un amendement tendant à autoriser les collectivités territoriales et les groupements de communes à mettre en place ce nouvel outil de financement de leurs investissements. Il sera, j’en suis persuadé, favorablement accueilli par vous tous. Il était naturel, à mes yeux, que l’examen de cette disposition, essentielle pour nos territoires, soit réservé au Sénat.

Je m’en tiens là. Ce projet de loi, dont nous pouvons collectivement être fiers, ouvre une page dans l’histoire de notre système financier, mais aussi, plus largement, de celui de l’Europe. C’est la raison pour laquelle nos voisins nous observent.

Avec ce texte, nous posons un acte fort et nous sommes pionniers en Europe. Avec cette réforme et grâce à vous, mesdames, messieurs les sénateurs, la France va envoyer un message très ferme, alors que, dans les six prochains mois, l’Europe doit transformer l’essai en matière de stabilité financière, d’union bancaire – que la situation de Chypre rend plus impérieuse encore – et de régulation des marchés. Si nous voulons que nos efforts ne soient pas vains, si nous voulons persévérer dans notre ambition de réformer la finance, nous devons nous en donner les moyens à l’échelon européen. Grâce à ce projet de loi, nous manifesterons l’engagement de la France et sa capacité à faire preuve de leadership.

Ce texte est précurseur et ambitieux. Il permet de moraliser, de réguler, de contrôler la finance, sans entraver la distribution du crédit, essentielle à notre économie. Gardons-nous de jeter l’opprobre sur notre système financier, …

Debut de section - Permalien
Pierre Moscovici, ministre

… car nos entreprises et nos ménages en ont besoin !

Ce texte est inspiré par des valeurs et, en même temps, il est réaliste. Croyez que je suis prêt, alors que débute cette discussion, à travailler avec vous tous pour l’améliorer encore. C’est pourquoi, en vous présentant ce projet de loi aujourd’hui, je souhaite que cette réforme recueille, auprès de vous, le large, voire le très large soutien qu’elle mérite.

Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe écologiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE . – MM. Yann Gaillard et Aymeri de Montesquiou applaudissent également.

Debut de section - PermalienPhoto de Richard Yung

Madame la présidente, monsieur le ministre, messieurs les rapporteurs pour avis, mes chers collègues, le texte dont nous commençons aujourd’hui l’examen traduit en actes le septième engagement pour la France du candidat François Hollande : « Je séparerai les activités des banques qui sont utiles à l’investissement et à l’emploi, de leurs opérations spéculatives. » Pour autant, il va beaucoup plus loin et aborde d’autres questions que M. le ministre vient d’évoquer.

Au moment de son dépôt sur le bureau de l’Assemblée nationale, ce projet de loi comprenait six titres et vingt-six articles, contre huit titres et soixante articles maintenant. Il comporte des dispositions s’appliquant à tous les compartiments de la banque, que ce soit la banque d’affaires ou la banque de détail, mais aussi aux assurances, aux gestionnaires d’actifs, aux autorités de régulation, etc. En un mot, sa portée est bien plus vaste et on ne saurait le réduire au seul objectif d’une « séparation des activités ».

Je profite de cette introduction pour souligner la qualité du dialogue que nous avons eu avec le ministère des finances et le cabinet du ministre et qui nous a permis d’avancer sur la plupart des points. Ainsi, lors de ses travaux, la commission des finances a adopté 45 amendements sur les 50 qui ont été déposés sur le texte issu des travaux de l’Assemblée nationale et, ce matin, en accord avec M. le ministre, elle s’est prononcée favorablement sur 50 des 264 amendements qui seront examinés lors de la discussion des articles.

J’en viens au titre Ier consacré à la séparation des activités et intitulé « séparation des activités utiles au financement de l’économie des activités spéculatives ».

« Finance » et « utile » : la réunion de ces deux mots résonne comme un oxymore. Ces dernières années, nous avions presque oublié que la finance était non seulement utile, mais indispensable à notre économie. Elle est utile à nos ménages. Elle est utile à nos entreprises. Elle est utile à nos collectivités locales. Enfin, et ce n’est pas la moindre de ses vertus, elle est utile à notre État.

Debut de section - PermalienPhoto de Richard Yung

Toutefois, par nature, elle est risquée. Le risque est son objet même. Même la finance utile à l’économie, celle qui relève d’une gestion « de bon père de famille », c’est-à-dire la collecte des dépôts, leur transformation en crédits aux particuliers, aux entreprises pour financer le cycle de production, les investissements, les exportations, pour créer des emplois, pour faire en sorte que l’économie fonctionne bien, comporte des risques : rien n’est assuré dans le domaine économique.

Cependant, nous savons bien qu’il existe des activités particulièrement risquées et le plus souvent inutiles. Ce sont celles qui, réalisées pour le compte propre des banques, des institutions, ou des particuliers d’ailleurs, ne visent que leur enrichissement. Elles sont peut-être utiles pour eux, mais elles n’apportent aucune valeur ajoutée à l’ensemble de la collectivité. Avant 2008, ces dépenses et ces investissements ont représenté jusqu’à 25 % des activités de marché de certaines des banques françaises, mais on enregistre depuis cette date une baisse régulière de ce pourcentage pour les raisons que l’on connaît.

Debut de section - PermalienPhoto de Richard Yung

Nous ne savons que trop bien où cet appât du gain et cette avidité ont mené le système financier. Il n’est qu’à voir la crise de 2008, entre autres.

Le titre Ier repose sur un principe simple et solide : les activités pour compte propre doivent être conduites de manière autonome au sein de la banque. Elles seront logées dans une filiale qui respectera tous les ratios prudentiels et qui se financera seule, sans l’aide de sa maison mère : sa gouvernance, son nom, tout sera différent.

En un mot, cette filiale doit vivre indépendamment de sa maison mère. Surtout, elle doit pouvoir mourir, si j’ose dire, sans provoquer de dégâts collatéraux sur le reste du groupe ou sur le secteur financier dans son ensemble. La filiale cantonnée est en quelque sorte un morceau détachable et périssable au sein de l’ensemble du groupe.

Pourquoi avoir retenu ce schéma alors que d’autres dispositifs, comme la règle Volcker, la réforme Vickers ou le rapport Liikanen auraient pu être adoptés ?

Dans l’esprit, nous adhérons à la règle Volcker qui interdit l’ensemble des activités pour compte propre. Son caractère maximaliste est cependant sa plus grande faiblesse. Alors qu’elle a été votée par le Congrès américain voilà deux ans, elle n’est toujours pas appliquée. En effet, le Congrès peine…

Debut de section - PermalienPhoto de Richard Yung

M. Richard Yung, rapporteur. … à établir la liste, de plus en plus longue, des exceptions à cette règle d’airain qui, d’ailleurs, n’en est plus une !

Sourires.

Debut de section - PermalienPhoto de Richard Yung

La réforme britannique, dite Vickers, est différente, puisqu’elle pose un problème de principe. Elle prévoit de cantonner toutes les activités de banque de détail dans une filiale, et non au sein de la maison mère, pendant que toutes les autres activités financières, celles qui constituent la City au sens propre, seront libres. La filiale est quant à elle cloisonnée et fait l’objet de règles assez strictes de surveillance.

En outre, comme les Anglais sont empiriques et, reconnaissons-le, ont une confiance limitée dans les banques – peut-être faut-il le regretter –, ils ont tenu à s’assurer que les banques respecteraient bien ces règles de séparation et ont, pour ce faire, décidé d’« électrifier la clôture », selon l’expression qu’ils ont utilisée – ils y font passer un courant de 440 volts : c’est du costaud !

Sourires.

Debut de section - PermalienPhoto de Richard Yung

M. Richard Yung, rapporteur. Le lion est plus britannique !

M. Jean Desessard s’exclame.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre-Yves Collombat

Richard Cœur de Lion n’était pas un prédateur !

Debut de section - PermalienPhoto de Richard Yung

Richard Cœur de Lion était un Plantagenêt et il est enterré en France !

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Marini

M. Philippe Marini. Merci de cette page d’histoire !

Sourires.

Debut de section - PermalienPhoto de Richard Yung

Enfin, le récent rapport Liikanen remis au commissaire européen Michel Barnier formule des préconisations en vue de séparer les activités de marché. D’une certaine manière, nous allons suivre cette règle, même si nous le faisons de façon moins brutale et moins systématique.

Je m’arrêterai un instant sur la tenue de marché, car elle est au cœur de notre débat.

Il s’agit d’une activité réalisée par une banque, pour son compte propre, en vue de servir les besoins de ses clients ou ses besoins propres. Par exemple, une entreprise émet des obligations. Les investisseurs les acquièrent, mais veulent être sûrs de pouvoir les revendre à tout moment. En effet, pour qu’il y ait marché, il faut qu’il y ait achat et vente. La tenue de marché, c’est précisément cela : la banque accepte de tenir le marché, c’est-à-dire s’engage à racheter ses obligations quand les investisseurs les vendent. Il est clair que ces derniers n’achèteraient jamais de titres s’ils estimaient leur revente impossible.

L’État français fait d’ailleurs appel à des teneurs de marché pour gérer notre dette publique. Cette pratique est donc à la fois courante et utile pour le financement de l’économie.

Debut de section - PermalienPhoto de Richard Yung

La démarcation entre spéculation et tenue de marché reste délicate. Si, chaque jour, la banque achète mille titres, par exemple, et en vend le même nombre, elle fait de la tenue de marché. En revanche, si elle achète dix mille titres et n’en vend que mille, elle réalise une opération spéculative. Il est toutefois difficile de deviner les intentions de la banque et de tracer une frontière entre ces deux activités.

La tenue de marché ne doit pas être pénalisée en tant que telle. Si cette activité était logée entièrement dans la filiale cantonnée, les ratios prudentiels seraient tellement contraignants que cette activité ne pourrait plus être exercée par les banques françaises.

La règle Volcker ne dit pas autre chose. Cependant, au lieu de recourir à de longues listes d’exceptions définies a priori, nous préférons nous appuyer sur le régulateur, l’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution, l’ACPR, qui exercera un contrôle a posteriori.

L’Assemblée nationale a renforcé le régulateur et l’a obligé à se doter d’indicateurs permettant justement de cerner les opérations qui serviraient de prétexte à la spéculation. Plus encore, sur l’initiative de Karine Berger, elle a offert au ministre de l’économie la possibilité de transférer tout ou partie des activités de tenue de marché dans la filiale.

Le texte auquel nous avons abouti préserve à la fois la tenue de marché, dont nous avons vu qu’elle était utile, mais pose suffisamment de garde-fous pour s’assurer que les banques ne profiteront pas de cette occasion. Nous évitons l’écueil d’un juridisme exacerbé ou d’une prudence trop nuisible à notre économie, comme le préconise par exemple le rapport Liikanen.

La commission des finances n’a donc pas souhaité bouleverser cet équilibre et les amendements que nous avons adoptés à l’article 1er sont venus renforcer, consolider et compléter le texte sur la séparation adopté par nos collègues députés.

Je voudrais, à ce stade de mon propos, mes chers collègues, citer un proverbe bouddhiste

Exclamations.

Debut de section - PermalienPhoto de Richard Yung

J’en viens maintenant au titre II du projet de loi, consacré à la mise en place d’un régime de résolution bancaire. S’il ne fait que reprendre en français un mot d’origine anglaise, ce titre peu médiatique me semble toutefois assez révélateur, car le mot « résolution » signifie qu’on a la volonté de résoudre un problème. Il me semble donc relativement bien employé dans ce cas, pour un sujet qui, à mes yeux, est probablement l’un des aspects les plus importants du texte.

Dans les mois qui ont suivi la chute de Lehman Brothers, le G20 et le comité de Bâle se sont attachés à renforcer la solidité du secteur bancaire à l’aide de nouvelles règles prudentielles, notamment via le renforcement des fonds propres. Ces règles ont été transposées en Europe dans le paquet CRD IV. Les Anglais proposent aujourd’hui de porter le ratio à 10 % à un horizon de six ans, ce qui nous laisse du temps pour le débat !

Il nous a fallu aussi répondre à d’autres questions.

Primo, avons-nous vraiment tout fait pour qu’une telle crise ne se produise plus ? Secundo, si elle devait malgré tout survenir, comment pourrions-nous limiter le risque systémique et le recours aux fonds publics ?

En réponse à la première question, l’ensemble des réflexions sur la structure des banques est venu compléter l’édifice de Bâle. Pour répondre à la seconde question, il est apparu évident qu’il fallait organiser autrement la faillite du secteur bancaire. D’où l’idée de la résolution.

Lorsque nous nous sommes rendus à Londres pour discuter avec nos collègues britanniques de leurs pratiques, notamment pour évoquer le rapport Vickers et les autres réglementations que nos voisins sont en train d’élaborer, le chef de l’autorité de régulation nous a raconté comment s’était déroulée la faillite de la Royal Bank of Scotland, une grande banque qui capitalisait plusieurs dizaines de milliards d’actif, et surtout de passif.

Un vendredi, à quinze heures, le président de cette banque téléphone au gouverneur de la banque d’Angleterre, Sir Mervyn King, pour lui dire en substance : « Je réunis mon conseil d’administration dans quinze minutes pour constater que nous ne pouvons plus faire face à nos obligations. Dans quarante-cinq minutes, je serai contraint d’annoncer la nouvelle dans un communiqué. Mes respects, monsieur le gouverneur… »

Que fait le gouverneur de la banque d’Angleterre dans pareille situation ? Il prend son téléphone et appelle le chancelier de l’Échiquier, Alistair Darling – dont je vous recommande les mémoires, soit dit en passant – pour lui déclarer en substance : « Je viens de recevoir un coup de téléphone du président de la Royal Bank of Scotland. Auriez-vous la gentillesse de m’envoyer un coursier, muni d’une mallette contenant de 1, 5 à 2 milliards de livres sterling, afin que je puisse assurer le sauvetage de cet établissement ? Mes respects, monsieur le chancelier. »

Et que fait le chancelier de l’Échiquier lorsqu’il reçoit pareil coup de téléphone un vendredi à quinze heures ? Eh bien, mes chers collègues, il ne peut rien faire ! Nous sommes en plein dans l’aléa moral, ce à quoi nous voulons précisément mettre fin.

Confrontés au dépôt de bilan d’une banque trop grosse, trop interconnectée et, bien souvent, trop complexe pour faire faillite, les pouvoirs publics sont en quelque sorte placés dans une situation de « non-choix ».

La résolution s’appuie d’abord sur une autorité de résolution, l’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution, sur laquelle je ne m’attarderai pas, si ce n’est pour souligner que la Banque de France et la direction générale du Trésor y occuperont une place centrale.

Je ne m’appesantirai pas non plus sur la palette très large de pouvoirs dont disposera cette autorité de contrôle prudentiel. Ces prérogatives sont certes extraordinaires, mais, en l’occurrence, il faut impérativement pouvoir porter le fer de façon énergique et brutale.

Deux dispositifs sont également créés pour limiter l’appel au contribuable : le recours aux créanciers privés, d’une part, le recours à un fonds ad hoc financé par les banques, d’autre part. Comme M. le ministre l’a évoqué, c’est le Fonds de garantie des dépôts, transformé en Fonds de garantie des dépôts et de résolution, qui jouera ce rôle, avec un encours qui passera de 2 à 10 milliards d’euros, je ne m’étendrai pas davantage sur ce point.

Cet édifice à deux étages permettra-il de s’assurer que l’État ne sera pas obligé de venir à la rescousse d’un établissement en difficulté ?

Sourires.

Debut de section - PermalienPhoto de Richard Yung

Personne ne peut le garantir, car tout dépendra de la taille de la banque en situation de faillite. Si un ou deux milliards d’euros sont en jeu, on pourra peut-être faire face. S’il s’agit de mille milliards d’euros, l’ensemble du dispositif vacillera.

Il nous faudra également débattre de la question des créanciers dits « senior ».

Le dispositif tel qu’il est conçu prévoit d’appeler les fonds propres, les fonds quasi-propres, puis la « dette junior » qui ne représente que 7 % de la dette bancaire. La question se pose donc de savoir si l’on doit également inclure la « dette senior », c’est-à-dire, principalement, mais pas exclusivement, les titres obligataires. M. le ministre nous informera de l’évolution des discussions en la matière, mais il semble que l’on se dirige vers une telle décision au niveau européen.

Ce volet « résolution », qui doit encore être parachevé, constitue l’une des avancées les plus importantes du projet de loi.

Mes chers collègues, permettez-moi d’enrichir mon propos d’une deuxième citation, prémonitoire – elle date du milieu du dix-neuvième siècle –, du dramaturge norvégien Ibsen : « Les champions de la finance sont comme les perles d’un collier : quand l’une d’elles tombe, toutes les autres suivent... »

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre-Yves Collombat

M. Pierre-Yves Collombat. En l’occurrence, ce sont de fausses perles !

Sourires.

Debut de section - PermalienPhoto de Richard Yung

La résolution, c’est le collier d’Ibsen, tout simplement !

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre-Yves Collombat

M. Pierre-Yves Collombat. Et nous, on enfile des perles !

Nouveaux sourires.

Debut de section - PermalienPhoto de Richard Yung

Je voudrais également mentionner plusieurs avancées à porter au crédit de la commission des finances, notamment en matière de lutte contre les paradis fiscaux, la spéculation sur les cours des matières premières et le trading par ordinateur à haute vitesse, ou encore l’obligation pour les banques de publier, pays par pays, leurs implantations, le produit net bancaire réalisé et leurs effectifs. Mais je ne doute pas que la transparence sera au cœur de nos débats à venir.

Nous avons aussi prévu d’obliger les plateformes boursières à se doter d’instruments de nature à limiter les « ordres perturbateurs » sur les marchés, à commencer par ceux envoyés par les traders.

Enfin, la commission des finances a adopté un article visant à sanctionner, y compris pénalement, le fait de manipuler un indice financier – nous avions bien entendu en tête l’affaire du Libor, un scandale majeur outre-Manche, mais qui a aussi concerné notre pays.

Je l’ai dit, la régulation doit s’appuyer sur des régulateurs solides, dotés de tous les moyens nécessaires. Il me semble que nous avançons dans cette voie.

Le projet de loi crée un Conseil de stabilité financière, que la commission des finances a renommé Haut Conseil de stabilité financière, et qui aura pour mission fondamentale la surveillance macro-prudentielle, afin d’éviter l’apparition de risques systémiques et de bulles.

Le texte renforce également les pouvoirs de l’AMF et de l’ACPR.

L’Assemblée nationale a également adopté un article, sur l’initiative de Christian Eckert, rapporteur général, sur l’encadrement des emprunts des collectivités territoriales. Je ne le développe pas, car nous y reviendrons au cours de la discussion des articles. Je signale simplement que le Gouvernement propose de créer une agence de financement des collectivités territoriales.

Pour terminer ce panorama, je voudrais dire un mot du titre VI du projet de loi, que nos collègues rapporteurs pour avis, Thani Mohamed Soilihi pour la commission des lois et Yannick Vaugrenard pour la commission des affaires économiques, exposeront de manière plus détaillée.

Ce titre traite de l’assurance emprunteur, des commissions d’intervention, du référentiel de place et de bien d’autres sujets, notamment le plafonnement des commissions d’intervention. Les débats seront approfondis sur ces questions, je n’en doute pas.

La commission des finances a noté que le modèle économique de la banque de détail repose en partie sur ces commissions d’intervention, ce qui pose un problème général de structure de nos établissements financiers. Il nous faut donc trouver un compromis viable en la matière.

En conclusion, mes chers collègues, soyons bien conscients que la France fait œuvre de pionnier dans tous ces domaines. Elle est l’un des premiers pays à légiférer sur ces questions, même si l’Allemagne et le Royaume-Uni sont peu ou prou en train de suivre, par des voies différentes, les mêmes orientations, ce qui prouve que nous sommes sur la bonne voie.

J’espère que l’adoption de ce texte permettra à la France de peser sur les décisions qui seront prises au niveau européen. Nous avons là un texte solide, équilibré, qui devra faire ses preuves en permettant au secteur bancaire de se développer dans le cadre de la banque universelle dont nous avons parlé tout à l’heure.

Sous le bénéfice de l’ensemble de ces observations, la commission des finances et son rapporteur vous demandent, mes chers collègues, d’adopter le présent projet de loi, après une discussion que je souhaite ouverte et enrichissante.

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe écologiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE et de l’UDI-UC.

Debut de section - PermalienPhoto de Bariza Khiari

La parole est à M. Yannick Vaugrenard, rapporteur pour avis.

Debut de section - PermalienPhoto de Yannick Vaugrenard

Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, ce projet de loi, comme cela a été rappelé, concrétise l’un des principaux engagements pris par le Président de la République.

L’objectif de ce texte est de renforcer la sécurité du système financier et de recentrer ce dernier sur sa mission fondamentale : le financement de l’économie réelle, notamment des entreprises de notre pays. Ce faisant, il se situe au cœur des préoccupations de la commission des affaires économiques.

Afin d’orienter davantage la finance vers l’économie, la réforme s’emploie à mettre, en quelque sorte, des bâtons dans les roues de la spéculation. Les mesures proposées établissent un dispositif cohérent et constituent un levier puissant pour modifier la logique d’action des acteurs financiers.

Je citerai six des principales entraves à la spéculation mises en place par ce texte.

Premièrement, il impose la filialisation de certaines activités dans des établissements déconnectés du groupe bancaire sur le plan prudentiel et capitalistique, ce qui entraînera une immobilisation coûteuse de fonds propres et d’actifs liquides.

Deuxièmement, le contrôle drastique des opérations de trading est confié à une autorité prudentielle aux pouvoirs considérablement accrus, comme l’a rappelé M. le ministre.

Troisièmement, la menace permanente d’une filialisation plus poussée, sur simple décision ministérielle, en cas de dérapage, sera une sorte d’épée de Damoclès suspendue au-dessus de la tête des banques.

Quatrièmement, les opérations de négoce à haute fréquence et les opérations sur instruments à terme dont le sous-jacent est une matière première agricole seront interdites.

Cinquièmement, la transparence est renforcée concernant le volume et la nature des activités des filiales bancaires à travers le monde.

Sixièmement, les pertes éventuelles au sein des établissements bancaires seront internalisées grâce à des mécanismes de résolution.

Ce dernier volet de la réforme est sans doute le plus important. Le régulateur disposera en effet, dans le cadre de cette procédure de résolution, de pouvoirs extrêmement étendus. Il pourra ainsi changer les dirigeants en place, procéder au transfert ou à la cession d’office de tout ou partie de l’établissement, confier les actifs toxiques à un établissement-relais, ou encore impliquer les créanciers dans le sauvetage, en annulant ou en convertissant leurs titres.

Les pertes des banques seront donc désormais épongées en priorité par les banques elles-mêmes. M. le ministre l’a rappelé tout à l’heure : « qui faute, paie ». Il s’agit d’une mesure essentielle pour diminuer l’attrait des paris spéculatifs.

Tout cela doit permettre un assainissement sensible du monde de la finance, au moins à l’échelle nationale. Ce texte place les banques devant leurs responsabilités, non pas en faisant appel à leur sens éthique ou à leur autodiscipline – ce serait faire preuve de beaucoup de naïveté –, …

Debut de section - PermalienPhoto de Yannick Vaugrenard

… mais en instaurant des mécanismes concrets de surveillance et de sanction, qui pourraient, au final, faire que la spéculation soit une activité moins rentable.

Se dessine ainsi une modification durable du modèle économique des banques, permettant de réorienter les flux d’épargne vers le financement de l’économie. Tel est le but que nous recherchons tous.

La stratégie retenue par le Gouvernement repose sur une analyse et des constats solides.

Tout d’abord, si le financement de l’économie passe par le crédit bancaire, il s’appuie aussi – de plus en plus – sur l’émission de titres financiers ainsi que sur des services financiers de couverture. Il fallait donc éviter de mettre en place une réforme risquant de conduire les banques françaises à se détourner des activités de trading.

Par ailleurs, les banques ayant des activités diversifiées sont plus robustes : la diversification de leurs activités entraîne une diversification des risques et donc une capacité accrue à absorber des pertes éventuelles.

Ces deux éléments plaident donc pour le maintien d’un modèle de banque universelle, qu’il ne faut pas idéaliser, bien entendu, mais que l’on ne doit pas non plus vouer aux gémonies.

Au demeurant, ce modèle universaliste a été retenu par le rapport Liikanen qui fixe le cadre général d’une future réforme européenne sur la séparation des activités bancaires. Sortir de ce cadre pourrait conduire notre pays à mettre en place une réforme incompatible avec la future architecture bancaire européenne.

Reste la question du positionnement du curseur, et c’est là le cœur du problème. Où placer la frontière entre les activités de trading vraiment utiles à l’économie, ayant donc vocation à demeurer dans le champ d’activité des banques, et les activités de négociation spéculatives, devant être interdites ou filialisées ?

Cette question n’a pas de réponse évidente, car la frontière entre activités spéculatives et non spéculatives est délicate – sinon impossible – à établir a priori.

Debut de section - PermalienPhoto de Yannick Vaugrenard

Nous connaissons d’ailleurs les difficultés rencontrées par les États-Unis pour mettre en œuvre la règle de Volcker, comme M. le rapporteur le rappelait à l’instant.

La solution retenue par le texte français semble pragmatique et opératoire. Peut-être aurait-on pu aller plus loin dans la filialisation en cantonnant aussi les opérations de tenue de marché ? Toutefois, si la loi ne le permet pas précisément, elle ne l’interdit pas non plus, puisque, à la suite d’un amendement adopté par l’Assemblée nationale, le ministre aura ensuite le pouvoir de le faire par simple arrêté. La frontière réglementaire entre le spéculatif et le non-spéculatif pourra donc, à l’avenir, être rendue plus restrictive en fonction des conditions rencontrées.

Pour en terminer avec ce volet, je voudrais souligner qu’une bonne partie de son efficacité dépendra de la diligence et de la compétence du régulateur.

En effet, les banques sont influentes et les phénomènes de capture du régulateur n’existent pas que dans la littérature économique. Il est donc essentiel de prévenir les phénomènes de conflits d’intérêts ou, plus simplement, de lutter contre une forme de proximité existant entre le secteur bancaire et la haute administration et pouvant conduire à influer sur l’analyse des situations elles-mêmes. Nous devons être particulièrement vigilants sur ce point. Sans doute devrons-nous, à l’avenir, réfléchir à des mécanismes plus stricts, garants d’une supervision sans concession.

Le second volet du projet de loi n’a pas la même unité que le précédent, mais il est tout aussi essentiel.

Vous l’avez rappelé tout à l’heure, monsieur le ministre, les Français ont eu parfois le sentiment que l’on se préoccupait davantage, au cours de la résolution de la crise financière de 2008, de la santé des banques que de celle de leurs clients.

Debut de section - PermalienPhoto de Yannick Vaugrenard

Sans doute faut-il reconnaître que les deux étaient quelque peu liées !

S’en est suivie une défiance durable et profonde des consommateurs, particuliers et entreprises, à l’encontre de nos établissements de crédit. Il est donc juste que les consommateurs perçoivent aujourd’hui les dividendes du soutien public aux banques par des mesures concrètes, tangibles et susceptibles d’améliorer leur information et de réduire leurs frais, notamment en ce qui concerne les publics fragilisés.

Si le projet de loi comporte des avancées significatives pour améliorer l’existant, en matière de protection du consommateur, donc du client bancaire, nous ne partons cependant pas de rien.

En effet, le droit au compte a été instauré par la loi d’orientation relative à la lutte contre les exclusions, en 1998. De plus, les principes de la convention de compte, de la médiation et de la transparence des tarifs ont été acquis en 2001. Plus récemment, à la suite de la remise, en 2010, d’un rapport sur la tarification des services bancaires, une dénomination commune unique des principaux frais et services bancaires a été élaborée au sein du comité consultatif des services financiers : les banques affichent désormais leurs dix principaux tarifs en tête de leurs plaquettes. Enfin, toujours en 2010, la loi Lagarde a réformé le crédit à la consommation et les dispositifs de lutte contre le surendettement.

De nombreuses mesures de ce projet de loi visent donc à améliorer ces dispositifs déjà en place. Je pense en particulier au droit au compte et aux procédures de surendettement. Dans ce domaine, les dispositions du texte s’inscrivent dans la droite ligne des propositions de la commission sénatoriale pour le contrôle de l’application des lois visant à accélérer les procédures.

Au titre des améliorations apportées à la loi Lagarde, un article de ce projet de loi vise à rendre beaucoup plus effectif le libre choix de l’assurance emprunteur en vue de la souscription d’un emprunt immobilier et donc de mieux faire jouer la concurrence.

