Séance en hémicycle du 21 mars 2013 à 15h00

Résumé de la séance

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La séance

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La séance, suspendue à douze heures cinquante, est reprise à quinze heures, sous la présidence de M. Jean-Pierre Bel.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Bel

L’ordre du jour appelle les questions cribles thématiques sur l’Europe de la défense.

Mes chers collègues, je vous rappelle que l’auteur de la question et le ministre, pour sa réponse, disposent chacun de deux minutes. Une réplique d’une durée d’une minute au maximum peut être présentée soit par l’auteur de la question, soit par l’un des membres de son groupe politique.

Je vous rappelle également que ce débat est retransmis en direct par Public Sénat, ainsi que par France 3, et qu’il importe que chacun des orateurs respecte son temps de parole.

La parole est à Mme Leila Aïchi.

Debut de section - PermalienPhoto de Leila Aïchi

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le traité de Maastricht est supposé avoir instauré la politique extérieure et de sécurité commune, le traité de Lisbonne, la politique de sécurité et de défense commune, à l’instar des accords de Lancaster House, du Triangle de Weimar ou du projet Weimar plus, qui étaient censés ouvrir la voie à une défense à l’échelle européenne.

Chaque année, la France investit 5 milliards d’euros, soit près de 30 % du budget d’équipement de ses armées, dans des coopérations d’armement en Europe. Pour autant, où en est l’Europe de la défense ?

L’absence de l’Europe dans le conflit qui se déroule au Nord-Mali est symptomatique et a été très justement résumée ainsi par Daniel Cohn-Bendit : « On dit aux Français : on va vous donner les infirmières et allez vous faire tuer au Mali. »

Sans doute, la réintégration de la France dans l’OTAN nous a-t-elle éloignés d’une Europe autonome et forte puisque, comme l’a rappelé l’ancien chef d’état-major des armées, le général Bentégeat, « l’OTAN a un effet direct sur les budgets militaires européens ».

Monsieur le ministre, à l’heure des restrictions budgétaires, seule une volonté politique forte, associée à une vision stratégique, peut porter l’Europe de la défense. Plus nous tardons à construire cette dernière, moins nous serons efficaces face aux risques et menaces bien réels que sont le trafic d’armes conventionnelles et chimiques, le trafic de drogue, les trafics affectant la biodiversité, le dérèglement climatique, l’afflux de réfugiés qui y est lié, les catastrophes naturelles, le terrorisme, la cybercriminalité.

Aujourd’hui, il est question de fixer un seuil minimal de 1, 5 % du PIB pour le budget de la défense française. Monsieur le ministre, c’est à l’échelon européen qu’il faut se donner les moyens d’assurer notre défense, quitte à y consacrer 2 % du PIB : 1 % pour la défense nationale et 1 % pour l’Europe de la défense.

La construction de cette Europe de la défense pourrait être l’occasion de proposer une nouvelle approche de la gestion des conflits, prenant en compte la dimension environnementale des crises actuelles.

La raréfaction des ressources, l’accroissement de la demande énergétique, les changements climatiques ont des conséquences sociales et économiques qui auront nécessairement un impact majeur sur les relations internationales. Le développement durable est aujourd’hui « la » donnée stratégique que nous devons intégrer dans notre réflexion sur la défense. L’ignorer serait une suprême erreur.

Monsieur le ministre, ces éléments doivent nous conduire à réorienter notre réflexion.

À plusieurs reprises, j’ai eu l’occasion d’interpeller le Gouvernement sur ce que j’appelle l’« écologisation de la défense », en particulier sur l’adaptation de certaines missions de l’armée.

Après la smart defence et la soft defence, la France doit être leader pour porter, au sein de l’Europe, la green defence.

Debut de section - PermalienPhoto de Leila Aïchi

Monsieur le président, je renonce à ma réplique, mais permettez-moi d’achever mon propos.

Debut de section - PermalienPhoto de Leila Aïchi

Lors de son allocution devant le Parlement européen, le président Hollande a affirmé : « Il est temps d’en finir […] avec la dispersion des initiatives » parce que « l’Europe doit parler d’une voix ».

En conséquence, monsieur le ministre, quels efforts concrets le Gouvernement mène-t-il pour relancer l’Europe de la défense ? À quand une green defence européenne ?

Debut de section - Permalien
Jean-Yves Le Drian

Madame la sénatrice, je partage votre enthousiasme pour la construction de l’Europe de la défense. Toutefois, avant de formuler quelques observations à ce sujet, je voudrais m’inscrire en faux contre l’idée selon laquelle la France serait seule à combattre au Mali, le reste de l’Europe se contentant d’y dépêcher des infirmières. Bien sûr, il y avait une part de provocation dans la phrase que vous avez citée, mais la réalité n’est pas celle-là.

Aujourd’hui, vingt-deux pays européens participent à la mission de formation et de reconstitution de l’armée malienne dont l’Union européenne a pris l’initiative. Cette mission, mise sur pied rapidement, commencera ses actions de formation dès la semaine prochaine.

De surcroît, plusieurs pays européens nous ont apporté leur soutien logistique, que ce soit la Grande-Bretagne, le Danemark, l’Espagne, l’Italie, l’Allemagne, la Belgique. Vous le constatez donc : la France n’est pas seule au Mali.

Pour autant, vous avez raison de souligner que l’Europe de la défense est encore en friche. La décision, prise par le président Van Rompuy, d’organiser un Conseil européen sur la défense à la fin de l’année afin de relancer l’Europe de la défense est une bonne initiative. Nous nous y préparons activement. J’espère que, à l’issue de ce sommet, seront entreprises à cette fin des actions nouvelles et fortes.

Quant à votre volonté de consacrer 1 % du PIB au budget de la défense nationale et 1 % à l’Europe de la défense, je ne peux qu’en saluer l’optimisme. Cependant, je dois vous faire observer que la participation de la France à l’Europe de la défense, que ce soit au titre de l’Union européenne ou du pilier européen au sein de l’OTAN, passe avant tout par nos propres capacités de défense. En d’autres termes, même si votre souhait est tout à fait louable, la répartition de notre effort entre la défense nationale et l’Europe de la défense ne peut être envisagée selon la formule que vous préconisez.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Chevènement

Monsieur le ministre, nous connaissons votre attachement à la défense, non seulement à l’outil militaire, mais aussi à la condition des hommes. Vous avez su montrer votre proximité avec nos soldats en vous préoccupant directement des questions les plus matérielles. Je pense au retard de paiement des soldes ou encore à vos visites sur le terrain, notamment dans l’Adrar des Ifhogas.

Nombreux, sur ces travées, sont ceux qui connaissent la situation budgétaire très préoccupante de la défense face à l’ampleur des coupes envisagées par le ministère du budget. Quasi unanimement, le Sénat vous soutient, estimant qu’il n’est pas possible de relâcher l’effort de défense, au point de le faire descendre en dessous de 1, 5 % du PIB, soit environ 31 milliards d’euros par an, sans compromettre définitivement l’indépendance et la qualité de notre outil de défense.

Nos soldats, avec peu, font merveille au Mali. Je salue leur professionnalisme, leur courage, leur esprit de sacrifice. En raison de leur action, ils ont évité que le Mali ne devienne un sanctuaire d’Aqmi. L’intervention décidée par le Président de la République, François Hollande, correspond à l’intérêt non seulement de la France, mais aussi de l’Europe.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Chevènement

Or celle-ci n’apporte qu’un soutien modeste à l’armée française engagée sur le terrain, de même qu’à la mission de formation EUTM, dont 40 % à 50 % des missions et des charges sont supportés par la France.

Monsieur le ministre, au mois d’octobre dernier, devant l’Assemblée nationale, vous avez indiqué : « Les contraintes budgétaires représentent peut-être une chance pour l’Europe de la défense, car il faut éviter que l’Europe ne connaisse un déclassement stratégique. »

Nous serions prêts à vous suivre sur ce terrain si, toutefois, un effort accru de coopération et de mutualisation était entrepris, sans préjudice, bien entendu, pour notre autonomie de décision.

Or quelles sont les coopérations industrielles et technologiques nouvelles qui, depuis l’automne dernier, sont venues s’ajouter – je dis bien : « s’ajouter » – à celles qui sont déjà engagées et qui ne couvrent qu’un champ très limité ? Je veux citer : le programme MRTT, relatif aux avions multirôle de ravitaillement en vol et de transport, dont les premières commandes sont inscrites au budget de 2013 ; l’avion de transport militaire A400M, déjà commandé à cinquante exemplaires et dont la première livraison devrait intervenir à la fin de cette année ; les drones, dont le Watchkeeper – à quel horizon sera-t-il effectif ? – ; les missiles PAAMS pour les frégates anti-aériennes et les missiles air-air de longue portée METEOR, déjà commandés à deux cents exemplaires ; le projet franco-britannique de missile antinavire léger, dont nous aimerions savoir s’il est maintenu et financé ; le programme MUSIS ; les radios logicielles militaires.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Bel

Je vous rappelle, mon cher collègue, que nous avons des contraintes de temps !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Chevènement

Ma question est simple, monsieur le ministre : à ces coopérations déjà engagées, quelles autres sont venues s’ajouter ? Les crédits nécessaires à la mise en œuvre de ces programmes seront-ils sauvegardés, sanctuarisés, dans notre pays comme chez nos partenaires ? Les démarches ont-elles été entreprises en ce sens ?

Il y a un moment où les mots doivent recouvrir une réalité, sauf à dire que la constitution d’une défense européenne ne peut être qu’une perspective à très long terme, insusceptible de résoudre les problèmes de l’immédiat. Alors, nous devons compter sur nous-mêmes !

Telles sont, monsieur le ministre, les questions auxquelles nous aimerions obtenir des réponses précises.

Debut de section - Permalien
Jean-Yves Le Drian

Monsieur le sénateur, je m’associe à l’hommage que vous avez rendu aux soldats français qui mènent à l’heure actuelle, et encore cette nuit à Tombouctou, une action exemplaire au Mali. Ils témoignent de leur courage et de leur savoir-faire tactique et militaire. Le soutien de l’ensemble de la nation à cette intervention est important tant pour leur moral que pour leur dynamisme.

Je voudrais vous remercier plus généralement, mesdames, messieurs les sénateurs, de l’extrême vigilance dont font preuve les groupes politiques du Sénat au moment de la préparation des conclusions du livre blanc et du futur projet de loi de programmation militaire. Vous êtes très vivement attachés à ce que les crédits consacrés à la défense militaire française restent autour de 1, 5 % du produit intérieur brut, et croyez bien que j’apprécie cette position.

J’en viens, monsieur Chevènement, à la question que vous m’avez posée sur les futures coopérations à l’échelon européen, après avoir dressé une liste des coopérations en cours. Il est vrai que la mutualisation et la coopération sont tout à fait essentielles. Certes, depuis le début de l’année, aucun nouveau projet n’a été concrètement conclu. Cependant, des avancées notables doivent être relevées dans deux ou trois domaines, en particulier dans ceux des drones et des chasseurs de mines, qui nous donnent à penser que nous pourrons déboucher sur des conclusions assez rapidement.

Par ailleurs, le champ des coopérations engagées n’est pas limité. Vous avez dressé une liste d’équipements, qui, ajoutés les uns aux autres, correspondent à peu près à 30 % des investissements réalisés en France, hors dissuasion. C’est un signal important, qui montre que l’Europe de l’industrie de la défense est en route, même si elle est avance d’un pas trop lent à nos yeux.

Lors de la préparation du prochain budget et de l’élaboration du projet de loi de programmation militaire, nous ferons tout pour préserver les contractualisations que nous avons passées avec nos voisins européens, tant pour notre propre sécurité que pour la leur.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Bel

La parole est à M. Jean-Pierre Chevènement, pour la réplique, bien que le temps censé être consacré à celle-ci soit d’ores et déjà épuisé. Je présente d’ailleurs mes excuses à Mme Aïchi, qui a, elle, renoncé à sa réplique.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Chevènement

Monsieur le ministre, il y a un seuil en dessous duquel nous ne pouvons pas descendre : 1, 5 % du PIB. Je suggère que le surcroît de l’effort de défense opéré par la France par rapport à la moyenne européenne – soit 0, 5 % de PIB – vienne en déduction du plafond de déficit autorisé depuis Maastricht, soit 3 % du PIB.

En dessous de 1, 5 %, il y aurait rupture de l’équilibre entre la France et l’Allemagne. Le président Hollande en est certainement conscient. Nous disposons là d’un avantage comparatif dont nous ne pouvons pas nous défaire !

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Paul

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le Premier ministre a annoncé récemment que des coupes budgétaires substantielles étaient indispensables afin de réduire notre déficit public, conformément aux exigences de la Commission européenne de le ramener en dessous de 3 % du PIB. Ces coupes sont évaluées à près de 5 milliards d’euros.

