L’histoire récente a montré que le système financier mis en place ces trente dernières années, libre de poursuivre ses propres finalités et de rechercher le profit maximum, représentait un risque majeur pour notre économie – ce n’est pas contestable ! –, pour la cohérence de notre société et, demain, pour notre démocratie. Les établissements financiers ne courent de surcroît aucun risque, l’État et la collectivité ne pouvant faire autrement que de les sauver de la faillite, dans la mesure où ils sont trop gros pour tomber.
Si elle ne peut à elle seule nous protéger, la disparition des banques bénéficiant, quoi qu’elles fassent, de cette garantie automatique de l’État et du contribuable, au nom de la protection de déposants pris en otages, n’en est pas moins une absolue nécessité. Telle est en tout cas ma conviction.
Autrement dit, il s’agit de séparer les activités de banque de dépôt liées à l’économie réelle – prêts à l’économie, achat et vente de titres acquis dans l’intention de les conserver durablement, activités de couverture d’opérations économiques, etc. – des opérations de marché, qu’elles soient effectuées pour compte propre ou pour tiers, ces deux activités étant indiscernables en pratique.
C’est en effet cette garantie de fait accordée par l’État aux établissements trop gros pour faire faillite qui a permis l’explosion des activités de marché, qui sont devenues les activités essentielles des banques dites « universelles ».
Qu’est-ce qu’une banque universelle aujourd'hui ? C’est une banque commerciale, plus une compagnie d’assurances, plus un casino, plus un bureau de conseil et d’ingénierie financière, plus un gestionnaire d’actifs et même parfois un supermarché vendant divers produits. Une banque universelle, c’est aussi l’institutionnalisation du conflit d’intérêts, les règles prudentielles de l’établissement de crédit orientées vers la protection du déposant s’opposant à la recherche du profit maximum par la banque d’investissement et les teneurs de marchés.
Sur les 9 000 à 10 000 milliards d'euros de bilan cumulé des banques françaises – soit quatre fois le PIB du pays –, de l’ordre de 25 % seulement représentent des prêts à l’économie et aux ménages et environ 10 % des titres obligataires. Telle est, à quelques pourcents près, l’importance des activités de marché en rapport avec l’économie réelle, c'est-à-dire de la contribution des banques à notre appareil productif. Je ne parle pas des transactions sur produits dérivés, dont les montants, qui se chiffrent en milliers de milliards d’euros, ont littéralement explosé ces dernières années.
Le projet de loi faisant passer l’intérêt immédiat des banques françaises avant la stabilité économique, la sécurité des finances publiques et celle des contribuables de ce pays, il évite soigneusement d’opérer une coupure entre banques de dépôt et banques d’investissement. Au final, de 1 % à 2 % seulement des activités de marché devront être cantonnées dans des filiales : autant dire qu’il s’agit d’un texte d’affichage.
Pour faire simple, cet amendement vise à interdire aux établissements de crédit les activités de négociation portant sur les instruments financiers autres que directement nécessaires au fonctionnement des établissements et à la couverture des risques auxquels sont exposées les entreprises non financières dans le cadre de leur activité, ce qui exclut donc l’essentiel des transactions sur les produits dérivés. Il tend à interdire également toutes les opérations d’investissement à caractère spéculatif, notamment pour le compte de hedge funds – le moindre des paradoxes du projet de loi n’étant pas qu’il ne prévoit nullement une telle interdiction.
Il s'agit donc de réserver les activités interdites aux compagnies financières, à leurs filiales ou à celles d’une holding dédiée. Cela ne signe pas la fin des banques d’investissement dans notre pays : simplement, elles ne bénéficieront plus de la garantie de l’État. Elles mèneront leurs activités à leurs risques et périls.
Je terminerai en citant le Président de la République.