La principale mesure en faveur des particuliers est le plafonnement des commissions d’intervention. Le coût de ce service, détachable du découvert en lui-même, ainsi que l’importance du montant des commissions au sein du produit net bancaire des établissements, sont tout à fait révélateurs des déséquilibres profonds de l’économie de la banque de détail.

Un rapport de 2010 établit que le coût global de la banque de détail en France, si l’on inclut l’activité de prêt, et surtout les prêts immobiliers, n’est pas excessif par rapport à d’autres pays étrangers, en dépit de fortes variations. Notre produit net bancaire par habitant bancarisé serait ainsi inférieur de 52 % à celui du Royaume-Uni, de 46 % à celui de l’Italie et de 6 % à celui de l’Allemagne.

En revanche, le même rapport montre que la tarification de la banque au quotidien – c’est-à-dire la gestion du compte, les moyens de paiement et la gestion des incidents – est élevée dans notre pays, notamment en raison du développement des forfaits. Un consommateur français ayant un profil européen moyen de consommation dépenserait chaque année 14, 5 % de plus que la moyenne des consommateurs de nos six principaux partenaires.

L’économie de la banque de détail en France est ainsi caractérisée, d’un côté, par des approches commerciales agressives, avec des emprunts immobiliers particulièrement compétitifs pour gagner une clientèle solvable et, de l’autre, par des frais sans rapport avec leur coût réel, notamment pour ce qui est des commissions d’intervention, touchant les populations les plus fragiles financièrement. Il convient de réparer cette injustice.

Le coût moyen de ces commissions s’élevait à 8, 24 euros en 2012, avec un maximum atteignant parfois 16 euros. En cas d’incidents répétés, leur montant peut atteindre plusieurs centaines d’euros par mois, nous l’avons constaté. Les plafonds mensuels peuvent s’établir à plus de 160 euros, le maximum constaté étant de 350 euros.

La part des commissions dans le produit net bancaire représenterait – les estimations varient : plus l’on avance dans le temps et plus, semble-t-il, elles sont importantes – plusieurs centaines de millions d’euros. Elles s’élevaient, il y a trois semaines, à 1, 8 milliard d’euros ; il y une semaine, nous en étions à 3 milliards d’euros !

Les députés ont souhaité aller plus loin que le texte initial du projet de loi et poser le principe d’un plafond des commissions d’intervention, par opération et par mois, pour l’ensemble des clients et non pour les seules personnes en situation de fragilité.

En dépit des pressions du secteur bancaire – et elles ont été importantes –, il m’apparaît indispensable de préserver, voire de consolider, l’acquis obtenu à l’Assemblée nationale. Les banques ont d’abord fait valoir que la mesure fragiliserait les banques de réseau, tout particulièrement les plus denses d’entre elles, au profit des banques en ligne. Or il n’y a pas de corrélation entre la taille du réseau bancaire et le montant des commissions pratiquées. La Banque Postale, qui se situe dans la moyenne de tarification des frais bancaires, est ainsi moins chère, par exemple, que BNP-Paribas.

Les banques mettent désormais en avant le risque d’une automatisation du traitement des incidents bancaires, qui entraînerait des effets négatifs non seulement sur l’emploi, mais aussi sur leurs clients qui pourraient se voir opposer des rejets de paiement. Ce risque d’automatisation existe, il est réel. Cependant, les interventions des banques sur les paiements par carte bancaire sans autorisation préalable sont déjà totalement automatisées, à hauteur de 85 % des cartes, sans que les frais en tiennent aujourd’hui réellement compte.

En réalité, mes chers collègues, il s’agit pour nous de limiter les abus constatés dans la tarification du service bancaire. Nous ne pouvons tolérer que les commissions d’intervention soient éloignées de manière abusive du coût réel du service proposé et que les plus fragiles assument une fraction aussi importante du produit net bancaire, comme c’est le cas aujourd’hui en France.

Je vous proposerai donc, au nom de la commission des affaires économiques, un amendement tendant à préciser et conforter ce dispositif.

Si le projet de loi contient des avancées substantielles en faveur des particuliers, il n’en va pas de même pour les entreprises. Les avancées sont moins nettes dans ce secteur, où l’on constate un raidissement des banques, alors même qu’un soutien financier plus important, nous le constatons tous, serait nécessaire en temps de crise.

Certes, les banques mettent en avant une progression du volume des crédits accordés aux entreprises en général. Cependant, une partie croissante des prêts aux entrepreneurs individuels, aux petites et moyennes entreprises, fait l’objet d’exigences également croissantes, notamment en matière de garanties.

Selon une enquête d’opinion réalisée en décembre 2012 auprès de dirigeants de PME, 43 % d’entre eux considéraient que leurs frais de financement étaient trop élevés ou que le montant des crédits accordés était plus faible que souhaité ; de plus, 42 % de ces dirigeants soulignaient que leur banque exigeait des garanties supplémentaires, soit un taux en hausse par rapport aux précédentes enquêtes.

Peu d’éléments, dans ce projet de loi, permettent de répondre à ces inquiétudes. Cela est assez logique, car le Gouvernement a déjà pris des mesures d’ampleur dans d’autres textes, notamment avec la constitution de la banque publique d’investissement et l’instauration du crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi.

Je me félicite toutefois des progrès sensibles apportés par ce projet de loi en matière de contractualisation des relations entre les banques et les plus petites entreprises. Le principe d’une convention de compte pour les personnes physiques agissant à titre professionnel sera ainsi introduit, de même que pour les financements permanents.

Les banques se plaignent du manque de souplesse que pourraient engendrer ces conventions. Je pense, quant à moi, qu’elles rassureront plutôt les entrepreneurs, qui en ont bien besoin dans la période difficile que nous connaissons aujourd’hui.

Pour conclure, je tiens à rappeler que cette réforme bancaire s’inscrit dans un ensemble complexe d’initiatives multiples. L’Europe travaille sur la transposition des accords de Bâle III. Elle s’emploie à la création d’un mécanisme européen de résolution bancaire et à la mise en place d’outils destinés à encadrer les rémunérations au sein de la finance. Bref, les lignes bougent et ce contexte évolutif oblige à être à la fois audacieux et prudent.

Audacieux, parce que les initiatives prises par tel ou tel pays peuvent rapidement faire tâche d’huile. On a pu le vérifier récemment : l’amendement tendant à obliger les banques à plus de transparence pour ce qui concerne leurs filiales installées à l’étranger a été immédiatement repris à l’échelon européen. De la même manière, la spectaculaire initiative suisse relative aux rémunérations bancaires doit nous inciter à faire preuve d’une certaine ambition.

Mais l’audace peut également se payer cher, car, dans un monde où les capitaux sont parfaitement mobiles, il est aisé de contourner les réglementations les plus sévères. C’est pourquoi il faut aussi être prudent.

Les amendements que j’ai soumis à la commission des affaires économiques et que cette dernière a adoptés à l’unanimité respectent cette double exigence.

Par le biais de l’un de ces amendements est posée la question de l’implication des mandataires sociaux et des traders dans les procédures de résolution bancaire. En effet, il est essentiel que les plans de résolution soient étoffés et comportent des éléments garantissant que les principaux preneurs de risques subiront directement les conséquences de la procédure de résolution. Sans cela, l’effet dissuasif de la résolution risquerait d’être fortement diminué.

Un autre des amendements que j’ai présentés à la commission des affaires économiques reprend simplement une préconisation formulée par la Cour des comptes dans son rapport de cette année : il vise à introduire dans le secteur bancaire le principe du say on pay qui consiste à soumettre aux actionnaires l’ensemble des rémunérations octroyées aux hauts dirigeants, mandataires sociaux et traders.

Mes autres amendements tendent à améliorer encore le volet du texte que nous examinons relatif à la consommation.

Mes chers collègues, nous reviendrons sur tous ces points au cours de la discussion des articles. En attendant, j’ai le plaisir de vous indiquer que la commission des affaires économiques a émis un avis très favorable à l’adoption du présent projet de loi.

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC, ainsi que sur certaines travées du RDSE . – Mme Muguette Dini applaudit également.

Debut de section - PermalienPhoto de Bariza Khiari

La parole est à M. Thani Mohamed Soilihi, rapporteur pour avis de la commission des lois.

Debut de section - PermalienPhoto de Thani Mohamed Soilihi

Madame la présidente, monsieur le ministre, monsieur le président de la commission des finances, messieurs les rapporteurs, mes chers collègues, si la commission des lois s’est saisie pour avis du projet de loi de séparation et de régulation des activités bancaires, c’est non pas pour apporter une contribution dans un domaine qui ne ressort pas de sa compétence – les enjeux de la séparation des activités bancaires utiles au financement de l’économie et des activités spéculatives, ainsi que l’organisation de la supervision et du contrôle des activités bancaires –, mais pour examiner quelques articles relevant de son champ d’intervention et concernant le droit des assurances, le droit de la consommation et le droit funéraire, ainsi que les commissions d’enquête parlementaires. En effet, dans son projet de loi initial, le Gouvernement a introduit plusieurs dispositions relevant de ces domaines.

Monsieur le ministre, la plupart des dispositions qui ont attiré l’attention de la commission des lois figuraient déjà dans le projet de loi renforçant les droits, la protection et l’information des consommateurs, examiné par notre assemblée au mois de décembre 2011 et dont notre commission s’était déjà saisie pour avis, étudiant par délégation au fond de la commission des affaires économiques certaines de ses mesures. Je pense, en particulier, au régime de l’assurance-emprunteur et aux questions relatives à la législation funéraire. Toutefois, la navette de ce projet de loi s’est interrompue en raison de la fin de la précédente législature à l’Assemblée nationale.

Je tiens néanmoins à saluer en cet instant le travail de notre collègue Nicole Bonnefoy, qui avait été rapporteur de ce texte au nom de la commission des lois : le travail réalisé en 2011 m’a évidemment guidé aujourd’hui.

Revenons au projet de loi de séparation et de régulation des activités bancaires, dont la commission des lois a examiné l’article 18, destiné à rendre plus effectif l’exercice par l’emprunteur de sa liberté de choix en matière d’assurance-crédit, l’article 23, permettant aux héritiers d’accéder dans certaines conditions au compte bancaire d’un défunt, et l’article 25, tendant à mettre notre droit en conformité avec un arrêt de la Cour de justice de l’Union européenne qui rappelle que le principe de l’égalité de traitement entre les hommes et les femmes s’applique en matière d’assurance.

L’article 18 vise à renforcer l’information de l’emprunteur sur le coût de l’assurance destinée à garantir le remboursement du crédit. En outre, concernant les crédits immobiliers, il encadre davantage les conditions dans lesquelles peut s’organiser la souscription d’un contrat d’assurance-crédit autre que le contrat de groupe proposé par le prêteur, de façon à permettre à l’emprunteur d’exercer véritablement la liberté de choix de l’assurance-crédit qui lui a été accordée par la loi Lagarde du mois de juillet 2010. Instaurée au nom de la concurrence, cette liberté de choix a pour objet de diminuer le coût de l’assurance-crédit pour l’emprunteur d’un montant pouvant atteindre plusieurs milliers d’euros sur la totalité de la durée du crédit.

Je vous propose une série d’amendements destinés à clarifier ces dispositions dont la rédaction peut, en l’état, prêter à des interprétations ambiguës.

Demeure notamment la question de la liberté de choix pour les contrats de crédit souscrits antérieurement à la loi Lagarde, c’est-à-dire la possibilité pour les emprunteurs de renégocier des contrats d’assurance de groupe. Cette question est évidemment importante pour les associations de consommateurs. La réflexion doit se prolonger sur ce sujet : à ce jour, il n’y a pas de réponse évidente.

L’article 23 concerne les facilités d’accès au compte bancaire du défunt. Il s’agit d’autoriser les héritiers à accéder à ce compte afin de régler les frais des funérailles. En principe, les banques devraient le permettre – d’ailleurs, elles le font parfois –, puisque le paiement des obsèques est considéré comme un acte conservatoire de la succession, mais elles peuvent le refuser, craignant de voir leur responsabilité engagée. Le présent dispositif devrait apporter une réponse adaptée en termes de sécurité juridique. La commission des finances a clarifié un point, en cohérence avec le droit civil, dans le sens souhaité par la commission des lois.

À l’article 23, il est proposé d’ajouter deux nouvelles facilités d’accès au compte bancaire du défunt. Il s’agirait d’autoriser un successible en ligne directe, c’est-à-dire un enfant ou un parent, mais pas le conjoint survivant, à payer certaines dettes de la succession, voire à clôturer le compte et à prélever la totalité des fonds. Pour cela, il suffirait qu’il fasse valoir sa qualité en produisant un acte de naissance, qu’il déclare, sans qu’aucune vérification ne soit effectuée, que, à sa connaissance, il n’y a pas d’autres héritiers, pas de testament ni de contrat de mariage. Pour la clôture du compte, il devrait en outre produire une attestation des autres héritiers l’autorisant à percevoir les fonds. Ces procédures ne seraient possibles que pour des comptes bancaires d’un montant inférieur à quelques milliers d’euros.

Les auditions auxquelles j’ai procédé m’amènent à faire preuve de la plus grande réserve à l’égard de ces deux nouveaux dispositifs.

Tout d’abord, ils ne sont pas demandés par les associations de consommateurs. La Fédération bancaire française m’a indiqué ne pas avoir connaissance de difficultés particulières qui justifieraient des dispositifs aussi dérogatoires au droit commun. Quant au Conseil supérieur du notariat, il juge que la sécurité juridique de ces mesures est loin d’être assurée ; en outre, elles risqueraient d’exacerber certains conflits successoraux.

Ainsi, tout repose sur les déclarations d’un héritier qui n’a pas à apporter de véritable preuve de ce qu’il avance et n’est soumis à aucune procédure de vérification par l’établissement bancaire. Que se passera-t-il lorsque les enfants souhaiteront clôturer le compte et que la compagne du défunt détiendra un testament olographe non enregistré ? Verra-t-on les successibles en conflit engager une course contre la montre pour vider les comptes bancaires du défunt à leur profit, en procédant, le cas échéant à de fausses déclarations ? Comment l’intérêt des créanciers du défunt sera-t-il garanti, une fois les fonds dispersés, sans trace, entre les héritiers ?

La commission des lois vous proposera donc de supprimer ces deux dispositifs pour ne conserver que celui qui permettrait le paiement des funérailles.

Enfin, l’article 25 vise à tirer les conséquences, dans le code des assurances, de l’arrêt Test-Achats rendu par la Cour de justice de l’Union européenne le 1er mars 2011, lequel a invalidé l’article 5 de la directive de 2004 mettant en œuvre le principe de l’égalité de traitement entre les femmes et les hommes dans l’accès aux biens et services et la fourniture de biens et services, qui prévoyait une dérogation au principe d’égalité de traitement en matière de primes et contrats d’assurance. La Cour ayant considéré cette dérogation discriminatoire, elle l’a invalidée pour l’avenir et a fixé une date d’effet de sa décision au 21 décembre 2012. Désormais, le montant des primes d’assurance, notamment automobile, doit être le même pour les hommes et les femmes.

J’y insiste, nous sommes au mois de mars 2013, or depuis cette décision de mars 2011, rien n’a été fait pour mettre en conformité la législation française. La commission des lois l’a vivement déploré.

Même si cela suscite une controverse avec les assureurs, qui se fondent sur le texte d’un arrêté ministériel pris dans l’attente de la modification du code des assurances, la commission des finances a utilement clarifié la rédaction de l’article 25 sur un point d’interprétation difficile, de sorte que la commission des lois a approuvé cet article ainsi modifié.

Par ailleurs, mes chers collègues, la commission des lois vous proposera d’introduire des dispositions additionnelles concernant les contrats d’assurance-vie non réclamés et la législation funéraire qui trouvent pleinement leur place dans le présent projet de loi. Ces mesures ont déjà été adoptées par le Sénat, et certaines d’entre elles à plusieurs reprises, notamment en 2011 à l’occasion de l’examen du projet de loi renforçant les droits, la protection et l’information des consommateurs, sans jamais aboutir à ce jour.

Un premier amendement concernera la revalorisation des « contrats obsèques », car, sur ce point, la loi n’est toujours pas appliquée, en raison d’une incompatibilité supposée avec les règles prudentielles européennes en matière d’assurance-vie. Il s’agit d’effectuer quelques ajustements pour rendre enfin effective la revalorisation prévue par le législateur.

Un deuxième amendement portera sur la dénomination et le contenu des contrats obsèques pour prévenir les mauvaises pratiques de certains professionnels ; il visera à garantir l’affectation des sommes au financement des obsèques et la personnalisation des prestations d’obsèques.

Un dernier amendement tendra à préciser les obligations des assureurs en matière de recherche des bénéficiaires des contrats d’assurance-vie non réclamés, en vue d’améliorer la résorption du stock de ces contrats, de limiter leur multiplication, de systématiser les bonnes pratiques de certains établissements et de renforcer la transparence des démarches effectuées par les assureurs.

Avant de conclure, j’ajoute que la commission des lois, au titre de sa compétence particulière à l’égard du règlement du Sénat et du fonctionnement des assemblées parlementaires, a également examiné les articles 11 et 11 bis, dans la mesure où, dans certains cas, ils modifient les règles de levée du secret professionnel devant les commissions d’enquête parlementaires.

Actuellement, l’article 6 de l’ordonnance du 17 novembre 1958 relative au fonctionnement des assemblées parlementaires prévoit qu’une personne entendue par une commission d’enquête peut lui opposer le secret professionnel. La loi du 15 mai 2001 relative aux nouvelles régulations économiques a apporté une dérogation à ce principe dans le domaine de la régulation financière : les personnes participant ou ayant participé aux travaux de l’Autorité de contrôle prudentiel ou de l’Autorité des marchés financiers sont déliées du secret professionnel lorsque la commission d’enquête applique le secret à leur audition. Le projet de loi étend cette dérogation non seulement aux personnes participant ou ayant participé aux missions du Haut Conseil de stabilité financière, appelé à se substituer à l’actuel Conseil de la régulation financière et du risque systémique, mais aussi aux dirigeants et salariés des établissements de crédit.

Sans doute avons-nous matière à nous interroger sur la cohérence des dérogations à la règle du secret professionnel devant les commissions d’enquête, qui s’ajoutent les unes aux autres, même si le présent projet de loi ne se prête évidemment pas à une réflexion d’ensemble. Toujours est-il, mes chers collègues, que je vous proposerai deux amendements destinés, à tout le moins, à regrouper les dispositions concernées du projet de loi là où elles doivent figurer, c’est-à-dire au sein de l’article 6 de l’ordonnance de 1958, sans en modifier le fond.

Pour conclure, je vous indique que, sous réserve de l’adoption des amendements que je présenterai lors de la discussion des articles, la commission des lois a donné un avis favorable à l’adoption des articles dont elle s’est saisie.

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe écologiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE . – M. le rapporteur applaudit également.

M. Charles Guené remplace Mme Bariza Khiari au fauteuil de la présidence.

Debut de section - PermalienPhoto de Charles Guené

La parole est à M. le président de la commission des finances.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Marini

Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, je puis attester du travail effectué patiemment au sein de notre commission, de la bonne ambiance et des conditions souvent consensuelles dans lesquelles il s’est déroulé, et surtout de l’investissement très actif et très efficace de notre rapporteur, Richard Yung.

Je voudrais rappeler que ce projet de loi, qui ne constitue pas une révolution, nous confirme, une nouvelle fois, que la crise financière qui a affecté nos économies depuis 2007 trouve son origine dans l’insuffisance de la régulation et de la supervision des activités financières, qu’elles soient bancaires ou non. Nous connaissons tous l’enchaînement des événements à partir de l’éclatement de la bulle immobilière américaine et de la faillite de la banque d’investissement Lehman Brothers, qui fut l’un des moments singuliers de cette redoutable évolution. Notre pays, comme la zone euro plus généralement, subit encore les conséquences de ses ondes de choc sur l’économie réelle.

La régulation des marchés financiers, en particulier dans le domaine de la titrisation, et la supervision des bilans bancaires demeurent donc de réelles priorités. Ce projet de loi représente assurément une étape supplémentaire dans la prise de conscience des enjeux et la recherche de solutions adaptées.

Rappelons que notre pays est loin d’être resté inactif depuis 2007-2008. Il convient de se souvenir que c’est bien la détermination du précédent gouvernement à garantir les dépôts qui a rétabli la confiance. La semaine dernière, lorsque nous avons auditionné les personnalités pressenties pour intégrer le Haut Conseil des finances publiques, j’ai noté avec intérêt les déclarations du professeur Michel Aglietta, le candidat proposé par le président du Sénat. Il a en effet souligné l’efficacité de l’action entreprise en 2008, notamment grâce aux deux sociétés qui avaient pour rôle d’apporter à nos banques les fonds propres et les liquidités dont elles manquaient cruellement.

S’agissant des réformes de structure, il convient, me semble-t-il, de remarquer que le présent projet de loi constitue une étape supplémentaire, faisant suite à la loi de régulation bancaire et financière de 2010, qui avait établi les fondations d’une meilleure régulation des marchés financiers et créé l’Autorité de contrôle prudentiel, l’ACP, par la fusion de la Commission bancaire et de l’Autorité de contrôle des assurances et des mutuelles, l’ACAM. Cette loi avait également étendu de manière significative les pouvoirs de l’Autorité des marchés financiers, l’AMF. J’estime donc que ce qui nous est proposé aujourd’hui se situe dans la continuité de la loi de 2010, et que l’on passe somme toute assez naturellement de l’ACP à l’ACPR, Autorité de contrôle prudentiel et de résolution, en dotant cet organisme d’une nouvelle compétence essentielle de prévention et de traitement des défaillances d’établissements bancaires.

Par ailleurs, nous le savons, tout ce mouvement s’inscrit dans le contexte des réformes européennes lancées sous l’impulsion du commissaire chargé du marché intérieur et des services, Michel Barnier, en particulier pour préparer le règlement sur les produits dérivés de gré à gré, les contreparties centrales et les référentiels centraux, dit règlement EMIR, et réviser la directive sur les marchés d’instruments financiers, dite directive MIF.

En ce qui concerne les banques, nous sommes sans doute assez nombreux ici à estimer que l’empressement de l’Union européenne à vouloir transposer à toute force et dans de brefs délais les règles prudentielles internationales de Bâle III est surprenant, car cette transposition conduirait, me semble-t-il, à pénaliser le financement de l’économie alors même qu’il faudrait la faire réellement redémarrer. Les États-Unis font preuve d’une attitude beaucoup plus attentiste en la matière.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Marini

La réforme s’inscrit donc bien dans un mouvement international, mais il est de notre devoir de l’adapter au modèle spécifique de l’industrie bancaire de l’Europe continentale. Ce n’est pas un hasard si l’Allemagne entreprend à peu près simultanément la même réforme, selon des principes assez voisins.

Nous avons certes pris connaissance des rapports qui résument la pensée anglo-saxonne. Certains érigent en un véritable totem la séparation des activités bancaires. Tout à l’heure, M. le ministre de l’économie et des finances a fait justice de ce totem, si j’ose ainsi m’exprimer, en considérant que tant la règle Volcker que la règle Vickers appartenaient à des environnements différents du nôtre, et que nous devions tenir compte, sans pour autant l’idéaliser, de la réalité de la banque universelle.

Toutes ces considérations conduisent à modifier sensiblement l’organisation des banques, afin de protéger les dépôts, de limiter les risques et de réduire la pure spéculation. Les différentes réformes menées par les différents pays ont un objectif en commun : faciliter la gestion d’une crise et rendre possible le démantèlement d’un groupe bancaire sans appel au contribuable, en particulier en cas de risque systémique.

L’Union européenne, nous le savons, prépare et négocie des projets de directive sur ces sujets. Le Gouvernement a fait le choix de ne pas attendre ces textes et je m’en félicite, car j’approuve cette démarche. En effet, il vaut mieux essayer d’obtenir que les directives européennes transposent dans le droit communautaire des lois françaises et allemandes, car la situation contraire nous laisserait moins de liberté de manœuvre pour écrire ou au moins inspirer les textes.

Cela étant posé, il me semble que nous devons éviter deux écueils, résoudre deux contradictions. Il faut tout d’abord élever le niveau de sécurité financière, mais sans porter atteinte à la distribution du crédit, sans exercer une influence encore plus dépressive sur la marche de l’économie. Il importe de trouver des règles proportionnées au risque contre lequel on veut se prémunir et permettant d’éviter le retour de turpitudes condamnables, sans pour autant asphyxier la machine économique.

La seconde difficulté, ou contradiction, est que nous devons maintenir la compétitivité de la place de Paris et les emplois de l’industrie financière française tout en bridant quelque peu l’innovation financière, afin d’assurer un bon cantonnement des activités et d’empêcher certains débordements. Or, dans ces domaines, la créativité des acteurs peut toujours aller s’exprimer sous d’autres cieux, et notamment de l’autre côté du Channel – vous avez évoqué à plusieurs reprises la culture britannique, monsieur le rapporteur !

En conclusion, j’estime que cette réforme ne mérite ni excès d’honneur ni excès d’indignité. Ce projet de loi combat à juste titre les excès de la finance, mais il est vraiment très loin des accents salvateurs du discours du Bourget.

Exclamations sur les travées du groupe socialiste.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Marini

Le défi que nous devons relever consiste à trouver, au milieu des contradictions que j’ai évoquées, une ligne raisonnable et équilibrée.

On trouve dans ce projet de loi un grand nombre de mesures utiles et opportunes. Il ne s’agit pas d’imposer aux banques de se séparer de toutes leurs activités de marché, loin de là. Il ne s’agit pas non plus d’interdire purement et simplement les relations financières avec les fonds qualifiés, souvent à juste titre, de spéculatifs – les hedge funds –, car une telle interdiction serait handicapante pour le financement des investissements et la couverture des risques. Ce texte est donc très éloigné de certains accents de campagne électorale. À tout prendre, il est positif que l’on ait remis les pieds sur terre !

L’Assemblée nationale a tenu un débat riche et animé. Elle a modifié et quelque peu durci, à la marge, le texte proposé. Quant à notre commission des finances, elle a déjà, sur la proposition du rapporteur, imprimé sa marque à ce projet de loi en adoptant toute une série d’amendements.

Mes chers collègues, il faut donc considérer que ce texte ne devrait pas pénaliser le financement de l’économie, puisque les banques seront sécurisées par le cadre qu’il prévoit tout en restant en mesure de faire correctement leur travail. À la vérité, il ne s’agit pas vraiment d’une réforme structurelle, …

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Marini

… mais d’améliorations sans doute utiles pour une large part. Le ministre de l’économie et des finances ayant présenté ce projet de loi comme une réforme structurelle, je m’interroge sur ce qu’il entend par réforme structurelle.

À la suite de la mise en place de la Banque publique d’investissement, la BPI, qui est un assemblage de structures préexistantes, puis de l’annonce de la création du crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi, qui n’est, me semble-t-il, que la réécriture ou le substitut de mesures que l’on s’était empressé d’annuler en début de législature, la preuve est encore faite du caractère erratique de la démarche de l’actuel gouvernement et de la distance importante existant entre cette politique et les espoirs qu’avait suscités le Président de la République dans l’électorat lui ayant permis d’accéder à l’Élysée.

En conclusion, s’agissant de ce projet de loi, c’est bien entendu au vu de nos débats, de leurs résultats et des amendements votés, que les membres du groupe UMP se détermineront. Cependant, au moment où nous entamons ce débat, notre attitude est ouverte et raisonnablement positive.

Très bien ! et applaudissements sur les travées de l’UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de Éric Bocquet

Monsieur le président, monsieur le ministre délégué, mes chers collègues, à l’évidence, le contexte économique et financier du continent européen souligne avec plus de netteté encore la nécessité d’une régulation de notre système bancaire non seulement, bien sûr, dans notre pays, mais aussi, bien évidemment, au sein de l’Union européenne, cela a été dit à plusieurs reprises.

Alexandre Dumas fils disait en son temps : « La banque, c’est l’argent des autres ».

Debut de section - PermalienPhoto de Éric Bocquet

J’ajouterai : de tous les autres, en particulier, mais aussi des entreprises et même, aujourd’hui, des États.

Notre collègue Richard Yung, rapporteur de ce texte, rappelait utilement, le mardi 12 mars dernier, lors de la réunion de la commission des finances, que le bilan cumulé des banques françaises atteignait quelque 10 000 milliards d’euros, soit environ cinq fois le PIB de notre pays, tandis que, au niveau européen, les actifs des banques de l’Union représentaient 350 % du PIB cumulé des États membres.