Manifestement, tous les ministères seraient concernés par ce plan d’économies et le budget de la défense ne serait pas épargné. On parle ainsi de le ramener de 1, 56 % à 1, 1 % du PIB. C’est sans précédent !

Cela provoque de nombreux remous au sein de nos armées, voire le désarroi aussi bien de nos militaires que des personnels civils et de l’industrie de la défense. Ce serait absolument catastrophique !

Dans l’hypothèse d’un tel scénario, comment ne pas s’interroger sur le maintien de la capacité opérationnelle de nos armées ? Accomplir leurs missions deviendrait tout bonnement impossible ! Et les fondements mêmes de la défense nationale, voire de notre indépendance, seraient remis en question ! Ce serait insensé ! Nous n’aurions plus d’armée !

Par ailleurs, la France est intervenue au Mali sous couvert de l’ONU, avec, me semble-t-il, le feu vert des vingt-six autres pays de l’Union européenne.

Alors que Bruxelles demande instamment à la France de ramener son déficit public à moins de 3 % du PIB, alors que la France est le seul pays européen à avoir engagé des troupes au sol, pour préserver notre pays d’actes terroristes, certes, mais aussi l’Europe dans son ensemble, ne considérez-vous pas, monsieur le ministre, que la France doit exiger que cette dépense militaire figure hors contingent des déficits publics ou, à tout le moins, bénéficie d’un traitement particulier quant à son déficit ?

Nos partenaires européens doivent comprendre qu’on ne peut pas avoir l’armée française et la gratuité de l’armée française. Notre armée a un coût, il faut en accepter les conséquences !

Le ministère de la défense pourrait ainsi être épargné par les coupes budgétaires prévues, ce qui lui permettrait de poursuivre efficacement sa mission en préservant ses matériels, ses personnels civils et militaires et, bien entendu, notre industrie de défense. C’est aussi une question de crédibilité de nos armées, de rayonnement international et de souveraineté de la France.

Debut de section - Permalien
Jean-Yves Le Drian

Monsieur le sénateur, nous sommes effectivement en pleine préparation du livre blanc et du projet de loi de programmation militaire, qui sera soumis aux assemblées à l’automne. Comme toujours en pareille circonstance, avant que les arbitrages soient rendus, il y a des discussions et, inévitablement, la presse se fait l’écho de certains propos, on annonce ici ou là telle ou telle situation particulièrement difficile. J’ai connu ce phénomène lorsque j’étais député ; je l’observe aujourd'hui d’un autre point de vue.

Il importe que nous puissions surmonter une difficulté majeure : pour assurer notre souveraineté, nous devons à la fois maîtriser nos finances publiques et notre dette et conserver une défense cohérente et efficace.

Debut de section - Permalien
Jean-Yves Le Drian, ministre

Ce double impératif se traduit dans les chiffres. C’est la difficulté à laquelle nous nous heurtons en ce moment ; un arbitrage sera rendu dans les semaines à venir.

En tout cas, votre proposition, qui est proche de celle que vient de formuler Jean-Pierre Chevènement, de ne pas intégrer l’investissement de défense – précisément parce qu’il s’agit d’un investissement – dans le calcul des déficits publics au sens des autorités européennes a toute ma sympathie. Cependant, je ne suis pas en situation de pouvoir vous répondre, même si le raisonnement a indiscutablement une cohérence. J’espère que la tenue d’un Conseil européen de défense à la fin de l’année permettra de poser réellement la question de la place de l’investissement de défense dans l’ensemble de la dette des États et d’évaluer son efficacité en termes de sécurité, ainsi que de développement économique. §

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Marie Bockel

Environ 90 % de nos compatriotes adhèrent à l’idée d’une coopération européenne plus étroite en matière de défense. Dans le contexte de crise économique et de réduction des budgets de défense que nous connaissons un peu partout en Europe, le renforcement des capacités militaires de l’Union européenne semble très opportun.

La création de l’Agence européenne de défense, l’AED, en 2004, afin d’harmoniser nos efforts de défense, a constitué une avancée, fondée sur l’idée d’un partage et d’une mutualisation des moyens. Un certain nombre de projets décisifs ont été lancés. Jean-Pierre Chevènement a notamment cité les avions ravitailleurs, dont on mesure actuellement l’utilité ; c’est un exemple positif, et il en faudrait d’autres.

Cependant, l’AED est confrontée à des obstacles persistants. En particulier, son budget reste modeste : il stagne depuis trois ans à un niveau de 30 millions d’euros annuels.

Le renforcement des capacités de l’Union est pourtant primordial à au moins deux titres.

D'une part, l’industrie de défense n’est pas une industrie comme les autres, en raison de sa dimension stratégique. En effet, sans une solide base industrielle et technologique de défense, l’Europe risque fort de voir s’éroder son indépendance stratégique et donc sa capacité d’influer sur la scène internationale, de promouvoir ses valeurs propres, que nous partageons tous.

D'autre part, le potentiel de développement et de création d’emplois du secteur de la défense est considérable ; c’est un point particulièrement important en temps de crise. Il suffit de faire le parallèle avec l’industrie aérospatiale, qui constitue un véritable succès européen, pour se rendre compte de notre potentiel. Je pense également aux nombreuses opportunités dans le domaine de la cyberdéfense, hautement stratégique et qui connaît une croissance exponentielle.

Un Conseil européen de défense se tiendra en décembre prochain. Monsieur le ministre, pouvez-vous nous indiquer – j’associe Yves Pozzo di Borgo, qui suit les enjeux de défense européenne au sein de notre groupe, à ma question – quelles seront les propositions mises sur la table pour améliorer la coopération européenne sur le plan capacitaire ? Comment la France, nation cadre en matière de défense et qui entend le rester – je l’espère en tout cas –, peut-elle soutenir les grands programmes structurants et favoriser les rapprochements industriels ?

Enfin, qu’en est-il du renforcement espéré des moyens matériels et humains de l’AED, dont la directrice est d'ailleurs une compatriote ?

Debut de section - Permalien
Jean-Yves Le Drian

Monsieur le sénateur, je partage votre appréciation sur la situation de l’AED et je m’associe à votre soutien à cette agence, qui est un outil important. C’est non une agence de programme – l’OCCAR, organisme conjoint de coopération en matière d’armement, remplit cette fonction –, mais un outil de coopération capacitaire qui tente de faire converger l’expression des besoins opérationnels des États. Cet outil a apporté la preuve de son efficacité.

Il existe une difficulté, que vous avez signalée : le budget de l’AED reste très modeste, avec seulement 30 millions d'euros par an. En outre, ce budget n’est pas réévalué, alors qu’il devrait l’être pour que l’AED puisse exercer ses compétences et assumer ses missions. En effet, lors de chaque réunion du conseil de l’AED, la représentation britannique bloque toute réévaluation ; je l’ai encore constaté il y a quelques semaines. J’espère que le Conseil européen de défense qui se tiendra en décembre sera en mesure de donner un nouveau souffle à l’AED.

Pour ma part, je souhaite que ce Conseil européen de décembre, qui sera le premier depuis cinq ans à s’occuper des questions de défense, soit l’occasion de prendre l’engagement d’organiser à l’avenir une réunion annuelle pour permettre aux chefs d'État et de gouvernement européens d’aborder les questions de défense. Je souhaite également que nous obtenions une véritable avancée pratique, et non pas théorique, de l’Europe de la défense sur trois points : dans le domaine opérationnel – en particulier sur la manière de gérer les crises –, en matière de partage capacitaire – l’AED peut jouer un rôle essentiel à cet égard –, ainsi que sur la définition du socle de l’industrie et des technologies de défense européennes et des moyens de renforcer nos capacités d’initiative.

Telles sont les bases sur lesquelles nous travaillons aujourd'hui. Nous voulons que ce débat permette de dégager des orientations pragmatiques et efficaces, afin qu’il ne s’agisse pas d’un coup d’épée dans l’eau à un moment donné de l’histoire de l’Europe.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Bel

La parole est à M. Jean-Marie Bockel, pour la réplique.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Marie Bockel

Il existe de belles potentialités en matière de rapprochement de nos industries de défense. J’ai cité l’exemple de la cyberdéfense, qui est en plein développement. Les entreprises européennes gagneraient à travailler ensemble, notamment pour fabriquer certains équipements sensibles.

Je pourrais également citer, dans un secteur plus « rustique », celui des munitions, l’entreprise Manurhin, que je connais bien puisqu’elle est installée à Mulhouse : elle a déjà ouvert son capital à une participation minoritaire slovaque et elle pourrait s’associer avec d’autres entreprises, de Belgique ou d’ailleurs, afin de devenir un fleuron de son secteur.

J’ajoute que notre commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, présidée par Jean-Louis Carrère, a récemment pris l’initiative, appuyée par la quasi-totalité des groupes, de vous soutenir, monsieur le ministre, dans votre bataille pour que notre budget de défense ne descende pas en dessous de 1, 5 % du PIB. Cela me semble extrêmement important, et je voulais profiter de ce débat pour rappeler ma détermination, notre détermination à vous soutenir dans cette bataille qui précède les arbitrages. §

Debut de section - PermalienPhoto de Daniel Reiner

Monsieur le ministre, je voudrais d'abord, au nom de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, vous remercier de votre disponibilité et de celle de vos collaborateurs pour nous rendre compte en permanence des opérations actuellement conduites au Mali.

J’ai deux interrogations à vous soumettre.

Récemment, le Président de la République a participé, à Varsovie, à une réunion préparatoire au Conseil européen de décembre. Il fut question des moyens d’améliorer l’efficacité de la politique de sécurité et de défense commune, la PSDC, de renforcer les capacités militaires européennes et d’accroître, si possible, les performances de l’industrie européenne de défense. C’est sur ce dernier point que porte ma première question.

Nous savons tous que nous ne pourrons plus réaliser de programme d’armement majeur de manière unilatérale. En clair, nous ne construirons plus seuls un avion de combat come nous l’avons fait avec le Rafale. Le risque est que, faute de s’être associés, les Européens – et donc les Français – soient contraints d’acheter leurs appareils hors d’Europe. Cela se ferait évidemment au détriment de notre indépendance stratégique et de notre recherche et développement. Or on constate malheureusement que, à peu près depuis l’an 2000, il n’existe plus aucun programme d’armement majeur qui fasse l’objet d’une coopération. C’est bien dommage !

Ma question sera en même temps une suggestion. L’Europe et la France ont essuyé un échec industriel patent en matière de drones. Des accords ont été passés entre agences d’armement, entre États et entre entreprises industrielles. Nous aurions prévu de faire les drones UCAV avec les Britanniques et les drones MALE avec les Allemands. Tout cela ne me paraît pas très clair. Ne devrait-on pas plutôt lancer un grand programme européen de construction des drones de demain ?

J’en viens à mon second point.

Debut de section - PermalienPhoto de Daniel Reiner

Ce sera en effet très bref, monsieur le président, et je ne répliquerai pas à M. le ministre.

L’Union européenne et les États-Unis discutent actuellement d’un accord de libre-échange. Monsieur le ministre, êtes-vous certain que les industries d’armement ne sont pas concernées ?

Debut de section - Permalien
Jean-Yves Le Drian

Monsieur Reiner, je commencerai par répondre à votre interrogation sur l’accord de libre-échange entre l’Union européenne et les États-Unis, en vue duquel la Commission européenne entend engager des négociations, ainsi qu’elle l’a annoncé la semaine dernière.

Nous avons appris à cette occasion qu’elle prévoyait d’inclure le secteur de la défense dans le périmètre desdites négociations, ce qui constituerait un précédent. Des échanges ont eu lieu sur ce sujet, non seulement au niveau national, mais aussi, dès mardi, entre les gouvernements. À ce stade, il en ressort un consensus sur l’opportunité d’exclure le secteur de la défense du champ de l’accord de libre-échange.

Debut de section - Permalien
Jean-Yves Le Drian, ministre

Par ailleurs, mes services ont interrogé les industriels concernés afin de recueillir leur analyse sur une telle perspective. Hier, ils ont confirmé l’opportunité de l’exclusion du secteur de la défense du champ des négociations. C’est donc en ce sens que nous travaillons actuellement.

Il me paraissait important de vous répondre d’emblée avec précision sur ce point.

J’en viens à présent au premier sujet que vous avez évoqué, monsieur le sénateur, et qui a déjà été abordé par plusieurs orateurs : les programmes industriels européens.

Il est vrai qu’aucun grand programme de coopération associant plusieurs États n’a été engagé depuis quelque temps. Il est non moins vrai que certains projets devraient pouvoir donner lieu à une nouvelle coopération industrielle. Vous avez cité la prochaine génération aéronautique, et notamment les drones UCAV. Nous avons conclu un accord de recherche en amont avec les Britanniques sur cette question. Vous avez également évoqué les drones MALE, c'est-à-dire les drones de moyenne altitude. Notre pays, mais aussi certains pays voisins, comme la Grande-Bretagne, l’Allemagne et même l’Italie, souffrent d’un réel manque capacitaire en la matière. Il nous faut acquérir assez rapidement des drones. Il ne s’agit pas de nous contenter de drones intérimaires, mais d’en posséder de manière pérenne. C’est un sujet de discussion potentiel.

