Intervention de Benoît Hamon

Réunion du 20 mars 2013 à 14h30
Séparation et régulation des activités bancaires — Discussion d'un projet de loi dans le texte de la commission

Benoît Hamon, ministre délégué :

M. Delattre s’est demandé si nous étions dans le bon tempo. C’est le cas, dès lors que nous inspirons aujourd’hui l’Union européenne et le Parlement européen pour aller beaucoup plus loin qu’ils ne l’auraient fait si deux États, la France et l’Allemagne, n’avaient pas pris l’initiative.

De surcroît, dans l’attente de la proposition législative du commissaire européen Barnier, nous nous trouvons dans une période grise en matière d’initiative européenne. En effet, la plupart des textes que proposera la Commission européenne, s’ils ne sont pas déposés avant juillet, seront probablement examinés une fois celle-ci et le Parlement européen renouvelés. Nous ne pouvons donc pas espérer une mise en œuvre de ces textes avant 2017-2018. Or la crise nous impose d’envoyer dès maintenant un signal fort à la finance et au système bancaire, ainsi qu’aux déposants et aux épargnants. Il fallait donc agir sans tarder. C’est la raison pour laquelle la France a pris les devants et n’a pas souhaité attendre que la Commission européenne intervienne.

Nous sommes souverains pour décider de ce que nous voulons faire en matière de séparation des activités spéculatives des activités bancaires utiles à l’investissement et à l’emploi. Cela correspond à un engagement du Président de la République, mis en œuvre au travers de l’article 1er du présent projet de loi, qui prévoit qu’« il est interdit aux établissements de crédit, compagnies financières et compagnies financières holding mixtes, dont les activités de négociation sur instruments financiers dépassent des seuils définis par décret en Conseil d’État, d’effectuer autrement que par l’intermédiaire de filiales dédiées à ces activités les opérations suivantes […] ». L’engagement est donc tenu.

François Hollande avait également annoncé qu’il interdirait aux banques françaises d’exercer dans les paradis fiscaux. Là encore, des engagements sont pris : dès 2013, les banques françaises auront l’obligation de faire la transparence sur toutes leurs activités, pays par pays, y compris dans les paradis fiscaux.

À l’heure où nous parlons, Chypre est confrontée à une grave crise. L’économie de ce pays, entré dans la zone euro en 2008, alors que Nicolas Sarkozy était Président de la République, est très particulière, puisque les actifs des banques représentent à peu près huit fois le PIB. En outre, 45 % des déposants ne sont pas des résidents. Nombre d’entre eux sont des citoyens russes. L’exemple chypriote illustre bien la nécessité de mieux réguler les activités bancaires et de poser des exigences fortes à l’égard des pays qui ont une politique fiscale accommodante, pouvant mener à des pratiques douteuses.

François Hollande avait en outre déclaré qu’il interdirait les produits toxiques qui enrichissent les spéculateurs et menacent l’économie : tel est l’objet de l’article 11 ter du projet de loi, qui tend à encadrer les conditions d’emprunt des collectivités territoriales et de leurs groupements. De surcroît, le projet de loi vise à étendre les pouvoirs de l’ACPR pour interdire la commercialisation de ce type de produits.

En ce qui concerne les stock-options, l’article 7 de la dernière loi de finances les a soumis au barème de l’impôt sur le revenu. Par ailleurs, en matière d’imposition des bonus, la loi de finances pour 2013 a instauré une nouvelle tranche pour surtaxer les salaires les plus élevés servis dans le secteur financier. Je rappelle que, de plus, un projet de loi relatif à l’encadrement des pratiques de rémunération et à la modernisation de la gouvernance des entreprises est en préparation.

En ce qui concerne la taxation des bénéfices des banques, nous avons doublé la taxe pour risque systémique dès le projet de loi de finances rectificative de 2012. Elle a rapporté 500 millions d’euros.

Quant à l’instauration d’une taxe sur les transactions financières, son principe a été validé par onze pays lors du Conseil Ecofin. Nous avons élargi l’assiette de cette taxe, ce qui a permis d’augmenter son rendement, pour la France, de 400 millions d’euros.

Enfin, la création de l’agence publique européenne de notation – il s’agit là encore de l’engagement n° 7 du Président de la République – fera l’objet, à l’échelon européen, de l’élaboration d’un rapport, sur l’initiative de la France.

La mise en œuvre des engagements pris par le Président de la République dans le discours structurant du Bourget est donc d’ores et déjà très avancée. C’est pour moi un grand honneur de pouvoir le dire aujourd’hui devant vous.

M. Vaugrenard a évoqué l’activité de tenue de marché. L’Assemblée nationale a déjà amélioré le texte du Gouvernement sur ce point, en adoptant un amendement qui précise que c’est bien le régulateur, et non les banques, qui aura en main les outils pour faire le tri entre le bon grain et l’ivraie. De surcroît, a été donné au ministre de l’économie le pouvoir de limiter les montants des opérations de tenue de marché conservées par les banques. Cela étant, nous sommes bien évidemment ouverts aux propositions du Sénat sur ce sujet.

M.Soilihi et Mme Dini, dont je salue la contribution, ont évoqué la protection des consommateurs. Le projet de loi manifeste la volonté de protéger les plus vulnérables d’entre eux, notamment en matière d’effectivité du droit au compte ou de lutte contre le surendettement. Des efforts considérables sont faits en vue de proposer des moyens adaptés de paiement aux consommateurs les plus vulnérables, d’introduire de la concurrence et de la transparence dans le domaine des assurances obligatoires liées au crédit immobilier. J’ajoute que le projet de loi relatif à la consommation que j’aurai l’honneur de défendre très bientôt devant vous pourra utilement compléter ces dispositions, notamment si vous jugez utile d’aller plus loin en matière de transparence des frais bancaires ou de plafonnement des commissions d’intervention, domaines dans lesquels beaucoup a pourtant déjà été fait.

Je voudrais remercier, au nom du Gouvernement, le président Marini pour son intervention, tout au moins une partie de celle-ci.

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