Il n'est pas de questions anecdotiques, toutes sont révélatrices. L'interpellation de Mme Rossignol souligne combien cloisonner la gestion des infrastructures et le transport des voyageurs peut aboutir à des situations effectivement aberrantes et inexplicables. Le nouveau président de RFF et moi-même sommes fermement déterminés à unifier le système ferroviaire, dans le respect des règles européennes encore en cours d'élaboration à Bruxelles - les Parlements européen et français auront leur rôle à jouer. Cela dit, une nouvelle loi n'est pas nécessaire pour combattre les comportements trop rigides, tels que ceux exposés par Mme Rossignol.
La dette de la SNCF s'est réduite d'un milliard d'euros en 2012 ; la question porte davantage sur celle de RFF et, à l'avenir, sur celle du système ferroviaire unifié. Sans trahir les intentions du Gouvernement, je peux affirmer que la stabilisation sera une étape indispensable avant la diminution. Nous ferons, avec RFF, des propositions de performance au Gouvernement pour neutraliser la progression de la dette. Cela suppose toutefois que la commission présidée par M. Philippe Duron sur le schéma national des infrastructures de transport, le SNIT, présente un projet raisonnable sur les LGV. Nous ne pourrons pas à la fois rattraper le retard en Île-de-France, moderniser le réseau classique et développer les LGV. Mais ces choix ne relèvent pas de la SNCF, ils appartiennent au Gouvernement et au Parlement.
Le cadre social harmonisé, sur lequel MM. Teston et Capo-Canellas m'ont interrogé, est une question clé. La coexistence de deux régimes différents, pour les mêmes métiers, exercés au même moment, sur un même réseau, n'est pas tenable. De deux choses l'une : soit l'entreprise s'aligne sur les coûts du privé et vend à perte, soit elle reflète la réalité de ses coûts et perd des marchés, mettant son avenir en péril. D'où l'importance de négocier un pacte social rénové pour le XXIe siècle. J'ai dit aux organisations de cheminots que la France compte six cents conventions collectives et que, bonne nouvelle, le transport ferroviaire lui en donnerait une six-cent-unième. Dans six cents cas, les négociations ont abouti, pourquoi pas une fois de plus ? Les discussions seront compliquées et longues mais se traduiront par des règles applicables à tous. Les syndicats ont parfaitement conscience qu'il y va de l'avenir de l'entreprise.
Grâce à l'enveloppe de 400 millions d'euros pour le renouvellement du matériel, annoncée par le Gouvernement, nous engagerons la modernisation des trains d'équilibre du territoire et le remplacement d'un millier de rames Corail par des rames modernes. Cela prendra des années mais le mouvement est engagé. Sur les grandes lignes, celle des Volcans reliant Paris à Clermont-Ferrand et celle du Capitole reliant Paris à Toulouse via Orléans et Limoges, je propose, à défaut de LGV, de faire rouler des TGV sur les lignes classiques, pour y améliorer le service et le confort des voyageurs.
Monsieur Grignon, la sécurité est une de nos priorités. Les incidents qui ont eu lieu à Grigny le week-end dernier relèvent de la police nationale. La SNCF n'a pas à se substituer aux forces de l'ordre ni à la justice. En revanche, elle met tout en oeuvre pour la prévention des actes délictueux : affectation de 2 500 cheminots à la Surveillance Générale, achèvement du plan de vidéo-protection décidé il y a quatre ans, soit 25 000 caméras réparties entre trains et gares. Nous développons également l'accueil-embarquement, qui inclut la vérification des billets. Concernant la grande vitesse, il est question d'inaugurer quatre lignes entre 2017 et 2018. Au-delà, la priorité absolue sera d'entretenir et d'améliorer le réseau existant, les lignes saturées ou insuffisamment robustes. La transparence avancera avec la présentation de comptes par ligne, je m'y suis engagé auprès des présidents de région ; un rapport du délégataire, à l'instar de la pratique dans les services urbains ; enfin, un tableau de bord mensuel grâce auquel les élus apprécieront facilement les coûts et les bénéfices des services qu'ils développent.
Madame Masson-Maret, les risques psychosociaux représentent un sujet extrêmement sensible en temps de crise, nous le prenons très au sérieux. Nous le traitons par la formation de nos managers, la conclusion d'accords avec les organisations du personnel ; et nous avons la chance d'avoir une médecine du travail en interne qui intervient auprès des salariés. Éviter un passage à l'acte qui rejaillirait sur tout le corps social, voilà ma préoccupation quotidienne.
Monsieur Cornu, l'ouverture à la concurrence, dont les Parlements français et européen fixeront les modalités et les dates, sera bientôt une réalité. A nous de moderniser l'entreprise historique pour l'y préparer. A mon sens, une concurrence loyale passe par des règles communes pour le ferroviaire entre public et privé, entre la France et les autres pays européens. Ce qui nous ramène au problème du cadre social harmonisé - des amplitudes de travail, des jours de repos et des taquets identiques pour tous - et pose la question d'un alignement des régimes fiscaux et sociaux. Un seul exemple : nos taux de cotisations sociales sont de dix points plus élevés que ceux de nos concurrents des pays voisins. Dans ces conditions, comment remporter des appels d'offres ?
Sur une douzaine de lignes sensibles, huit ou neuf sont complètement tirées d'affaire. En revanche, il faut remettre l'ouvrage sur le métier pour les trajets Paris-Clermont-Ferrand, Paris-Amiens-Boulogne, Paris-Limoges-Toulouse et, à maints égards aussi, Paris-Chartres-Le Mans, sur laquelle le matériel, très ancien, sera renouvelé ; il restera toutefois des progrès à accomplir pour se montrer à la hauteur des attentes.
Monsieur Capo-Canellas, le service rendu aux voyageurs s'améliorera, d'abord, avec l'arrivée de matériels neufs. D'ici la fin de la décennie, la SNCF sera fière d'afficher un taux proche de 100 % de matériels neufs ou rénovés. Les régions, qui ont déjà investi 7 milliards, poursuivront leur effort ; un millier de trains neufs sont en commande. Autre levier : la rénovation des gares avec vingt projets majeurs en cours. Enfin, le plan Perben de rénovation du réseau s'achèvera bientôt. Le ministre nous a demandé de tracer des perspectives pour les années 2015-2020, en ce qui concerne la modernisation de l'existant. Pour l'Île-de-France, mon homologue Pierre Mongin et moi-même, résolus à mettre un terme à la guéguerre stupide entre la RATP et la SNCF, avons progressivement unifié la gestion des grandes lignes communes : nous nous attaquons cette année à la ligne B, restera la ligne A. La réforme ferroviaire comportera une organisation plus intégrée en Ile-de-France, entre voies et trains.
Pour davantage de fret en Europe de l'Ouest, la France doit réserver clairement la route aux courtes distances et le transit européen au rail. L'Autriche, un pays libéral, l'a décidé il y a trente ans ; seuls les camions qui desservent le pays sont autorisés à entrer, les autres doivent prendre le train. Résultat, le fret ferroviaire y détient 38% des parts de marché. Deuxième condition, consacrer une partie de l'investissement au transport de marchandises. Le plan Borloo de 2008, doté de 7 milliards d'euros, se concrétise progressivement avec, par exemple, la réalisation du contournement de l'agglomération lyonnaise par les trains de marchandises. Enfin, nous devrons nous attaquer à une contradiction flagrante entre la dérégulation sociale pour la route, et l'hyper-régulation du ferroviaire. Comment lutter ?