J’en viens maintenant au titre II du projet de loi, consacré à la mise en place d’un régime de résolution bancaire. S’il ne fait que reprendre en français un mot d’origine anglaise, ce titre peu médiatique me semble toutefois assez révélateur, car le mot « résolution » signifie qu’on a la volonté de résoudre un problème. Il me semble donc relativement bien employé dans ce cas, pour un sujet qui, à mes yeux, est probablement l’un des aspects les plus importants du texte.
Dans les mois qui ont suivi la chute de Lehman Brothers, le G20 et le comité de Bâle se sont attachés à renforcer la solidité du secteur bancaire à l’aide de nouvelles règles prudentielles, notamment via le renforcement des fonds propres. Ces règles ont été transposées en Europe dans le paquet CRD IV. Les Anglais proposent aujourd’hui de porter le ratio à 10 % à un horizon de six ans, ce qui nous laisse du temps pour le débat !
Il nous a fallu aussi répondre à d’autres questions.
Primo, avons-nous vraiment tout fait pour qu’une telle crise ne se produise plus ? Secundo, si elle devait malgré tout survenir, comment pourrions-nous limiter le risque systémique et le recours aux fonds publics ?
En réponse à la première question, l’ensemble des réflexions sur la structure des banques est venu compléter l’édifice de Bâle. Pour répondre à la seconde question, il est apparu évident qu’il fallait organiser autrement la faillite du secteur bancaire. D’où l’idée de la résolution.
Lorsque nous nous sommes rendus à Londres pour discuter avec nos collègues britanniques de leurs pratiques, notamment pour évoquer le rapport Vickers et les autres réglementations que nos voisins sont en train d’élaborer, le chef de l’autorité de régulation nous a raconté comment s’était déroulée la faillite de la Royal Bank of Scotland, une grande banque qui capitalisait plusieurs dizaines de milliards d’actif, et surtout de passif.
Un vendredi, à quinze heures, le président de cette banque téléphone au gouverneur de la banque d’Angleterre, Sir Mervyn King, pour lui dire en substance : « Je réunis mon conseil d’administration dans quinze minutes pour constater que nous ne pouvons plus faire face à nos obligations. Dans quarante-cinq minutes, je serai contraint d’annoncer la nouvelle dans un communiqué. Mes respects, monsieur le gouverneur… »
Que fait le gouverneur de la banque d’Angleterre dans pareille situation ? Il prend son téléphone et appelle le chancelier de l’Échiquier, Alistair Darling – dont je vous recommande les mémoires, soit dit en passant – pour lui déclarer en substance : « Je viens de recevoir un coup de téléphone du président de la Royal Bank of Scotland. Auriez-vous la gentillesse de m’envoyer un coursier, muni d’une mallette contenant de 1, 5 à 2 milliards de livres sterling, afin que je puisse assurer le sauvetage de cet établissement ? Mes respects, monsieur le chancelier. »
Et que fait le chancelier de l’Échiquier lorsqu’il reçoit pareil coup de téléphone un vendredi à quinze heures ? Eh bien, mes chers collègues, il ne peut rien faire ! Nous sommes en plein dans l’aléa moral, ce à quoi nous voulons précisément mettre fin.
Confrontés au dépôt de bilan d’une banque trop grosse, trop interconnectée et, bien souvent, trop complexe pour faire faillite, les pouvoirs publics sont en quelque sorte placés dans une situation de « non-choix ».
La résolution s’appuie d’abord sur une autorité de résolution, l’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution, sur laquelle je ne m’attarderai pas, si ce n’est pour souligner que la Banque de France et la direction générale du Trésor y occuperont une place centrale.
Je ne m’appesantirai pas non plus sur la palette très large de pouvoirs dont disposera cette autorité de contrôle prudentiel. Ces prérogatives sont certes extraordinaires, mais, en l’occurrence, il faut impérativement pouvoir porter le fer de façon énergique et brutale.
Deux dispositifs sont également créés pour limiter l’appel au contribuable : le recours aux créanciers privés, d’une part, le recours à un fonds ad hoc financé par les banques, d’autre part. Comme M. le ministre l’a évoqué, c’est le Fonds de garantie des dépôts, transformé en Fonds de garantie des dépôts et de résolution, qui jouera ce rôle, avec un encours qui passera de 2 à 10 milliards d’euros, je ne m’étendrai pas davantage sur ce point.
Cet édifice à deux étages permettra-il de s’assurer que l’État ne sera pas obligé de venir à la rescousse d’un établissement en difficulté ?