Intervention de Thierry Foucaud

Réunion du 20 mars 2013 à 21h30
Séparation et régulation des activités bancaires — Article 1er

Photo de Thierry FoucaudThierry Foucaud :

Ensuite, le prix des denrées agricoles, et singulièrement des céréales, a connu, depuis le développement des marchés de vente à terme sur ces produits, une progression continue, alors que le nombre des exploitants avait tendance à se réduire et le revenu des agriculteurs à stagner ou baisser. L’organisation non gouvernementale Oxfam l’a d’ailleurs souligné dans un rapport récent, qui met en question l’attitude de banques telles que BNP Paribas, BPCE Natixis – cette banque d’investissement est désormais juridiquement séparée des activités de détail de BPCE –, le Crédit agricole et la Société générale. Comme par hasard, il s’agit de nos quatre établissements considérés comme « too big to fail », bien qu’ils présentent les caractéristiques du risque systémique, puisqu’ils participent à des fonds d’investissement dont une partie des actifs consiste en produits financiers dérivés de matières agricoles.

Pour aller vite, pendant que les planteurs de bananes du Costa Rica, de Colombie ou de Martinique sont rançonnés, les fonds d’investissement œuvrant sur les matières premières agricoles engrangent des bénéfices destinés à augmenter le rendement de fonds de pension, peut-être ceux des retraités floridiens ! De la même manière, alors qu’une partie des pays d’Afrique subsaharienne souffre d’une couverture insuffisante de leurs besoins alimentaires primaires, la moindre sécheresse temporaire australienne offre l’opportunité d’un relèvement des cours du blé ou du maïs à terme rapproché, ce qui dégage une rentabilité complémentaire pour les fonds d’investissement.

La spéculation peut évidemment toucher d’autres produits, non seulement les céréales, mais aussi, par exemple, les fruits, les agrumes en vrac ou préparations, les produits de l’élevage. Peut-être direz-vous que là n’est pas la question. Mais le problème, selon nous, c’est que la moindre information, la moindre pénurie, qu’elle soit potentielle ou avérée, est l’occasion de dégager un profit complémentaire. Et ce profit, il va au fonds d’investissement, non au producteur !

La France doit clairement donner l’exemple, en se refusant à laisser pratiquer cette spéculation sur la faim, qui accompagne, comme notre collègue Desessard l’a dit tout à l’heure, les fonds souscripteurs de produits financiers dérivés ou, plus encore peut-être, de produits purement indiciels dans le droit fil des activités notamment du MATIF, le Marché à terme des instruments financiers de la Bourse de Paris, ce lieu où se déroule une bonne part des transactions sur matières agricoles.

Il nous semble, d’ailleurs, que nous aurions un autre rôle à jouer sur le plan de la santé et de la sécurité alimentaire de l’ensemble des populations de la planète. Et il serait, bien sûr, préférable d’emprunter d’autres voies que celles de la spéculation sur dérivés et indices !

C’est la raison pour laquelle, monsieur le ministre, nous avons proposé cet amendement auquel vous êtes défavorable.

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