Dans ce concert de l’hypertrophie bancaire, notre pays occupe une place de choix. En effet, la France ne compte pas moins de quatre banques dites « systémiques », quand nos voisins allemands, par exemple, n’en comptent qu’une seule, la Deutsche Bank.

M. Philippe Bas s’exclame.

Debut de section - PermalienPhoto de Éric Bocquet

À cet égard, il faut également savoir que, aux États-Unis, le total de l’actif bancaire ne représente que 85 % du PIB national.

Ces quelques données chiffrées significatives illustrent de manière assez spectaculaire la folie spéculative qui s’est emparée des banques ces trois dernières décennies. Accompagnée de dérégulation et de déréglementation, celle-ci a créé les conditions de l’explosion de la dette et de l’implosion du système financier mondial.

Comme le disait de fort belle manière un journaliste d’un grand quotidien du soir, dans son édition du mardi 15 janvier dernier : « [Les banques] ont alimenté à grandes pelletées le chaudron des bulles immobilières américaines et espagnoles. Les banques fournissent le carburant de l’économie et allument la mèche en même temps. »

Il est donc tout à fait légitime, après ces trente années de dérégulation à outrance, que les États tentent « de remettre le génie dans la bouteille en imposant de nouvelles restrictions », toujours selon ce journaliste.

Un même constat fut fait le 22 janvier 2012, au Bourget, par un candidat à l’élection présidentielle, devenu depuis Président de la République : « Sous nos yeux, en vingt ans, la finance a pris le contrôle de l’économie, de la société et même de nos vies ». Il poursuivait en indiquant : « Maîtriser la finance commencera ici par le vote d’une loi sur les banques qui les obligera à séparer leurs activités de crédit de leurs opérations spéculatives. Aucune banque française ne pourra avoir de présence dans les paradis fiscaux. Les produits financiers toxiques, c’est-à-dire sans lien avec les nécessités de l’économie réelle, seront purement et simplement interdits. Les stocks-options seront supprimées et les bonus encadrés. » Telle était, mes chers collègues, la feuille de route de l’actuel Président de la République.

Puis, en octobre 2012, un rapport rendu au commissaire européen Michel Barnier par M. Erkki Liikanen, recommandait, entre autres mesures, de mettre à l’écart les activités financières les plus risquées gérées par les banques.

Ces éléments de contexte ne peuvent pas ne pas être pris en compte au moment où nous nous engageons dans la discussion d’un texte qui doit se donner une véritable ambition pour faire en sorte que, demain, une telle crise financière ne puisse plus se reproduire, les conséquences étant trop graves pour les économies et, en dernier ressort, évidemment, pour les peuples.

En l’occurrence, la dette publique irlandaise est passée de 25 % du PIB en 2008 à 100 % en 2010, du fait du naufrage du secteur bancaire irlandais, qui obligea, au passage, plus d’un partisan d’un libéralisme débridé à revoir ses fondamentaux pour décider de nationaliser plusieurs établissements. Que de couleuvres avalées par certains ! De même, la dette publique espagnole a augmenté de 50 %, en raison, notamment, de la prise en charge d’une partie des dettes bancaires par la puissance publique. En Europe, aujourd’hui, le secteur le plus endetté est non pas le secteur public, mais – et de loin ! – le secteur financier privé.

Le modèle de la banque universelle, tant promu par certains milieux, est largement devenu un mythe. Si l’on considère les dix plus grosses pertes annuelles de banques européennes entre 2008 et 2011, 75 % des sommes en jeu relèvent des banques universelles.

Mes chers collègues, face à ce constat, la séparation des activités bancaires apparaît comme une nécessité absolue. Aussi, il y a de quoi être inquiet quant à la portée du présent projet de loi, lorsque l’on sait que le P-DG de la deuxième banque française a indiqué, face aux membres de la commission des finances de l’Assemblée nationale quelque peu médusés, que le texte, en l’état, encadrerait 1 % du produit net bancaire de son établissement. Le représentant de la première banque français a établi le même constat, à peu de chose près.

Que faut-il filialiser ? Nous l’avons déjà dit, il faut, bien sûr, renoncer aux opérations de négoce à haute fréquence et aux opérations de marché sur les matières premières agricoles. Il faut réorienter la finance vers l’économie réelle, l’outil de travail, la formation, la recherche et le développement, les PMI-PME et les artisans : autant d’atouts, qui, bien plus que l’austérité mortifère, seraient facteurs de la croissance qui fait tellement défaut à notre économie aujourd’hui.

Comment ne pas s’étonner que le texte initial ne fasse pas référence à la présence de nombreuses filiales de banques françaises dans les paradis fiscaux ?

Certes, les collaborateurs du ministre nous ont indiqué, lors de notre dernière entrevue, que ce choix visait à inciter le Parlement à apporter sa contribution à la rédaction. Nos collègues députés ont entamé ce travail et notre groupe souhaite, pour sa part, l’approfondir en introduisant l’ensemble des critères indispensables à une présentation dite de reporting – pardonnez-moi cet anglicisme ! – d’une comptabilité pays par pays. Ainsi serait-il vraiment possible de juger de l’activité économique réelle des banques dans ces territoires si particuliers.

« L’interdiction d’utiliser les paradis fiscaux est également nécessaire et permettra de réduire l’évasion fiscale, notamment si la mesure est étendue à l’ensemble des grands groupes français. Enfin, la mise en place d’une véritable taxe sur les transactions financières, l’interdiction des stock-options, le plafonnement des frais bancaires et l’encadrement du crédit à la consommation répondent au souci légitime de mieux protéger des dysfonctionnements de la finance. »

Ces quelques phrases, mes chers collègues, ne sont pas tirées du bréviaire de quelque militant altermondialiste, mais figuraient en toutes lettres dans un appel publié il y a moins d’un an, le 17 avril 2012 plus précisément, par un collectif d’économistes réuni autour d’éminents professeurs comme Philippe Aghion, Michel Aglietta, Daniel Cohen, Élie Cohen, Jean-Hervé Lorenzi ou encore Julia Cagé et Thomas Piketty.

L’appel, dans son esprit et dans sa lettre, partait de l’analyse des propositions du futur Président de la République, notamment de ses soixante engagements, pour décrire la feuille de route que devaient suivre les responsables de la politique économique, budgétaire et financière de notre pays, une fois le succès électoral acquis.

Il convient aujourd’hui de nous demander si le projet de loi qui nous est aujourd’hui soumis participe de la vision exprimée dans cet appel d’économistes. Le texte que nous allons examiner a-t-il tiré toutes les conséquences du constat opéré et des solutions préconisées ?

Le moins que l’on puisse dire est que nous sommes, aux yeux de beaucoup, assez loin du compte !

Ainsi, lors de son audition par la commission des finances de la Haute Assemblée, Mme Laurence Scialom, économiste en charge de cours à l’université Paris X-Nanterre, soulignait : « Le paradoxe, en réalité, est que pour préserver cette spécificité, il faut mener une vraie réforme de la structure des banques. Il faut insulariser la banque commerciale – celle qui gère les dépôts et qui octroie les crédits aux PME et aux ménages – de la banque de marché. Je rappellerai que 22 % des actifs bancaires français sont consacrés au crédit aux ménages et aux entreprises non financières. Ce sont les 78 % restant qui posent problème, qui ont augmenté le plus vite et qui comprennent une large part de dérivés de crédit. Dans le projet de loi actuel, les dérivés de crédit, du fait de la définition de ce qui constitue une opération utile, ne sont pas du tout touchés par la filialisation. Or ce sont les dérivés de crédit qui font l’interconnexion dans le système et ont connu une progression totalement déconnectée de l’économie réelle. J’aurais beaucoup de mal à croire que les 750 milliards d’euros de dérivés de crédit qui se trouvent au bilan de BNP-Paribas y sont uniquement pour le financement de l’économie. »

Nous pensons également que le Politique, avec une majuscule, doit reprendre toute sa place face à la finance, en parfaite indépendance, détaché de toute influence. Si les Anglo-Saxons n’ont sans doute pas la même approche que nous de ce sujet, nous pensons que la France doit être porteuse d’un message sans ambiguïté sur cette question.

Il nous semble qu’il y va du fonctionnement démocratique de notre société. En effet, mes chers collègues, trop de nos concitoyens pensent aujourd’hui que c’est bien l’économique et, trop souvent, la finance qui dirigent nos sociétés.

Il y a là un enjeu majeur pour l’équilibre de notre République, qui rend nécessaire, selon nous, la démocratisation, en quelque sorte, des organes de régulation. Pourquoi ne pas imaginer la présence au sein de ces instances de représentants du personnel ainsi que des représentants des associations de clients des établissements bancaires ? Face à des situations exceptionnelles, ne faudrait-il pas inventer des solutions originales et novatrices ? Nous sommes convaincus que l’intérêt général serait alors pris en compte de manière beaucoup plus constante. Hâtons-nous aussi de rendre la finance accessible au plus grand nombre, car nous sommes tous concernés par ce sujet.

J’ajouterai encore un mot sur le trading à haute fréquence, qui est l’exemple type de la finance déshumanisée, avec des émissions d’ordres de bourse effectuées par des ordinateurs et des robots, qui constituent, de nos jours, l’essentiel des transactions à l’échelle de la planète.

Le projet de loi envisage d’interdire cette pratique. Malheureusement, elle resterait autorisée dans le cadre des activités dites de « tenue de marché ». Comme la quasi-totalité du trading à haute fréquence fait l’objet d’accords de tenue de marché signés entre, d’une part, les traders et, d’autre part, les places boursières, cette interdiction pourrait, à terme, se révéler sans effet. Or l’expérience récente doit nous inciter à faire preuve d’une très grande ambition dans le cloisonnement strict, étanche, entre l’entité qui collecte les dépôts et la filiale qui regroupe les activités de marché à risques.

Le projet de loi présente de réelles avancées et exprime de réelles intentions. Ainsi, les outils juridiques dont est dotée l’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution visent effectivement à agir plus rapidement et à minimiser l’implication des contribuables en cas de défaillance bancaire.

Mes chers collègues, notre responsabilité de parlementaires est très grande face à ce texte qui peut représenter un tournant salutaire, correspondant à une véritable attente chez nos concitoyens, légitimement inquiets de la situation actuelle à Chypre. Selon un sondage de l’IFOP paru en décembre dernier, 71 % des personnes interrogées estimaient que les banquiers n’avaient pas tiré toutes les leçons de la crise et n’avaient pas adopté de comportements moins risqués. Une étude d’opinion du même institut, quelques mois plus tôt, en juillet, montrait que 84 % des personnes interrogées étaient favorables à une séparation au sein des banques entre les activités de détail et les activités de marché. Nous ne pouvons pas décevoir ces attentes !

Je voudrais à ce stade, avant de conclure, soumettre à la réflexion de chacun une citation – d’autres orateurs l’ont fait avant moi –, dont je ne vous dévoilerai l’auteur qu’à l’issue de la lecture.

Debut de section - PermalienPhoto de Éric Bocquet

« Je pense que les institutions bancaires sont plus dangereuses pour nos libertés que des armées entières prêtes au combat. Si le peuple américain permet un jour que les banques privées contrôlent leur monnaie, les banques et toutes les institutions qui fleuriront autour des banques priveront les gens de toute possession, d’abord par l’inflation, ensuite par la récession, jusqu’au jour où leurs enfants se réveilleront sans maison et sans toit sur la terre que leurs parents ont conquise. » Mes chers collègues, il s’agit d’une déclaration de Thomas Jefferson, troisième président des États-Unis, en 1802.

Notre groupe déterminera donc sa position au terme de l’examen des articles et de la discussion des amendements.

Applaudissements sur les travées du groupe CRC . – MM. Pierre-Yves Collombat et Jean Desessard applaudissent également.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Arthuis

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, au moment où s’ouvre l’examen de ce projet de loi de séparation et de régulation des activités bancaires, je voudrais remercier les rapporteurs pour avis, dont les travaux nous ont parfaitement éclairés, ainsi que le rapporteur au fond, Richard Yung, pour son investissement personnel.

La finance est sans doute l’expression la plus achevée de la mondialisation, de la volatilité des actifs et des enjeux de concurrence internationale. La faillite de Lehman Brothers a jeté sur les banques du monde entier le voile de la défiance. Une machinerie infernale s’est déclenchée. La défiance interbancaire et les faillites en série ont contaminé l’économie réelle par l’assèchement du crédit.

Les plans de relance budgétaire qui ont suivi dans toutes les économies des pays industrialisés ont achevé de creuser les déficits publics, jusqu’à ce que la défiance infecte la dette des États.

C’est cette même défiance qui lie la crise financière et bancaire de 2007 à la crise économique qui a suivi, amplifiée bien sûr par la crise des dettes souveraines.

Dès lors, le coupable était tout désigné : si le mal venait des banques, alors ce sont les banques qu’il fallait châtier !

C’était tout le sens du discours du Bourget du futur Président de la République. Son ennemi était la finance, …

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Arthuis

… il devenait donc impératif de séparer les activités financières d’une spéculation honnie. On parlait alors d’un Glass-Steagall Act à la française, d’une réforme structurelle majeure.

Monsieur le ministre, nous partageons votre souhait d’une banque saine, robuste et dédiée au financement de l’économie. C’est sans doute l’objectif de ce texte, et, dans l’ensemble, il nous semble que votre démarche va dans la bonne direction. Nous émettons pourtant des réserves sur les modalités prévues aux deux premiers titres de votre projet de loi.

Tout d’abord, il nous semble trop restrictif de juger les banques du seul point de vue national, sans voir ce qui se passe ailleurs, notamment aux États-Unis ou tout particulièrement en Europe.

Il est bien sûr politiquement très correct de désigner le monde de la finance comme le bouc émissaire pour ce qui est des difficultés que nous rencontrons à sortir de la crise. Convenons toutefois que les États ne peuvent s’exonérer trop facilement de leur propre impéritie.

Prenons le cas de la Grèce. Son surendettement met certainement en cause ses créanciers et son système bancaire, mais, à y regarder de plus près, force est de constater que les gouvernements des États membres de la zone euro portent une lourde responsabilité, en raison du laxisme qui a caractérisé la gestion de ladite zone depuis la création de la monnaie unique.

Le pacte de stabilité et de croissance était devenu un pacte de tricheurs et de menteurs.

L’actualité nous offre un nouvel objet de méditation.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Arthuis

Comment se fait-il que la Commission et l’Eurogroupe se soient montrés à ce point complaisants à l’égard des banques chypriotes ?

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Arthuis

Y a-t-il un pilote dans l’avion ?

Je ne doute pas, monsieur le ministre, que, dans les semaines ou les mois qui viennent, vous serez amené à demander au Parlement de nouvelles autorisations de crédits d’engagement pour venir en aide à Chypre. Ce qui a été défaillant, c’est la gouvernance de la zone euro. Après l’admission de Chypre dans la zone euro en 2008, la Commission comme l’Eurogroupe avaient le devoir impératif de veiller à la crédibilité du système prudentiel des banques chypriotes.

En dépit de ces considérations, vous avez l’ambition de formuler un modèle français de séparation et de régulation bancaire. Vous entendez donner à l’Autorité de contrôle prudentiel un pouvoir de résolution dès lors qu’un risque systémique est avéré. Nous en comprenons la logique, mais peut-être faudrait-il aussi, à ce stade, s’interroger sur les excès de la concentration bancaire et leur corollaire : too big to fail

Ce n’est pas l’option que vous avez retenue. Vous vous en tenez à l’institution d’un pouvoir sidérant, le pouvoir de résolution. Il faudra pour le moins respecter une procédure contradictoire avant que de limoger les dirigeants de banques en risque de péril imminent.

Au surplus, n’y a-t-il pas incompatibilité entre l’exercice du contrôle prudentiel et la désignation d’équipes de direction après révocation de l’équipe précédente ?

Autre interrogation : comment qualifier un risque systémique et sa résolution ? Nous parlons d’opérations de plusieurs milliards d’euros.

Cette absence de définition du risque systémique n’est pas anodine. La crise financière et bancaire des années 2007 et 2008 n’a pas été causée par nos banques, qui ont même plutôt bien résisté. Peut-être, monsieur le ministre, avez-vous à l’esprit la faillite de Dexia ou bien faites-vous une fixation sur les anciens dirigeants du Crédit immobilier de France, dont les relations avec le Trésor étaient tendues, c’est le moins que l’on puisse dire ?

Cela étant, c’est une banque étrangère, Lehman Brothers, qui a été le déclencheur systémique de la défiance. C’est une cause étrangère au système bancaire français qui nous conduit ici aujourd’hui.

M. Pierre-Yves Collombat s’exclame.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Arthuis

Nous comprenons votre souhait de donner corps au septième engagement du Président de la République, alors candidat. Notre conviction, monsieur le ministre, est bien que l’Europe s’impose comme le meilleur cadre pour agir effectivement. Le travail a déjà commencé.

En effet, la proposition de directive dite « CRD IV », qui doit achever la mise en œuvre des accords de Bâle III, est en cours d’élaboration ; le rapport Liikanen doit donner du contenu à l’union et à la supervision bancaires continentales. Tout ce dispositif doit être en conformité avec l’architecture de l’union bancaire en devenir.

Il conviendra d’ailleurs de veiller à ce que ces mesures s’appliquent également aux sociétés d’assurance et aux organismes de prévoyance.

Pourquoi vouloir aller plus loin par une anticipation législative ? Est-ce la meilleure manière de procéder à l’égard de nos partenaires européens ? Je sais bien que, en tout état de cause, l’application ne sera pas immédiate, comme on l’a vu aux États-Unis.

Mes chers collègues, le groupe UDI-UC reconnaît que ce texte s’inscrit sur la voie vertueuse d’une réforme structurelle, attendue au niveau européen, voire mondial. Dans l’immédiat, nous craignons surtout que vous ne fassiez d’un outil de prévention des crises bancaires un cadeau à nos concurrents internationaux, en tout premier lieu aux places européennes.

Je voudrais vous mettre en garde, monsieur le ministre : toute législation nationale plus rigoureuse que la réglementation européenne est une gesticulation qui se solde fatalement par une fuite d’activités et une perte d’emplois.

M. François Marc s’exclame.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Arthuis

Nous prendrons bien évidemment notre part à l’examen de ce texte en séance et nous ne manquerons pas de vous proposer des amendements en vue de parvenir à une rédaction plus conforme à nos attentes.

Applaudissements sur les travées de l'UDI-UC et de l'UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Michel Baylet

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le 15 septembre 2008, voilà à peine plus de quatre ans, la banque d’investissement Lehman Brothers faisait faillite avec fracas, après l’échec des plans de reprise tentés par d’autres établissements et le choix fait alors par l’administration américaine de ne pas « utiliser l’argent des contribuables pour sauver Lehman ».

La crise des subprimes, qui avait éclaté un an plus tôt, se mua alors en une crise boursière et bancaire d’une ampleur inédite, laquelle entraîna toute l’économie mondiale.

Cet épisode mit en lumière les agissements d’un secteur où régnaient sentiment d’impunité, opacité et « aléa moral », mais aussi déresponsabilisation, derrière la maxime too big to fail, en français, « trop gros pour faire faillite ».

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Michel Baylet

C’est peu de dire qu’il y avait besoin de réformes structurelles. La dernière loi de régulation bancaire et financière, celle du 22 octobre 2010, constitua certes une avancée tangible, mais bien insuffisante. Il fallait donc aller plus loin.

Reprenant les propositions faites par François Hollande durant la campagne présidentielle, le Gouvernement s’est attelé à mettre en œuvre cet engagement et à l’appliquer au modèle dominant dans le paysage bancaire français : la banque universelle.

C’est ainsi qu’est apparue la notion de séparation des activités utiles au financement de l’économie et des activités d’investissement spéculatif, afin que les épargnants et les ménages n’aient pas à payer les pertes essuyées par les banques dans leurs activités spéculatives.

Dans l’entremêlement des activités bancaires, il nous revient donc de tenter de définir ce qui relève de l’un de ce qui est du domaine de l’autre. Il y va de la portée et de l’efficacité du présent texte.

C’est l’objet de son titre Ier, dont la version initiale a été amendée par l’Assemblée nationale, mais également par la commission des finances du Sénat.

Monsieur le ministre, je comprends la posture du Gouvernement, qui souhaite concilier protection des déposants et contribuables, d’une part, compétitivité de nos établissements, d’autre part, et c’est bien naturel. Cependant, pour rendre plus opérante la séparation entre l’utile à l’économie et le spéculatif, le groupe des radicaux de gauche défendra, à l’article 1er, plusieurs amendements portant notamment sur les activités de tenue de marché et le cantonnement strict des filiales, ainsi que sur le trading haute fréquence.

Cette filialisation des activités spéculatives empêchera-t-elle les crises à l’avenir ? Elle pourra en tout cas, nous l’espérons, contribuer à les prévenir ; elle permettra d’en limiter les effets sur nos banques ; elle servira à établir une distinction entre les banques pour lesquelles la puissance publique devra intervenir et les autres.

Mais, avouons-le, reconnaissons-le, ce texte ne pourra empêcher les faillites. La preuve en est que la banque Lehman Brothers constituait un idéal type de l’établissement d’investissement spéculatif.

Cependant, l’objectif principal de ce texte est ailleurs : il est de permettre et de contenir les futures alertes, c’est-à-dire de prévoir un réseau de digues capables d’empêcher l’inondation de nos établissements de dépôt lors d’un éventuel tsunami bancaire.

C’est pourquoi je souhaite insister sur le volet du texte relatif à la résolution des crises, contenu dans les titres II et III du projet de loi. Aux termes de ceux-ci, chaque établissement doit élaborer un plan préventif de rétablissement. En outre, l’Autorité de contrôle prudentiel, qui devient l’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution, le Fonds de garantie des dépôts, qui devient le Fonds de garantie des dépôts et de résolution, et l’Autorité des marchés financiers, se voient attribuer de nouvelles missions en matière de surveillance, mais aussi, et c’est important, des moyens d’action accrus en cas de crise.

Dans votre rapport, dont je relève l’exhaustivité, cher Richard Yung, vous vous félicitez de la mise en place « d’une architecture générale qui permet à l’autorité de résolution d’intervenir de manière forte dans des conditions d’urgence ». Vous avez raison. Dans ces cas, l’ACPR est dotée de pouvoir exorbitants : elle pourra par exemple « révoquer tout dirigeant responsable » de l’établissement entré en résolution et nommer un administrateur provisoire.

Ce mécanisme complexe, s’il reste perfectible, semble enfin avoir tiré les enseignements des dernières interventions de la puissance publique auprès des banques, en 2008.

Mes chers collègues, parmi les autres avancées du texte, je souhaite également relever les outils de lutte contre la spéculation sur les matières premières agricoles, alors que l’on sait l’effet dévastateur de la volatilité des prix de ces matières premières sur les producteurs comme sur les consommateurs, cependant que plane le spectre d’émeutes de la faim. Notre groupe défendra, lors de la discussion des articles, des amendements visant à renforcer la lutte contre cette spéculation.

S’agissant de la protection des consommateurs, le texte, reconnaissons-le, contient des progrès notables, notamment en direction des clients les plus fragiles, car il vient combler les lacunes des précédentes lois bancaires. Le plafonnement des commissions d’intervention prélevées sur un compte en cas de difficultés de paiement en est la disposition phare.

L’Assemblée nationale a amendé le texte initial en élargissant ce plafonnement à tous les clients particuliers, sans le réserver aux seules personnes en difficulté.

En matière de transparence et de lutte contre le blanchiment d’argent, le groupe du RDSE proposera des améliorations, en particulier quant au fonctionnement de TRACFIN et à la lutte, bien évidemment indispensable, contre les paradis fiscaux.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Michel Baylet

Néanmoins, il nous apparaît vain d’appréhender ce texte dans une perspective uniquement franco-française, sans prendre en compte, et c’est indispensable, le contexte international. En effet, est-il un domaine plus mondialisé et plus dématérialisé que la finance ?

C’est la raison pour laquelle je souhaite conclure mon intervention en attirant votre attention sur l’action menée au niveau européen, tout d’abord. Le groupe présidé par Erkki Liikanen, président de la Banque centrale finlandaise, a remis un ensemble de recommandations à la Commission européenne, en octobre 2012.

Michel Barnier, commissaire européen chargé du marché intérieur et des services, s’est saisi de ces pistes, dont une partie se retrouve également dans le projet dont nous discutons, et prépare une série de directives sur le sujet.

Parallèlement, le conseil des ministres européens des finances réuni les 13 et 14 décembre dernier a jeté les bases d’une Union bancaire sur le plan communautaire. Cette supervision unifiée des banques de la zone euro, qui a tant fait défaut ces dernières années, comme tant d’autres dispositions, devrait se mettre en place dans les prochains mois. Même s’il eût été préférable qu’elle intervienne plus tôt, elle constitue néanmoins un pas supplémentaire sur la voie de l’achèvement d’une véritable union monétaire dont nous avons tellement besoin.

Au niveau mondial, maintenant, la crise bancaire de 2007-2008 a conduit à une remise en cause du modèle de supervision et de régulation de la finance, dont les acteurs s’étaient de surcroît largement affranchis. Les accords de Bâle III ont été conclus à la fin de l’année 2010, sur l’initiative du G20. À ce jour, ses préconisations ne sont malheureusement pas entrées en vigueur et les États-Unis semblent s’acheminer vers un report de leur application.

Mis ainsi en perspective, le projet de loi français est à la fois insuffisant et capital.

Il est insuffisant – vous connaissez l’attachement des radicaux à la construction européenne –, car, sans avancées à l’échelle européenne et même globale, il sera aisément contournable et, pire, grèvera la compétitivité de nos banques.

Il est cependant capital, car il permet d’œuvrer, comme cela a pu être le cas avec le projet de taxe sur les transactions financières, en faveur de la diffusion des mécanismes de régulation et de supervision de la sphère financière.

Les choses bougent, en Europe notamment. Le Royaume-Uni a voté, en 2011, une réforme bancaire issue des conclusions du rapport Vickers, dont l’entrée en vigueur sera progressive, jusqu’en 2019. L’Allemagne a également engagé une réforme du secteur. Et que dire du référendum suisse du 3 mars dernier sur l’encadrement des bonus et des rémunérations des dirigeants de grandes entreprises ?

Exclamations sur les travées de l'UDI-UC et de l'UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Michel Baylet

C’est tout de même un signal dans le monde de la finance, mes chers collègues.

Pour toutes ces raisons, les sénateurs radicaux de gauche, même s’ils souhaitent que des améliorations soient apportées à ce texte, qu’ils auraient voulu plus ambitieux, voteront ce projet de loi pour les avancées qu’il présente et la légitimité qu’il donne à notre pays pour négocier à l’échelon européen comme à l’échelon international.

Applaudissements sur certaines travées du RDSE, ainsi que sur les travées du groupe écologiste et du groupe socialiste. - M. Jean Boyer applaudit également.

M. Didier Guillaume remplace M. Charles Guené au fauteuil de la présidence.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Vincent Placé

Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le président de la commission des finances, monsieur le rapporteur, messieurs les rapporteurs pour avis, mes chers collègues, la réforme bancaire peut apparaître comme un sujet technique et complexe, ce qu’il est, mais c’est aussi un sujet politique qui revêt une importance essentielle pour les Françaises et les Français.

Cette réforme est aussi un enjeu démocratique. Les attentes sont fortes, car ce sujet concerne directement le contribuable, qui supporte les déboires des banques irresponsables – on l’a trop vu par le passé –, le citoyen, qui ne maîtrise plus son épargne, et les acteurs économiques auxquels on refuse des crédits pour entreprendre.

De plus en plus, la sphère financière est déconnectée de l’économie réelle, mais, lorsque la bulle explose, la réalité nous rattrape et c’est toujours le citoyen qui paye la facture !

La défiance à l’égard des banques est palpable aujourd’hui, et pour cause : nous avons assisté ces dernières années aux dérives des banques espagnoles, irlandaises, islandaises, américaines, aux emprunts toxiques, aux scandales, aussi, avec l’affaire Kerviel ou le Crédit Lyonnais. Nous pourrions remonter très loin dans le passé bancaire.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Vincent Placé

M. Jean-Vincent Placé. Je vous remercie, cher collègue, de cet avis neutre et objectif !

Sourires.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Vincent Placé

Rappelons qu’en France, 360 milliards d’euros ont été débloqués pour le sauvetage des banques en 2008, comme l’a évoqué notre excellent rapporteur, Richard Yung, que j’ai l’occasion de saluer ainsi. Aujourd’hui, cette défiance se traduit très concrètement. À Chypre, même si tout n’est pas comparable, le Parlement a rejeté le plan de sauvetage, ne pouvant se résigner à accepter la taxe sur les dépôts bancaires. Le peuple a clairement manifesté sa colère et son opposition contre ces mesures injustes.