Debut de section - PermalienPhoto de Michelle Demessine

Une fusion entre EADS et BAE Systems aurait pu être un exemple concret de constitution d’un groupe européen susceptible de relancer l’Europe de la défense, dont le Président de la République a fait l’une de ses priorités.

En effet, la France et le Royaume-Uni, qui représentent la moitié de l’effort militaire européen et les deux tiers des budgets de recherche, avaient estimé qu’il fallait rationaliser et coordonner leurs efforts pour optimiser les dépenses.

Cette fusion n’a pu aboutir, car, hélas, il ne s’agissait pas véritablement de mutualisation ni de coopération. En réalité, l’Allemagne, le Royaume-Uni, l’Espagne et la France se sont opposés sur des intérêts stratégiques, industriels et financiers divergents.

Par la suite, la perspective d’une sortie partielle des groupes Lagardère et Daimler du capital d’EADS a entraîné une renégociation du pacte des actionnaires publics, laquelle s’est malheureusement faite au détriment de notre pays et a surtout renforcé le poids des actionnaires privés dans le capital du groupe, à la grande satisfaction, dirai-je, du P-DG d’EADS, Tom Enders, qui ne perd pas une occasion de déclarer qu’il n’est pas favorable à l’actionnariat d’État.

La décision d’entériner cette modification de la structure du capital, ainsi que la nouvelle gouvernance qui en découle, devrait être prise le 27 mars, lors d’une assemblée générale extraordinaire des actionnaires du groupe.

Monsieur le ministre, je souhaiterais donc savoir si les représentants de l’État vont approuver sans réagir ces modifications qui me semblent contraires à la protection de nos intérêts en matière de défense nationale.

Debut de section - Permalien
Jean-Yves Le Drian

Madame la sénatrice, vous avez rappelé comment les discussions entre le groupe EADS et BAE Systems ont abouti à un échec.

Nous avions travaillé en profondeur sur cette question et avions même, de notre côté, bien progressé sur la structuration actionnariale, les garanties tant industrielles qu’en termes d’emploi, ainsi que sur nos propres intérêts en matière de défense ; je pense, en particulier, à la dissuasion.

J’ai moi-même entretenu des relations très étroites avec les ministres allemand et britannique de la défense, mais il y a également eu d’autres contacts à un plus haut niveau.

Nous avions, me semble-t-il, en tout cas en ce qui nous concerne, réussi à faire converger des positions, mais les entreprises ont jugé qu’il n’était pas possible de faire converger à la fois les positions des États et celles des principaux actionnaires. Il en est résulté un échec, à la suite duquel les parties se sont mobilisées pour résoudre les principaux problèmes de gouvernance d’EADS en un temps record. C’est dans ce cadre qu’ont été conclus, en décembre dernier, les accords de restructuration de l’actionnariat d’EADS.

Ces accords permettent la sortie des actionnaires historiques, Daimler et Lagardère, sans déstabiliser le groupe, la constitution d’un noyau d’actionnaires soudés autour de la France, l’Allemagne et l’Espagne, la protection du groupe vis-à-vis de prises de contrôle hostiles, la normalisation de la gouvernance du groupe et le renforcement de la protection de nos propres actifs, en particulier les actifs de souveraineté liés à la dissuasion, qui seront placés dans une filiale au sein de laquelle nous disposerons de droits renforcés.

Eu égard à ces avancées, nous considérons que les principes de restructuration actés par les actionnaires pourront être validés lors de l’assemblée générale du 27 mars prochain, à laquelle vous faisiez référence.

Je considère qu’EADS va bien, même sans la fusion avec BAE Systems, et je me félicite de ce que nous puissions franchir le cap délicat de la restructuration en préservant les intérêts de la France.

Debut de section - PermalienPhoto de François-Noël Buffet

Monsieur le ministre, l’Europe de la défense est impossible à construire si nous n’avons pas une défense nationale crédible.

Mercredi dernier, dans cet hémicycle, le groupe UMP s’est associé sans réserve à l’initiative nécessaire, et d’ailleurs couronnée de succès, du président de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, Jean-Louis Carrère : il s’agissait de tirer la sonnette s’alarme et d’interpeller le Président de la République sur les terribles dangers que représenteraient les coupes budgétaires pour nos armées et pour notre pays.

À la veille d’un conseil de défense et de sécurité nationale qui assombrit profondément l’avenir de nos armées et menace la survie de notre outil de défense, comment plaider auprès des États de l’Union européenne pour qu’ils investissent dans leur défense si, nous-mêmes, nous utilisons la nôtre comme variable d’ajustement budgétaire ?

Debut de section - PermalienPhoto de François-Noël Buffet

Et pourquoi, au final ? Pour réaliser des économies de quelques millions, mais en vertu d’une vision à très court terme !

La défense est et demeure l’un des derniers leviers de croissance. Il faut rappeler que ce secteur nous rapporte des milliards à l’export, qu’il représente près de 400 000 emplois hautement qualifiés et peu délocalisables. Enfin, il est porté par un tissu industriel de très nombreuses PME, dont un de vos collègues du Gouvernement nous rabâche qu’il veut doubler le nombre.

Comment parler d’Europe de la défense alors que nous sommes peut-être en train d’hypothéquer notre indépendance stratégique et que nous sommes à l’ultime limite du décrochage capacitaire qui entraînerait la perte de notre souveraineté ?

Enfin, monsieur le ministre, si le Président de la République a pu engager des troupes françaises au Mali, allant même jusqu’à dire, à Tombouctou, le 2 février, qu’il était en train de vivre « le plus beau jour de sa vie politique », c’est parce qu’il disposait d’une capacité de projection et d’un outil de défense qui le lui permettaient.

Ce sont les moyens budgétaires alloués aujourd’hui qui gageront notre présence dans le monde demain.

En vérité, monsieur le ministre, certaines nations sont des moteurs pour l’Europe de la défense : c’est le cas de la France.

L’heure n’est pas à la complainte, elle est à l’action et à la responsabilité. Monsieur le ministre, il vous revient, et nous savons que vous en être pleinement conscient, de ne pas céder aux pressions hypothécaires de Bercy, qui annihileraient les cinquante ans d’efforts de construction européenne et militaire que notre pays a consentis et doit poursuivre.

Monsieur le ministre, je souhaiterais savoir, au nom du groupe UMP, quels arguments et quels moyens vous allez employer pour convaincre le Président de la République de ne pas soumettre le budget de notre défense à un coup de rabot qui serait, sans doute, extrêmement dangereux.

Debut de section - Permalien
Jean-Yves Le Drian

Monsieur le sénateur, si je dispose d’un atout, il s’agit bien de ma conviction…et de la vôtre ! J’ai déjà eu l’occasion de le faire tout à l’heure, mais je veux remercier de nouveau le Sénat de ses prises de position concernant le maintien d’un effort significatif de défense pour notre sécurité.

Vous comprendrez bien que je ne vais pas anticiper sur les conclusions d’un processus qui est loin d’être achevé, et qui nécessitera des arbitrages difficiles.

J’ai rappelé précédemment à votre collègue Philippe Paul combien l’équation était délicate, entre la nécessité d’assurer la souveraineté de notre pays par la maîtrise de sa dette – car, quand un pays est à la merci de ses créanciers, il perd sa souveraineté ! – et la nécessité de garder une capacité sécuritaire significative. La souveraineté passe donc aussi par un effort de défense important. C’est le sujet qui est sur la table.

Chaque fois qu’il y a eu un livre blanc et/ou une loi de programmation militaire, des questions de ce type sont revenues. Elles sont encore plus compliquées maintenant qu’hier, et ce pour deux raisons, monsieur le sénateur.

La première – ne voyez là aucune volonté de polémique de ma part –, c’est que la loi de programmation précédente n’a pas été respectée, et cela parce qu’elle avait été établie avant la crise. La projection contenue dans la loi de programmation 2009-2014 n’a donc tenu que deux ans. Quand je suis arrivé à ce poste de responsabilité, il manquait déjà, selon la Cour des comptes – et j’ai constaté qu’elle avait raison –, 4 milliards d’euros par rapport à la trajectoire.

La seconde raison est liée aux difficultés du moment et à la nécessité d’atteindre les 3 % de déficit budgétaire à la fin de l’année 2014.

Telles sont les contraintes. Pour ma part, je souhaite être suffisamment persuasif pour que nous puissions maintenir un effort de défense nous permettant d’avoir des forces armées cohérentes et efficaces. §

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Bel

La parole est à M. François-Noël Buffet, pour la réplique.

Debut de section - PermalienPhoto de François-Noël Buffet

Monsieur le ministre, nous avons bien entendu ce que vous venez de dire. Sachez que vous trouverez, de ce côté-ci de l’hémicycle, un soutien infaillible dans la défense de votre budget, afin que nos armées puissent recevoir les moyens nécessaires.

Je me permets simplement de rappeler que M. David Cameron a annoncé que les ministères britanniques connaîtraient une diminution budgétaire de 1 %, mais que la défense bénéficierait, elle, d’un report de crédits non utilisés.

Espérons que cet exemple nous servira dans les semaines qui viennent ! §

Debut de section - PermalienPhoto de André Vallini

Monsieur le ministre, alors que le monde est en train de réarmer, l’Europe semble s’apprêter à désarmer.

Confrontés à la crise économique, et donc à celle de leurs finances publiques, la plupart des pays européens réduisent leur budget de la défense. Si elle continue dans cette voie, l’Europe risque un véritable déclassement stratégique. Pour reprendre l’expression d’Hubert Védrine, elle risque de « sortir de l’Histoire ».

En raison de la réorientation stratégique des États-Unis vers l’Asie-Pacifique, l’Europe ne peut plus tout attendre de ce pays en matière de défense, d’autant que, contrairement à ce que pensent trop souvent les opinions publiques, les menaces et les dangers n’ont pas disparu, bien au contraire.

Le moment semble donc venu de relancer l’Europe de la défense. Au risque de sembler paradoxal, je dirai que c’est au moment où la construction européenne traverse la crise de confiance la plus grave de son histoire qu’il faut relancer la défense européenne.

En effet, si l’on cumule l’ensemble des moyens militaires des 27 pays membres, l’Europe dispose de 1 500 000 soldats et de 175 milliards d’euros de budget : il est aisé d’imaginer les économies que nous pourrions tous réaliser en mutualisant ces forces !

Or aucun pays n’est mieux placé que la France pour s’engager dans cette démarche, a fortiori depuis qu’elle a rejoint le commandement militaire intégré de l’OTAN.

Monsieur le ministre, dans ce contexte, je pense, à l’instar d’autres collègues qui l’on dit avant moi, que le Conseil européen de décembre prochain est une occasion unique de relancer l’Europe de la défense.

Je souhaiterais donc savoir, dans cette perspective, si vos priorités sont plutôt d’ordre institutionnel, industriel ou opérationnel.

Debut de section - Permalien
Jean-Yves Le Drian

Monsieur le sénateur, j’en viens directement à la fin de votre propos. À mon sens, il serait peu efficace d’envisager les mutations indispensables et la relance de l’Europe de la défense par le biais de la question institutionnelle, car une telle approche a déjà échoué.

Si la France abordait le débat qui va s’ouvrir, et c’est tant mieux, au Conseil européen de la fin de l’année par cette question, nous risquerions d’être en difficulté.

À cet égard, souvenons-nous des déboires de l’OHQ, tentative de mise en œuvre d’un quartier général européen qui avait été bloquée, provoquant un certain enlisement.

Nous voulons aborder cette question de manière pragmatique, en déclinant, je crois l’avoir indiqué tout à l’heure, toute une série d’initiatives concrètes et réalisables tant en matière de gestion opérationnelle des crises que de capacités et d’industrie. Sinon, c’est à désespérer du concept d’Europe de la défense !

Tels sont les souhaits du Président de la République, que j’ai repris en différentes occasions. Je sens apparaître quelques frémissements en ce sens du côté de nos partenaires.

Sur les crises et les opérations, il y a déjà eu des progrès. Contrairement à ce que certains ont pu dire, je considère que l’opération au Mali est un progrès pour l’Europe de la défense, car il y a bien une initiative européenne, qui permet d’avoir dès à présent 500 militaires européens sur le sol malien pour former la nouvelle armée malienne. Sans doute cela ne comble-t-il pas toutes nos attentes, mais c’est tout de même inédit.

