Intervention de Pierre Moscovici

Réunion du 20 mars 2013 à 21h30
Séparation et régulation des activités bancaires — Article 1er, amendement 202

Pierre Moscovici, ministre :

Au fond, il y a là deux familles d’amendements : la première porte sur le trading à haute fréquence et la seconde sur les produits dérivés de matières premières.

S’agissant du trading à haute fréquence, la pratique des acteurs des marchés financiers repose presque exclusivement aujourd’hui sur une assistance par des ordinateurs chargés de faire fonctionner des algorithmes à grande vitesse. Ce sont l’organisation et le fonctionnement même des marchés qui la rendent nécessaire. Il s’agit de modalités opérationnelles, qui ne sont pas, en elles-mêmes, mauvaises.

Ce qui est nuisible, en revanche, c’est ce qu’on appelle le trading à haute fréquence. Il s’agit de stratégies particulières et très sophistiquées d’arbitrage visant, en utilisant des transactions au millième de seconde, à dégager un profit sans apporter de bénéfice pour le marché. Telle est la définition qu’il convient d’en donner.

Ces pratiques spéculatives brouillent le marché et peuvent perturber gravement son fonctionnement. C’est bien cela que le Gouvernement entend réguler et, dans toute la mesure du possible, interdire.

La définition fournie par le code général des impôts ne doit pas être remise en cause. Vos amendements conduiraient à élargir largement le champ de l’interdiction à l’essentiel des activités de trading, ce qui n’a jamais été l’objectif recherché et irait beaucoup trop loin.

J’ajoute que plusieurs amendements adoptés à l’Assemblée nationale et par la commission des finances du Sénat sont de nature à répondre aux questions que vous soulevez.

Ainsi, la définition de la tenue de marché a été strictement encadrée ; l’adoption d’un amendement a permis de renforcer les pouvoirs de contrôle de l’AMF ; un autre vise la sanction des tentatives d’abus de marché ; M. le rapporteur Yung a introduit l’obligation, pour les plates-formes de négociation, de se doter des moyens de faire face à ce type de transactions ; enfin, l’amendement n° 202 déposé par Mme Espagnac, sur lequel j’émettrai un avis favorable au moment de son examen, tend à parfaire ce dispositif déjà très complet.

Dans ces conditions, la discussion ayant déjà eu lieu devant la commission des finances, laquelle a considérablement amélioré les choses et trouvé un bon équilibre, je vous demande, mesdames, messieurs les sénateurs, de bien vouloir retirer ces amendements. À défaut, je me verrai contraint d’émettre un avis défavorable.

Quant aux amendements relatifs au négoce sur matières premières agricoles, auxquels je suis défavorable, ils visent à étendre les interdictions applicables à la filiale en matière de produits dérivés de matières premières agricoles, en interdisant toute opération, sauf à faire la preuve qu’elle assure la couverture d’un risque économique.

L’objet principal des transactions à terme sur les matières premières est de faciliter le transfert de risque des agents cherchant à se couvrir contre les fluctuations de cours vers des agents prêts à assumer ce risque. Ces derniers sont des opérateurs financiers qui sont nécessaires au bon fonctionnement du marché et dont l’intervention n’est pas, en soi, néfaste.

L’interdiction générale que vous proposez aurait à mon sens un effet pervers, qui serait de rendre très difficile, voire impossible la poursuite de leurs activités par les banques françaises actives auprès des acteurs de la filière agricole, ce qui n’est pas, manifestement, ce que recherchent les auteurs de ces amendements.

Là encore, le bon niveau de réglementation est européen, dès lors qu’on veut aller au-delà de l’interdiction prévue dans le projet de loi. Les discussions sont en cours dans le cadre de la directive sur les marchés d’instruments financiers. La France y défend une série de mesures ambitieuses pour mieux encadrer les activités sur les marchés dérivés de matières premières agricoles.

Les amendements n° 140 rectifié bis, 230 rectifié et 214 rectifié, déposés respectivement par les groupes socialiste, écologiste et du RDSE, reprennent les dispositions qui sont en cours de discussion à Bruxelles. J’y serai favorable lorsque nous en viendrons à leur examen. Ils permettent en effet la mise en place d’un dispositif très complet de mesures visant à assurer la transparence de ces marchés, leur suivi par l’AMF et l’encadrement des opérations sur ces marchés pour garantir leur bon fonctionnement et éviter les perturbations sur les marchés agricoles qui leur sont liés.

Il me semble que, si l’on arrive à combiner les dispositions de ces différents amendements avec ce qui est déjà dans le texte, on parviendra à renforcer à la fois le contrôle et la régulation, sans pour autant créer une interdiction, qui serait préjudiciable aux acteurs du secteur agricole.

Telles sont les raisons pour lesquelles, sans entrer dans le détail de ces amendements, que j’ai regroupés en deux familles, je demande leur retrait au bénéfice des autres amendements que je viens de citer. À défaut, je me verrai contraint d’émettre un avis défavorable.

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