Les défaillances du système bancaire actuel font peser des risques trop lourds, non seulement sur l’état des finances publiques et l’épargne des citoyens, mais également sur la situation économique de l’Union européenne, dans son ensemble.

Les Français doivent savoir que les erreurs du passé ne seront pas répétées : il faut rétablir la confiance. Tirer les conséquences des échecs, c’est bien tout l’enjeu de cette réforme. La loi bancaire doit assurer un meilleur contrôle démocratique, une véritable régulation, un encadrement strict. L’État français ne peut pas continuer à récompenser les faillites bancaires et les dirigeants irresponsables. C’est un engagement fort du Président de la République, qui a promis de « mettre les banques au service de l’économie », et je salue la volonté du Gouvernement et des ministres de mettre en œuvre ces changements nécessaires.

De nombreux pays se sont déjà engagés dans cette voie, je pense aux États-Unis, à l’Italie, à l’Islande ou à la Suède.

Au Royaume-Unis, par exemple, pays qui ne figure pas au nombre des plus « régulationnistes », le ministre des finances, George Osborne, a clairement menacé : si une banque passe outre les règles, le régulateur – c’est-à-dire la Banque d’Angleterre – et le Trésor auront ensemble le pouvoir d’opérer, au sein de l’établissement, une « séparation totale » entre activités de détail et activités d’investissement, et non plus « juste un cloisonnement ».

Réformer les banques n’est pas chose facile, nous le savons, y compris au regard de la tradition bancaire française qui est, comme souvent, particulière. Mais ce ne sont pas des exceptions qui me choquent, je crois qu’il est bien que nous puissions avoir notre spécificité.

On ne peut pas nier les risques systémiques, la mondialisation, les normes extérieures. C’est la raison pour laquelle, bien sûr, j’aurais voulu, comme nombre d’entre vous, mes chers collègues, que le Gouvernement aille plus loin dans le sens d’une séparation stricte des activités bancaires, mais je comprends la nécessité des compromis, y compris dans une perspective européenne, j’y reviendrai.

La première lecture du projet de loi à l’Assemblée nationale a permis des évolutions positives. Je tiens d’ailleurs à saluer le remarquable travail des ministres, Benoît Hamon et Pierre Moscovici, qui est absent en cet instant, mais je ne doute pas que ces propos lui seront rapportés.

Le texte initial a été considérablement renforcé. Je pense notamment à la lutte contre les paradis fiscaux, sujet essentiel sur lequel nous souhaitons d’ailleurs aller plus loin. Nous avons abordé ce sujet en commission des finances et je sais que le rapporteur partage cette volonté.

Le rapport de la commission d'enquête sur l'évasion des capitaux et des actifs hors de France et ses incidences fiscales, de juillet 2012, voté à l’unanimité au Sénat, a mis en lumière l’impérieuse nécessité de la transparence.

Au sein de notre Chambre haute, je crois que d’autres points méritent d’être améliorés. Je veux en particulier attirer votre attention sur une question importante : la réforme doit s’attaquer à la spéculation sur les matières premières alimentaires.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Vincent Placé

M. Jean-Vincent Placé. Plusieurs orateurs, dont M. Baylet, l’ont souligné : on ne peut plus tolérer que des spéculateurs, qui ne connaissent pas les marchés agricoles, puissent parier sur l’évolution du prix des produits agricoles, à la hausse ou à la baisse, en achetant ou en vendant au moment le plus opportun, sans se soucier de la flambée des prix ou des émeutes de la faim que cela engendre.

Mme Marie-Noëlle Lienemann applaudit.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Vincent Placé

Les écologistes vous présenteront leurs propositions pour aller dans ce sens, mais je sais que le rapporteur est extrêmement attentif sur ce sujet. Il en est de même du trading à haute fréquence, des rémunérations des dirigeants, des bonus des traders. S’il y a des excès, il faut les réguler, les maîtriser.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Vincent Placé

Je n’entrerai pas dans le détail, nous reviendrons sur toutes ces questions lors de la discussion des articles durant les prochaines journées qui seront, je l’espère, fructueuses pour le travail parlementaire.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Vincent Placé

Je n’en doute pas !

Je salue, enfin, l’amendement présenté par le Gouvernement visant à autoriser les collectivités territoriales à créer un nouvel outil de financement de leurs investissements qui, je le crois, répond à une attente forte des associations d’élus. C’est une avancée extrêmement importante.

Je sais aussi que nos réflexions, au Sénat, s’inscrivent dans un débat plus large, à l’échelle de l’Union européenne. La directive européenne sur les marchés d’instruments financiers est en cours de révision, il faut garder cela présent à l’esprit.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Vincent Placé

Je pense que c’est une chance pour l’Europe, une chance pour la France. Notre pays doit être à l’avant-garde, impulser une dynamique, comme il a pu le faire sur les paradis fiscaux.

Monsieur le ministre, mes chers collègues, il y a là une affirmation d’ambition et de détermination pour moraliser la finance. Il y a là aussi une capacité à écouter que j’ai pu constater au long des mois pendant lesquels nous avons, avec Jean Desessard, qui est notre chef de file, discuté avec le Gouvernement, avec les différents groupes, avec le rapporteur, avec la commission.

Comme ce fut le cas pour la Banque publique d’investissement, sur des sujets lourds, importants pour l’avenir de notre pays, je trouve sur toutes les travées une vraie volonté de discuter et de travailler en commun pour l’intérêt général, pour réaliser les ambitions que porte notre peuple aujourd’hui en souffrance.

Pour toutes ces raisons, je me réjouis à la perspective de la belle discussion que nous allons avoir, animés de la volonté d’aller tous ensemble de l’avant !

Applaudissements sur les travées du groupe écologiste et du groupe socialiste.

Debut de section - PermalienPhoto de Albéric de Montgolfier

Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le rapporteur, messieurs les rapporteurs pour avis, mes chers collègues, je veux d’emblée rassurer Jean-Vincent Placé : nous allons travailler dans un esprit constructif !

Permettez-moi de commencer mon propos par une citation de François Hollande, mais je suis sûr que vous ne m’en voudrez pas.

Debut de section - PermalienPhoto de Albéric de Montgolfier

Le 22 janvier 2012, au Bourget, le candidat à la présidence de la République, à l’occasion de son premier grand meeting, annonçait dans une diatribe quelque peu démagogique, que son adversaire était le monde de la finance.

Debut de section - PermalienPhoto de Albéric de Montgolfier

Dans son engagement n° 7, il précisait qu’il entendait séparer « les activités des banques qui sont utiles à l’investissement et à l’emploi, de leurs opérations spéculatives ».

Toutefois, nous le savons, et les Français l’ont désormais l’ont bien compris, dans ce gouvernement, on constate parfois un retour aux réalités. En conséquence, on nous propose ici non pas une séparation stricto sensu des activités bancaires, mais une simple filialisation des activités spéculatives, et uniquement pour le compte propre des établissements bancaires.

Force est donc de constater que les promesses électoralistes du candidat Hollande se heurtent au principe de réalité. En effet, nous ne pouvons pas nous affranchir du contexte et du monde dans lequel nous vivons.

Ainsi, Barack Obama n’est pas revenu au Glass-Steagall Act parce qu’il ne voulait pas fragiliser les banques américaines face aux banques européennes.

La règle Volker promue par Wall Street, et reprise par le Président américain, limite certains types de spéculation, mais établit tant d’exceptions que certains analystes parlent d’un véritable gruyère.

L’option Vickers, sortie tout droit de la City, n’instaure pas de séparation puisque les activités de dépôts et les activités spéculatives restent sous le même toit.

Le rapport Liikanen, rédigé pour la Commission européenne, est beaucoup plus strict, mais il ne touche pas plus au modèle de la banque universelle.

La réalité est que nous devons nous féliciter de disposer de grandes banques nationales qui ont su résister à la crise. Elles contribuent à notre croissance, au soutien de nos entreprises et de la consommation.

Il serait contre-productif pour la France et pour notre croissance de les fragiliser outre mesure, et par là même, de favoriser les autres banques européennes ou américaines.

Certes, il ne s’agit pas d’être naïf. La crise économique a d’abord été une crise financière et bancaire. L’excès de spéculation et de financiarisation, peut-être irraisonné, a été à plusieurs reprises incontrôlé : je rappellerai, comme d’autres avant moi, les affaires Madoff, Kerviel, UBS, la crise des subprimes, le scandale de la « baleine de Londres », celui du LIBOR, autant de crises qui montrent les excès de la finance.

La crise bancaire de 2009 a convaincu les grandes puissances de la nécessité de réformer les banques, devenues trop grosses et trop risquées pour la stabilité de l’économie mondiale.

À titre d’exemple, les actifs détenus par le secteur bancaire européen représentent aujourd’hui 300 % du PIB de l’Union européenne – le chiffre est impressionnant –, et les actifs détenus par une seule banque française, BNP Paribas, représentent à eux seuls la totalité du PIB français.

Les banques sont devenues systémiques, c’est-à-dire trop grandes pour faire faillite : en cas de défaut d’un seul établissement, les États sont contraints d’intervenir pour éviter la déstabilisation de l’économie. C’est ce que les Anglo-Saxons appellent le concept de « too big to fail » qui a été rappelé tout à l’heure.

Ainsi, entre octobre 2008 et octobre 2011, les États européens ont mobilisé 4 500 milliards d’euros en aides et garanties publiques à leurs banques, même s’il convient de noter que le sauvetage des banques en France n’a rien coûté à nos finances publiques.

Debut de section - PermalienPhoto de Albéric de Montgolfier

Par ailleurs, les activités de marché ont connu une croissance exponentielle.

Néanmoins, nous devons nous interroger sur la nécessité et la pertinence de la mise en œuvre d’une réforme structurelle des banques dans la mesure où le modèle de banque universelle est désormais bien inscrit dans le paysage bancaire français et s’est révélé solide à l’épreuve de la crise.

Le rapport Liikanen évoque d’ailleurs l’absence de liens démontrés entre la faillite d’une banque et son modèle d’activités.

Un certain nombre d’initiatives, acceptées par les banques, ont déjà été prises au niveau européen depuis la crise, et elles entraînent des bouleversements profonds pour le fonctionnement des marchés : renforcement des normes prudentielles, exigences en capital et mise en place de nouveaux ratios de liquidité, les fameux ratios de Bâle III ; en outre, à partir du 1er mars 2014, supervision unique des banques par la Banque centrale européenne dans la zone euro, ainsi que par l’Autorité bancaire européenne dans l’ensemble de l’Union européenne, par ailleurs chargée d’établir des règles destinées à prévenir les défaillances des établissements financiers, et lancement de l’union bancaire à l’échelle de la zone euro.

Certains effets de ces différentes mesures se font déjà sentir, mais il est encore trop tôt pour en mesurer l’impact.

Les banques ont d’ores et déjà procédé à des réductions de leurs activités de marché en raison de ces nouvelles contraintes. D’aucuns dénoncent le fait que la filialisation des activités spéculatives pour compte propre, qui est au cœur de ce projet de loi, ne représentera que de 0, 5 % à 2 % des actifs des banques, mais avant la crise, c’eût été plutôt de 10 % à 15 % de leurs actifs, …

Debut de section - PermalienPhoto de Albéric de Montgolfier

… selon les estimations du président de l’Autorité de contrôle prudentiel.

Cela signifie bien que l’activité spéculative a été réduite. Nous pouvons nous en féliciter, mais il faut se garder de placer le curseur trop loin, car cela pourrait aussi avoir pour conséquence la réduction des activités de financement, et donc impacter le financement des entreprises et l’activité économique en général.

Il faut donc veiller à ne pas ajouter trop de contraintes, car cela réduirait clairement les capacités de financement et fragiliserait les activités de la banque de financement et d’investissement.

Cela pourrait aussi avoir pour conséquence une hausse du coût des crédits pour les entreprises, qui ne pourraient plus négocier des tarifs globaux, et sans doute une hausse du coût des opérations, du fait d’une augmentation du coût de refinancement des banques.

Il faut par ailleurs veiller à conserver des réseaux bancaires français puissants, capables de proposer aux entreprises la palette des services dont elles ont besoin, et ce à des coûts compétitifs.

Comme je l’ai déjà dit, l’existence de banques françaises et européennes puissantes et fortement internationalisées est un facteur de compétitivité pour la France et pour l’Europe.

Mais voyons ce qu’il en est de ce projet de loi au regard de Bâle III.

Vous le savez, les États-Unis ont fait savoir qu’ils renonçaient sine die, unilatéralement, à appliquer Bâle III au 1er janvier 2013, ce qui aggravera encore les distorsions de concurrence.

Je rappelle qu’ici, au Sénat, la commission des finances a réagi en votant le 20 novembre dernier une résolution n°32, proposant notamment un principe de réciprocité avec les États-Unis s’agissant de la mise en œuvre des règles de Bâle III.

En réalité, les banques européennes risquent d’être les seules à appliquer Bâle III. C’est la raison pour laquelle ce n’est pas le moment de les surcharger en leur imposant des réformes structurelles qui ne seraient pas nécessaires.

Sur un tel sujet, la réflexion doit se faire au niveau international pour être efficace.

Examinons le calendrier : dans la mesure où la Commission européenne a publié en juin 2012, vous le savez tous, une proposition de directive établissant un cadre pour le redressement et la résolution des défaillances bancaires, la France pourrait ne pas anticiper sur cette directive en cours de discussion – nous avons eu ce débat en commission – et inscrire pleinement sa réforme dans un cadre européen. Pour rappel, la réglementation bancaire en France est à 90 % d’origine européenne.

L’adoption de cette directive nous obligera de toute façon à voter un nouveau texte, donc un projet de loi l’anticipant demeure, avouons-le, un texte purement d’affichage. Le Gouvernement entend laisser croire qu’il a agi en la matière, alors qu’en réalité, sur certains aspects, la montagne va accoucher d’une souris...

Ce texte ne fait que compléter la réforme bancaire qui avait été engagée en 2011 sous le quinquennat de Nicolas Sarkozy, avec la loi de régulation bancaire et financière.

Pour autant, au-delà de ces considérations générales, je souhaiterais, au nom du groupe UMP, saluer certaines avancées du texte qui nous est proposé, notamment en matière de protection des consommateurs.

Certaines questions restent en débat et seront peut-être discutées lors de l’examen des amendements. Par exemple, fallait-il aller jusqu’à plafonner les frais bancaires pour l’ensemble de nos concitoyens – nous avons eu ce débat en commission ce matin, monsieur le rapporteur –, alors que le projet de loi initial le limitait simplement aux Français dont les revenus sont les plus modestes ? À titre personnel, je ne suis pas favorable à un plafonnement général.

Par ailleurs, le présent projet de loi prévoit un renforcement des pouvoirs de l’Autorité de contrôle prudentiel en matière de contrôle de l’honorabilité, de la compétence et de l’expérience des dirigeants des établissements de crédit. Un pouvoir d’opposition à leur nomination et à leur renouvellement serait confié à l’ACP, qui deviendra l’ACPR – R pour « Résolution » –, et ses contrôles seraient étendus, dans le projet de loi adopté en première lecture par l’Assemblée nationale, à l’ensemble des administrateurs des banques coopératives régionales, alors qu’ils portaient jusqu’à présent sur les seuls dirigeants responsables des banques au sens du code monétaire et financier.

Le texte ne tient pas compte, me semble-t-il, de la nature même des banques coopératives et de l’existence d’un organe central qui dispose déjà de larges prérogatives.

L’Assemblée nationale a adopté un texte excluant du périmètre d’application du dispositif les caisses locales, qui bénéficient déjà d’un agrément collectif, mais pas les caisses régionales.

C’est pourquoi certains de mes collègues et moi-même avons déposé plusieurs amendements en vue de compléter cette exemption pour les caisses locales et de l’étendre éventuellement aux administrateurs des banques coopératives régionales, sauf pour les dirigeants de ces établissements.

Au-delà de toutes ces remarques, ce texte n’est donc pas révolutionnaire. Il comporte quelques points positifs, il faut le souligner, mais demeure essentiellement technique.

C’est pourquoi le groupe UMP se prononcera sur l’ensemble du projet de loi en fonction des amendements qui seront adoptés au cours de la discussion. Notre groupe pourrait s’abstenir, sauf si les nouvelles dispositions retenues durcissaient excessivement le texte adopté par la commission, dont nous partageons un certain nombre d’orientations, et je voudrais à cet égard saluer le travail effectué par M. le rapporteur sur le texte initial.

Applaudissements sur quelques travées de l'UMP . – MM. Jean Boyer et Aymeri de Montesquiou applaudissent également.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Caffet

Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le rapporteur, messieurs les rapporteurs pour avis, mes chers collègues, le projet de loi dont nous commençons l’examen est sans doute la traduction d’une réforme majeure de ce quinquennat.

En séparant les activités des banques qui sont utiles à l’investissement et à l’emploi de leurs opérations spéculatives, comme s’y était engagé le Président de la République, il apporte une réponse structurelle à la crise financière de 2008, la plus grave depuis celle de 1929, dont nous payons encore aujourd’hui les conséquences en matière de croissance, d’emploi et d’endettement excessif.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Caffet

Souvenons-nous qu’en trois ans nous avons constaté la destruction d’environ 1 000 milliards de dollars de richesse, la progression du chômage à hauteur de 13 millions de personnes dans la zone OCDE et une augmentation moyenne de 80 % des déficits publics.

Je ne reviendrai pas longuement sur les racines de cette crise, mais il est clair pour nous que cette dernière est étroitement corrélée à la déréglementation des marchés financiers au cours des trente dernières années et à la complexification des produits financiers dont plus personne ne peut mesurer aujourd’hui les risques qu’ils comportent.

J’y ajoute le développement de certaines pratiques financières comme la titrisation, qui a favorisé une extrême interdépendance entre bilans des établissements de crédit, et donc accru le risque systémique, ainsi que les effets de levier de certaines opérations menées hors bilans bancaires qui ont été ignorés par les régulateurs.

Pendant toutes ces années d’hypertrophie des activités financières, la réponse des pouvoirs publics, tant en France qu’au niveau communautaire ou international, s’est concentrée sur le renforcement des normes prudentielles, notamment avec l’élaboration des règles dites « Bâle » ou « Solvabilité » : Bâle II, Bâle II et demi, Bâle III, Solvabilité I, Solvabilité II.

En d’autres termes, les pouvoirs publics ont cru que la régulation des activités de transformation d’une banque, c’est-à-dire l’octroi de crédits à partir de dépôts, les dispensait de réguler les activités d’intermédiation, c’est-à-dire les interventions des banques sur les marchés financiers.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Caffet

Et ce n’est que très récemment que les réflexions ont dépassé ce cadre strictement prudentiel pour aborder les questions plus globales des structures mêmes des banques et de la relation aux marchés financiers.

C’est tout le sens des rapports Volcker aux États-Unis, Vickers au Royaume-Uni et Liikanen pour notre continent. En témoignent également les nombreuses discussions menées aujourd’hui au niveau européen, notamment autour des projets de directive portant sur la supervision des établissements de crédit et la résolution de crises bancaires éventuelles.

C’est donc dans ce cadre nouveau que s’inscrit ce projet de loi, qui suscite notre fierté, je tenais à vous le dire, monsieur le ministre, dans la mesure où la France sera le premier pays à se doter d’une telle législation, faisant ainsi figure de pionnière en Europe.

Ce cadre que j’évoquais à l’instant vise quatre objectifs principaux : premièrement, la réduction du risque systémique ; deuxièmement, la limitation de l’aléa moral, c’est-à-dire la garantie implicite de l’État et donc du contribuable aux banques, bref un système bien connu dans lequel les profits sont privatisés et les pertes nationalisées ;…

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Caffet

… troisièmement, le meilleur financement possible de notre économie, que ce soit pour les particuliers ou les entreprises dans un contexte français, j’insiste sur ce point, où les crédits sont structurellement supérieurs aux dépôts – dans une telle situation, vouloir interdire strictement aux banques de dépôts l’accès aux marchés financiers serait à tout le moins contre-productif – ; enfin, quatrièmement, et vous avez tenu à traiter cet objectif, monsieur le ministre, alors que rien ne vous y obligeait, la protection des consommateurs.

Sur l’ensemble de ces problématiques, ce texte amendé par l’Assemblée nationale et par notre rapporteur en commission des finances nous semble équilibré. Il ne compromet pas le nécessaire financement de l’économie tout en nous prémunissant contre les excès auxquels la finance nous avait malheureusement habitués au cours des années passées.

Cela étant dit, notre groupe considère que, si les grands équilibres trouvés ne doivent pas être remis en cause, des améliorations peuvent encore être apportées sur un certain nombre de dispositions concernant les objectifs que je viens de rappeler.

Il reste quatre sujets sur lesquels nous souhaiterions avancer.

Il s’agit, en premier lieu, des relations de la société mère avec les organismes de placement collectif, notamment les hedge funds. Il nous semble que l’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution devrait avoir le pouvoir de s’assurer de la réalité des garanties apportées par ces derniers dans les relations qu’ils nouent avec les banques.

Il s’agit, en deuxième lieu, des opérations sur instruments financiers à terme dont l’élément sous-jacent est une matière première agricole. Certes, il est difficile de distinguer les opérations de couverture liées à une activité réelle, donc légitimes, des opérations spéculatives pures dont nous savons qu’elles ont des effets sur les prix en les tirant à la hausse et nuisent gravement aux pays en développement. Mais, en tout état de cause, nous ne pouvons ignorer ce problème.

C’est pourquoi nous soutiendrons les initiatives visant à ce que les établissements de crédit rendent compte régulièrement de ce type d’opérations à l’Autorité des marchés financiers et que cette dernière puisse, le cas échéant, imposer des limites de position sur de tels instruments.

Il s’agit, en troisième lieu, de la lancinante question des rémunérations des dirigeants des banques et de certaines professions. Le niveau parfois invraisemblable des sommes en question n’est pas étranger aux risques insensés pris, et ce sans considération pour la stabilité du système bancaire mondial.

Nous savons que l’Europe avance sur cette question et qu’une solution limitant significativement les parts variables de ces rémunérations est sur le point d’être atteinte dans le cadre du projet de directive CRD IV. Cependant, sans attendre, nous souhaitons que l’ACPR vérifie dès à présent que ces rémunérations n’encouragent pas des prises de risques dénuées de tout lien avec les objectifs assignés aux unités opérationnelles des départements bancaires.

En quatrième lieu, enfin, il s’agit de la question des paradis fiscaux, à laquelle, je vous sais, monsieur le ministre, très sensible.

Avec l’accord du Gouvernement, l’Assemblée nationale a entériné une avancée considérable sur le front de la transparence, …

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Caffet

… en imposant aux banques françaises la publication d’informations concernant leur activité – à savoir leurs implantations, leur chiffre d’affaires et leurs effectifs – dans l’ensemble des pays et des territoires de la planète.

Dès lors que se dessine - et peut-être est-il déjà acquis ? - un consensus européen sur le sujet majeur que constitue la transparence financière, nous pourrions compléter ces obligations d’information au cours de nos débats, afin de mieux lutter contre l’optimisation fiscale ou le blanchiment d’argent.

Pour ce qui concerne l’objectif de limitation de l’aléa moral couvert par les titres II et IV du présent texte, nous ne pouvons que souscrire aux mesures prévues en matière de prévention et de résolution des crises bancaires, concernant la structure et le fonctionnement mêmes des banques.

Nous sommes parfaitement en phase avec les attributions étendues confiées à l’APCR, notamment quand il s’agit du pouvoir de faire peser les pertes d’une banque sur ses actionnaires et ses créanciers et non plus, comme auparavant, sur les contribuables et les déposants. Nous saluons également la faculté de révoquer des dirigeants lorsqu’ils ont failli au point de mettre leur entreprise en danger.

Toutefois, il nous a semblé utile d’étendre les attributions de l’ACPR au contrôle des prises de participation ou des acquisitions auxquelles les établissements bancaires français pourraient se livrer, notamment hors de l’espace économique européen. De fait, à quoi serviraient ces nouveaux mécanismes de prévention et de résolution des crises si les établissements de crédit pouvaient contourner la réglementation en se développant sans aucun contrôle à l’international ?

Avant de conclure, je me dois de souligner que le titre VI est, à nos yeux, le bienvenu. De fait, il traduit une réelle avancée et tire les conséquences des limites auxquelles se sont heurtées les réglementations antérieures en faveur du consommateur de produits bancaires.

Bien entendu, nous approuvons la généralisation du plafonnement des commissions bancaires à l’ensemble des clients, ainsi que l’obligation faite aux banques de proposer aux personnes en situation de fragilité financière une offre spécifique permettant de « limiter les frais supportés en cas d’incidents ».

Néanmoins, nous souhaitons aller plus loin encore en inscrivant dans la loi que, non seulement pour les bénéficiaires de cette offre spécifique mais aussi pour les clients disposant des services bancaires de base, les commissions seront fixées à un niveau inférieur à celui du plafond général.

Mes chers collègues, au-delà des nuances d’appréciation que nos débats pourront mettre au jour, ce projet de loi, profondément équilibré, devrait recueillir un large assentiment sur toutes les travées de cet hémicycle.

Ce texte permet en effet un financement plus sain de notre économie.

Il confie des pouvoirs très étendus et coercitifs aux autorités de contrôle du système bancaire, sans pour autant lancer une expédition punitive contre un secteur d’activité dont les comportements et les excès ont souvent suscité les critiques et parfois même l’indignation.

Il protège les déposants et les épargnants et réduit l’aléa moral : à cet égard, il contribue sans doute à restaurer la confiance de nos concitoyens dans leurs banques, confiance sans laquelle toute réforme serait vaine, comme M. Placé l’a souligné il y a quelques instants.

Enfin, il tient compte des populations les plus fragiles – ce n’est pas accessoire, en ces temps de crise – et permet ce faisant de mieux répartir l’effort collectif.

Pour l’ensemble de ces raisons, les sénatrices et sénateurs du groupe socialiste voteront en faveur de cette réforme, avec la conviction qu’elle influera sur les discussions en cours à Bruxelles et à Strasbourg.

Monsieur le ministre, permettez-moi de vous remercier de la qualité de votre écoute et de la disponibilité des équipes de Bercy, qui nous ont donné le sentiment d’un véritable travail de coproduction législative lors de l’élaboration de cette réforme.

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe écologiste.

Debut de section - PermalienPhoto de Aymeri de Montesquiou

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le présent projet de loi, destiné à brider la spéculation et à mieux financer l’économie, s’inscrit dans la continuité des réformes menées par les gouvernements précédents, déterminés à protéger les dépôts des épargnants et l’ensemble des contribuables.

Comme M. le ministre de l’économie et des finances, les sénateurs du groupe UDI-UC abordent ce débat dans un esprit d’ouverture et d’écoute.

Si la démarche engagée va dans le bon sens, elle appelle néanmoins des réserves et des interrogations de notre part. C’est pourquoi nous avons déposé des amendements, auxquels, nous l’espérons, le Gouvernement réservera un accueil positif.

Avant tout, comme je le répète inlassablement dans cet hémicycle, il convient de changer cette atmosphère démoralisante de défiance qui prévaut aujourd’hui dans notre pays, et qui fait fuir à la fois nos entrepreneurs et nos futurs cadres.

La déclaration du candidat Hollande – « Mon adversaire, c’est la finance » –, …

Debut de section - PermalienPhoto de Aymeri de Montesquiou

… est stupéfiante. Elle est tout aussi atterrante que les propos de certains dirigeants du XIXe siècle, qui qualifiaient les ouvriers de « classes dangereuses » !

Debut de section - PermalienPhoto de Aymeri de Montesquiou

Les banques sont des entreprises, et elles emploient près de 400 000 salariés.

Monsieur le ministre, vous en êtes convaincu comme nous tous, je l’espère : les banques sont des entreprises indispensables à toute activité économique. M. Moscovici l’a du reste souligné il y a quelques instants.

Toutefois, une part du métier de banquier n’est pas totalement dépourvue de risques pour les acteurs économiques. À cet égard, l’activité bancaire doit être encadrée par une réglementation adaptée, comparable aux normes Seveso, comme toute industrie à risque.

Debut de section - PermalienPhoto de Aymeri de Montesquiou

Redonnez l’envie, redonnez confiance. La confiance, c’est le moteur de l’économie et la condition de notre compétitivité. C’est un élément indissociable de la croissance.