Il y aura sans doute, demain, des interrogations sur des actions à mener, pas forcément sous la même forme, en Lybie et dans la région des Balkans, afin de reprendre l’initiative dans le nord du Kosovo.

Le même état d’esprit pragmatique concernera les capacités. Il a été dit tout à l’heure que, dans le secteur du ravitaillement en vol, des progrès avaient été enregistrés. D’autres secteurs importants peuvent faire l’objet de coopérations très concrètes, susceptibles d’être mises en œuvre rapidement.

S’agissant de l’industrie, la Commission européenne prépare une communication sur la coopération industrielle en matière de défense pour le mois de mai, qui servira de base à la préparation du Conseil européen. Tout cela est de bon augure.

Enfin, très brièvement, j’ajoute que le concept de coopération structurée permanente, qui avait un peu « disparu des radars », pour employer une expression militaire, est en train de revenir progressivement. Il est inscrit dans le traité de Lisbonne et il pourrait éventuellement réapparaître au cours des mois prochains, peut-être pour faire l’objet d’initiatives au moment du Conseil européen de fin d’année.

Debut de section - PermalienPhoto de René Beaumont

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, il y a maintenant un peu plus de deux ans, la France et la Grande-Bretagne ont signé un partenariat de défense historique. Ce 31e sommet franco-britannique a permis de raviver l’esprit du sommet de Saint-Malo de 1998. Les accords de Lancaster House furent une formidable occasion d’impulser une vraie dynamique en matière de coopération militaire, qui rime avec mutualisation.

En période de crise et face au manque d’attraction pour la défense de la part des autres pays membres de l’Union européenne, ce type de coopération bilatérale constitue un exemple et même plus : un moteur pour l’avenir de la défense européenne.

Bien entendu, sur le terrain, en termes d’opérations extérieures, l’Europe de la défense se fait de plus en plus attendre ; les exemples libyens et maliens suffisent à démontrer l’inertie européenne ! Mais verser aujourd’hui dans l’euroscepticisme en matière de défense est d’une telle facilité politique et intellectuelle que nous devons nous y refuser.

La France et la Grande-Bretagne, qui sont, après les États-Unis, de loin les deux contributeurs les plus importants à l’OTAN, assureront, d’ici à moins de dix ans, près de 65 % des dépenses de défense au sein de l’Union européenne. Ces deux nations atomiques, qui partagent la même vision en termes de dissuasion nucléaire, ont encore, au sein de l’Union européenne, les rares défenses nationales à demeurer mondialement crédibles.

Aussi, monsieur le ministre, nous espérons que le conseil de défense de vendredi ne balaiera pas mes modestes propos ni, surtout, le travail réalisé dans nos deux pays depuis la signature des accords de Lancaster House. Ces engagements sont des références en matière de coopération structurelle renforcée.

Les objectifs des deux traités qui en découlent nous permettent déjà, grâce à la mutualisation, de dégager des économies à hauteur de 150 millions d’euros par an. Mieux, cette coopération militaire s’accompagne d’une coopération parlementaire. Grâce à l’engagement du président Josselin de Rohan, une véritable collaboration entre notre commission et nos homologues anglais s’est instaurée. Et je souligne que le président Jean-Louis Carrère se montre très actif pour continuer de faire vivre cette initiative, qui fait l’unanimité au sein de notre commission.

Debut de section - PermalienPhoto de René Beaumont

J’y viens tout de suite, monsieur le président.

En ces temps difficiles, ces consensus devraient inciter le Gouvernement à poursuivre le dialogue franco-britannique, seul capable, aujourd’hui, de créer la véritable ébauche d’une Europe de la défense.

Mon souci, vous l’avez compris, monsieur le ministre, est de connaître l’avenir que vous réservez au fameux traité de Lancaster House.

Debut de section - Permalien
Jean-Yves Le Drian

Monsieur le sénateur, je vous remercie de cette question, qui me permet de dire que je partage le point de vue que vous développez et que la coopération franco-britannique structurée dans le cadre des accords de Lancaster House se poursuit de manière positive.

Votre question me donne aussi l’occasion de répondre indirectement à M. Buffet, que je n’aperçois plus dans l’hémicycle, puisqu’il a fait l’éloge de M. Cameron : peut-être trouvera-t-on l’occasion de lui rappeler que ce dernier avait, l’année dernière, fait baisser le budget de la défense britannique de 8 %. ; M. Buffet pourra ainsi faire de ce chiffre le sujet de sa méditation du week-end ! §Il est évidemment plus facile de préserver le budget de la défense quand on lui a infligé, l’année précédente, une telle mise à la diète…

Le traité de Lancaster House présente une singularité inédite puisqu’il comporte un volet nucléaire. C’est une avancée significative de notre coopération avec le Royaume-Uni.

Au-delà, nous progressons de manière intelligente et loyale sur l’ensemble de l’accord qui a été signé. Par exemple, la CJEF, Combined Joint Expeditionary Force, est en cours de constitution. Cette force de combat franco-britannique sera pleinement opérationnelle en 2016.

Toujours en matière opérationnelle, nous avons pris l’initiative d’exercices communs. C’est ainsi qu’un exercice très important a eu lieu en présence des deux ministres de la défense en octobre dernier. Nous mettons par ailleurs en place des interopérabilités de systèmes d’information et de communication et le partage du renseignement.

Nous avons aussi lancé, sous ma responsabilité, une coopération en matière de drones, à la fois les drones de théâtre Watchkeepers, mais aussi les drones de génération future, en particulier, le véhicule aérien non habité de combat, l’UCAV. Ce sont des signes d’une coopération très active, concernant en l’occurrence, du plus petit au très grand, des outils qui mettent en jeu les technologies du futur.

Nous menons en outre une collaboration très étroite en matière de guerre des mines. Nous avons transféré à l’OCCAR cette responsabilité, sous le patronage d’une équipe franco-britannique.

En résumé, nos relations avec les Britanniques sont bonnes, mais elles ne sont pas exclusives. Nous leur disons clairement que la qualité de notre relation avec eux ne nous empêche pas d’avoir des relations avec le Triangle de Weimar ou avec le groupe de Visegrad. Ainsi, une réunion commune des ministres de la défense de ces ensembles régionaux a eu lieu voilà peu de temps. Il faut procéder dans la transparence, en disant à chacun ce que l’on fait avec l’autre, de manière à éviter les incompréhensions, voire les grincements qui ont pu se produire dans le passé.

Vous avez raison, monsieur le sénateur : c’est grâce à une coopération capacitaire que nous pourrons obtenir une gestion plus économe de l’argent public, rare en cette période, que ce soit en Grande-Bretagne ou en France.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Bel

Monsieur le ministre, je vous remercie.

Nous en avons fini avec les questions cribles thématiques sur l’Europe de la défense.

Nous allons maintenant interrompre nos travaux pour quelques instants.

La séance est suspendue.

La séance, suspendue à quinze heures cinquante, est reprise à seize heures cinq, sous la présidence de M. Jean-Patrick Courtois.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Patrick Courtois

En application de l’article 45, alinéa 2, de la Constitution, le Gouvernement a engagé la procédure accélérée pour l’examen du projet de loi relatif à l’enseignement supérieur et à la recherche, déposé sur le bureau de l’Assemblée nationale le 20 mars 2013.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Patrick Courtois

Nous reprenons la discussion du projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale, de séparation et de régulation des activités bancaires.

Dans la discussion des articles, nous avons entamé l’examen des amendements portant article additionnel après l’article 4 sexies.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Patrick Courtois

L'amendement n° 163 rectifié bis, présenté par Mme Rossignol, M. Dilain, Mme Lienemann, MM. Madec, Madrelle, Fauconnier, Chastan, Antoinette, Leconte et Teston, Mmes Alquier et Claireaux, MM. J.C. Leroy, Eblé, Vincent et Rome, Mme Lepage et MM. Daudigny, Mirassou et Vandierendonck, est ainsi libellé :

Après l'article 4 sexies

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

L’article 235 ter ZD bis du code général des impôts est ainsi modifié :

1° Au I, les mots : « des titres de capital, au sens de l'article L. 212-1 A du code monétaire et financier » sont remplacés par les mots : « des instruments financiers, au sens de l'article L. 211-1 du code monétaire et financier » ;

2° Le III est ainsi rédigé :

« III. – La taxe due est égale à 0, 01 % du montant des ordres annulés ou modifiés. » ;

3° Le IV est abrogé.

La parole est à Mme Laurence Rossignol.

Debut de section - PermalienPhoto de Laurence Rossignol

Le présent amendement vise à taxer l’ensemble des opérations de trading à haute fréquence, qui illustrent assez bien la folie spéculative qui s’est emparée des marchés financiers.

Représentant désormais 35% des transactions sur les marchés financiers, le trading à haute fréquence parasite leur bon fonctionnement. Il crée une liquidité artificielle, rompt l’équité concurrentielle entre les intervenants, introduit des asymétries d’information et favorise les variations brutales de cours, ainsi qu’une vision à très court terme. Il crée en outre de nouvelles possibilités de manipulation des cours et d’abus de marché.

Celles et ceux qui siègent à la gauche de cet hémicycle approuveront certainement ces propos puisque je les ai empruntés à Nicole Bricq, qui s’était exprimée en ces termes en 2011, en tant que rapporteur générale de la commission des finances.

Afin de mettre un frein au développement de cette technique, la loi du 14 mars 2012 a institué une taxe. Toutefois, les conditions de mise en œuvre de celle-ci, qui ne concerne du reste que les actions, n’ont pas permis de juguler le trading à haute fréquence.

De très nombreuses opérations sont en fait exonérées : d’abord, parce que la taxe ne concerne pas les activités de tenue de marché, qui représentent la grande majorité des opérations de trading à haute fréquence ; ensuite, parce que, ces opérations n’étant taxables que si leur proportion par rapport au total des ordres introduits sur une journée dépasse 80 %, chaque opération supérieure à une demi-seconde permet de défiscaliser quatre opérations de trading à haute fréquence.

Nous proposons donc par cet amendement, non d’interdire le trading à haute fréquence, mais de taxer l’ensemble des opérations de trading à haute fréquence, y compris celles qui correspondent à des activités de tenue de marché, l’objectif étant aussi de procurer des ressources supplémentaires pour financer nos actions publiques.

Debut de section - PermalienPhoto de Richard Yung

J’ai précédemment développé les arguments de la commission en présentant son avis sur l’amendement n° 83 rectifié. La commission demande le retrait de cet amendement.

Debut de section - Permalien
Pierre Moscovici, ministre de l'économie et des finances

Même avis.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Patrick Courtois

Madame Rossignol, l'amendement n° 163 rectifié bis est-il maintenu ?

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Patrick Courtois

L'amendement n° 163 rectifié bis est retiré.

Chapitre IV

Répression des abus de marché

(Division et intitulé nouveaux)

Le code monétaire et financier est ainsi modifié :

1° Au premier alinéa et à la première phrase du dernier alinéa de l’article L. 465-1, après la première occurrence du mot : « réaliser », sont insérés les mots : «, de tenter de réaliser » ;

2° Au second alinéa de l’article L. 465-2, après le mot : « répandre », sont insérés les mots : « ou de tenter de répandre » ;

3° Au premier alinéa des c et d du II de l’article L. 621-15, les mots : « ou s’est livrée à une manipulation de cours, à la diffusion d’une fausse information ou » sont remplacés par les mots : «, à une manipulation de cours, à la diffusion d’une fausse information ou s’est livrée ». –

Adopté.

Le code monétaire et financier est ainsi modifié :

1° Aux premier, deuxième et troisième alinéas de l’article L. 465-1 et au second alinéa de l’article L. 465-2, après la première occurrence des mots : « marché réglementé », sont insérés les mots : « ou négociés sur un système multilatéral de négociation, admis à la négociation sur un tel marché ou pour lesquels une demande d’admission à la négociation sur un tel marché a été présentée » ;

2° Au premier alinéa de l’article L. 465-2, après le mot : « réglementé », sont insérés les mots : « ou d’un système multilatéral de négociation » ;

3° Le second alinéa du I de l’article L. 621-9 est complété par une phrase ainsi rédigée :

« Sont également soumis au contrôle de l’Autorité des marchés financiers les instruments financiers négociés sur un système multilatéral de négociation, admis à la négociation sur un tel marché ou pour lesquels une demande d’admission à la négociation sur un tel marché a été présentée. » ;

4° Les c et d du II de l’article L. 621-15 sont complétés par un alinéa ainsi rédigé :

« - un instrument financier négocié sur un système multilatéral de négociation, admis à la négociation sur un tel marché ou pour lequel une demande d’admission à la négociation sur un tel marché a été présentée ; ». –

Adopté.

