Élément pivot du texte, l’article 1er appelle plusieurs observations de notre part.
Le simple examen du dispositif de l’article, fondé sur la filialisation des activités spéculatives et dites d’investissement, et de la liste des amendements déposés ne laisse aucun doute quant à l’importance du sujet.
Le fait que plus de quarante amendements portent sur cet article montre bien que le travail accompli par l’Assemblée nationale doit être approfondi, notamment parce que la notion de market making ou de tenue de marché demeure équivoque : tout le débat a montré qu’elle pouvait servir de paravent commode à des opérations dont l’utilité, du point de vue du financement de l’économie, est parfois assez douteuse, mais dont le caractère spéculatif est, en revanche, beaucoup plus clairement établi.
C’est peu dire que l’article 1er, tel qu’il a été adopté par nos collègues de l’Assemblée nationale, a attiré les commentaires les moins positifs quant aux objectifs du projet de loi, émanant d’analystes de tous horizons. Nous avons souligné, lors de la discussion générale, la position de Mme Scialom, mettant directement en question le titre même du projet de loi, en raison du contenu de l’article 1er, mais nous pouvons citer d’autres exemples.
Ainsi, permettez-moi de vous donner lecture d’une dépêche diffusée en ligne, le 20 février dernier, par Dow Jones, qui est, outre un indice boursier, un site d’information financière extrêmement intéressant :
« Le projet de réforme bancaire, qui obligerait les banques à cantonner une partie de leurs activités de banque d’investissement dans une entité séparée, n’affecterait qu’environ 1 % du produit net bancaire de Crédit agricole SA, a déclaré mercredi à la radio le directeur général de l’établissement, Jean-Paul Chifflet.
« Ce projet de loi a été adopté mardi par l’Assemblée nationale. Cette réforme, exposée en détail en novembre par le ministre des finances Pierre Moscovici, contraindrait les banques françaises à transférer leurs activités spéculatives au sein d’une entité financée séparément et interdirait certaines activités telles que le trading haute fréquence et certaines formes de trading sur les matières premières. »
Je pourrais également citer ici l’échange, rapporté par l’hebdomadaire Marianne, qui s’est tenu lors de la présentation du projet de loi devant la commission des finances de l’Assemblée nationale, à l’occasion de l’audition de dirigeants de nos grands établissements de crédit.
Interrogé sur la part des activités des banques destinée à être filialisée, « Frédéric Oudéa, le P-DG de la Société générale, plus décomplexé sans doute que ses collègues, lâche l’aveu qui tue : “ Cela représente entre 3 et 5 % de nos activités de banque de financement et d’investissement, qui représentent elles-mêmes 15 % des revenus totaux de la banque. ” Autrement dit, 0, 75 % des revenus annuels de sa banque, c’est-à-dire rien. Karine Berger pousse les feux : “ Alors cela veut dire que 99 % de vos activités ne seront pas concernés par la loi ? ” Réponse embarrassée de Frédéric Oudéa: “ Ce sera au superviseur d’en décider, moi je n’en sais rien. ” »
Marianne conclut en ces termes : « Voilà l’aveu : la loi bancaire préparée par Bercy aura l’effet du mercurochrome sur une jambe de bois. Elle impactera moins de 1 % de l’activité bancaire. Une goutte d’eau dans l’océan des profits bancaires. »
Pour ce qui nous concerne, l’ensemble des amendements que nous avons déposés sur l’article 1er relèvent d’une ligne directrice claire et précise : marquer au maximum la séparation entre activités spéculatives et financement réel de l’économie.
Reconnaissons d’emblée que notre démarche est sous-tendue par l’objectif de créer les conditions de la dévitalisation de la « banque pour la banque », de la « finance pour la finance », d’enrayer le développement continu d’un cancer qui gagne l’ensemble de la sphère économique à mesure de l’émergence de produits dérivés toujours plus sophistiqués, toujours plus nombreux, de mettre un terme à la déconnexion toujours plus évidente entre les exigences de rentabilité sans cesse accrues du monde de la finance et la réalité de l’activité productive.