Or, désormais, la croissance est devenue la priorité de chacune et de chacun d’entre nous. Toute modification législative concernant l’économie ou la finance doit concourir à la restaurer. À cette fin, il faut se départir de tout dogme et de toute idéologie.

Le présent projet de loi, à l’ambition modeste, est le reflet édulcoré du septième engagement du candidat Hollande.

Debut de section - Permalien
Un sénateur du groupe socialiste

Depuis élu Président de la République !

Debut de section - PermalienPhoto de Aymeri de Montesquiou

C’est indéniable, cher collègue !

À ce titre, nous ne pouvons manquer d’exprimer certaines réserves.

Debut de section - PermalienPhoto de Richard Yung

Il faudrait savoir : soit vous adhérez, soit vous critiquez !

Debut de section - PermalienPhoto de Aymeri de Montesquiou

Premièrement, le dispositif prévu risque de pénaliser nos établissements par rapport aux banques étrangères et de les affaiblir dans la compétition mondiale en leur enjoignant de révéler des informations stratégiques. Nous avons déposé des amendements à l’article 4 bis en vue de prévenir de tels risques.

À cet égard, prenons garde de ne pas fragiliser cette industrie vitale par un encadrement trop rigide. L’amélioration des stress tests, qui ont révélé leurs insuffisances, ne constitue-t-elle pas à elle seule une première étape ?

Deuxièmement, l’ACPR se voit confier un pouvoir singulier : cette instance aura pour ainsi dire droit de vie et de mort sur de nombreuses activités bancaires, …

Debut de section - PermalienPhoto de Richard Yung

C’est précisément ce qu’il faut mettre en œuvre !

Debut de section - PermalienPhoto de Aymeri de Montesquiou

… en vertu d’une procédure dont la conformité à l’article 6 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales est discutable.

Il s’agit, en l’espèce, d’opérations d’un montant de plusieurs milliards d’euros : cette disposition est-elle compatible avec la liberté du commerce et de l’industrie ? Pour notre part, nous présenterons des amendements destinés à garantir le respect de ce principe fondamental.

Troisièmement, et enfin, nous nous interrogeons sur la capacité de ce texte à nous préserver d’un nouveau « Lehman Brothers ».

Gardons à l’esprit que, pour ce qui est de la filialisation, les activités spéculatives des banques agissant pour leur compte propre ne représentent que 2 % de leur activité.

Monsieur le ministre, quelle sera la position du Gouvernement lors de l’entrée en vigueur de la directive issue du rapport Liikanen, attendue pour l’été prochain ? Ne légiférons-nous pas trop tôt ?

Debut de section - PermalienPhoto de Aymeri de Montesquiou

Votre volonté de voir la France jouer un rôle précurseur ne doit pas nous conduire à placer nos banques en position de faiblesse par rapport à leurs concurrentes étrangères. L’Allemagne a engagé une réforme parallèle à la nôtre : quelle concertation menez-vous avec votre homologue allemand sur le sujet ?

Debut de section - PermalienPhoto de Aymeri de Montesquiou

Au surplus, les délais d’application de ces réformes constituent une question centrale. Les Britanniques visent 2019, date de la mise en œuvre des accords de Bâle III. Dans un souci de positionnement et de coopération à l’échelle européenne, nous proposons quant à nous l’échéance de 2017.

Le Gouvernement a annoncé que le présent projet de loi visait non seulement à changer les structures, mais aussi et surtout à peser sur les comportements. C’est un point fondamental – je vous l’accorde –, car les banques ne peuvent plus se conduire comme elles l’ont fait par le passé, surtout de l’autre côté de l’Atlantique. Dans ce cadre, il est indispensable que le ministère de l’économie commandite une étude d’impact.

La responsabilité des banques, voire leur éthique même, sera désormais engagée. Du reste, une grande banque a très récemment organisé un colloque pour faire face à la mutation des métiers bancaires et définir leur juste place dans le monde de demain.

Mes chers collègues, lors de son discours devant l’Assemblée nationale, M. Moscovici a cité Sénèque et Dumas.

Debut de section - PermalienPhoto de Aymeri de Montesquiou

M. Aymeri de Montesquiou. Pour clore mon propos sur un texte austère, je conclurai pour ma part par une foucade rafraîchissante d’un aïeul controversé, l’inclassable Robert.

Exclamations amusées sur les travées de l'UDI-UC et de l'UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de Aymeri de Montesquiou

Ce dernier avait coutume de répondre, lorsqu’on lui donnait un conseil : « Je ne saurais l’écouter mais je l’entendrai toujours. » Quant à nous, nous souhaitons que le Gouvernement entende et écoute à la fois les conseils et les interrogations du groupe UDI-UC. Notre vote dépend de sa réponse.

Applaudissements sur les travées de l'UDI-UC et de l'UMP. Mme Frédérique Espagnac et M. Jean-Jacques Mirassou applaudissent également.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre-Yves Collombat

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, étant donné le temps de parole dont je dispose, je me contenterai de revenir sur les enjeux du présent projet de loi, et sur le paysage bancaire dans lequel il s’inscrit.

Plusieurs orateurs l’ont déjà rappelé, à la fin de l’année 2012, le bilan agrégé du système bancaire français représentait quelque 9 000 milliards d’euros, soit plus de quatre fois le PIB de la France, vingt-huit fois les recettes et vingt-quatre fois les dépenses prévus dans le cadre de la loi de finances pour 2013. Or seulement 2 400 milliards d’euros correspondent à des prêts aux entreprises et aux particuliers, soit un peu plus de 25 % du volume total : avouez que c’est peu, pour des institutions censées assurer essentiellement par leurs prêts le financement de l’économie.

Pourtant, c’est au nom de la sauvegarde des dépôts et de l’économie tout entière que l’État protégera le système bancaire de la faillite en lui accordant sa garantie en cas de crise, que celle-ci soit petite ou grande, sectorielle ou générale. C’est ce qui s’est passé en octobre 2008, l’État apportant une garantie de 320 milliards d’euros aux échanges interbancaires, paralysés, et consacrant une somme de 40 milliards d’euros à la recapitalisation des banques. On aura remarqué que ce montant est supérieur à ce que représentait alors le budget de l’État. « L’État ne laissera aucune banque faire faillite » annoncera, en ces circonstances, Nicolas Sarkozy.

La machine redémarrera cahin-caha et, au total, pour un coût moins élevé que pour d’autres pays. Je note tout de même que la facture ne se limite pas réellement aux 12 milliards d’euros de Dexia, cette affaire n’étant absolument pas soldée.

Mais les dégâts collatéraux en termes économiques, tant sur le front de l’emploi qu’en matière d’endettement public, seront, eux, énormes. En cinq ans de crise, de janvier 2008 à janvier 2013, le nombre de chômeurs de catégorie A en France aura augmenté, de fait, de 1, 1 million de personnes - pour les catégories A, B et C confondues, cette augmentation s’élève à 1, 6 million de personnes – cependant que l’endettement de l’État aura, lui, augmenté de 500 milliards d’euros.

Ajoutons que le groupe BNP Paribas, premier vecteur de propagation du virus des subprimes en Europe, sera quant à lui sauvé par les 18 milliards de dollars du groupe AIG, lui-même secouru par l’État américain.

Incontestablement, le système bancaire français a bien résisté à la crise, …

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre-Yves Collombat

… les victimes de ces rêves de profit illimité, un peu moins !

Une question me vient : si, dans quelques mois, en 2014 ou en 2015, le système se bloquait à nouveau ? L’hypothèse est crédible au vu de la quantité de titres bizarres encore présents dans les bilans, comme de l’état de la zone euro. Combien de centaines de milliards d’euros l’État pourra-t-il alors mettre sur la table ? Et sur quels moutons prendra-t-il la laine ?

D’autant que notre pays est particulièrement vulnérable à une crise financière systémique. Le bilan de notre plus gros établissement bancaire, BNP-Paribas, est de l’ordre du PIB national, soit 2 000 milliards d’euros. Celui de nos cinq banques systémiques équivaut à 335 % de ce même PIB. Par comparaison, les bilans agglomérés des huit plus grandes banques des États-Unis représentent seulement 61 %, du PIB du pays. L’Allemagne ne compte, elle, qu’une seule « méga-banque » et 1 500 banques de proximité finançant le réseau des PME. Le renflouement de cette « méga-banque » a d’ailleurs coûté pas mal d’argent à l’État allemand.

Et, contrairement à ce que j’ai entendu tout à l'heure, nos financiers n’entendent nullement renoncer à leurs pratiques si juteuses. Voici un exemple tiré du dernier bilan de Crédit Agricole SA, dont on connaît les exploits.

Exclamations sur les travées de l'UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre-Yves Collombat

Entre 2011 et 2012, donc en pleine crise, ses actifs financiers spéculatifs augmentent de 130 milliards d'euros, soit de 26, 5 %. Dans le même temps, les prêts baissent de 70 milliards d’euros, soit de 21 %. Baissent également les capitaux propres, qui n’atteignent même plus 2, 5 %, ce qui n’empêche pas le matelas des produits dérivés d’augmenter de 70 milliards d’euros, soit de 20 % !

Durant la crise, la fête spéculative continue !

Le véritable enjeu est donc non pas de séparer les activités bancaires utiles à l’économie réelle et celles qui ne le seraient pas, comme le prévoit le projet de loi, mais bien d’éviter que la prochaine crise systémique n’entraîne l’État et les déposants dans la débâcle de ceux qui l’auront provoquée, les chiffres cités parlent d’eux-mêmes. Je ne dis pas « éviter la crise », car bien malin qui dira comment y parvenir, mais éviter que, de catastrophe, elle ne tourne au cataclysme.

Comment ? Tout d’abord en séparant les banques de dépôts des banques d’investissement. Les auteurs du projet de loi préfèrent, eux, la filialisation d’une partie infime - quelques pour cent, selon les premiers intéressés -, des activités de marché des banques universelles, ce qui non seulement ôte tout intérêt au texte, mais aggrave la situation en créant une fausse impression de sécurité.

Or, en l’état actuel du texte, les difficultés des filiales directes pourront se transmettre à la maison mère. Vous me direz que, si elles n’en représentent qu’un à deux pour cent, ce n’est pas bien grave !

Contrairement à ce que l’on entend dire, une telle séparation serait bénéfique pour les banques de dépôts qui, délestées des risques inhérents à leurs activités spéculatives, pourraient se refinancer à meilleur compte. Contrairement aussi à ce qui se colporte ici ou là, la taille des établissements d’investissement français issus de cette séparation les rendrait très concurrentiels.

BNP-Paribas Investissement, c’est 830 milliards d’euros, plus que Goldman Sachs, première banque d’investissement américaine, qui pèse 740 milliards d’euros à la fin de 2011. Pour les seconds rôles, Goldman Sachs et Morgan Stanley, les chiffres sont respectivement de 524 milliards d’euros et 600 milliards d’euros, soit des ordres de grandeur très comparables.

Séparer strictement les établissements de crédit des banques d’investissement est donc non seulement une obligation de prudence, c’est aussi souhaitable pour le système bancaire lui-même et c’est donc parfaitement viable ! De là découle la série d’amendements que nous avons déposés pour palier les étonnantes déficiences de ce projet de loi.

Applaudissements sur certaines travées du RDSE et du groupe socialiste. ― M. Éric Bocquet applaudit également

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Desessard

Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le rapporteur, chers collègues, cela a été dit à plusieurs reprises, ce projet arrive dans un contexte favorable.

Aux États-Unis, en 2010, la règle Volcker interdit la spéculation pour compte propre. Au Royaume-Uni, en 2011, c’est la règle Vickers qui prône une filialisation des activités de dépôts en vue, certes, d’une application en 2019. Au sein de la Commission européenne, en 2012, le rapport Liikanen propose le cantonnement de nombreuses activités spéculatives.

Plus récemment encore, George Osborne, chancelier de l’Échiquier, assure que son gouvernement « séparera les activités de détail et d’investissement des banques en les cloisonnant, pour protéger l’économie britannique et les contribuables, en s’assurant qu’aucune d’entre elles n’est trop grosse pour faire faillite ».

Ajoutons la refonte de la directive européenne MiFID, concernant les marchés d’instruments financiers, qui intègre déjà la transparence sur les paradis fiscaux, ainsi que la décision du Parlement européen de produire un rapport d’initiative s’inspirant du rapport Liikanen, en vue d’une proposition législative de la Commission européenne à l’été.

L’environnement est donc favorable, et, surtout, l’attente des citoyens est forte. Ils sont en effet échaudés, scandalisés, inquiets, devant la succession des scandales financiers, l’impossibilité d’obtenir des crédits pour monter leurs projets et leur mise à contribution pour sauver de banquiers « too big to fail », trop gros pour tomber, mais qui jouent au casino pour ne pas assumer les conséquences de leurs actes.

Alors oui, cette réforme bancaire s’inscrit dans une réelle dynamique ! Elle sera également la première à être opérationnelle en Europe.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Desessard

M. Jean Desessard. La loi française servira d’étalon, elle se doit donc d’être ambitieuse !

M. Francis Delattre s’exclame.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Desessard

Si les crises bancaire et financière nous invitent à une régulation permanente du secteur, elles nous renvoient à une question simple : quel est le rôle des banques dans l’économie ? On aimerait répondre, simplement : « financer l’activité économique des entreprises et des particuliers ». Pourtant, tous les acteurs de l’économie dite « réelle » s’accordent pour dénoncer l’assèchement du crédit.

Sur les 8 000 milliards d’euros d’actifs de bilan cumulés de nos banques françaises, soit quatre fois le PIB de la France, seuls 10 % servent au financement des prêts aux entreprises et 12 % au financement des prêts aux particuliers. M. Bocquet l’a dit, les 78 % restants correspondent à des opérations de marché dont, selon la Banque des règlements internationaux, seulement 7 % mettent en jeu un opérateur de l’économie réelle.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Desessard

On assiste donc à une inflation spéculative, alors même que les entreprises ne trouvent pas à se financer.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Desessard

de la demande spontanée de financement émanant d’auto-entrepreneurs et de TPE n’est pas satisfaite par les banques du territoire.

Que font ces banques ? Pourquoi devrions-nous accepter qu’elles prêtent aux hedge funds plutôt qu’aux entreprises ? Pourquoi les PME devraient-elles aller elles-mêmes se financer sur le marché ? Pourquoi les TPE et les auto-entrepreneurs devraient-ils se contenter de crédits aux particuliers, faute d’avoir accès aux crédits aux entreprises ?

Les banquiers nous expliquent que c’est le développement des activités de marché qui permet de répondre aux besoins de l’économie. Mais les bilans bancaires ont crû deux fois et demie plus vite que le PIB mondial au cours des dix dernières années. Le développement des produits dérivés, censés couvrir les risques réels, est devenu le véhicule de la spéculation.

En d’autres termes, mes chers collègues, il est aujourd’hui beaucoup plus rentable de jouer sur les produits dérivés que de financer l’économie !

Sans séparation des activités et sans régulation, pas de maîtrise des choix économiques pour l’avenir ! D’autant que la créativité des établissements de crédit n’est plus à démontrer. Revenons sur l’une de ses manifestations emblématiques : la spéculation sur les matières premières agricoles.

Au départ, le développement des marchés à terme a permis aux acheteurs et vendeurs de s’assurer face au risque commercial, risque lui-même lié à une production soumise aux aléas climatiques ou aux enjeux politiques. L’apport de liquidités par des spéculateurs fluidifiait alors le marché en évitant les prises de position majoritaires de gros opérateurs et les effets de distorsion qui en résultent. Mais les purs spéculateurs financiers, qui ont largement investi ce nouvel eldorado à partir des années 2000, se sont contentés de jouer sur les fluctuations de prix de manière si disproportionnée qu’ils ont créé des bulles spéculatives. Cela a abouti aux émeutes de la faim de 2008, qui ont marqué les esprits. La FAO avait alors dressé une liste de trente-sept pays touchés.

Mais les banques avaient-elles compris ? Avait-on ralenti la spéculation sur les matières agricoles ? Eh bien, non ! Tout au contraire ! Les fonds indiciels qui, basés sur les matières premières agricoles, sont proposés par les banques françaises ont été créés après la crise alimentaire de 2008 !

Jouer sur l’alimentation, voilà donc ce que l’on propose aux investisseurs, et notamment aux investisseurs institutionnels que sont les fonds de pension, les caisses de retraite, etc.

Bref, sans le savoir, à l’insu de notre plein gré, en quelque sorte, nous sommes potentiellement très nombreux à parier sur les cours du riz ou du blé !

Nous proposerons des amendements pour que ne soient autorisées que les opérations de couverture de risque pour des opérateurs physiques ― agriculteurs, coopératives agricoles, industries agro-alimentaires, négociants.

Enfin, le projet de loi s’attache à répondre à des situations d’urgence en matière de protection des consommateurs. Nous proposerons également des amendements renforçant l’accessibilité bancaire et l’exercice du droit au compte.

En conclusion, ce projet de loi nous offre l’occasion de poser à nouveau la question, essentielle, du rôle des banques dans l’économie. L’économie et la finance doivent être au service des hommes et des femmes, non pas de quelques traders, mais bien de l’ensemble de la société.

Ce projet de loi est une étape, s’inscrivant dans le cadre européen, sur la voie de la régulation de la finance. Sans faire de la finance l’ennemi, nous devons lutter contre ses dérives ! En votant pour cette loi, en proposant des amendements, les élus écologiques s’inscrivent dans cette dynamique !

Applaudissements sur les travées du groupe écologiste, du groupe socialiste et du groupe CRC, ainsi que sur certaines travées du RDSE.

Applaudissements sur les travées de l'UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Bas

Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le président de la commission des finances, messieurs les rapporteurs, chers collègues, il y a deux lectures possibles de ce projet de loi volumineux qui, en réalité, porte diverses dispositions d’ordre économique et financier.

Une première lecture politique s’impose. Beaucoup de vos amis reprochent à votre Gouvernement un nouveau changement de cap, monsieur le ministre. On doit, objectivement, leur en donner acte.

Ainsi, notre collègue Christian Bourquin n’a pas eu tort de relever en commission, à propos de ce projet, qu’on « envoyait des messages d’intention » mais qu’en réalité « on agissait très peu sur la masse financière », ajoutant qu’il ne s’agissait que d’un « léger encadrement ».

La liste des évolutions du Gouvernement est longue, nous souhaitons qu’elle s’allonge encore !

Ce fut d’abord l’adoption du traité budgétaire européen, dans les termes mêmes dans lesquels il avait été conclu par Nicolas Sarkozy et Angela Merkel. Ce fut ensuite l’accord sur le budget européen conclu début février à Bruxelles par le Président de la République. Loin de financer la politique de relance que vous prétendiez imposer au reste de l’Europe, cet accord consacre le recul des interventions européennes pour les sept prochaines années. Ce furent encore les 30 milliards d’euros de prélèvements supplémentaires décidés depuis votre arrivée.

Il y eut aussi la suppression, toutes affaires cessantes, de la TVA anti-délocalisation, remplacée, au vu du rapport Gallois, par une réforme analogue

On le conteste sur les travées du groupe socialiste

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Bas

Je citerai également l’introduction, malgré l’opposition de la CGT et de FO, de plus de flexibilité dans le code du travail – une flexibilité voulue par le MEDEF –, avec l’accord courageux, quoique minoritaire, de la CFDT, de la CGC et de la CFTC.

Demain, vous demanderez sans aucun doute de nouveaux efforts à chacun, notamment aux retraités et aux familles, pour poursuivre la réduction nécessaire des déficits publics, commencée par vos prédécesseurs.

Aujourd'hui, voici une réforme bancaire a minima, qui arrive à point nommé pour solder les comptes de la campagne de 2012.

Je veux être clair : que vous ne fassiez pas la politique sur laquelle François Hollande a été élu ne nous cause aucune contrariété, …

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Bas

Nous n’avons cessé d’en dénoncer le danger et l’irréalisme.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Bas

Nous considérons, comme vous désormais, qu’une réforme bancaire qui se traduirait à la fois par une hausse du loyer de l’argent et par une diminution de la disponibilité du crédit, une réforme qui affaiblirait gravement les groupes bancaires français et leurs 400 000 salariés face à leurs concurrents serait une faute, …

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre-Yves Collombat

Sauver les banques, il n’y a que cela qui vous intéresse !

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Bas

… une faute contre l’économie française, un facteur de récession et une nouvelle cause d’aggravation du chômage.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Bas

C’est d’ailleurs pourquoi vous y avez heureusement renoncé !

Vous nous excuserez, cependant, de considérer qu’il ne suffit pas que vous ayez réussi à éviter cette sottise pour que nous approuvions aussitôt avec soulagement votre projet.

M. le rapporteur s’exclame.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Bas

Et vous ne nous en voudrez pas non plus de penser que nombre de Français auront le sentiment d’avoir été abusés.

Les paroles ne s’envolent pas comme feuilles au vent ; elles engagent, elles obligent même.

Personne ne peut oublier le vigoureux propos tenu par le candidat François Hollande le 22 janvier 2012, un propos que je répéterai, car nos collègues qui l’ont déjà cité n’ont, curieusement, suscité aucun applaudissement sur les travées de la majorité : « Mon véritable adversaire n’a pas de nom, pas de visage, pas de parti, »…

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Bas

… « il ne présentera jamais sa candidature, il ne sera donc pas élu, et pourtant il gouverne. »

« Cet adversaire, c’est le monde de la finance ! », disait-il. Et, pour « mettre la finance au pas », selon l’expression martiale du candidat devenu Président de la République, celui-ci s’était engagé avec audace à « séparer les activités des banques qui sont utiles à l’économie et à l’emploi de leurs opérations spéculatives ».

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Bas

Heureusement pour vous, personne ne sachant exactement ce qui distingue a priori un bon placement d’une opération spéculative, comme l’a rappelé avec franchise notre collègue Yannick Vaugrenard, au nom de la commission des affaires économiques, vous parvenez à en tirer argument pour opérer un rétablissement acrobatique en jouant sur les mots, espérant que vos amis et vos alliés vous permettront ainsi de cocher la case « banques » sur la liste des engagements tenus.

Certains salueront l’habileté. Mais la politique n’est pas un jeu de l’oie où l’on passe d’une case à l’autre en se mettant en règle. Beaucoup de Français – j’en fais partie – vous diront qu’ils ne sont pas dupes de ces artifices.

On peut aussi faire une lecture économique de votre projet. Je dis « votre projet », car j’hésite maintenant à parler de réforme. Cette lecture est heureusement un peu moins désagréable, et c’est l’essentiel.

Sur le plan économique, ce texte a au moins le mérite d’imprimer au débat un réalisme qui lui avait d’abord fait gravement défaut.

Les banques doivent être encadrées, la cause est entendue, mais il faut cesser de les désigner aux Français et aux entreprises françaises comme les boucs émissaires pour les difficultés qui sont les leurs aujourd’hui.

Nos banques en particulier ne sont nullement à l’origine de la crise financière de 2008 et des difficultés qu’ils rencontrent. La seule banque universelle qui ait coûté de l’argent au contribuable français au cours des trente dernières années, c’est le Crédit Lyonnais, du temps où il était nationalisé – et ce n’est pas nous qui avions pris cette décision !

Dans les années récentes, l’État a dû secourir deux établissements bancaires, le Crédit immobilier de France et Dexia. Or aucun des deux ne collectait de dépôts des Français. La séparation des activités économiques et des activités spéculatives aurait donc été sans aucun effet sur les difficultés qu’ils rencontraient.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Bas

L’activité bancaire doit, certes, être régulée. Nous ne vous avons d’ailleurs pas attendus pour le faire, tant avec les règles de Bâle qu’avec l’organisation progressive de la supervision bancaire, sous l’autorité de la Banque centrale européenne et, bien sûr, la loi de 2010.

La fonction bancaire est utile à l’économie, aux ménages et aux entreprises, mais elle l’est aussi – elle est même indispensable – aux États comme le nôtre, dont les déficits excessifs lui imposent de se financer auprès d’investisseurs nationaux et internationaux.

Nos institutions bancaires, au travers de leur rôle de teneurs de marché, garantissent à ces investisseurs qu’elles sont capables de solliciter partout dans le monde, et rapidement, le placement et la liquidité de notre dette.

Comme le ministre de l’économie et des finances a dû le rappeler à certains de ses alliés, la tenue de marché est donc, par essence, une activité non pas spéculative, mais économique, qui est évidemment très importante. Obliger nos banques à la cantonner dans une filiale aurait pour seul effet d’accroître l’appel à des banques étrangères et de renchérir le coût de notre dette à un moment où, hélas ! nous n’arrivons déjà pas à respecter nos engagements en matière de réduction des déficits publics.

C’est pourquoi je serai particulièrement attentif, monsieur le ministre, à l’avis que vous réserverez à l’amendement que j’ai déposé pour prévoir une proposition obligatoire de l’autorité de régulation avant toute décision réglementaire définissant les critères pour imposer une séparation d’activités.

En 2012, les administrations publiques françaises ont levé 250 milliards d’euros sur le marché obligataire, contre 70 milliards d’euros pour les entreprises ; c’est dire combien la part du secteur public est importante.

Si la régulation du système bancaire est nécessaire, il ne saurait évidemment être question de créer de nouvelles entraves, car cela compliquerait tout à la fois l’accès des Français au crédit, le redémarrage de l’économie et la gestion de la dette publique. C’est toute la difficulté de l’exercice auquel s’est livré, avec le talent et la compétence qu’on lui connaît, le ministre de l’économie et des finances, qui n’est malheureusement plus là pour m’entendre.

M. Yann Gaillard rit . – Exclamations sur les travées du groupe socialiste.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Bas

Il faut en prendre conscience, les nouvelles exigences réglementaires imposées par les accords de Bâle III s’ajoutent aux effets des accords précédents : les banques ont été obligées de doubler leurs fonds propres au cours des trois dernières années, ce qui limite fortement la possibilité pour elles de transformer des dépôts à court terme en prêts à long terme.

Couper les banques en deux pour sécuriser le système financier était donc une fausse bonne idée.

Protestations sur les travées du groupe socialiste et du groupe écologiste.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Bas

Je comprends, en revanche, que vous ayez souhaité limiter les activités de trading pour compte propre, c'est-à-dire les opérations que les banques accomplissent pour elles-mêmes et non pour le compte de leurs clients.

J’observe que les accords de Bâle ont déjà durci les conditions de telles interventions. La part des activités des banques françaises pour compte propre s’est d’ailleurs réduite à 5 % de leurs revenus d’activité de marché, contre 15 %, en moyenne, pour les banques anglo-saxonnes.

Monsieur le ministre, mes chers collègues, les banques universelles françaises préfèrent déjà massivement l’activité « clients » aux opérations « spéculatives ».

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Bas

M. Philippe Bas. Il n’y a donc pas de nécessité impérieuse, ni d’utilité majeure, mais pas d’objection fondamentale non plus, à prendre les mesures que vous proposez, dont certaines peuvent d’ailleurs paraître opportunes. C’est pourquoi, si la discussion des amendements permet d’écarter toute surenchère démagogique et de préciser un certain nombre de mesures techniques, je ne vois pas de raison majeure de s’y opposer.

Applaudissements sur les travées de l'UMP, ainsi que sur certaines travées de l’UDI-UC.

Debut de section - PermalienPhoto de François Marc

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je fais partie de ceux qui, et ils sont nombreux ici, se félicitent d’avoir aujourd'hui une discussion parlementaire d’avant-garde avec ce projet de loi de séparation et de régulation des activités bancaires.

Alors même que l’Europe est en train de finaliser ses discussions, la France se prépare, elle, à engager l’action nécessaire. À cet égard, je veux répondre à ceux de nos collègues qui, non sans sarcasmes, ont évoqué précédemment le discours du Bourget du candidat François Hollande à la présidence de la République en leur rappelant certain discours de Toulon, de septembre 2008.

Debut de section - PermalienPhoto de François Marc

Le Président de la République d’alors avait annoncé qu’il fallait s’occuper du secteur bancaire et agir en urgence, en luttant contre la spéculation et en élevant des barrières étanches.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Caffet

M. Jean-Pierre Caffet. Ce n’était pas martial, c’était guerrier !

Sourires.

Debut de section - PermalienPhoto de François Marc

On nous dit aujourd'hui que le Président de la République se sent obligé d’agir. Incontestablement, il y a une volonté de remettre en ordre le secteur bancaire au service de notre économie. Je ne reviendrai pas sur les grands principes, avec la séparation entre les activités bancaires traditionnelles et les activités financières spéculatives ainsi que le renforcement du contrôle de l’activité bancaire, afin de mettre fin à l’« aléa moral », évoqué à plusieurs reprises, créé par le principe bien connu du « too big to fail », dont l’anticipation des conséquences a provoqué, ces dernières années, l’engagement de fonds publics énormes.