Le code monétaire et financier est ainsi modifié :

1° Après l’article L. 465-2, il est inséré un article L. 465-2-1 ainsi rédigé :

« Art. L. 465-2-1. - Est puni des peines prévues au premier alinéa de l’article L. 465-1 le fait :

« - pour toute personne de transmettre des données ou des informations fausses ou trompeuses utilisées pour calculer un indice défini au dernier alinéa du présent article ou de nature à fausser le cours d’un instrument ou d’un actif auquel serait lié cet indice, lorsque la personne ayant transmis les données ou les informations savait ou aurait dû savoir qu’elles étaient fausses ou trompeuses ;

« - pour toute personne d’adopter tout autre comportement aboutissant à la manipulation du calcul d’un indice.

« Constitue un indice toute donnée diffusée calculée à partir de la valeur ou du prix, constaté ou estimé, d’un ou plusieurs sous-jacents, d’un ou plusieurs taux d’intérêt constaté ou estimé, ou de toute autre valeur ou mesure, et par référence à laquelle est déterminé le montant payable au titre d’un instrument financier ou la valeur d’un instrument financier. » ;

2° Au premier alinéa de l’article L. 465-3, la référence : « et L. 465-2 » est remplacée par les références : «, L. 465-2 et L. 465-2-1 » ;

3° Les c et d du II de l’article L. 621-15 sont complétés par un alinéa ainsi rédigé :

« - un indice tel que défini à l’article L. 465-2-1 ; ».

Debut de section - PermalienPhoto de Vincent Delahaye

N’ayant pas pu prendre la parole au début de l’examen du titre Ier bis, je souhaite intervenir avant que nous passions au titre II.

Ce projet de loi me laisse perplexe. Les objectifs affichés sont alignés sur les promesses de campagne : « Il faut tordre le cou à la finance, la mettre à genoux », « Notre ennemi invisible, c’est la finance », etc. Or la réalité du projet est très éloignée de ces déclarations.

Le talon d’Achille de ce texte est le titre Ier, censé pourtant en être le cœur. Il a pour objet de séparer les activités bancaires utiles à l’économie des activités spéculatives. Mais la montagne a accouché d’une souris… Le lobby bancaire a joué efficacement son rôle ! Vous avez réfléchi, nous avez-vous dit, monsieur le ministre, et d’un projet de séparation nous sommes passés à un projet de cantonnement, à travers la création d’une filiale d’un nouveau type puisque les maisons mères sont normalement responsables des filiales et que, en l’occurrence, ce ne sera plus le cas.

Certains regrettent la minceur du résultat au regard des annonces faites, d’autres s’en félicitent. Je fais plutôt partie de la deuxième catégorie, car je n’ai jamais été partisan d’une séparation idéologique des activités bancaires et d’un affaiblissement de notre industrie bancaire. Je me réjouis donc que le Président de la République ne tienne pas son engagement et que la réforme bancaire reste bien en deçà des promesses de campagne.

J’en viens à quelques remarques s’appuyant sur mon engagement européen.

Je soutiens le Gouvernement dans sa participation à la mise en place d’une union bancaire européenne, mais je ne souhaite pas que la France fasse cavalier seul.

Selon moi, sur le sujet qui nous intéresse, à savoir les mesures à prendre pour éviter d’être de nouveau surpris par une crise majeure du système bancaire, il faut « jouer collectif ». Sous l’impulsion du G20, un travail considérable de renforcement de la régulation prudentielle des banques a été entrepris depuis 2008. Il faut le poursuivre dans un cadre européen. Le rapport Liikanen devrait être suivi d’une directive sur la réglementation bancaire, qu’il nous faudra transposer. Il m’aurait semblé logique d’attendre cette transposition pour modifier notre législation.

Le projet de loi que vous nous présentez, monsieur le ministre, est-il de nature à empêcher tout nouveau problème ?

Ce texte ne protège en rien la communauté nationale des dérives de la finance de marché. Pire : affirmer qu’il y a séparation dans ce cas est un faux-semblant, qui crée un sentiment illusoire de sécurité. C’est très dangereux !

Le critère choisi par le Gouvernement pour établir la frontière entre les activités pouvant rester du côté des dépôts et celles devant être filialisées peut sembler à première vue de bon sens : activités utiles au financement de l’économie versus activités spéculatives. Les apparences sont ici trompeuses.

L’utilité est définie comme le fait d’avoir un client. Avec ce critère « mou » retenu par le Gouvernement, quand une banque structure un produit complexe de spéculation sur matières premières agricoles et le vend à un client, quel qu’il soit et où qu’il se trouve, cette opération est du côté des dépôts. Elle bénéficie donc de facto de la garantie publique. De la même manière, l’immense masse des opérations sur dérivés reste du côté des dépôts.

Le projet de loi présenté filialise une part infime des activités des banques. Certains parlent même de moins de 1 % du bilan des banques, voire de 0, 1 %. Ce n’est pas pour rien qu’aucun chiffre ne figure dans l’étude l’impact !

Pourtant, depuis 2008, qu’est-ce qui a coûté cher aux contribuables français ? C’est la faillite de Dexia, dont les conséquences financières ne sont pas encore connues, mais se chiffrent en milliards d’euros.

L’État actionnaire est loin d’être toujours à la hauteur de ses responsabilités. L’État propriétaire ne fait malheureusement pas mieux. Et l’on peut en dire autant, bien souvent, de l’État employeur !

J’aimerais vous entendre, monsieur le ministre, sur les améliorations que vous envisagez d’apporter sur ces points. À quand les réformes nous mettant à l’abri des gros pépins ?

En attendant, je m’abstiendrai sur ce texte. D’un côté, il apporte sans doute des améliorations, mais, de l’autre, il ne s’inscrit pas dans un travail collectif européen, ce que je regrette. Il donnera le sentiment aux Français que tout est réglé dans le secteur bancaire – ce qui est loin d’être le cas –, et c’est ce que je redoute !

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Marini

Notre collègue Vincent Delahaye a évoqué les marchés de dérivés sur matières premières. Je sais que le ministre et ses services sont attentifs à ce secteur d’activité.

Je rappelle que la société MATIF SA, filiale d’Euronext, a toujours une activité importante en ce domaine. Elle a défini, selon le droit français, des contrats qui sont appréciés des acteurs de ces marchés. Il s’agit bien de transactions réglementées, offrant un degré satisfaisant de transparence.

Or nous pouvons être préoccupés, monsieur le ministre, par l’évolution capitalistique de NYSE Euronext. Notre rapporteur, Richard Yung, connaît bien ce sujet. Des opérations sont intervenues qui sont susceptibles de permettre aux investisseurs financiers de la place de Paris représentatifs des banques et des assurances de reprendre pied dans l’actionnariat des bourses fédérées par Euronext : Paris, Bruxelles, Amsterdam, Lisbonne.

Je sais bien que ce sujet qui concerne une entreprise cotée est complexe et qu’il faut veiller à ce que les acteurs privés puissent prendre position selon les règles du marché. Toutefois, je saisis l’occasion qui m’est donnée en cet instant pour rappeler qu’avec Euronext se présente une opportunité de structurer le marché des opérations à terme sur les matières premières, ce qui répond à de réels besoins économiques, la France étant, comme chacun le sait, un État dont les agro-ressources sont un élément d’excellence et de compétitivité internationale.

Ainsi, parmi les sujets de préoccupation que nous pouvons exprimer au Sénat, figure bien la nécessité d’obtenir plus de transparence dans ce type de transactions et de maintenir à Paris un pôle d’excellence, avec des transactions portant sur des contrats régis par le droit français.

L'article 4 nonies est adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Patrick Courtois

L'amendement n° 2 rectifié, présenté par M. Vaugrenard, au nom de la commission des affaires économiques, est ainsi libellé :

I. Après l'article 4 nonies

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Avant la section 1 du chapitre 1er du titre 1er du livre V du code monétaire et financier, il est inséré un article ainsi rédigé :

« Art. L. ... - L’assemblée générale ordinaire des actionnaires se prononce annuellement sur l’enveloppe des rémunérations de toutes natures des dirigeants responsables au sens des articles L. 511–13 et L. 532–2 et des catégories de personnel, incluant les preneurs de risques, les personnes exerçant une fonction de contrôle, ainsi que tout salarié qui, au vu de ses revenus globaux, se trouve dans la même tranche de rémunération, dont les activités professionnelles ont une incidence significative sur le profil de risque de l’entreprise ou du groupe. »

II. - En conséquence, faire précéder cet article d'une division additionnelle et de son intitulé ainsi rédigés :

Titre 1er ter

Encadrement des rémunérations dans le secteur bancaire

La parole est à M. Yannick Vaugrenard, rapporteur pour avis.

Debut de section - PermalienPhoto de Yannick Vaugrenard

Ce projet de loi peut paraître complexe, plusieurs de ses articles étant extrêmement techniques. D’autres articles le sont un peu moins et peuvent être compris par tous. C’est le cas de l’article additionnel que vise à introduire cet amendement, qui traite de la rémunération des hauts dirigeants des banques ainsi que des salariés dont les activités ont une incidence significative sur le profil de risque de la société considérée : en d’autres termes, les mandataires sociaux et les traders.

Dans cet amendement, je suggère que l’assemblée générale des actionnaires puisse annuellement décider de l’enveloppe globale de la rémunération des hauts dirigeants, qui représente environ 1 % de la masse salariale dans chaque établissement bancaire.

La Cour des comptes, dans son rapport paru en 2013, préconise que l’assemblée générale des actionnaires soit consultée sur ce point. Je vais plus loin en souhaitant qu’elle soit décisionnaire. On a dit hier qu’il fallait que la faute soit payée. Il me semble que ceux qui sont les propriétaires doivent aussi pouvoir décider.

C’est la raison pour laquelle cet amendement vise à donner à l’assemblée générale un pouvoir de contrôle accru sur la rémunération de ces dirigeants et traders. Elle devra se prononcer sur le niveau global des rémunérations de ces personnes.

Je le répète, cet amendement reprend une recommandation de la Cour des comptes, mais il va un peu plus loin, car nous considérons que le fait, pour l’assemblée générale des actionnaires, d’être consultée en la matière n’est pas suffisant et qu’elle doit pouvoir décider.

Cette mesure a vocation à s’intégrer dans un arsenal législatif à venir concernant l’encadrement des rémunérations de toutes natures dans la finance, là où s’applique le principe de ce qu’on appelle le say on pay. Celui-ci a permis de réguler certaines extravagances, l’assemblée générale sanctionnant en effet les dirigeants qui s’octroient des augmentations alors même que le groupe qu’ils dirigent connaît des difficultés. C’est cela qu’il faut modifier, et c’est le bon sens qui, en l’espèce, doit prévaloir.

L’encadrement des rémunérations dans la finance est un élément essentiel de la régulation et de la lutte contre la spéculation. Mes chers collègues, j’attire votre attention sur l’attente politique forte qui existe à cet égard. Les déclarations faites hier par le Premier ministre vont tout à fait, me semble-t-il, dans ce sens.

Tel est l’objet de l’amendement que je vous demande d’adopter afin de compléter ce projet de loi que, par ailleurs, j’approuve totalement. L’adoption de ma proposition renforcerait la lisibilité du texte et mettrait en lumière la volonté politique qui nous anime.

Debut de section - PermalienPhoto de Richard Yung

L’amendement dont nous sommes saisis est important et mérite une discussion approfondie. Les excès de rémunération dans un certain nombre d’entreprises, en particulier dans le secteur bancaire et financier, suscitent d'ailleurs de véritables débats au sein de l’opinion publique.

La partie fixe, en général relativement modeste – encore qu’on s’en contenterait souvent ! –, mais surtout la partie variable, indexée sur différents critères plus ou moins discutables, font s’envoler ces rémunérations jusqu’à 6 millions, 8 millions, voire 10 millions d’euros par an, ce qui, à juste titre, a été perçu comme inacceptable par l’opinion publique. Les gens qui vivent avec le SMIC en sont abasourdis et se demandent comment cela est possible !

Cela est d’autant moins acceptable que, dans un certain nombre de cas, ces rémunérations concernent des sociétés dont les performances sont moyennes ou en baisse, voire pis, et que cette mauvaise situation n’a pas de répercussion sur la rémunération des dirigeants. Je mets de côté, pour l’instant, cet aspect des choses puisque nous défendrons ultérieurement un amendement visant spécifiquement à empêcher les versements de bonus et de parts variables dans les cas où la société est en difficulté, du moins dans le secteur bancaire.

J’ajoute qu’il est aussi beaucoup question de ce sujet dans le monde anglo-saxon : les journaux britanniques et américains sont remplis d’articles sur la rémunération des dirigeants, ce qui explique d’ailleurs les réactions extrêmement fortes des Britanniques lors de l’adoption d’un certain nombre de dispositions, qui ne sont pas encore tout à fait formalisées, dans le cadre de la proposition législative de la Commission européenne, dite CRD4, sur la rémunération des dirigeants et des traders.

