Intervention de Vincent Delahaye

Réunion du 21 mars 2013 à 15h00
Séparation et régulation des activités bancaires — Article 4 nonies nouveau

Photo de Vincent DelahayeVincent Delahaye :

N’ayant pas pu prendre la parole au début de l’examen du titre Ier bis, je souhaite intervenir avant que nous passions au titre II.

Ce projet de loi me laisse perplexe. Les objectifs affichés sont alignés sur les promesses de campagne : « Il faut tordre le cou à la finance, la mettre à genoux », « Notre ennemi invisible, c’est la finance », etc. Or la réalité du projet est très éloignée de ces déclarations.

Le talon d’Achille de ce texte est le titre Ier, censé pourtant en être le cœur. Il a pour objet de séparer les activités bancaires utiles à l’économie des activités spéculatives. Mais la montagne a accouché d’une souris… Le lobby bancaire a joué efficacement son rôle ! Vous avez réfléchi, nous avez-vous dit, monsieur le ministre, et d’un projet de séparation nous sommes passés à un projet de cantonnement, à travers la création d’une filiale d’un nouveau type puisque les maisons mères sont normalement responsables des filiales et que, en l’occurrence, ce ne sera plus le cas.

Certains regrettent la minceur du résultat au regard des annonces faites, d’autres s’en félicitent. Je fais plutôt partie de la deuxième catégorie, car je n’ai jamais été partisan d’une séparation idéologique des activités bancaires et d’un affaiblissement de notre industrie bancaire. Je me réjouis donc que le Président de la République ne tienne pas son engagement et que la réforme bancaire reste bien en deçà des promesses de campagne.

J’en viens à quelques remarques s’appuyant sur mon engagement européen.

Je soutiens le Gouvernement dans sa participation à la mise en place d’une union bancaire européenne, mais je ne souhaite pas que la France fasse cavalier seul.

Selon moi, sur le sujet qui nous intéresse, à savoir les mesures à prendre pour éviter d’être de nouveau surpris par une crise majeure du système bancaire, il faut « jouer collectif ». Sous l’impulsion du G20, un travail considérable de renforcement de la régulation prudentielle des banques a été entrepris depuis 2008. Il faut le poursuivre dans un cadre européen. Le rapport Liikanen devrait être suivi d’une directive sur la réglementation bancaire, qu’il nous faudra transposer. Il m’aurait semblé logique d’attendre cette transposition pour modifier notre législation.

Le projet de loi que vous nous présentez, monsieur le ministre, est-il de nature à empêcher tout nouveau problème ?

Ce texte ne protège en rien la communauté nationale des dérives de la finance de marché. Pire : affirmer qu’il y a séparation dans ce cas est un faux-semblant, qui crée un sentiment illusoire de sécurité. C’est très dangereux !

Le critère choisi par le Gouvernement pour établir la frontière entre les activités pouvant rester du côté des dépôts et celles devant être filialisées peut sembler à première vue de bon sens : activités utiles au financement de l’économie versus activités spéculatives. Les apparences sont ici trompeuses.

L’utilité est définie comme le fait d’avoir un client. Avec ce critère « mou » retenu par le Gouvernement, quand une banque structure un produit complexe de spéculation sur matières premières agricoles et le vend à un client, quel qu’il soit et où qu’il se trouve, cette opération est du côté des dépôts. Elle bénéficie donc de facto de la garantie publique. De la même manière, l’immense masse des opérations sur dérivés reste du côté des dépôts.

Le projet de loi présenté filialise une part infime des activités des banques. Certains parlent même de moins de 1 % du bilan des banques, voire de 0, 1 %. Ce n’est pas pour rien qu’aucun chiffre ne figure dans l’étude l’impact !

Pourtant, depuis 2008, qu’est-ce qui a coûté cher aux contribuables français ? C’est la faillite de Dexia, dont les conséquences financières ne sont pas encore connues, mais se chiffrent en milliards d’euros.

L’État actionnaire est loin d’être toujours à la hauteur de ses responsabilités. L’État propriétaire ne fait malheureusement pas mieux. Et l’on peut en dire autant, bien souvent, de l’État employeur !

J’aimerais vous entendre, monsieur le ministre, sur les améliorations que vous envisagez d’apporter sur ces points. À quand les réformes nous mettant à l’abri des gros pépins ?

En attendant, je m’abstiendrai sur ce texte. D’un côté, il apporte sans doute des améliorations, mais, de l’autre, il ne s’inscrit pas dans un travail collectif européen, ce que je regrette. Il donnera le sentiment aux Français que tout est réglé dans le secteur bancaire – ce qui est loin d’être le cas –, et c’est ce que je redoute !

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