À cet égard, j’en profite pour me féliciter des apports de nos collègues députés concernant l’obligation de transparence quant aux implantations internationales des banques, car cela permettra de connaître leurs liens avec les paradis fiscaux.

Enfin, je n’oublie pas les dispositions proposées en faveur d’une amélioration de la protection et de l’information des clients des banques, qu’il s’agisse des particuliers, des entreprises ou des collectivités locales.

Alors, non, mes chers collègues, vraiment, ce projet de loi ne vient pas trop tôt ! Il vient à point nommé.

Permettez-moi d’ailleurs de répondre, à ceux d’entre vous qui se sont demandé si ce projet de loi n’était pas trop timoré eu égard aux exigences du moment, que nous avons trouvé un équilibre tout à fait satisfaisant.

On ne saurait l’ignorer, le secteur bancaire pèse très lourd dans l’économie française : les actifs bancaires français représentent 400 % du PIB de notre pays, contre seulement 85 % aux États-Unis. Quant à l’Allemagne, elle n’a qu’une banque universelle « systémique », la Deutsche Bank, dont les activités représentent « seulement » 85 % du PIB allemand.

On peut donc considérer que nos banques universelles constituent un levier important en matière d’économie, de croissance et d’emploi.

Toutefois, comment mieux encadrer aujourd'hui les activités bancaires ?

La question est posée à tous les pays, notamment à ceux du G20. C’est dans cette perspective que le Dodd-Frank Act a imposé en 2010 la règle Volcker.

Mais, compte tenu des récentes déclarations de M. Volcker, la mise en œuvre effective de ces mesures ne semble pas, à ce jour, acquise aux États-Unis.

Du côté du Royaume Uni, le rapport Vickers qui, résultant des travaux d’un groupe d’experts, préconise une filialisation des activités de dépôts, ne connaîtra de mise en place qu’à l’échéance de 2019.

Comparativement aux pays qui nous entourent, la France va donc incontestablement plus vite. Elle va même au-delà du contrôle micro-prudentiel, en instaurant, à une échelle macro-économique, un contrôle au service de l’économie productive et de la protection des épargnants.

Mes chers collègues, permettez-moi, pour terminer, d’insister sur un aspect essentiel de ce projet de loi, je veux parler de la protection des clients bancaires, qu’il s’agisse des particuliers, des entrepreneurs et, surtout, des collectivités territoriales, dont il important de sécuriser et de faciliter l’accès au crédit.

En effet, victimes du développement incontrôlé des produits structurés pour leurs emprunts, de nombreuses collectivités territoriales ont subi de plein fouet les effets de la crise financière et bancaire, dans un contexte déjà difficile pour elles.

Je vous rappelle que, dans le rapport relatif aux emprunts structurés des collectivités territoriales et organismes publics, remis au Parlement en juillet dernier, le Gouvernement évaluait à près de 14 milliards d’euros, sur un endettement total de l’ordre de 160 milliards d’euros, l’encours des emprunts à risque.

Pour prévenir ces problèmes à l’avenir, le projet de loi prévoit d’encadrer sérieusement l’emprunt des collectivités territoriales. Plus généralement, il doit permettre de sécuriser, mais aussi de faciliter leur accès au crédit. À cet égard, comme le Président de la République l’a annoncé lors du dernier congrès des maires, une enveloppe de 20 milliards d’euros sur cinq ans permettra de financer les collectivités territoriales sur les fonds d’épargne de la Caisse des dépôts et consignations.

Par ailleurs, monsieur le ministre, je me réjouis que le Gouvernement ait décidé de présenter un amendement pour créer les conditions nécessaires à la naissance de cette fameuse agence de financement que les collectivités territoriales appellent de leurs vœux. Cette agence offrira aux collectivités adhérentes un nouveau moyen de financer leurs investissements locaux sur les marchés grâce à un système fondé sur la mutualisation des risques, un principe dont nous avons bien besoin.

Telles sont, mes chers collègues, les observations que je souhaitais porter à votre connaissance sur le présent projet de loi. J’espère que nos débats permettront de l’améliorer encore largement, car il vient à point pour appuyer utilement l’action que mène le Gouvernement afin de stabiliser le secteur bancaire, restaurer la confiance et, partant, donner du souffle à notre économie !

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe écologiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.

Debut de section - PermalienPhoto de Muguette Dini

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je consacrerai mon intervention au titre VI du projet de loi, principalement au problème du surendettement.

Je vous rappelle que plus de 220 000 dossiers ont été déposés en 2012 auprès des commissions de surendettement et que près de 195 000 d’entre eux ont été déclarés recevables. La Banque de France souligne que plus de 926 000 dossiers ont été déclarés éligibles aux procédures de surendettement depuis janvier 2008 et sont toujours en cours de traitement. Ainsi, près de 5 % des ménages payant l’impôt sur le revenu sont concernés, sans parler du « mal-endettement », qui est source également de très grandes difficultés sociales.

Longtemps, le surendettement a principalement concerné des consommateurs qui s’engouffraient dans une spirale d’achats et, parallèlement, de demande de crédits. Depuis dix ans, le problème s’est étendu pour atteindre une population qui, même en l’absence d’accidents de la vie, est très fragilisée ; autrement dit, des personnes qui disposent structurellement de ressources trop faibles pour faire face à leurs charges courantes.

Devant ces deux réalités statistique et typologique, il était impératif de mettre l’accent sur l’accompagnement des ménages en difficulté. La loi du 1er juillet 2010 portant réforme du crédit à la consommation a largement servi cet objectif.

Cependant, dans le rapport d’information intitulé Crédit à la consommation et surendettement : une réforme ambitieuse à compléter que nous avons publié, Anne-Marie Escoffier et moi-même, au nom de la commission sénatoriale pour le contrôle de l’application des lois, nous avons signalé que, malgré la loi de 2010, un certain nombre de problèmes procéduraux demeuraient et nuisaient à la fluidité du traitement des situations de surendettement. Ce constat nous a conduites à énoncer dix recommandations ; je remercie M. le ministre d’en avoir intégré quelques-unes au projet de loi et je me félicite que certains amendements de nos collègues du groupe socialiste reprennent certaines de nos propositions.

De mon côté, je défendrai deux amendements complémentaires.

Le premier vise à rendre obligatoire la présence du conseil général et de la caisse d’allocations familiales au sein des commissions de surendettement. Cette présence permettra de développer la coordination de leurs actions respectives et de faciliter la mise en place de mesures d’accompagnement social ou budgétaire.

Le second prévoit qu’un débiteur qui saisit de nouveau la commission de surendettement après avoir bénéficié d’une première mesure de rétablissement personnel pourra se voir imposer un suivi budgétaire ou social.

Au cours de notre mission de contrôle, Anne-Marie Escoffier et moi-même avions également travaillé sur l’assurance-emprunteur. À cet égard, je vous rappelle que la loi Lagarde a délié l’assurance-emprunteur du crédit en interdisant aux prêteurs de refuser une assurance-emprunteur souscrite auprès d’un autre établissement, pourvu que ses garanties soient équivalentes à celles de l’assurance proposée par le prêteur lui-même.

Dans la pratique, l’emprunteur ne peut entreprendre cette démarche que s’il a été informé au préalable qu’il en a la possibilité. Or cette information passe généralement par le prêteur, qui n’a pas intérêt à la donner. Les services de contrôle ont donc constaté un nombre très faible d’anomalies, car ils ne peuvent pas vérifier le respect d’une obligation essentiellement orale. C’est pourquoi je propose d’aller plus loin et présenterai un amendement prévoyant une information écrite de l’emprunteur.

Enfin, monsieur le ministre, je souhaite attirer votre attention sur les frais de recouvrement amiable réclamés de façon illicite aux débiteurs. Vous avez déjà été interpellé sur cette question par ma collègue Chantal Jouanno. Je vous propose de préciser notre arsenal législatif dans ce domaine.

Pour finir, je tiens à remercier notre rapporteur, Richard Yung, pour l’excellence de son travail et la grande qualité de son écoute.

Applaudissements sur les travées de l'UDI-UC et de l'UMP . – Plusieurs sénateurs du groupe écologiste applaudissent également.

Debut de section - PermalienPhoto de Francis Delattre

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, « les banques, sauvées par les États, mangent désormais la main qui les a nourries […] ; ainsi, la finance s’est affranchie de toute règle, de toute morale, de tout contrôle ». J’imagine la réaction des citoyens qui ont entendu ces propos enflammés au Bourget, placés aujourd’hui devant ce tout petit cantonnement des activités spéculatives, en même temps sans doute que de leurs espérances !

Debut de section - PermalienPhoto de Francis Delattre

Le fait est que ce projet de loi est une coquille d’intentions inabouties qui rassemble au moins autant de mesures à caractère purement réglementaire que de dispositions proprement législatives – il fallait bien le meubler un peu, et M. le rapporteur a déployé ici tout son talent pour ce faire !

Monsieur le rapporteur, vous dites que la crise de 2008 ne doit pas se reproduire ; pour cela, nous sommes tous d’accord. Il faut cependant rappeler que, contrairement à ce qui est régulièrement affirmé, les banques françaises aidées par l’État en 2008 n’ont rien coûté aux contribuables, puisque l’État a été remboursé intégralement et avec les intérêts ; du reste, M. Moscovici en est convenu en commission. En outre, comme mon collègue Philippe Bas l’a justement signalé, la plupart des banques qui ont fait faillite étaient des établissements spécialisés. C’est ainsi que Lehman Brothers, dont on parle beaucoup, était une banque de détail.

En réalité, la régulation ne nous est pas étrangère.

En 2008, alors que les liquidités interbancaires étaient gelées par la méfiance des banques les unes envers les autres, un dispositif bien plus efficace que le système ici proposé avait été mis en place : il s’agissait de redoter en fonds propres un certain nombre de banques par le biais de la société de prise de participations de l’État, la SPPE. Je rappelle qu’à l’époque la gauche n’avait pas voté pour.

Que les activités bancaires doivent être régulées, c’est évident pour tous. Nous en sommes d’autant plus d’accord sur ces travées que nous avons mis en place des régulations lorsque nous avons été aux prises avec le gros des difficultés, entre 2008 et 2010. En effet, la loi du 22 octobre 2010 de régulation bancaire et financière a créé l’Autorité de contrôle prudentiel et le Conseil de régulation financière et du risque systémique. En fin de compte, ce que l’on nous propose aujourd’hui n’est qu’une prolongation de ce qui a été fait – je n’ose parler d’amélioration.

Debut de section - PermalienPhoto de Francis Delattre

Toujours est-il que nous sommes plutôt favorables au projet de loi, à une ou deux observations près.

Nos banques sont solides et, à vrai dire, la banque-assurance est le fleuron de notre économie. La France compte quatre banques systémiques, alors que l’Allemagne n’en a qu’une ; puisque l’on fait toujours des comparaisons, en voilà une qui nous est plutôt favorable ! Ce secteur est un atout précieux, qui représente 400 000 emplois directs. Surtout, grâce aux marges qu’elles peuvent encore réaliser, les banques sont en mesure de financer nos entreprises. Monsieur le ministre, n’oubliez pas qu’elles sont le principal moteur de l’investissement des entreprises, qu’elles financent à 75 % !

Dans ces conditions, et compte tenu de l’instabilité actuelle, toute régulation législative relative aux banques doit être envisagée avec beaucoup de prudence.

Debut de section - PermalienPhoto de Francis Delattre

On peut regretter que nous, les Français, nous soyons lancés un peu seuls dans cette aventure, avec l’idée d’être à l’avant-garde de la régulation.

Debut de section - PermalienPhoto de Francis Delattre

Il peut être intéressant d’être à l’avant-garde si, derrière, les bataillons suivent ; car ce sont eux qui font que l’on gagne ou que l’on perd la bataille !

Pour ma part, je pense qu’il aurait été préférable de travailler en coordination avec les instances européennes et même mondiales. Pourquoi tant de précipitation, alors que nous savons tous que les propositions de M. Barnier vont être rendues publiques avant l’été ? Légiférer maintenant ne va-t-il pas à l’encontre de la future directive, fruit, elle, d’un travail collectif avec les autres pays européens ? De toute façon, nous serons tenus de la transposer dans notre droit !

En outre, comme l’a souligné le président Marini, il y a un risque de télescopage des règles. En effet, les contraintes issues des accords de Bâle III, qui visent à améliorer les fonds propres des banques, en elles-mêmes souhaitables, vont se superposer aux régulations mises en place par le projet de loi. Monsieur le ministre, monsieur le rapporteur, nous nous demandons si votre tempo est bien le bon.

Vous avez la prétention de tracer la route aux autres pays.

Debut de section - PermalienPhoto de Francis Delattre

Seulement, votre bilan européen des dix mois écoulés n’est pas formidable et devrait nous inciter tous à un peu plus de modestie.

Par plusieurs aspects, le projet de loi manifeste le retour d’un interventionnisme économique qui pénalisera à terme nos banques dans le concert mondial, tant pour leurs alliances que pour leur développement international.

Certes, un superviseur bancaire est nécessaire ; mais faut-il doter l’Autorité de contrôle prudentiel de pouvoirs d’intervention aussi larges dans la structure capitalistique, et jusque dans le management des banques ?

Debut de section - PermalienPhoto de Francis Delattre

Cette autorité pourra même liquider une équipe qui, selon des critères restant à déterminer, aurait failli ! Toutes les banques françaises étant des entreprises privées, à l’exception de La Banque postale, de tels pouvoirs ne sont-ils pas exorbitants ? Monsieur le rapporteur, s’agit-il encore de régulation ou est-on déjà un peu dans la liquidation ?

Debut de section - PermalienPhoto de Francis Delattre

Il est bien évident que, si nous utilisions toutes ces possibilités de remaniement en profondeur du capital et de limogeage des équipes en place, ce qui, à mon avis, ne se produira pas pour une banque systémique, nous serions accusés de nationalisation rampante.

M. le ministre délégué rit.

Debut de section - PermalienPhoto de Francis Delattre

Ce n’est pas une horreur, mais les conséquences financières peuvent être très dangereuses pour un État !

En outre, avec le système de régulation proposé, qu’adviendra-t-il des pouvoirs traditionnels de la Banque de France, lesquels sont pour le moins dissolus, et de l’autorité de son gouverneur, qui devra appliquer des mesures prises par une instance extérieure ? J’insiste sur le fait qu’il s’agit d’une nouveauté, la Banque de France ayant toujours eu la mainmise sur l’essentiel de la régulation.

S’agissant de la filialisation, qui consiste à séparer les activités de banque et les activités de marché, on distingue actuellement le spéculatif du non-spéculatif. Reste que, malgré le travail approfondi de notre rapporteur, nous ne savons pas toujours très bien où est la différence.

Nous pensons, nous, qu’à tout le moins une nomenclature aurait pu être imaginée. Au lieu de s’en remettre, sans aucune concertation, à un simple arrêté du ministre, une disposition législative aurait été pour le coup nécessaire, d’autant que le projet de loi contient par ailleurs de nombreuses mesures d’ordre réglementaire dont nous aurions pu très bien nous passer !

Où placer la frontière entre les activités de trading utiles à l’économie et les activités de négociation spéculatives, qui devront être filialisées ? L’exercice est difficile, car les services financiers rendus à l’économie réelle impliquent quasi systématiquement des activités de trading pour compte propre.

En revanche, aux activités de trading à haute fréquence et sur les matières premières, qui mériteraient un traitement anti-spéculatif – c’est une préoccupation partagée sur toutes les travées de l’hémicycle –, on ne trouve aucune parade sérieuse ou limite vraie dans ce projet de loi, et les quelques amendements présentés ce matin ont été, pour des raisons diverses, écartés, monsieur le rapporteur.

Pour bien préciser les limites du texte dans le contexte mondial qui est le nôtre, j’évoquerai tout d’abord le problème des hedge funds, que l’on place souvent en tête de liste des sujets qui méritent notre vigilance.

Les hedge funds détiennent, certes, des capitaux très importants sur les États avec les fameuses dettes souveraines, mais c’est grâce à cette capitalisation qu’ils peuvent financer les banques. Dès lors que leurs dépôts sont inférieurs aux crédits qu’elles accordent, les banques vont en effet chercher auprès des hedge funds les financements nécessaires. Donc, ne l’oublions pas, les hedge funds approvisionnent financièrement les banques.

Toujours pour illustrer les limites de ce texte, comment les juges d’un pays étranger réagiront-ils, en cas de difficultés d’une filiale d’une banque française ? Croyez-vous qu’un juge américain, parce qu’on aura filialisé, fera la différence et n’ira pas rechercher la responsabilité de la maison mère ? Ces questions méritent d’être posées. Souvenez-vous de l’affaire Pinault, quelque peu scandaleuse, d’ailleurs, impliquant une filiale du Crédit Lyonnais !

Si, dans le cadre d’un système juridique de conception essentiellement anglo-saxonne, le juge américain demande des dédommagements à la société mère et non à la filiale, votre système ne fonctionnera pas ! Or les banques françaises évoluent dans un environnement mondial, dont les règles ne sont ni forcément françaises ni forcément européennes.

Monsieur le ministre, permettez-moi d’évoquer d’un mot le Fonds de garantie des dépôts, auquel nous sommes très attachés. Nous l’avions mis en place voilà déjà un certain nombre d’années, à l’occasion des problèmes rencontrés par le Crédit Lyonnais. Ce fonds visait à garantir les dépôts de tout un chacun jusqu’à un certain niveau. Or le nouveau fonds de garantie et de résolution voit ses missions élargies. Même si ce fonds est doté de deux milliards d’euros ou de six milliards d’euros, …

Debut de section - PermalienPhoto de Francis Delattre

… si, au nom de la régulation, on s’écarte trop de l’épure, c'est-à-dire de la garantie des dépôts, on ne parviendra jamais à régler les problèmes d’une banque systémique.

Debut de section - PermalienPhoto de Francis Delattre

M. Francis Delattre. Pour le reste, il s’agit d’un texte technique, qui n’a pas appelé d’opposition formelle de notre part. Nous souhaitons simplement préciser un certain nombre de points grâce aux amendements que nous soutiendrons, en souhaitant simplement qu’ils puissent être examinés avec attention par le Gouvernement et par toutes celles et tous ceux qui contribueront à la discussion.

Applaudissements sur les travées de l'UMP, ainsi que sur certaines travées de l’UDI-UC.

Debut de section - PermalienPhoto de Didier Guillaume

Il n’y a pas deux poids, deux mesures, mes chers collègues, chacun doit respecter son temps de parole !

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre-Yves Collombat

Proportionnellement, il y a bien deux poids, deux mesures.

Debut de section - PermalienPhoto de Frédérique Espagnac

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, permettez-moi, dans un premier temps, de saluer l’excellent travail réalisé par notre rapporteur, sur ce texte ô combien complexe, qui déchaîne les passions, comme on peut le constater, tant les intérêts peuvent être contradictoires.

Le projet de loi que nous examinons aujourd’hui est équilibré. Il initie une nouvelle donne dans le secteur bancaire, en France et en Europe.

Comme on put le dire les orateurs qui m’ont précédée à la tribune, le texte qui nous est soumis aujourd’hui, adopté par l’Assemblée nationale le 19 février dernier, est pleinement d’actualité. En effet, alors que nous ressentons encore aujourd’hui les effets de la crise bancaire et financière née de la faillite, en 2008, de la banque Lehman Brothers et de la crise des dettes souveraines qui s’en est suivie, la réforme du secteur financier reste au cœur des préoccupations au niveau international.

On peut notamment citer les propositions de normes prudentielles issues des accords de Bâle III, ainsi que le « paquet européen » CRD IV. Ce dernier doit traduire en droit communautaire les règles de supervision bancaire européennes, ainsi que les travaux en cours au sein de la Commission européenne en vue de proposer une directive sur la résolution commune, autrement dit, la manière de faire face à la faillite d’un établissement bancaire.

Des démarches similaires ont guidé l’Allemagne et semblent inspirer le Royaume-Uni ou encore les États-Unis.

Mes chers collègues, je souhaiterais centrer mon intervention sur deux enjeux cruciaux de la réforme du système bancaire global : la transparence et la lutte contre les paradis fiscaux. Notre assemblée travaille depuis de nombreuses années sur ces sujets et maints rapports ont vu le jour. Or, force est de le constater, la mise en œuvre de leurs recommandations fut très souvent extrêmement limitée.

Mais il y a pire. Nous nous rappelons tous les G20 de Londres et de Pittsburgh, en 2009, au lendemain de la crise des subprimes, qui devait entraîner les banques et nos économies dans une spirale infernale dont nous commençons à peine à voir la fin.

À cette occasion, les chefs d’État et de gouvernement des vingt premières économies mondiales se fixent notamment comme objectif de réformer les modalités de régulation bancaire et financière.

La création d’une liste noire des paradis fiscaux, ou pays fiscalement non coopératifs, est annoncée en grande pompe. Les attentes et espoirs sont alors énormes, et le précédent Président de la République d’annoncer fièrement que « le temps du secret bancaire est révolu ».

Cerise sur le gâteau : le lendemain du sommet, une grande banque française annonce qu’elle fermera avant 2010 une douzaine de filiales figurant sur la fameuse liste grise de l’OCDE, faisant ainsi un premier pas sur la voie de la réforme des régulations bancaires et financières.

L’union sacrée est totale, décideurs politiques et acteurs de la banque main dans la main pour lutter contre les paradis fiscaux, coupables d’avoir encouragé et couvert les déviances d’un système bancaire et financier mondial devenu fou.

Mais qu’en est-il quatre ans après, mes chers collègues ? Quelques faits et chiffres viennent relativiser ce qui n’aura été qu’un ensemble de vœux pieux.

Selon un rapport du Conseil des prélèvements obligatoires datant de juillet 2012, alors que le montant des impôts sur le revenu et sur la production des banques a augmenté en France d’environ 50 % entre 1996 et 2011, le produit net bancaire a plus que doublé, l’actif total des banques françaises ayant été multiplié par trois et leurs profits, par dix.

Loin de moi l’idée de dénigrer la réussite de nos banques ! Pour autant, je rappelle également que la même étude estime que jusqu’à 20 % des filiales étrangères des grandes banques françaises sont localisées dans des centres financiers offshore, lesquels permettent aisément des transferts de fonds entre paradis fiscaux, qui sont, vous en conviendrez, de puissants facteurs d’optimisation fiscale.

Si nous en revenons à la lutte contre les paradis fiscaux et le secret bancaire, nous ne pouvons à première vue que nous réjouir de voir fondre comme neige au soleil le nombre de pays et d’États figurant sur la liste de l’OCDE. Or, loin d’être l’aboutissement de la lutte contre les paradis fiscaux, cette liste révèle le refus de ces autorités de collaborer et un travail concerté de contournement de règles trop peu contraignantes. En effet, pour être rayé de cette liste, il suffisait de contracter des accords bilatéraux d’échanges d’informations, chose que ces autorités firent avec beaucoup d’aisance, je vous rassure, mais entre membres de cette fameuse liste, nouvelle preuve qu’en matière d’opacité bancaire et financière il vaut mieux être mal accompagné que seul !

Ainsi soit-il de cette initiative intergouvernementale sacrifiée sur l’autel des égoïsmes nationaux et des intérêts particuliers de certains grands groupes !

Loin de se résigner, le candidat François Hollande, devenu Président de la République, s’est, avec son gouvernement, investi pleinement dans la lutte contre les paradis fiscaux et l’opacité bancaire. Au niveau européen, la France œuvre en ce sens dans le cadre des accords CRD IV, instaurant notamment un reporting poussé pays par pays, qui permettra aux particuliers de connaître les activités de leurs banques et d’agir en conséquence.

Le projet de loi de séparation et de régulation des activités bancaires que nous examinons aujourd’hui intègre une série de mesures concrètes qui vont dans ce sens. Nous avons travaillé en amont, avec nos collègues de la commission des finances, sous le regard bienveillant du Gouvernement, pour que ces mesures cruciales soient juridiquement les mieux cadrées et moralement les plus efficaces.

Richard Yung, notre rapporteur au fond, Jean-Pierre Caffet, Laurence Rossignol, Marie-Noëlle Lienemann et moi-même défendrons ainsi une série d’amendements permettant à ce texte d’aller encore plus loin sur la voie de la transparence financière et de la lutte in fine contre les paradis fiscaux.

Consciente que ce texte constitue une première étape vers la fin de ces pratiques et persuadée que notre action constituera un exemple pour l’ensemble de nos partenaires européens, je serai fière de voter ce projet de loi.

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe écologiste.

Debut de section - PermalienPhoto de Didier Guillaume

Je vous remercie d’avoir strictement respecté votre temps de parole, ma chère collègue.

La parole est à Mme Marie-Noëlle Lienemann.

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-Noëlle Lienemann

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, on nous avait annoncé, lors des fameux G20 de 2008 et de 2009, qu’on allait moraliser le capitalisme et réguler l’économie, en particulier bancaire. La réalité, c’est que tout continue comme avant !

Sourires sur les travées de l'UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-Noëlle Lienemann

Après avoir chuté, les bénéfices des banques sont revenus à leur niveau d’avant la crise. Les versements des dividendes n’ont enregistré presque aucun recul. La part de la rémunération variable moyenne des banques d’investissement actives au niveau mondial a, certes, diminué entre 2007 et 2011, mais les salaires fixes ont augmenté.

J’espère, monsieur le ministre, que vous y serez sensible, je me permets de citer l’excellent rapport de M. Peer Steinbrück, président du groupe SPD au Bundestag, qui prône une nouvelle approche des marchés financiers. Son diagnostic va particulièrement loin. Selon lui, les paradis fiscaux n’ont pas disparu et les produits dérivés, partout dans le monde, sont en hausse.

Ainsi, le montant global des actifs des hedge funds n’a-t-il jamais été aussi élevé dans l’histoire.

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-Noëlle Lienemann

Il atteint 2 300 milliards de dollars, dont 1 395 milliards offshore. En 2000-2001, on n’en était qu’à 750 milliards de dollars, dont 500 milliards offshore. Certes, ces chiffres ont reculé en 2008, mais pour mieux reprendre leur ascension, et bien plus fortement qu’auparavant.

La spéculation continue, les produits dérivés se multiplient et le système français n’est, hélas, pas en reste. Penchons-nous, par exemple, sur les montants notionnels des instruments dérivés de la BNP, la tendance étant identique pour les autres grandes banques systémiques françaises. En 2011-2012, ils ont atteint 47 000 milliards d’euros. Ils n’étaient pourtant que de 10 000 milliards d’euros dans les années 2000, et ont donc été multipliés par quatre. En 2008, ils ne représentaient encore que 38 000 milliards d’euros.

La crise n’a donc pas réduit la demande de produits dérivés, qui a continué de progresser, et plus fortement que par le passé.

Donc, la spéculation ne recule pas, elle augmente.

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-Noëlle Lienemann

Pendant ce temps, les PME ont de plus en plus de mal à obtenir des crédits pour développer leurs activités. Il convient donc de se réjouir de la création de la BPI ! Pendant ce temps, un nombre de plus en plus important de nos concitoyens payent des frais bancaires importants, ont des difficultés pour accéder au crédit ou se trouvent pénalisés dans le cadre de leurs opérations bancaires.

Dans ces conditions, ce projet de loi est bienvenu, car son objectif, comme ce devrait d’ailleurs être celui des textes européens, est de recentrer notre secteur bancaire sur sa mission, à savoir l’intermédiation entre le dépôt, l’épargne et l’économie réelle. Voilà la seule mission qui compte pour les banques !

Ce texte devrait assurer une seconde mission : prémunir les déposants et les contribuables des risques, en particulier les risques spéculatifs.

Pour ma part, j’estime qu’il faut être lucide. Non, les crises bancaires, qu’elles soient européennes ou mondiales, ne sont pas obligatoirement derrière nous !

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-Noëlle Lienemann

Je sais bien que son système bancaire est particulier. Néanmoins, quand il y a une crise bancaire quelque part, on observe toujours un effet ailleurs : c’est l’effet domino !

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-Noëlle Lienemann

Surtout, M. Philippe Wahl, président du directoire de La Banque postale, affirmait, le 26 février dernier, dans un colloque organisé par The Economist : « Il y aura une nouvelle crise bancaire, nous le savons. […] Nous savons d’où elle viendra. » Il ciblait ce que l’on appelle les « systèmes parallèles », en particulier les fonds alternatifs.