Le référendum qui a eu lieu en Suisse voilà une quinzaine de jours a été organisé à la suite de l’octroi d’un bonus de 70 millions d’euros au dirigeant de Sandoz lors de son départ de la société, dans des conditions d’ailleurs assez particulières. Le scandale a été tel que le dirigeant en question a dû rendre ces 70 millions d’euros à son entreprise. Ainsi est né le mouvement populaire qui a abouti au référendum suisse.

Enfin, comme l’a rappelé M. Vaugrenard, il y a le rapport de la Cour des comptes.

La volonté de contrôle de l’actionnaire se traduit dans le say on pay : les actionnaires, autrement dit les propriétaires de l’entreprise, se réunissent en assemblée générale, discutent, puis donnent un avis ou prennent une décision – c’est un des points dont nous débattrons – concernant la détermination des rémunérations. Cela existe dans un grand nombre de pays, y compris aux États-Unis. Ce n’est donc pas une innovation.

Pour ma part – je ne parle pas là au nom de la commission –, je trouve que ce système, même s’il faut l’encadrer, est meilleur que celui du comité des rémunérations. En effet, dans les grandes entreprises, les rémunérations dépendent en pratique d’un tout petit comité, composé de trois ou quatre administrateurs, qui sont en général des partenaires de tennis ou de golf… C’est ce petit groupe qui fixe les rémunérations des dirigeants et autres mandataires sociaux, et chacun comprend que c’est à charge de revanche : aujourd'hui, on se réunit pour le conseil d’administration de la société N et, demain, les mêmes – c’est le jeu des chaises musicales ! – se réuniront pour celui de la société W. Comme cela, tout fonctionne très bien !

Voilà quelques jours, une étude émanant de HEC – certes, on peut penser qu’elle est donc orientée – a été publiée, qui fait le point de la situation et parvient à la conclusion que le say on pay, donc l’implication de l’assemblée générale, agit très peu sur l’enveloppe des rémunérations concernées. Elle écrête, elle corrige les situations tout à fait exceptionnelles – c’est en tout cas ce que dit l’étude HEC –, mais elle ne modifie ni l’enveloppe de ces rémunérations ni, par conséquent, la rémunération moyenne. Le say on pay serait donc assez peu efficace.

Par ailleurs, la commission des lois de l’Assemblée nationale, institution éminemment respectable, a établi un rapport sur la question ; il a été publié la semaine dernière. Quant au Gouvernement, il prépare, pour l’été, un projet de loi, sur lequel nous aimerions, bien sûr, en savoir plus.

Le Parlement européen, pour sa part, est en débat dans le cadre du trilogue sur la rémunération des dirigeants et traders. Un certain nombre de règles semblent se dessiner : celle du 1/1, qui interdit que la part variable soit supérieure à la partie fixe et celle selon laquelle au moins la moitié de la part variable devrait être payée sous forme d’actifs de la société concernée.

Le rapport de l’Assemblée nationale comporte une proposition n° 16 qui traite de ce problème. Permettez-moi de vous en donner partiellement lecture :

« Imposer aux grandes entreprises une obligation légale de publier des rapports spécifiquement consacrés à la présentation de leur politique de rémunération de leurs dirigeants-mandataires et à la description lisible, précise et exhaustive des rémunérations individuellement perçues par ces derniers ;

« Modifier la loi pour reconnaître à l’assemblée générale des actionnaires un droit de vote qui serait :

« - triennal et ex ante » – c'est-à-dire avant que les rémunérations aient été versées – « lorsqu’il porterait sur les principes et les grandes lignes de la politique de rémunération des dirigeants-mandataires sociaux pour les trois années à venir ;

« - annuel et ex post » – c'est-à-dire après que les rémunérations auront été versées, ce qui constituerait une sorte d’examen critique de ces rémunérations – « lorsqu’il porterait sur le détail des rémunérations – fixes et variables, mais aussi sous forme d’indemnités de bienvenue, de départ et de non-concurrence – perçues individuellement par les dirigeants-mandataires sociaux au cours de l’exercice précédant l’assemblée générale. »

La rapporteur de la commission des lois de l'Assemblée nationale propose ensuite de « reconnaître aux actionnaires un droit de veto sur les principes et le détail des rémunérations dès lors qu’une majorité des deux tiers des actionnaires réunis en assemblée générale exprime un vote négatif ». C’est donc un système de majorité semblable à celui que nous connaissons pour les nominations dans un certain d’instances du type Hauts Conseils.

Le co-rapporteur est d’un avis différent puisqu’il propose de « conférer au vote des actionnaires un caractère purement consultatif ».

Les deux formules sont donc sur la table.

En conclusion, j’indique que notre commission a souhaité s’en remettre à la sagesse du Sénat sur cet amendement. Conscients de ces différents problèmes, nous souhaitons savoir, avant que le Sénat ne se prononce, ce que le Gouvernement entend faire dans les mois qui viennent.

Debut de section - Permalien
Pierre Moscovici, ministre

Pour répondre à M. Marini, je dirai d’abord, comme je l'ai fait en commission, que je suis de près l'évolution de la situation d’Euronext. Je serai évidemment attentif aux développements qui pourront se produire dans les prochains mois. Ma réponse n’est pas évasive ; elle traduit simplement mon attachement au maintien à Paris d'un groupe boursier fort, capable de fournir des services utiles aux émetteurs et aux investisseurs, notamment au MATIF pour les matières premières agricoles.

J'en viens à l'amendement présenté par Yannick Vaugrenard, ainsi qu’aux explications apportées par le rapporteur.

Cet amendement tend à prévoir que l'assemblée générale se prononce sur l'enveloppe des rémunérations accordées aux mandataires sociaux et aux salariés dont les activités ont une incidence significative sur le profil de risque de la société.

Nous avons bien évidemment une convergence de vues sur l'objectif poursuivi. La proposition de la commission des affaires économiques rejoint la réflexion du Gouvernement sur les mécanismes de limitation des rémunérations indécentes et sur la possibilité qui pourrait être offerte aux actionnaires de s'exprimer sur la politique de rémunération des entreprises.

Toute la question est cependant de savoir par quel véhicule législatif, à quel moment et sous quelle forme cette idée peut être transcrite dans la loi.

Sur les bonus des traders et des dirigeants, la discussion a énormément progressé dans le cadre des discussions sur la future directive CRD IV, qui devraient aboutir dans les jours à venir. Cela tient en grande partie à la France, qui a permis de dégager une majorité qualifiée sur un accord ambitieux, basé sur une proposition du Parlement européen, dont je veux saluer le travail.

Si les discussions parviennent à leur terme, ce qui devrait être le cas, la part variable des rémunérations ne pourrait pas dépasser la part fixe. J'insiste sur ce point, car c'est une victoire politique considérable ! Songez, mesdames, messieurs les sénateurs, qu’avec les règles internes en vigueur des établissements de la City le rapport est plutôt d’un pour neuf, ce qui explique une bonne part des résistances à l’œuvre de l'autre côté de la Manche. Toutefois, nos amis Britanniques sont bien obligés de constater qu’il y a là un mouvement qui dépasse les frontières de tel ou tel pays. Vous avez mentionné la Suisse, dont j’avais également évoqué la situation.

Ainsi, au conseil Ecofin, le ministre britannique a cherché à apporter des amendements, mais n’a évoqué ni une remise en question du texte ni un éventuel veto. Une telle démarche ne serait de toute façon plus du tout comprise par l'opinion publique.

Sur la politique de rémunération générale, le Premier ministre a annoncé son intention de déposer rapidement un projet de loi comprenant notamment les dispositions que vous avez envisagées, monsieur Vaugrenard.

Il faudra discuter aussi avec les représentants des professions, car certains aspects peuvent être intégrés dans un code de conduite ; d'autres sont, en revanche, de nature législative. Nous devrions pouvoir proposer rapidement des mesures qui concerneront l'ensemble de nos entreprises. Ce chantier, le Premier ministre m'a demandé de m’en charger et les choses ont d’ores et déjà beaucoup avancé.

Je veux rappeler que ce gouvernement a fait en sorte que les écarts de rémunération dans les entreprises publiques – il ne s’agit pas ici des entreprises privées – ne dépassent pas un rapport d’un à vingt. Ainsi, dans les entreprises publiques majoritairement détenues par l'État, aucun salaire ne dépasse aujourd'hui 450 000 euros, ce qui est déjà une somme très respectable ! Un certain nombre de dirigeants d'entreprises publiques, dont je ne citerai pas les noms, ont ainsi vu leur rémunération, fixe et variable, divisée de moitié, voire plus.

De la sorte, nous sommes revenus dans l’épure de ce que j'appellerai la décence. Celle-ci doit s'appliquer à tous, et il me semble qu’un effort semblable doit être fourni par les entreprises privées, tout en tenant compte évidemment des différences de structures, même si, je le redis, cela ne passera pas par le même canal.

Pour en revenir à l’amendement, la question qui se pose est la suivante : faut-il légiférer maintenant dans le cadre de ce projet de loi, ou plutôt attendre la conclusion des discussions sur la proposition de directive CRD IV, qui ne saurait tarder, et la présentation par le Gouvernement de son projet de loi sur la gouvernance et sur la rémunération des dirigeants ? J’opterai plutôt pour la seconde solution, je vous l’avoue. Je le dis d'autant plus facilement que je serai amené à présenter également ce dernier texte. Il me semble que, de la sorte, notre démarche sera plus forte, plus percutante et plus globale.

J'ajoute que l'amendement tel qu'il est rédigé, même si j'en partage la philosophie, peut soulever un certain nombre de problèmes. On ne sait pas notamment ce qui se passerait en cas de vote négatif ; cela pourrait entraîner un réel risque juridique.

Afin de supprimer toute ambiguïté, peut-être vaudrait-il mieux prévoir une brève suspension de séance. La volonté du Gouvernement rejoint tout à fait la vôtre, mesdames, messieurs les sénateurs : nous voulons avancer, réguler, moraliser et introduire de la décence. Dans le même temps, j’aimerais qu'une réflexion soit menée sur le calendrier et sur le véhicule législatif. Honnêtement, sauf à modifier la rédaction de cet amendement, possibilité que je laisse ouverte, pour atténuer un peu, à ce stade, ses effets, il me semble préférable d'attendre le projet de loi sur la gouvernance et sur la rémunération des dirigeants.

Je voudrais en discuter quelques instants avec le président de la commission des affaires économiques, le rapporteur et le rapporteur pour avis, s'ils en sont d'accord, raison pour laquelle une suspension de séance me paraîtrait souhaitable.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Patrick Courtois

La parole est à M. Philippe Marini, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Marini

M. Philippe Marini. Tant que cet amendement est en circulation, je peux m'exprimer à son sujet !

Sourires.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Marini

Je souscris à la plupart des propos tenus par le rapporteur et par le ministre. Ma question est la suivante : le renforcement de la compétence des assemblées générales en matière de politique de rémunération des dirigeants doit-il prioritairement prendre place dans un texte qui ne vise que le secteur bancaire ? Ne serait-il pas préférable que cette avancée de notre droit des sociétés commerciales couvre tous les secteurs d'activité ?

À titre personnel, je préférerais cette dernière approche, s’il était possible de soumettre au Parlement dans les prochains mois un texte législatif traitant de la gouvernance des entreprises.

Au demeurant, on le sait, il y a plusieurs façons d’aborder le sujet. Certains préconisent un vote consultatif global de l'assemblée générale sur l'ensemble des rémunérations des dirigeants. L'initiative utile de notre commission des affaires économiques relative au secteur bancaire va plus loin puisque l’amendement ajoute, en plus des dirigeants, les preneurs de risques, qui doivent être juridiquement définis, ce qui n'est pas si simple. Sont également visés les personnes exerçant une fonction de contrôle et les salariés les mieux rémunérés dont les activités professionnelles ont une incidence significative sur le profil de risque. On comprend qu'il s'agit là des opérateurs de marché, en d'autres termes des traders.

Ces différentes personnes forment un ensemble hétérogène qui, si j’ai bien compris, ferait l'objet d'une appréciation globale de l'assemblée générale. Cette appréciation globale serait-elle significative ? Ne serait-il pas préférable de s'interroger sur les principes de rémunération des dirigeants, d'une part, et sur ceux des opérateurs et autres salariés hautement rémunérés, d'autre part ?

Doit-on aller au-delà de la législation et des pratiques actuelles, et prévoir que, dans certains cas, l'information de l'assemblée générale devrait être plus précise que la simple prise de connaissance d’une enveloppe ? Quelles sont les règles à appliquer ? Le vote de l'assemblée générale doit-il être annuel ou porter sur une période plus longue ? Est-il consultatif ou contraignant ?

Il y a là de réels problèmes de fond que nous devons traiter en étant très attentifs aux législations en vigueur chez nos principaux voisins et à aux évolutions qu’elles connaissent, comme c’est actuellement le cas en Grande-Bretagne.