Si nous sommes d’accord sur le risque d’une nouvelle crise bancaire, il faut regarder lucidement la situation française : nous sommes particulièrement vulnérables. Notre pays compte quatre, voire cinq, mégabanques. Au classement des plus grandes banques mondiales, la BNP occupe la sixième place, le Crédit agricole la neuvième, la Société générale la dix-neuvième, le groupe Banques populaires-Caisses d’épargne la quarante et unième. Or, dans toutes ces banques, la part des activités d’investissement est particulièrement élevée. Les activités d’investissement des deux premières banques françaises, la BNP et le Crédit agricole, sont plus importantes que celles de Goldman Sachs et de Morgan Stanley réunies !

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-Noëlle Lienemann

Notre secteur bancaire est donc particulièrement vulnérable.

J’ai longtemps cru que disposer de banques de taille mondiale était un atout. J’étais de ceux qui pensaient que c’était bon pour la grandeur de la France. Eh bien aujourd’hui, je pense exactement l’inverse : ce sont des colosses aux pieds d’argile ! (M. Jean Desessard applaudit.) En Allemagne, ce pays auquel on se réfère toujours lorsqu’il s’agit de réduire les droits sociaux, il y a une mégabanque et 1 500 petites banques de proximité. Les ingénieurs allemands ne se consacrent pas, comme nos polytechniciens, à l’élaboration de produits dérivés : ils vont travailler dans l’industrie, parce que les banques allemandes pratiquent bien davantage l’investissement direct dans l’économie ou dans la dette nationale que les investissements spéculatifs.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Caffet

Les caisses d’épargne allemandes ont fait faillite !

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-Noëlle Lienemann

Nous devons être conscients de la réalité de la situation des banques françaises. Évidemment, ce n’est pas du jour au lendemain que l’on pourra changer complètement de modèle !

Les actifs des cinq grandes banques françaises présentant un risque systémique s’élèvent à 335 % du PIB du pays. Aux États-Unis, les actifs des huit banques systémiques représentent 61 % du PIB national.

Pour ma part, j’estime que le temps est venu de tendre vers une séparation des activités. Je prends acte du fait que ce projet de loi qui, certes, ne va pas assez loin, constitue un progrès.

« Ah ! » sur les travées du groupe socialiste . – Exclamations ironiques sur certaines travées de l'UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-Noëlle Lienemann

Ce progrès, nous devons l’approfondir, comme l’Assemblée nationale l’a déjà fait ! À cette fin, j’ai déposé trente amendements : nous devons aller le plus loin possible pour instaurer une séparation étanche entre activités utiles à l’économie et activités spéculatives. Je le dis tout net, je crains que l’accélération des crises ne renforce la nécessité d’une seconde étape. Je pense que le Gouvernement, attentif à garantir la sûreté des dépôts des Français, soucieux de l’avenir de notre économie et du redressement de notre pays, sera amené, un jour ou l’autre, à nous proposer cette nouvelle étape ; réussissons déjà la première !

Applaudissements sur les travées du groupe écologiste, ainsi que sur certaines travées du groupe socialiste et du RDSE.

Debut de section - Permalien
Benoît Hamon

Monsieur le président, monsieur le rapporteur, messieurs les rapporteurs pour avis, mesdames, messieurs les sénateurs, je vous prie de bien vouloir excuser Pierre Moscovici, retenu à l’Assemblée nationale par le débat sur la motion de censure.

Au terme de cette discussion générale d’excellente qualité, je voudrais d’abord saluer, au nom du Gouvernement, le travail du rapporteur, Richard Yung. À bien des égards, l’Assemblée nationale avait déjà complété et enrichi le texte du Gouvernement ; il se trouve encore amélioré grâce à vos propositions, monsieur le rapporteur.

Debut de section - Permalien
Benoît Hamon, ministre délégué

D’ores et déjà, ce projet de loi vous doit beaucoup et nous vous remercions d’avoir voulu préserver l’équilibre recherché par le Gouvernement en matière de lutte contre les dérives de la finance.

Le Gouvernement entend mener une action résolue, au travers notamment du cantonnement des activités spéculatives, du contrôle préventif des risques systémiques, de diverses dispositions sur lesquelles je reviendrai, notamment celles qui concernent la protection des consommateurs. Il s’agit de tirer les leçons de la crise financière, qui a mis en évidence la nécessité de mieux réguler la finance, tout en garantissant que les banques françaises pourront financer notre économie, car le respect des exigences des accords de Bâle III imposera de plus en plus à nos entreprises de recourir aux marchés. Pour cela, elles devront être accompagnées de partenaires bancaires solides.

Puisqu’il a beaucoup été question, cet après-midi, du discours du Bourget et des engagements pris par le Président de la République, je voudrais rafraîchir la mémoire de certains d’entre vous.

« Les paradis fiscaux, c’est fini ! », disait Nicolas Sarkozy en 2009. Mme Espagnac en parlait à l’instant : si, aujourd’hui, le Parlement européen s’est saisi, dans le cadre du règlement CRD IV, de la question des paradis fiscaux, c’est à partir des engagements pris par le Gouvernement français et du vote de la réforme bancaire à l’Assemblée nationale.

Debut de section - Permalien
Benoît Hamon, ministre délégué

M. Delattre s’est demandé si nous étions dans le bon tempo. C’est le cas, dès lors que nous inspirons aujourd’hui l’Union européenne et le Parlement européen pour aller beaucoup plus loin qu’ils ne l’auraient fait si deux États, la France et l’Allemagne, n’avaient pas pris l’initiative.

De surcroît, dans l’attente de la proposition législative du commissaire européen Barnier, nous nous trouvons dans une période grise en matière d’initiative européenne. En effet, la plupart des textes que proposera la Commission européenne, s’ils ne sont pas déposés avant juillet, seront probablement examinés une fois celle-ci et le Parlement européen renouvelés. Nous ne pouvons donc pas espérer une mise en œuvre de ces textes avant 2017-2018. Or la crise nous impose d’envoyer dès maintenant un signal fort à la finance et au système bancaire, ainsi qu’aux déposants et aux épargnants. Il fallait donc agir sans tarder. C’est la raison pour laquelle la France a pris les devants et n’a pas souhaité attendre que la Commission européenne intervienne.

Nous sommes souverains pour décider de ce que nous voulons faire en matière de séparation des activités spéculatives des activités bancaires utiles à l’investissement et à l’emploi. Cela correspond à un engagement du Président de la République, mis en œuvre au travers de l’article 1er du présent projet de loi, qui prévoit qu’« il est interdit aux établissements de crédit, compagnies financières et compagnies financières holding mixtes, dont les activités de négociation sur instruments financiers dépassent des seuils définis par décret en Conseil d’État, d’effectuer autrement que par l’intermédiaire de filiales dédiées à ces activités les opérations suivantes […] ». L’engagement est donc tenu.

François Hollande avait également annoncé qu’il interdirait aux banques françaises d’exercer dans les paradis fiscaux. Là encore, des engagements sont pris : dès 2013, les banques françaises auront l’obligation de faire la transparence sur toutes leurs activités, pays par pays, y compris dans les paradis fiscaux.

À l’heure où nous parlons, Chypre est confrontée à une grave crise. L’économie de ce pays, entré dans la zone euro en 2008, alors que Nicolas Sarkozy était Président de la République, est très particulière, puisque les actifs des banques représentent à peu près huit fois le PIB. En outre, 45 % des déposants ne sont pas des résidents. Nombre d’entre eux sont des citoyens russes. L’exemple chypriote illustre bien la nécessité de mieux réguler les activités bancaires et de poser des exigences fortes à l’égard des pays qui ont une politique fiscale accommodante, pouvant mener à des pratiques douteuses.

François Hollande avait en outre déclaré qu’il interdirait les produits toxiques qui enrichissent les spéculateurs et menacent l’économie : tel est l’objet de l’article 11 ter du projet de loi, qui tend à encadrer les conditions d’emprunt des collectivités territoriales et de leurs groupements. De surcroît, le projet de loi vise à étendre les pouvoirs de l’ACPR pour interdire la commercialisation de ce type de produits.

En ce qui concerne les stock-options, l’article 7 de la dernière loi de finances les a soumis au barème de l’impôt sur le revenu. Par ailleurs, en matière d’imposition des bonus, la loi de finances pour 2013 a instauré une nouvelle tranche pour surtaxer les salaires les plus élevés servis dans le secteur financier. Je rappelle que, de plus, un projet de loi relatif à l’encadrement des pratiques de rémunération et à la modernisation de la gouvernance des entreprises est en préparation.

En ce qui concerne la taxation des bénéfices des banques, nous avons doublé la taxe pour risque systémique dès le projet de loi de finances rectificative de 2012. Elle a rapporté 500 millions d’euros.

Quant à l’instauration d’une taxe sur les transactions financières, son principe a été validé par onze pays lors du Conseil Ecofin. Nous avons élargi l’assiette de cette taxe, ce qui a permis d’augmenter son rendement, pour la France, de 400 millions d’euros.

Enfin, la création de l’agence publique européenne de notation – il s’agit là encore de l’engagement n° 7 du Président de la République – fera l’objet, à l’échelon européen, de l’élaboration d’un rapport, sur l’initiative de la France.

La mise en œuvre des engagements pris par le Président de la République dans le discours structurant du Bourget est donc d’ores et déjà très avancée. C’est pour moi un grand honneur de pouvoir le dire aujourd’hui devant vous.

M. Vaugrenard a évoqué l’activité de tenue de marché. L’Assemblée nationale a déjà amélioré le texte du Gouvernement sur ce point, en adoptant un amendement qui précise que c’est bien le régulateur, et non les banques, qui aura en main les outils pour faire le tri entre le bon grain et l’ivraie. De surcroît, a été donné au ministre de l’économie le pouvoir de limiter les montants des opérations de tenue de marché conservées par les banques. Cela étant, nous sommes bien évidemment ouverts aux propositions du Sénat sur ce sujet.

M.Soilihi et Mme Dini, dont je salue la contribution, ont évoqué la protection des consommateurs. Le projet de loi manifeste la volonté de protéger les plus vulnérables d’entre eux, notamment en matière d’effectivité du droit au compte ou de lutte contre le surendettement. Des efforts considérables sont faits en vue de proposer des moyens adaptés de paiement aux consommateurs les plus vulnérables, d’introduire de la concurrence et de la transparence dans le domaine des assurances obligatoires liées au crédit immobilier. J’ajoute que le projet de loi relatif à la consommation que j’aurai l’honneur de défendre très bientôt devant vous pourra utilement compléter ces dispositions, notamment si vous jugez utile d’aller plus loin en matière de transparence des frais bancaires ou de plafonnement des commissions d’intervention, domaines dans lesquels beaucoup a pourtant déjà été fait.

Je voudrais remercier, au nom du Gouvernement, le président Marini pour son intervention, tout au moins une partie de celle-ci.

Debut de section - Permalien
Benoît Hamon, ministre délégué

Ce texte ne constitue pas une révolution, mais il traduit tout de même une volonté d’être plus dur à l’égard de ceux qui ont largement abusé du système auparavant. Le Gouvernement entend lutter résolument contre l’aléa moral ; j’insiste sur ce point : demain, qui a fauté paiera !

Debut de section - Permalien
Benoît Hamon, ministre délégué

Qui a fauté paiera ! Ce que nous proposons, c’est de faire en sorte que les déposants ou les contribuables ne puissent pas être amenés à payer pour des fautes dont ils ne sont pas responsables : le présent texte permettra de se retourner vers les actionnaires et certains créanciers. C’est une avancée considérable.

Dans le même esprit, le Fonds de garantie des dépôts sera porté de 2 milliards à 10 milliards d’euros d’ici à cinq ans, les établissements de crédit eux-mêmes étant mis à contribution. C’est là une garantie supplémentaire, qui montre notre volonté de placer face à leurs responsabilités les établissements bancaires, leurs actionnaires et certains de leurs créanciers. Les déposants et les contribuables, c’est-à-dire les citoyens français, n’ont pas à payer pour le sauvetage d’une banque qui connaîtrait des difficultés. L’objet de ce projet de loi est précisément, monsieur Collombat, d’éviter autant que possible que le contribuable ne soit « tondu ».

Je souhaite remercier M. Bocquet de son intervention, en lui faisant cependant observer qu’il est assez normal que les pertes, en Europe, proviennent d’abord des banques universelles, puisque la plupart des banques de notre continent sont de ce type. Il faut d’ailleurs remarquer que, pour l’essentiel, les pertes ne sont pas liées aux activités de marché. Ainsi, les pertes colossales constatées en Irlande et en Espagne résultaient surtout de l’explosion d’une bulle immobilière. Je relève en outre que la phrase de Thomas Jefferson que vous citée et que j’ai moi-même reprise est tronquée…

MM. Arthuis et de Montesquiou trouvent « sidérants » les pouvoirs donnés à l’ACPR en matière de résolution. Le Gouvernement considère, pour sa part, qu’il est indispensable de lui conférer de tels pouvoirs non seulement pour répondre efficacement à l’urgence en cas de crise bancaire, mais également pour dissuader les acteurs d’adopter des comportements qui pourraient déboucher sur des situations de crise. Nous pensons que cela aurait pu permettre d’éviter les défaillances de Dexia et du Crédit immobilier de France. En tout état de cause, nous entendons prévenir ainsi la survenue, à l’avenir, de telles crises, dont on sait les graves conséquences, notamment en termes d’emploi.

Je remercie M. Baylet de ses propos et salue le travail en commun très fructueux accompli avec le groupe RDSE, qui a présenté de nombreux amendements.

La contribution du groupe écologiste n’a pas été moins décisive. M. Placé a eu raison de rappeler l’importance de la négociation en cours sur la directive européenne concernant les marchés d’instruments financiers, dite directive MIF. Je tiens à le rassurer : la France est à l’avant-garde dans cette négociation, notamment sur le sujet, particulièrement sensible, des matières premières agricoles.

Monsieur de Montgolfier, vous avez souligné que la réforme Vickers, au Royaume-Uni, était issue de la City de Londres. Il est exact que cette réforme est inspirée, à bien des égards, par le souci de ne pas entraver le développement du rôle de Londres en tant que place financière mondiale.

De ce point de vue, parce qu’il opère une séparation fine entre les opérations spéculatives et les activités utiles à l’économie, le projet français est beaucoup plus ambitieux et pose les bases d’un débat avec nos amis Britanniques, qui refusent pour leur part de fixer la moindre règle pour définir et encadrer la « tenue de marché ». Tel n’est pas notre cas, puisque ce projet de loi tend à fixer, quant à lui, un cadre strict.

Je vous remercie par ailleurs, monsieur le sénateur, d’avoir bien voulu reconnaître que ce projet de loi comportait plusieurs avancées.

M. Bas, quant à lui, a émis davantage de réserves sur le texte, même si sa conclusion a été positive. Puisque nous venons de vivre une semaine « pontificale », je ferai observer que, parfois, sur les travées de l’UMP, certains sont très croyants, mais peu pratiquants en matière de lutte contre les dérives financières…

Dans ce domaine, nous avons essayé, pour notre part, de mettre nos actes en accord avec nos paroles, considérant qu’il fallait tirer toutes les conséquences de la crise financière plutôt que de s’en tenir à de grandes déclarations de principe.

Nous sommes donc passés aux actes en présentant ce texte. S’il n’est que de portée technique comme vous l’affirmez, monsieur Delattre, pourquoi ne l’avez-vous pas élaboré lorsque vous étiez aux affaires ? Vous savez bien, en réalité, qu’il a une dimension politique et engage une réforme structurelle de l’organisation du secteur bancaire français.

Mes remerciements vont aussi à M. Caffet et au groupe socialiste, qui ont accompli un travail de qualité, notamment en vue d’améliorer l’encadrement des garanties avec les hedge funds, celui des opérations sur les marchés de dérivés agricoles, la transparence des activités des banques et l’introduction d’un plafond spécifique pour les populations fragiles. Nous aurons l’occasion d’y revenir.

Debut de section - Permalien
Benoît Hamon, ministre délégué

En tout cas, nous, nous avançons ! C’est ce qui nous distingue !

Monsieur Desessard, je sais votre sensibilité à la question de la spéculation sur les matières premières agricoles. L’un de vos amendements tend à permettre à l’AMF de fixer des limites aux positions prises par les opérateurs sur ces marchés. C’est une très bonne proposition, sur laquelle nous reviendrons lors de la discussion des articles.

Debut de section - Permalien
Benoît Hamon, ministre délégué

Monsieur Marc, vous avez souligné l’équilibre de ce texte et insisté sur la nécessité d’agir selon un échéancier qui soit acceptable. Le calendrier prévu est objectivement de court terme. Nous avançons assez vite, en tout cas bien plus rapidement que les autres pays d’Europe et du monde. Je crois que nous pouvons nous enorgueillir de montrer la voie.

Debut de section - PermalienPhoto de François Marc

La France est à l’honneur grâce à vous !

Debut de section - Permalien
Benoît Hamon, ministre délégué

M. Benoît Hamon, ministre délégué. On a beaucoup évoqué les réformes Vickers, Volcker et Liikanen ; je me réjouis, pour ma part, que l’on parle aujourd’hui en Europe de la réforme Moscovici comme d’une réforme qui a beaucoup fait avancer les choses.

Marques d’approbation sur les travées du groupe socialiste.

Debut de section - Permalien
Benoît Hamon, ministre délégué

Je retiens les très intéressantes remarques de Mme Dini sur la nécessaire consolidation des instruments protégeant les consommateurs, qui doivent toujours pouvoir disposer de services bancaires de base.

M. Oudéa avait affirmé que le cantonnement prévu ne concernerait que 2 % des activités bancaires. Ce propos avait suscité de nombreuses réactions. En vérité, personne ne peut dire aujourd’hui ce que représente vraiment le cantonnement des activités spéculatives.

Debut de section - Permalien
Benoît Hamon, ministre délégué

Les chiffres évoqués sont ceux des banquiers. Or nous ne sommes pas certains que ces derniers aient la même définition des activités utiles à l’emploi et à l’investissement que le Gouvernement. Nous pensons donc qu’il nous faudra être très prudents dans ce domaine. C’est la raison pour laquelle nous dotons l’ACPR, le régulateur, de pouvoirs très étendus pour séparer le bon grain de l’ivraie. Cela prend du temps, mais nous voulons avancer dans cette voie.

Il est vrai, par ailleurs, que les banques françaises ont très fortement réduit leurs activités risquées depuis la crise, en raison même du risque qu’elles présentent et des pertes qu’elles ont entraînées. En 2006, ces activités pouvaient toutefois représenter jusqu’à 25 % du chiffre d’affaires des activités de marché. Leur cantonnement potentiel est donc loin de constituer une mesure homéopathique ; il anticipe, au contraire, l’évolution d’un certain nombre de pratiques spéculatives contre lesquelles nous voulons lutter, et qui ont été longuement décrites par Mme Lienemann.

En conclusion, je me réjouis de la qualité de ce débat et de l’esprit d’ouverture manifesté par l’ensemble des groupes à l’égard de ce texte, que certains souhaitent muscler, d’autres améliorer, enrichir ou clarifier. L’exigence d’une meilleure régulation de la finance, d’une lutte contre les dérives financières et d’un meilleur contrôle préventif des risques systémiques doit fonder un rassemblement au service de l’intérêt général. §

Debut de section - PermalienPhoto de Didier Guillaume

Personne ne demande plus la parole dans la discussion générale ?…

La discussion générale est close.

Nous passons à la discussion des articles du texte de la commission.

TITRE IER

SÉPARATION DES ACTIVITÉS UTILES AU FINANCEMENT DE L’ÉCONOMIE DES ACTIVITÉS SPÉCULATIVES

Debut de section - PermalienPhoto de Didier Guillaume

L'amendement n° 170 rectifié bis, présenté par M. Arthuis et les membres du groupe Union des Démocrates et Indépendants - UC, est ainsi libellé :

Avant l'article 1er A

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Les dispositions de la présente loi ne peuvent avoir pour conséquence d'instituer des contraintes plus exigeantes que celles en vigueur en droit européen. Les commissions des affaires européennes des assemblées parlementaires sont compétentes pour alerter le Gouvernement sur toute violation de ce principe.

La parole est à M. Aymeri de Montesquiou.

Debut de section - PermalienPhoto de Aymeri de Montesquiou

Il s’agit d’un amendement de principe.

Le texte qui nous est soumis va dans un sens que nous approuvons tous, celui d’une meilleure réglementation du secteur bancaire à travers le cantonnement des activités à risque dans des filiales identifiées. Pour autant, l’un des biais majeurs de son dispositif est qu’il s’inscrit à contretemps du travail actuellement réalisé par l’Union européenne et ses États membres, ainsi que par les États-Unis.

Au plan européen, deux initiatives majeures méritent d’être rappelées.

Tout d’abord, la directive CRD IV, en cours de préparation, aura vocation à achever la mise en œuvre des accords de Bâle III, qui posent des exigences accrues en termes de fonds propres pour les banques et risquent donc de limiter leur capacité de crédit. Par ailleurs, l’élaboration de l’Union bancaire européenne permettra, à terme, à la Banque centrale européenne de centraliser la supervision des banques continentales.

Quelle est la réaction de nos partenaires européens ? Ils attendent, parce qu’une action unilatérale et non concertée aura nécessairement des conséquences lourdes à court terme sur la rentabilité des groupes bancaires et à moyen terme sur les équilibres concurrentiels qui existent entre les banques.

Nous ne pouvons pas jouer notre partition plus rapidement que l’Europe, sous peine de placer nos banques dans des situations de fragilité économique qui auront forcément un impact social. Je le répète, les banques sont des entreprises et, comme toutes les entreprises, elles souffrent du climat économique ambiant. Le secteur bancaire français a perdu, entre 2011 et 2012, près de 7 000 emplois potentiels du seul fait de la chute de rentabilité des activités de détail.

Cet amendement a donc pour objet d’articuler les dispositions du texte avec le droit européen à venir, en introduisant le principe selon lequel le droit français en la matière ne saurait créer des exigences plus contraignantes que les standards continentaux en vigueur. Respecter un tel principe nous permettrait de prendre le temps de mettre en œuvre cette réforme structurelle attendue sans compromettre l’avenir, notamment l’avenir européen du secteur bancaire.

Debut de section - PermalienPhoto de Richard Yung

Le présent amendement vise à poser le principe selon lequel la loi nationale française ne saurait être applicable si elle institue des contraintes plus exigeantes que la législation européenne en vigueur.

Cet amendement m’a laissé quelque peu perplexe…

Debut de section - PermalienPhoto de Richard Yung

Tout d’abord, il fait référence à une période transitoire, que l’on peine à déterminer.

Ensuite, selon vous, mon cher collègue, la France ne devrait rien faire et se borner à attendre que l’Union européenne légifère. Or, dans le même domaine, les Allemands en sont à leur troisième loi, et les Britanniques à leur deuxième ! Et nous devrions nous contenter de regarder les trains traverser le tunnel sous la Manche ? Je ne crois pas qu’il s’agisse d’une bonne approche.

Enfin, je ne vois pas comment un tel dispositif pourrait être mis en œuvre et devenir opérationnel.

Par conséquent, j’émets un avis défavorable sur l’amendement.

Debut de section - Permalien
Nicole Bricq, ministre du commerce extérieur

Je comprends l’attachement du groupe UDI-UC à la législation européenne, mais il est reconnu que celle-ci prime de toute façon sur la législation interne des États membres. Je ne comprends donc pas très bien le sens de cet amendement, qui me semble superfétatoire.

S’il s’agit de viser l’articulation de notre droit avec les suites qui pourraient être données au rapport Liikanen, je ferai remarquer que nous nous sommes calés sur la directive CRD IV. Il y a d’ailleurs une concordance de calendriers. Ne manque plus que l’adoption formelle de la directive, qui interviendra avant l’été. Nous sommes donc bien en phase, et il ne nous est pas interdit d’être précurseurs par rapport au futur droit européen.

Je vous invite donc à retirer votre amendement, monsieur le sénateur. À défaut, j’émettrai un avis défavorable.

Debut de section - PermalienPhoto de Didier Guillaume

La parole est à M. Aymeri de Montesquiou, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Aymeri de Montesquiou

Monsieur le rapporteur, vous n’entendez pas ce que je dis. De fait, les Allemands ont déjà élaboré trois lois et les Britanniques deux, mais ce que craignent les membres du groupe UDI-UC, c’est que le décalage entre la législation que nous mettons en place et l’action de l’Union européenne ne crée un handicap pour nos banques. Je pense qu’une coordination est tout à fait souhaitable, et je suis certain que vous ne vous élèverez pas contre cette idée. Je maintiens donc mon amendement.

Debut de section - PermalienPhoto de Didier Guillaume

La parole est à M. Pierre-Yves Collombat, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre-Yves Collombat

Pour ma part, je suis non pas perplexe, mais bluffé par cet amendement !

En somme, la France, qui n'avait déjà absolument plus aucun pouvoir en matière de politique monétaire, et pratiquement plus aucun en matière budgétaire depuis l’entrée en vigueur du traité sur la stabilité, la coordination et la gouvernance, ne devrait également plus en avoir en matière de régulation des banques, au motif qu’il ne faudrait surtout pas créer un handicap concurrentiel pour nos banques ! Tel est l’objectif visé au travers de cet amendement : la question n’est pas de sécuriser le système bancaire, pourtant particulièrement fragile ! Le monde peut bien s'écrouler à cause d'une faillite majeure du système bancaire – ce n'est pas une simple vue de l'esprit –, la seule préoccupation de nos collègues est de sauvegarder la compétitivité des banques françaises ! Cet objectif ne me paraissant pas du tout prioritaire, je voterai contre cet amendement.

Debut de section - PermalienPhoto de Didier Guillaume

La parole est à M. Jean Desessard, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Desessard

Je voterai contre cet amendement, qui m’étonne moi aussi.

Nous avions discuté de ce sujet lors de la réunion du groupe de travail Assemblée nationale-Sénat sur la crise financière internationale et M. Arthuis avait alors souhaité que des mesures soient prises contre les dérives des banques et de certains de leurs dirigeants.

À l’heure où chaque pays fait des propositions en la matière, il est intéressant que la France tienne toute sa place et joue un rôle moteur. On sait très bien que les initiatives nationales facilitent l’émergence de mesures à l’échelon européen.

Je comprends très bien la perplexité du rapporteur : à vous entendre, monsieur de Montesquiou, ce texte entravera l'activité des banques. Or il s’agit simplement de lutter contre les dérives en matière de spéculation, objectif qui est partagé par votre groupe, comme M. Arthuis l'a expliqué à maintes reprises.

Debut de section - PermalienPhoto de Didier Guillaume

La parole est à M. Jean-Pierre Caffet, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Caffet

Je commencerai par souligner un paradoxe : au cours de la discussion générale, M. Arthuis a traité les signataires du pacte de stabilité et de croissance de menteurs et de tricheurs ; or, à peine entamons-nous la discussion des articles qu’il nous demande, au travers de cet amendement, de nous en remettre à eux !

Au-delà, je considère que cet amendement pose véritablement problème au regard de la souveraineté nationale. Je ne reprendrai pas les excellents propos de Mme la ministre sur la hiérarchie des normes juridiques : il va de soi que le droit européen prévaut sur le droit national. Pour autant, en quoi les négociations actuellement en cours à l’échelon européen empêcheraient-elles le Parlement français de prendre des dispositions qui ne sont d’ailleurs pas en contradiction avec celles qui sont envisagées au sein des instances européennes ?

Enfin, monsieur de Montesquiou, le principe sur lequel vous vous fondez pourrait s'appliquer à tout projet de loi. Aurait-il fallu l’invoquer, par exemple, quand le Gouvernement a présenté un amendement au projet de loi de finances pour 2013 instaurant le pacte pour la croissance, la compétitivité et l’emploi ?

Pour ces raisons de fond, cet amendement ne nous semble pas acceptable.

Debut de section - PermalienPhoto de Richard Yung

Je souhaite apporter un élément de réponse à l'une des craintes exprimées par M. de Montesquiou.

Dans le cadre des travaux de la commission des finances, nous nous sommes rendus à Londres et à Berlin. J'ai été frappé par le fait que, manifestement, les échanges entre gouvernements sont intenses, et surtout par la forte convergence des réformes mises en œuvre.

Debut de section - PermalienPhoto de Richard Yung

En particulier, l'autorité prudentielle britannique est tout à fait proche de l’ACPR.

Par conséquent, je n'imagine pas que ce texte puisse pénaliser le système bancaire français.

L'amendement n'est pas adopté.

(Non modifié)

Avant le 30 juin 2014, le Gouvernement remet au Parlement un rapport détaillant l’impact de la présente loi sur la compétitivité du secteur bancaire français par rapport aux établissements de crédit américains et européens.