Au final, même si l'initiative de la commission des affaires économiques est utile, car elle permet au Sénat d’aborder un sujet important et d'imprimer quelque peu sa marque sur le débat, le texte qui nous est soumis n'est pas encore, me semble-t-il, suffisamment mûr du point de vue de sa rédaction technique.

Par ailleurs, il est peut-être critiquable dans la mesure où son application sectorielle ne saurait suffire, la gouvernance des entreprises commerciales, des grandes sociétés cotées en particulier, ayant vocation à évoluer dans ce domaine.

J'espère que la suspension souhaitée par M. le ministre permettra de trouver la juste voie sur ce sujet.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Caffet

Monsieur le président, je demande une suspension de séance.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Patrick Courtois

Mes chers collègues, nous allons interrompre nos travaux pour quelques instants.

La séance est suspendue.

La séance, suspendue à dix-sept heures quarante, est reprise à seize heures cinquante.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Patrick Courtois

La séance est reprise.

La parole est à M. le président de la commission des affaires économiques.

Debut de section - PermalienPhoto de Daniel Raoul

Monsieur le président, la commission des affaires économiques rectifie son amendement n° 2 rectifié, afin de remplacer « se prononce » par « est consultée ».

Debut de section - PermalienPhoto de Daniel Raoul

L’adoption de l’amendement marquerait tout de même une avancée par rapport à la pratique actuelle. En effet, la transparence à l’égard de l’assemblée générale des actionnaires serait accrue.

Bien évidemment, il ne s’agit là que d’une première étape, permettant d’aller un peu plus loin. Pour le reste, je fais confiance à M. le ministre, qui nous a annoncé qu’un texte était en préparation. Néanmoins, dans la gradation vers la transparence à l’égard des actionnaires, une phase intermédiaire serait ainsi ouverte.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Patrick Courtois

Je suis donc saisi d’un amendement n° 2 rectifié bis, présenté par M. Vaugrenard, au nom de la commission des affaires économiques, et qui est ainsi libellé :

I. Après l'article 4 nonies

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Avant la section 1 du chapitre 1er du titre 1er du livre V du code monétaire et financier, il est inséré un article ainsi rédigé :

« Art. L. ... - L’assemblée générale ordinaire des actionnaires est consultée annuellement sur l’enveloppe des rémunérations de toutes natures des dirigeants responsables au sens des articles L. 511–13 et L. 532–2 et des catégories de personnel, incluant les preneurs de risques, les personnes exerçant une fonction de contrôle, ainsi que tout salarié qui, au vu de ses revenus globaux, se trouve dans la même tranche de rémunération, dont les activités professionnelles ont une incidence significative sur le profil de risque de l’entreprise ou du groupe. »

II. - En conséquence, faire précéder cet article d'une division additionnelle et de son intitulé ainsi rédigés :

Titre 1er ter

Encadrement des rémunérations dans le secteur bancaire

Quel est l’avis de la commission ?

Debut de section - Permalien
Pierre Moscovici, ministre

Favorable.

Comme l’a déclaré M. Raoul, cet amendement permet une avancée tout en ménageant l’avenir et ouvre la voie à une approche qui mérite d’être plus globale et encore plus précise.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Patrick Courtois

La parole est à M. Éric Bocquet, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Éric Bocquet

Pour leur part, les membres du groupe CRC regrettent la rectification qui vient d’être faite. En effet, nous étions tout à fait disposés à voter l’amendement présenté par notre collègue Yannick Vaugrenard.

Bien évidemment, on peut toujours « lambiner » en évoquant la prise de risque des dirigeants des établissements bancaires. Mais, franchement, mes chers collègues, ces derniers ne font-ils pas prendre de risques aux peuples qu’ils dirigent ? Je n’oublie ni nos amis Espagnols ni nos amis Grecs, et on pourrait aussi parler des Chypriotes.

Comme nous le disions hier dans la discussion générale, les finances ne sont pas incompatibles avec un peu de démocratie. À mes yeux, elles peuvent même très bien se coordonner. Du reste, il y a urgence à légiférer sur le sujet pour garantir l’avenir de la démocratie dans notre République.

Une décision prise par les actionnaires, c’est un peu de démocratie. À tout le moins, c’est une décision à caractère humain, non soumise à je ne sais quel phénomène de spéculation ou à des algorithmes savants qui décident des transactions boursières à la place des hommes. C’est une décision que les hommes et les femmes peuvent prendre en responsabilité. Cela ne ferait donc pas de mal…

Du reste, la démocratie ne règle pas tout : on l’a vu, la votation par laquelle nos amis Suisses ont décidé de limiter les rémunérations n’a nullement empêché UBS de considérablement augmenter celle de son président.

Tout pas en avant, aussi modeste soit-il, vers plus de démocratie et de transparence nous convient. Par conséquent, nous ne voterons pas l’amendement dans sa nouvelle version.

Debut de section - PermalienPhoto de Yannick Vaugrenard

Pour ma part, je veux être positif : je considère que cet amendement, qui, je l’espère, sera voté, manifeste la volonté clairement exprimée par notre Haute Assemblée qu’un contrôle soit exercé sur l’enveloppe globale des rémunérations des dirigeants des grandes banques.

En outre, cette démarche envoie un signal important à l’opinion publique.

Monsieur Bocquet, j’aurais peut-être préféré une autre solution, mais, dans la vie, il faut savoir écouter les avis des uns et des autres, et négocier !

Monsieur le ministre, j’ai apprécié que vous ayez fait état de notre convergence de vues, dont je ne doutais d’ailleurs pas : votre objectif coïncide avec celui que la commission des affaires économiques s’est fixé, à l’unanimité de ses membres.

Je considère qu’une première étape extrêmement importante est franchie. En effet, je n’imagine pas un instant que le fait que l’assemblée générale des actionnaires soit informée de la réalité des rémunérations ne puisse pas peser sur le reste. C’est cet élément déterminant, qui me semble répondre au souci partagé par tous, qui m’a fait accepter la proposition faite par le président de la commission des affaires économiques.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Patrick Courtois

La parole est à M. Jean Desessard, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Desessard

Les membres du groupe écologiste étaient favorables à la rédaction initiale de l’amendement n° 2 rectifié.

Toutefois, comprenant qu’il n’était pas facile pour le groupe majoritaire de la majorité sénatoriale de déboucher sur un consensus, nous nous rallions bien volontiers à l’amendement n° 2 rectifié bis, que nous voterons.

L'amendement est adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Patrick Courtois

En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l'article 4 nonies.

Je suis saisi de quatre amendements faisant l'objet d'une discussion commune.

L'amendement n° 44 rectifié, présenté par MM. Collombat, Mézard, Baylet, Bertrand, C. Bourquin, Chevènement, Collin, Fortassin et Hue, Mme Laborde et MM. Mazars, Plancade, Requier, Tropeano et Vall, est ainsi libellé :

Après l'article 4 nonies

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

L’article L. 225-177 du code de commerce est complété par trois alinéas ainsi rédigés :

« Les entreprises relevant du code monétaire et financier ne peuvent bénéficier de la faculté ouverte par le présent article s'agissant de la distribution d'options de souscription ou d'achat d'actions.

« Les autorisations antérieures à la date de publication de la loi n° … du … de séparation et de régulation des activités bancaires sont valables jusqu'à leur terme.

« Au titre de la maîtrise des risques, et pour une année donnée, les entreprises relevant du même code ne peuvent verser à leurs mandataires sociaux une part variable de rémunération, de toute nature, supérieure à la part fixe. »

La parole est à M. Pierre-Yves Collombat.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre-Yves Collombat

Au cours des explications qui viennent d’être données me revenait une petite musique : « Ce que l’on conçoit bien s’énonce clairement. » La seule chose que je crois avoir comprise est qu’il était urgent d’attendre ! Après ces palinodies, …

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre-Yves Collombat

Oui, et j'y tiens !

Après ces palinodies, disais-je, j’ai conscience du caractère incongru de cet amendement qui tend à la suppression des stock-options et au plafonnement des bonus. J’ai pour excuse d’avoir des complices, par exemple François Hollande, qui avait annoncé que les stock-options seraient supprimées, mais il est vrai qu’il n’avait pas donné de date… Ce sera donc peut-être pour le prochain quinquennat !

Mme Éliane Assassi s’esclaffe

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Patrick Courtois

Les deux amendements suivants sont identiques.

L'amendement n° 119 rectifié bis est présenté par Mmes Lienemann et Rossignol et MM. Godefroy, Dilain, Teulade, Chastan et Vandierendonck.

L'amendement n° 258 rectifié est présenté par MM. Placé, Desessard et les membres du groupe écologiste.

Ces deux amendements sont ainsi libellés :

Après l’article 4 nonies

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

I. – L’article L. 225-177 du code de commerce est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« Les entreprises relevant du code monétaire et financier ne peuvent bénéficier de la faculté ouverte par le présent article s’agissant de la distribution d’options de souscription ou d’achat d’actions. »

II. – Les autorisations antérieures à la date de publication de la présente loi sont valables jusqu’à leur terme.

La parole est à Mme Marie-Noëlle Lienemann, pour présenter l’amendement n° 119 rectifié bis.

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-Noëlle Lienemann

Monsieur Collombat, nous avons de bonnes références : nous avons retenu l’un et l’autre le discours qu’a tenu à Rouen, le 15 février 2012, François Hollande ! Alors candidat à l’élection présidentielle, il prenait des engagements relatifs au système bancaire et annonçait que les stock-options seraient supprimées et les bonus encadrés.

C’est pourquoi je me suis permis de déposer un amendement qui tend précisément à supprimer les stock-options dans les groupes bancaires. On le sait, ces instruments incitent à prendre plus de risques et procurent des enrichissements dont la cause est hautement discutable, car ils peuvent résulter d’une performance boursière générale et non d’une « surperformance » de l’entreprise.

Je pense en effet que débat sur les stock-options mérite d’être plus largement posé, mais, pour être franche, je vois une grande différence structurelle entre un informaticien de très haut niveau qui travaille à MATRA Systems sur des technologies en pointe qui apporteront des évolutions industrielles majeures et les dirigeants des grandes banques, qui spéculent ou pas mais qui n’ont en tout cas pas besoin de salaires et de bonus aussi élevés pour être performants.

Je préconise donc, monsieur le ministre, la suppression des stock-options dans le système bancaire.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Patrick Courtois

La parole est à M. Jean Desessard, pour présenter l'amendement n° 258 rectifié.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Desessard

En écho à l'engagement n° 7 du Président de la République, cet amendement tend à interdire les stock-options dans le secteur bancaire.

Les stock-options permettent à leur détenteur d'acheter une action à une date et à un prix déterminés d'avance. Si, à cette date, le cours de l'action est supérieur au prix convenu, l'option est levée et son détenteur empoche alors la différence.

Apparu en France dans les années soixante-dix, installé dans les années quatre-vingt puis vraiment utilisé dans les années quatre-vingt-dix, ce système de rémunération des dirigeants a accompagné la grande épopée de la dérégulation libérale venue du monde anglo-saxon.

J’expliquais hier que le secteur industriel nécessitait des investissements de long terme. Mais, alors que l'intérêt des dirigeants des grandes industries familiales était la pérennité de l'entreprise par-delà les générations, l'intérêt du dirigeant moderne repu de stock-options devient le profit immédiat que peut procurer la variation quotidienne du cours de la bourse.

Par exemple, le déclenchement d’une offre publique d’achat contre une entreprise peut faire, du jour au lendemain, la fortune personnelle de son dirigeant, qui peut donc trouver intérêt à cette attaque qui fait augmenter le cours de l’action et lui permet d’empocher une plus-value. Les « vertus » incitatives, puisque l’on parle beaucoup de vertu, de son mode de rémunération ne sont donc pas vraiment évidentes.

Ces dernières années, de nombreux scandales financiers ont éclaté autour de l'usage abusif de ces rémunérations, tant en France qu'aux États-Unis. Il nous semble donc avisé de renoncer aux stock-options, avec toutefois une exception pour les entreprises naissantes, les startup, pour lesquelles ce système permet d’offrir aux salariés une rémunération différée en cas de succès.

En attendant sa généralisation, promise par le Président de la République et esquissée hier par le Premier ministre, cet amendement vise donc à l’interdiction des stock-options dans le secteur bancaire, particulièrement exposé aux prises de risques intempestives qu’engendrent des rémunérations abusives.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Patrick Courtois

L'amendement n° 82 rectifié, présenté par M. Bocquet, Mme Beaufils, M. Foucaud et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :

Après l’article 4 nonies

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Après l’article L. 225-102-1 du code de commerce, il est inséré un article ainsi rédigé :

« Art. L. … – Dans les établissements de crédit, compagnies financières et compagnies financières holding mixtes, la part variable de rémunération et les avantages de toute nature attribués annuellement aux président du conseil d’administration, président directeur général, directeurs généraux délégués et membres du directoire ou du conseil de surveillance ne peuvent être supérieurs à la part fixe. Ces dispositions sont également applicables aux salariés des personnes morales mentionnées aux articles L. 511-1 et L. 531-4 du code monétaire et financier, lorsque l’activité de ces salariés est susceptible d’avoir une incidence significative sur l’exposition aux risques de l’entreprise, ainsi qu’aux professionnels de marché sous le contrôle desquels opèrent ces salariés. »

La parole est à M. Éric Bocquet.