Debut de section - PermalienPhoto de Éric Bocquet

Cet article liminaire, de portée quasiment déclarative, appelle quelques observations de notre part. Si l’on en croit ses termes, il s’agit d’analyser la compétitivité de notre secteur financier et bancaire au regard de la concurrence, prioritairement américaine et européenne.

C’est cette sorte d’ethnocentrisme économique qu’il nous faudrait éviter à l’avenir. Les marchés financiers n’ont pas forcément de visage et constituent l’ennemi dont tout gouvernement devrait se méfier. Le fait est qu’ils ont connu, ces dernières années, une évolution sensible. Nous avons ainsi vu apparaître de nouveaux acteurs, les fonds souverains, émanations de certaines monarchies du Golfe ou de pays émergents dont les capacités financières sont parfois largement aussi importantes que celles de certaines banques privées européennes.

Le milieu bancaire connaît aussi d’autres acteurs, singulièrement dans les pays émergents. En 2011, parmi les cinquante premières banques mondiales en termes de résultat net, on trouvait treize banques chinoises, quatre banques brésiliennes, deux banques russes, une banque hongkongaise et un établissement singapourien. Ajoutons-y, pour faire bonne mesure, trois banques japonaises et quatre banques australiennes : nous sommes face à un paysage financier et bancaire international quelque peu polycentrique. De surcroît, toujours en 2011, les quatre premières banques au monde étaient chinoises ; la présence de ces établissements parmi les cinquante principales banques mondiales est particulièrement significative.

La France n’a sans doute pas à rougir de la douzième position qu’occupe le groupe BNP-Paribas dans ce classement, même si son résultat s’est affaissé en 2012. Si le total de bilan est important – pratiquement 2 000 milliards d’euros, soit l’équivalent du PIB marchand de la France –, la capitalisation du groupe – environ 85 milliards d’euros – est considérée comme insuffisante. Cela étant, la question de la compétitivité de nos établissements de crédit est problématique ; il faut d’abord savoir ce que l’on entend par compétitivité.

Nous pouvons attendre du rapport prévu par ce projet de loi qu’il nous permette de faire le tri entre les activités spéculatives et les activités dites « utiles » de nos établissements de crédit : utiles du point de vue de ce que l’on appelle un peu abusivement l’« économie réelle », alors même que, dans le système libéral, la réalité économique recouvre aussi l’industrie et l’activité financières.

Il me semble que l’utilité de notre secteur financier se mesurera pleinement à l’aune de l’implication de celui-ci dans le développement de l’activité, dans la croissance économique, dans le recul tant attendu de notre taux de chômage et de la précarité de l’emploi.

L’objectif n’est pas forcément que nos banques n’aient pas à rougir de la comparaison avec les établissements de crédit américains, qui vont se voir appliquer la Volcker Rule, ou avec les banques britanniques, qui devront prendre en compte les recommandations du dispositif Vickers ; l’essentiel est qu’elles deviennent ou redeviennent les partenaires de l’essor économique, de l’activité, de la croissance des entreprises, des projets des ménages salariés.

Nous attendons de nos banques qu’elles rendent à nouveau le service qu’en attendent les entreprises et les citoyens dans une économie moderne : rien de plus, rien de moins.

Debut de section - PermalienPhoto de Didier Guillaume

Je suis saisi de trois amendements faisant l'objet d'une discussion commune.

L'amendement n° 35 rectifié, présenté par MM. Collombat, Mézard, Baylet, Bertrand, C. Bourquin, Chevènement, Collin, Fortassin et Hue, Mme Laborde et MM. Mazars, Plancade, Requier, Tropeano et Vall, est ainsi libellé :

1° Remplacer la date :

30 juin

par la date :

31 décembre

2° Compléter cet article par les mots :

ainsi que sur les impacts du Titre Ier de la présente loi, en particulier quant aux tailles des filiales créées et aux effets sur les volumes de trading haute fréquence, des prêts aux organismes de placement collectif à effet de levier ou autres véhicules d’investissement similaires, et des opérations sur instruments financiers à terme dont l’élément sous-jacent est une matière première agricole.

La parole est à M. Pierre-Yves Collombat.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre-Yves Collombat

Le rapport prévu à l’article 1er A ne portera que sur l’impact de la réforme sur la compétitivité du secteur bancaire français. Pourtant, cela ne correspond pas a priori à l’objet du texte, qui est de sécuriser le système bancaire national en limitant et en contrôlant certaines de ses activités.

L’étude d’impact du projet de loi est particulièrement discrète sur ce chapitre, particulièrement en matière de données chiffrées. L’argument selon lequel, « dans le cadre de la présente étude d’impact, il est malheureusement impossible, compte tenu du très petit nombre de banques concernées et pour des raisons de confidentialité et de respect du secret des affaires, d’exposer les ordres de grandeur correspondant à la taille de l’éventuelle filiale pro forma » est particulièrement étonnant, puisque cela aboutit à faire passer le secret bancaire avant l’information du Parlement.

Par ailleurs, les résultats de la mise en œuvre du texte dépendront largement de décisions laissées à l’appréciation du ministre de l’économie et des finances : définition du seuil d’activité au-delà duquel la tenue de marché des établissements de crédit, compagnies financières et compagnies financières holding mixtes est interdite ; qualification des instruments de couverture entrant dans le champ d’activité de ces établissements et des prêts accordés aux hedge funds.

Le niveau réel de sécurisation des déposants et du contribuable apporté par la filialisation des activités de marché des banques universelles dépendant de ces décisions ou de l’absence de décisions, on peut s’étonner que le rapport prévu ait pour unique vocation d’apprécier l’impact de l’application de la loi sur « la compétitivité du secteur bancaire français par rapport aux établissements de crédit américains et européens ». C’est à croire que l’objectif est de protéger non pas l’État, les déposants et les contribuables, mais le chiffre d’affaires des banques universelles.

Le Parlement n’ayant pas bénéficié d’une information complète avant le vote de la loi et les effets des dispositions prévues dépendant de l’usage qui en sera fait, cet amendement tend à reporter la date prévue pour la remise du rapport, afin que cette information puisse au moins être délivrée ultérieurement.

Debut de section - PermalienPhoto de Didier Guillaume

Les deux amendements suivants sont identiques.

L'amendement n° 136 rectifié bis est présenté par Mme Lienemann, MM. Dilain, Chastan et Teulade, Mme Rossignol, M. Caffet, Mme M. André, MM. Berson et Botrel, Mme Espagnac, MM. Frécon, Germain, Haut, Hervé, Krattinger, Marc, Massion, Miquel, Patient, Patriat, Rebsamen, Todeschini, Yung, Vandierendonck et les membres du groupe socialiste et apparentés.

L'amendement n° 218 rectifié est présenté par MM. Placé, Desessard et les membres du groupe écologiste.

Ces deux amendements sont ainsi libellés :

I. – Remplacer la date :

30 juin

par la date :

31 décembre

II. – Compléter cet alinéa par les mots :

ainsi que les conséquences sur la taille et la nature des opérations des filiales mentionnées au titre Ier, sur les volumes des opérations de négoce à haute fréquence et la spéculation sur les matières premières agricoles

La parole est à Mme Marie-Noëlle Lienemann, pour présenter l’amendement n° 136 rectifié bis.

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-Noëlle Lienemann

Cet amendement a un double objet.

Tout d’abord, il vise à repousser la date de remise du rapport au 31 décembre 2014. En effet, le dispositif commencera à s’appliquer à compter du 30 juin 2014, et il convient donc de se donner un peu de recul.

Par ailleurs, l’amendement tend à élargir le champ du rapport, en précisant que devront y être étudiées les conséquences sur la taille et la nature des opérations des filiales mentionnées au titre Ier, sur les volumes d'opérations de négoce à haute fréquence et la spéculation sur les matières premières agricoles. Il s’agit de pouvoir bien mesurer l’importance de ces filiales et déterminer si le cadre défini par le texte est pleinement satisfaisant. L’État et le Parlement seront ainsi mieux éclairés sur l'efficacité de la filialisation.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Desessard

Par un heureux hasard, cet amendement est identique à celui que vient de présenter Mme Lienemann, ce qui confirme la convergence de nos analyses !

Nous voyons ce texte comme une étape dans la construction, à l’échelon européen, d’une dynamique de lutte contre la spéculation.

À l’instar de Mme Lienemann, nous souhaitons que le rapport prévu à l’article 1er A aborde les conséquences de l’application de la loi sur la taille et la nature des opérations des filiales, ainsi que sur les volumes des opérations de négoce à haute fréquence, ces manipulations purement spéculatives d’une durée d’une fraction de seconde visant à provoquer des variations artificielles des prix. Nous souhaitons qu’une attention particulière soit portée à cette pratique, ainsi qu’à la spéculation sur les matières premières agricoles.

Nous avons donc une vraie convergence de vues avec Mme Lienemann sur ce point.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Desessard

Par ailleurs, nous demandons nous aussi que la remise du rapport soit repoussée du 30 juin au 31 décembre, afin qu’une étude sérieuse des conséquences de l’application de la loi puisse être menée.

Debut de section - PermalienPhoto de Richard Yung

Ces trois amendements, qui tendent à élargir le champ du rapport demandé au Gouvernement, sont très proches. La commission est favorable à leur dispositif, en préférant la formulation des amendements identiques n° 136 rectifié bis et 218 rectifié, plus ramassée.

Debut de section - Permalien
Nicole Bricq, ministre

Le Gouvernement partage l’avis de la commission. Je suggère à M. Collombat de se rallier aux amendements qui ont été présentés par Mme Lienemann et M. Desessard ; cela permettrait d’avoir un texte commun aux trois groupes socialiste, écologiste et RDSE.

L'amendement n'est pas adopté.

Les amendements sont adoptés.

L'article 1 er A est adopté.

La section 7 du chapitre Ier du titre Ier du livre V du code monétaire et financier est complétée par des articles L. 511-47 à L. 511-50 ainsi rédigés :

« Art. L. 511 -47 . – I. – Afin de garantir la stabilité financière, leur solvabilité à l’égard des déposants et leur capacité à assurer le financement de l’économie, il est interdit aux établissements de crédit, compagnies financières et compagnies financières holding mixtes, dont les activités de négociation sur instruments financiers dépassent des seuils définis par décret en Conseil d’État, d’effectuer autrement que par l’intermédiaire de filiales dédiées à ces activités les opérations suivantes :

« 1° Les activités de négociation sur instruments financiers faisant intervenir leur compte propre, à l’exception des activités relatives :

« a) À la fourniture de services d’investissement à la clientèle ;

« b) À la compensation d’instruments financiers ;

« c) À la couverture des risques de l’établissement de crédit ou du groupe, au sens de l’article L. 511-20, à l’exception de la filiale mentionnée au présent article ;

« d) À la tenue de marché. Le ministre chargé de l’économie peut fixer, par arrêté et après avis de l’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution, un seuil valable pour tous les établissements ou pour un établissement en particulier, exprimé par rapport au produit net bancaire de l’établissement de crédit de la compagnie financière ou de la compagnie financière holding mixte, au-delà duquel les activités relatives à la tenue de marché d’un établissement de crédit ne bénéficient plus de cette exception ;

« e) À la gestion saine et prudente de la trésorerie du groupe, au sens de l’article L. 511-20, et aux opérations financières entre les établissements de crédit, compagnies financières et compagnies financières holding mixtes, d’une part, et leurs filiales appartenant à un même groupe, au sens du même article L. 511-20, d’autre part ;

« f) Aux opérations d’investissement du groupe, au sens dudit article L. 511-20 ;

« 2° Toute opération conclue pour son compte propre avec des organismes de placement collectif à effet de levier ou autres véhicules d’investissement similaires, répondant à des caractéristiques fixées par arrêté du ministre chargé de l’économie, lorsque l’établissement de crédit n’est pas garanti par une sûreté. Les organismes de placement collectif eux-mêmes investis ou exposés, au-delà d’un seuil précisé par arrêté, dans les organismes de placement collectif à effet de levier ou autres véhicules d’investissement similaires visés au présent 2° sont assimilés à ces derniers. À cet effet, l’établissement de crédit transmet à l’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution, selon des modalités qu’elle définit, les informations relatives aux engagements auprès de ces organismes.

« II. – Les seuils d’exposition mentionnés au premier alinéa du I sont déterminés sur la base de l’importance relative des activités de marché et, le cas échéant, des activités mentionnées au premier alinéa du 1° et au 2° du I dans l’ensemble des activités de l’établissement de crédit, de la compagnie financière ou de la compagnie financière holding mixte.

« III. – Au sens du présent article, on entend par “fourniture de services d’investissement à la clientèle” l’activité d’un établissement :

« 1° Consistant à fournir les services d’investissement mentionnés à l’article L. 321-1 et les services connexes mentionnés à l’article L. 321-2 en se portant partie à des opérations sur des instruments financiers dans le but de répondre aux besoins de couverture, de financement ou d’investissement de ses clients ;

« 2° Et dont la rentabilité attendue résulte des revenus tirés des services fournis à la clientèle et de la gestion saine et prudente des risques associés à ces services. Les risques associés doivent répondre au strict besoin de gestion de l’activité, dans des conditions fixées par arrêté du ministre chargé de l’économie.

« IV. – Au sens du présent article, on entend par “couverture” l’activité d’un établissement mentionné au I qui se porte partie à des opérations sur des instruments financiers dans le but de réduire ses expositions aux risques de toute nature liés aux activités de crédit et de marché. Les instruments utilisés pour ces opérations de couverture doivent présenter une relation économique avec les risques identifiés, dans des conditions définies par arrêté du ministre chargé de l’économie.

« V. – Au sens du présent article, on entend par “tenue de marché” l’activité d’un établissement qui, en tant qu’intermédiaire, se porte partie à des opérations sur des instruments financiers :

« 1° Soit consistant en la communication simultanée de prix d’achat et de vente fermes et concurrentiels pour des volumes de taille comparable, avec pour résultat d’apporter de la liquidité aux marchés sur une base régulière et continue ;

« 2° Soit nécessaires, dans le cadre de son activité habituelle, à l’exécution d’ordres d’achat ou de vente de clients ou en réponse à des demandes d’achat ou de vente de leur part.

« L’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution contrôle que la distinction de l’activité de tenue de marché, mentionnée aux 1° et 2°, par rapport aux autres activités est bien établie en se fondant, pour les activités mentionnées au 1°, notamment sur des indicateurs précisant les conditions de présence régulière sur le marché, l’activité minimale sur le marché, les exigences en termes d’écarts de cotation proposés et les règles d’organisation internes incluant des limites de risques. Les indicateurs sont adaptés en fonction du type d’instrument financier négocié et des lieux de négociation sur lesquels s’effectue l’activité de tenue de marché. Le teneur de marché fournit sur base régulière les indicateurs à l’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution et à l’Autorité des marchés financiers.

« Pour les activités visées au 2°, l’établissement doit pouvoir justifier d’un lien entre le besoin des clients et les opérations réalisées pour compte propre. L’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution contrôle l’existence de ce lien au regard notamment de la fréquence des opérations réalisées et de l’organisation interne mise en place pour répondre aux besoins des clients. Elle informe l’Autorité des marchés financiers des conclusions des contrôles réalisés.

« Un arrêté du ministre chargé de l’économie fixe, après avis de l’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution et de l’Autorité des marchés financiers, la liste des indicateurs transmis à ces autorités.

« VI. – Au sens du présent article, les “opérations d’investissement du groupe” désignent :

« 1° Les opérations d’achat ou de vente de titres financiers acquis dans l’intention de les conserver durablement, ainsi que les opérations sur instruments financiers liées à ces dernières ;

« 2° Les opérations d’achat ou de vente de titres émis par les entités du groupe.

« Art. L. 511 -48 . – I. – Les filiales dédiées à la réalisation des activités mentionnées au I de l’article L. 511-47 sont agréées par l’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution comme entreprises d’investissement ou, le cas échéant et par dérogation au même article L. 511-47, comme établissements de crédit.

« Lorsqu’elles sont agréées par l’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution en tant qu’établissements de crédit, ces filiales ne peuvent ni recevoir des dépôts garantis au sens de l’article L. 312-4, ni fournir des services de paiement aux clients dont les dépôts bénéficient de la garantie mentionnée au même article L. 312-4.

« Les filiales mentionnées au I de l’article L. 511-47 doivent respecter, individuellement ou de manière sous-consolidée, les normes de gestion prévues à l’article L. 511-41, dans des conditions fixées par arrêté du ministre chargé de l’économie.

« Sans préjudice des dispositions de l’article L. 511-41-2, les établissements de crédit, compagnies financières ou compagnies financières holding mixtes qui contrôlent les filiales mentionnées au I de l’article L. 511-47 sont tenus de respecter les normes de gestion mentionnées à l’article L. 511-41 sur la base de leur situation financière consolidée en excluant de celle-ci les filiales mentionnées au présent article, dans les conditions prévues par arrêté du ministre chargé de l’économie.

« La souscription par les établissements de crédit, compagnies financières ou compagnies financières holding mixtes qui contrôlent ces filiales à une augmentation de capital de ces filiales est soumise à autorisation préalable de l’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution.

« Pour l’application du ratio de division des risques, les filiales mentionnées au I de l’article L. 511-47 sont considérées comme un même bénéficiaire, distinct du reste du groupe. Pour l’application du règlement relatif au contrôle des grands risques par les établissements n’appartenant pas au groupe, les filiales et le groupe auquel elles appartiennent sont considérés comme un même bénéficiaire.

« Les filiales définies au présent article doivent utiliser des raisons sociales et des noms commerciaux distincts de ceux des établissements de crédit du groupe qui les contrôlent, de manière à n’entretenir aucune confusion dans l’esprit de leurs créanciers et cocontractants.

« Les personnes mentionnées à l’article L. 511-13 ou, selon le cas, à l’article L. 532-2, qui assurent la détermination effective de l’orientation de l’activité de ces filiales, ne peuvent assurer la détermination effective de l’orientation de l’activité, au sens de ces mêmes articles, de l’établissement de crédit, de la compagnie financière ou de la compagnie financière holding mixte qui les contrôlent, ou de leurs filiales autres que celles mentionnées au présent article.

« II. – Les filiales mentionnées au I ne peuvent réaliser les opérations suivantes :

« 1° Les opérations de négoce à haute fréquence taxables au titre de l’article 235 ter ZD bis du code général des impôts ;

« 2° Les opérations sur instruments financiers à terme dont l’élément sous-jacent est une matière première agricole.

« III. – Ni l’État ni aucune autre personne publique contrôlée, directement ou indirectement, par l’État ne peut souscrire à un titre ni prendre aucun engagement financier nouveau au bénéfice de cette filiale dès lors que celle-ci fait l’objet d’une des mesures mentionnées à l’article L. 613-31-16 du présent code.

« Art. L. 511 -49 . – Les entreprises d’investissement, établissements de crédit, compagnies financières et compagnies financières holding mixtes, ainsi que leurs filiales mentionnées à l’article L. 511-48 qui réalisent des opérations sur instruments financiers, assignent à leurs unités internes chargées de ces opérations des règles d’organisation et de fonctionnement de nature à assurer le respect des articles L. 511-47 et L. 511-48.

« Ils s’assurent notamment que le contrôle du respect de ces règles est assuré de manière adéquate par le système de contrôle interne mentionné à l’article L. 511-41 et que les règles de bonne conduite et autres obligations professionnelles assignées à leurs services sont conformes aux III et IV de l’article L. 621-7.

« Ils communiquent à l’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution ainsi que, pour ce qui la concerne, à l’Autorité des marchés financiers la description de ces unités ainsi que les règles d’organisation et de fonctionnement qui leur sont assignées en application du premier alinéa du présent article.

« L’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution s’assure que les règles d’organisation et de fonctionnement comportent des limites de risques fixées aux unités internes réalisant des opérations sur instruments financiers, lesquelles sont cohérentes avec leurs mandats.

« Art. L. 511 -50 . –

non modifié

Debut de section - PermalienPhoto de Roland Courteau

Cet article, qui résonne encore des déclarations du candidat Hollande, est le moteur du nouveau modèle de régulation bancaire.

La Fédération bancaire française a qualifié son dispositif de « vraie contrainte ». Eh bien, mes chers collègues, cette vraie contrainte est la bienvenue !

M. Jean Desessard applaudit.

Debut de section - PermalienPhoto de Roland Courteau

N’est-il pas légitime que l’État mette en place des règles strictes afin d’encadrer les activités de ce secteur, puisque c’est lui qui a dû venir au secours du système bancaire lorsque celui-ci était au bord de la faillite ?

Serions-nous les premiers en Europe à agir de la sorte ? Serions-nous des pionniers ? Je n’en sais rien, mais, si tel était le cas, j’en serais personnellement très fier, et je serais tenté de féliciter le Gouvernement d’avoir eu le courage de s’attaquer à cette question.

« Qui a fauté paiera », a dit M. Hamon. C’est très bien ainsi !

Nous n’avons que trop eu l’occasion de constater les conséquences néfastes, dans ce domaine, du laisser-faire, du laisser-aller et de l’autorégulation par la main invisible du marché, pour ne pas apprécier le réengagement de la puissance publique dans la maîtrise de la finance afin de parer aux défaillances du système bancaire, qui mettent en cause les dépôts des épargnants, la compétitivité de l’économie et même l’argent des contribuables.

Ce texte ambitieux, qui réformera durablement et en profondeur le secteur financier, offre des garanties pour que l’histoire ne se répète pas. Il va responsabiliser les acteurs du secteur, imposer un cadre plus strict aux activités spéculatives et accroître le contrôle des activités par les autorités, à la fois en interne et en externe.

Cet article 1er montre que le Gouvernement a souhaité suivre certaines des recommandations formulées dans le rapport Liikanen, qui définissait des pistes pour l’élaboration d’un cadre législatif communautaire, en proposant de rechercher un équilibre entre la prévention du risque systémique, le renforcement des activités d’un marché trop longtemps dérégulé et le financement efficace de notre économie.

Premièrement, il est primordial de séparer les activités utiles à l’investissement et à l’emploi des activités spéculatives afin de restaurer la confiance des clients échaudés par la crise de 2008 et de limiter les risques de faillite d’une banque.

Désormais, les établissements de crédit dont les activités de marché sont significatives ne pourront réaliser des opérations pour compte propre qu’à la condition expresse que celles-ci aient une utilité avérée pour le financement de l’économie. Ce texte définit les opérations justifiées, et donc autorisées. Je ne m’y attarderai pas davantage, mais il me paraît fondamental d’insister, dans le cadre d’une gestion saine et prudente de la trésorerie, sur les ratios de liquidité qui obligeront ces entités à détenir une réserve d’actifs liquides et sur l’interdiction de détenir des parts dans des fonds alternatifs.

Deuxièmement, cet article prévoit que les banques à forte activité spéculative devront créer des filiales spécifiques, juridiquement et financièrement séparées de la banque mère, afin de mettre un terme à toute forme de confusion et d’éviter la propagation d’une potentielle instabilité.

J’apprécie que ces filiales puissent être capitalisées et financées de manière autonome. Elles seront soumises aux exigences prudentielles en matière de grand risque et, fait nouveau dont nous pouvons nous féliciter, certaines activités spéculatives leurs seront désormais interdites, car trop préjudiciables : celles qui portent sur les matières premières agricoles ou les opérations de trading à haute fréquence.

Si nous pouvions, à l’avenir, circonscrire les crises aux marchés financiers, celles-ci auraient moins de répercussions sur les activités réelles et nous préserverions ainsi l’économie. Ces pare-feux n’éradiqueront pas les crises, mais ils limiteront les facteurs de risque.

Troisièmement, cet article va dans le bon sens en élargissant considérablement les pouvoirs de l’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution. Cette instance recevra désormais des établissements de crédit la description et les comptes rendus de leurs activités de marché, ce qui lui permettra d’en mesurer les risques. Elle pourra ainsi contrôler que les opérations en question ont une finalité utile au financement de l’économie.

En conclusion, je rejoins l’avis des commissions : ce texte va dans le bon sens, en préservant notre modèle de banque française universelle et en imposant des règles en vue de l’assainissement d’un système trop longtemps laissé libre de ses choix. Nous sommes parvenus à un texte assez équilibré, qui, je l’espère, pourra encore être enrichi d’un certain nombre d’amendements du groupe socialiste.

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.

Debut de section - PermalienPhoto de Éric Bocquet

Élément pivot du texte, l’article 1er appelle plusieurs observations de notre part.

Le simple examen du dispositif de l’article, fondé sur la filialisation des activités spéculatives et dites d’investissement, et de la liste des amendements déposés ne laisse aucun doute quant à l’importance du sujet.

Le fait que plus de quarante amendements portent sur cet article montre bien que le travail accompli par l’Assemblée nationale doit être approfondi, notamment parce que la notion de market making ou de tenue de marché demeure équivoque : tout le débat a montré qu’elle pouvait servir de paravent commode à des opérations dont l’utilité, du point de vue du financement de l’économie, est parfois assez douteuse, mais dont le caractère spéculatif est, en revanche, beaucoup plus clairement établi.

C’est peu dire que l’article 1er, tel qu’il a été adopté par nos collègues de l’Assemblée nationale, a attiré les commentaires les moins positifs quant aux objectifs du projet de loi, émanant d’analystes de tous horizons. Nous avons souligné, lors de la discussion générale, la position de Mme Scialom, mettant directement en question le titre même du projet de loi, en raison du contenu de l’article 1er, mais nous pouvons citer d’autres exemples.

Ainsi, permettez-moi de vous donner lecture d’une dépêche diffusée en ligne, le 20 février dernier, par Dow Jones, qui est, outre un indice boursier, un site d’information financière extrêmement intéressant :

« Le projet de réforme bancaire, qui obligerait les banques à cantonner une partie de leurs activités de banque d’investissement dans une entité séparée, n’affecterait qu’environ 1 % du produit net bancaire de Crédit agricole SA, a déclaré mercredi à la radio le directeur général de l’établissement, Jean-Paul Chifflet.

« Ce projet de loi a été adopté mardi par l’Assemblée nationale. Cette réforme, exposée en détail en novembre par le ministre des finances Pierre Moscovici, contraindrait les banques françaises à transférer leurs activités spéculatives au sein d’une entité financée séparément et interdirait certaines activités telles que le trading haute fréquence et certaines formes de trading sur les matières premières. »

Je pourrais également citer ici l’échange, rapporté par l’hebdomadaire Marianne, qui s’est tenu lors de la présentation du projet de loi devant la commission des finances de l’Assemblée nationale, à l’occasion de l’audition de dirigeants de nos grands établissements de crédit.

Interrogé sur la part des activités des banques destinée à être filialisée, « Frédéric Oudéa, le P-DG de la Société générale, plus décomplexé sans doute que ses collègues, lâche l’aveu qui tue : “ Cela représente entre 3 et 5 % de nos activités de banque de financement et d’investissement, qui représentent elles-mêmes 15 % des revenus totaux de la banque. ” Autrement dit, 0, 75 % des revenus annuels de sa banque, c’est-à-dire rien. Karine Berger pousse les feux : “ Alors cela veut dire que 99 % de vos activités ne seront pas concernés par la loi ? ” Réponse embarrassée de Frédéric Oudéa: “ Ce sera au superviseur d’en décider, moi je n’en sais rien. ” »

Marianne conclut en ces termes : « Voilà l’aveu : la loi bancaire préparée par Bercy aura l’effet du mercurochrome sur une jambe de bois. Elle impactera moins de 1 % de l’activité bancaire. Une goutte d’eau dans l’océan des profits bancaires. »

Pour ce qui nous concerne, l’ensemble des amendements que nous avons déposés sur l’article 1er relèvent d’une ligne directrice claire et précise : marquer au maximum la séparation entre activités spéculatives et financement réel de l’économie.

Reconnaissons d’emblée que notre démarche est sous-tendue par l’objectif de créer les conditions de la dévitalisation de la « banque pour la banque », de la « finance pour la finance », d’enrayer le développement continu d’un cancer qui gagne l’ensemble de la sphère économique à mesure de l’émergence de produits dérivés toujours plus sophistiqués, toujours plus nombreux, de mettre un terme à la déconnexion toujours plus évidente entre les exigences de rentabilité sans cesse accrues du monde de la finance et la réalité de l’activité productive.

Debut de section - PermalienPhoto de Didier Guillaume

Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à vingt et une heures trente.

La séance est suspendue.

La séance, suspendue à dix-neuf heures trente, est reprise à vingt-et-une heures trente, sous la présidence de Mme Bariza Khiari.