Debut de section - PermalienPhoto de Éric Bocquet

Le moins que l'on puisse dire est que cet amendement a une origine précise.

Première source de notre réflexion, il nous est apparu que les auteurs du collectif budgétaire d'octobre 2008, où figurait le plan de sauvetage des banques françaises, qui ne mobilisait pas moins de 360 milliards d'euros de « droit de tirage » – soit un niveau presque comparable au budget –, avaient, dans un premier temps, oublié d’imposer quelques principes de savoir-vivre – de « vertu », diraient certains de nos collègues – aux dirigeants des établissements de crédit.

Ainsi, l'article 6 de la loi de finances rectificative indiquait notamment : « Les établissements concernés passent une convention avec l'État qui fixe les contreparties de la garantie, notamment en ce qui concerne le financement des particuliers, des entreprises et des collectivités territoriales. Cette convention précise également les engagements des établissements et de leurs dirigeants sur des règles éthiques conformes à l'intérêt général ».

Chacun en conviendra, cela n'était pas particulièrement contraignant...

Beaucoup plus récemment, une votation citoyenne, organisée dans un pays voisin, pourtant réputé pour la solidité et le sérieux de son secteur bancaire, a été l'occasion de constater que la grande majorité des électeurs était favorable au plafonnement de la rémunération des dirigeants d'établissements bancaires…

Les majorités observées pour cette votation étaient d'ailleurs sans équivoque : 67, 9 % des électeurs ont voté en faveur de la limitation des rémunérations des grands dirigeants d'entreprises et, singulièrement, de banques. La proportion a atteint 67, 7 % dans le canton de Genève, 70, 3 % dans le canton de Berne et même plus de 77 % dans le canton romand du Jura. Avec la même assurance, le canton de Zurich s’est prononcé en faveur de la limitation des rémunérations avec plus de 70 % de votes favorables et même le canton alémanique de Zoug, connu pour être un paradis fiscal encore plus remarquable que les autres cantons suisses, a voté « oui » à plus de 58 % !

Une telle situation ne peut que nous encourager à faire évoluer la législation française.

Une bonne part des dérives que nous avons pu constater depuis une trentaine d’années dans la gestion de nos banques est d'ailleurs due à des formes nouvelles de rémunération des cadres dirigeants. Elles font de la rentabilité obtenue coûte que coûte, de ce que l'on dénomme la « création de valeur », un des éléments déterminants de la rémunération.

Ces dérives, ces abus, ces parachutes dorés et autres retraites chapeau, ces « golden hello », comme disent les Anglais, et ces plans d'option d'achat d'actions, il convient de les limiter, sinon d'y mettre un terme !

Debut de section - PermalienPhoto de Richard Yung

Les quatre amendements traitent des mêmes sujets, mais de façon un peu différente…

Je formulerai préalablement deux remarques générales.

D’abord, je rappellerai qu’à l’origine, comme l’a fort bien dit M. Desessard, les stock-options ont été introduites pour permettre un versement différé de leurs rémunérations aux créateurs de sociétés en développement, de startup, parfois en difficulté à leurs débuts. C’était donc un dispositif plutôt « vertueux », pour employer un mot que vous aimez particulièrement, monsieur Desessard. Par la suite, le dispositif a été dévoyé, en particulier dans les grandes entreprises et dans les institutions financières.

Le mécanisme est relativement simple : par contrat, l’entreprise garantit à un dirigeant la possibilité d’acheter des actions à une valeur « 100 » puis de les revendre, après un certain délai mais à un moment qu’il choisira lui-même, en général à un ou deux ans plus tard, au prix du marché. Il suffit donc d’attendre que la valeur atteigne « 180 » ou « 200 » puis empocher la plus-value.

Il s’agit d’une rémunération que je qualifierai de « sèche », qui ne correspond à aucun mérite et n’encourage guère le travail. Les auteurs des amendements ont cité plusieurs fois le Président de la République, et je crois que nous sommes en effet tous d’accord sur la nécessité de revoir ce mécanisme et d’interdire les stock-options, encore qu’il faudra sans doute distinguer le cas des startup,

L’autre remarque concerne le rapport entre la part fixe et la part variable des rémunérations. Aujourd'hui, la part variable représente souvent huit, voire dix fois la part fixe, ce qui permet d’afficher une rémunération « modeste », si l’on peut dire, alors qu’il s’agit en réalité de dix fois plus.

J’en viens aux amendements.

L’amendement n° 44 rectifié prévoit l’interdiction de distribuer des options de souscription, avec certains aménagements de délais, et, au titre de la maîtrise des risques, l’interdiction pour les entreprises relevant du code monétaire et financier de verser à leurs mandataires sociaux une part variable de rémunération supérieure à la part fixe.

M. Collombat dira, bien sûr, qu’il s’agit de « palinodies » – je lui rappelle d’ailleurs que c’était le nom du bateau de Gaston Deferre, …

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre-Yves Collombat

S'il avait eu un vrai successeur, on n'en serait pas là !

Debut de section - PermalienPhoto de Richard Yung

Quoi qu’il en soit, monsieur Collombat, ces points figurent dans le paquet CRD IV, en voie de finalisation et de traduction. Par conséquent, nous devons nous inscrire dans ce processus européen. Je vous demanderai donc de retirer votre amendement.

L’amendement n° 119 rectifié bis reprend l’interdiction de la distribution de souscription ou d’achat d’actions, c'est-à-dire de stock-options, tout comme l’amendement n° 258 rectifié de M. Desessard. J’en demande donc aussi le retrait.

Enfin, l’amendement n° 82 rectifié de M. Bocquet couvre à la fois la part de rémunération variable des mandataires et celle des salariés qui ont une influence dans la vie et les résultats de l’entreprise, mais on retrouve la même idée de limiter la part variable au montant de la part fixe. Je formule donc, ici encore, une demande de retrait, dans l’attente de la transcription de CRD IV.

Debut de section - Permalien
Pierre Moscovici, ministre

La proposition d’introduire dans la réglementation bancaire une interdiction des stock-options ne me semble pas adaptée.

Je crois tout à fait légitime qu’une réflexion soit menée avec nos partenaires européens sur le renforcement de la réglementation bancaire en matière de rémunération, mais il s’agit ici en outre d’une interdiction générale, visant une population de salariés beaucoup plus large.

Je sais aussi que les banques utilisent ce type d’instrument dans le cadre de plans collectifs, qui impliquent typiquement des milliers de cadres dirigeants.

C’est pourquoi je suis défavorable à ces amendements.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Patrick Courtois

La parole est à M. Pierre-Yves Collombat, pour explication de vote sur l'amendement n° 44 rectifié.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre-Yves Collombat

Le rapporteur m’indique que la question est en passe d’être réglée à Bruxelles. Donc, le crime sera perpétré mais nous n’en serons pas coupables… J’étais prêt à retirer mon amendement, mais je me demande maintenant ce que cachent ces explications.

En définitive, comme je n’ai absolument rien compris, je maintiens mon amendement.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Patrick Courtois

La parole est à Mme Nathalie Goulet, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Nathalie Goulet

Nous avons lutté, dans cette enceinte, pour taxer les stock-options, dans le cadre du projet de loi de financement de la sécurité sociale puis du projet de loi de finances, et débattu à plusieurs reprises de ces sujets.

Par ailleurs, dans le cadre de la mission commune d’information sur la désindustrialisation des territoires, nous avons entendu un certain nombre de dirigeants de grandes entreprises, dont le P-DG de Danone, qui nous a expliqué qu’il avait besoin des stock-options pour fidéliser des cadres de qualité.

Donc, même si l’intention est extrêmement louable, même si la part variable de la rémunération ne peut continuer à croître de façon exponentielle et que les stock-options à plusieurs zéros, insupportables en période de crise, ont à juste titre souvent défrayé la chronique, je partage l’avis de la commission et du Gouvernement sur la nécessité d’attendre qu’une réglementation européenne soit mise en place, de sorte que l’interdiction soit bien paramétrée et ajustée aux entreprises financières, pour lesquelles ce peut être un outil pour conserver leurs cadres et leurs dirigeants.

Il me paraît donc prudent d’attendre, et, contrairement à notre ami Collombat, j’ai très bien compris ce qu’ont dit le rapporteur et le ministre. §

Debut de section - PermalienPhoto de Nathalie Goulet

Je suis moins sûre de moi, c’est peut-être pour cela que j’écoute mieux…

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre-Yves Collombat

Non, il s’agit d’une disponibilité naturelle !

L'amendement n'est pas adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Patrick Courtois

Madame Lienemann, l'amendement n° 119 rectifié bis est-il maintenu ?

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-Noëlle Lienemann

Je n’ai pas non plus toujours perçu la cohérence du discours du ministre, qui ne semblait pas d’un enthousiasme délirant à la perspective de supprimer les stock-options dans le secteur bancaire, conformément, je le rappelle, à un engagement de François Hollande.

Cependant, je me range à l’avis de notre rapporteur. Sans doute vaut-il mieux en effet suivre les étapes nécessaires pour atteindre cet objectif et régler d’abord la question des votes européens avant d’engager une réflexion plus globale sur les stock-options.

Je retire donc mon amendement, monsieur le président, même si je n’en pense pas moins sur le fond !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Patrick Courtois

L’amendement n° 119 rectifié bis est retiré.

Monsieur Desessard, l'amendement n° 258 rectifié est-il maintenu ?

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Desessard

M. Bocquet l’a dit, le contexte mondial, qui favorise toujours plus l’enrichissement et les profits de quelques-uns, mais aussi le chômage de masse et les pertes d’emplois dans nos territoires, nous impose d’agir.

Faut-il qu’il y ait beaucoup de riches parce qu’ils donnent des miettes aux pauvres pour que ceux-ci aient tout de même quelque chose ? On peut le penser, mais ce n’est pas une idée de gauche !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Desessard

Ce qui est de gauche, c’est de penser que l’existence d’hyper-riches se traduit par une pauvreté plus importante : l’analyse n’est pas la même !

Certes, ce n’est pas directement lié au secteur bancaire, mais pourquoi ce secteur aurait-il besoin de stock-options ? Vous l’avez dit vous-même, monsieur le rapporteur, et je vous remercie de votre sincérité.

Que des gens qui investissent massivement leur temps et leurs idées dans des entreprises nouvelles se rémunèrent sur la valeur prise par l’entreprise faute d’avoir pu percevoir les salaires correspondants à leurs compétences et à leur travail, c’est normal !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Desessard

Que des cadres installés dans une entreprise attendent que la valeur de l’action croisse pour la vendre au moment le plus opportun, quelle que soit la santé de l’entreprise, c’est inacceptable ! Nous sommes donc dans notre rôle en supprimant leurs stock-options.

Monsieur le rapporteur, vous faites confiance, sans doute à juste titre, au Gouvernement, qui évoque une loi en préparation. Pour notre part, nous sommes partisans, à l’heure où l’on s’attaque à ce problème à l’échelle européenne et mondiale, d’agir immédiatement. C'est la raison pour laquelle je maintiens mon amendement.

L'amendement n'est pas adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Patrick Courtois

Monsieur Bocquet, l'amendement n° 82 rectifié est-il maintenu ?

Debut de section - PermalienPhoto de Éric Bocquet

Le magazine Forbes vient de publier, voilà quelques semaines, sa liste annuelle des milliardaires du monde en se réjouissant de leur augmentation sensible. Ces derniers sont désormais 1 426, soit 210 de plus que l’année précédente, chiffre à mettre en regard des 7 milliards d’humains qui peuplent la planète.

Comme l’a souligné notre collègue Jean Desessard, dans le même temps, la pauvreté explose partout en Europe, et je ne parle pas du tiers-monde !

Il est donc plus qu’urgent de statuer sur le sujet, et l’amendement est, bien sûr, maintenu !

L'amendement n'est pas adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Patrick Courtois

L'amendement n° 196 rectifié ter, présenté par Mmes Lienemann et Rossignol, MM. Chastan, Courteau, Teulade, Dilain et Godefroy, Mme Espagnac et M. Vandierendonck, est ainsi libellé :

Après l’article 4 nonies

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

La section 1 du chapitre Ier du titre Ier du livre V du code monétaire et financier est complété par un article ainsi rédigé :

« Art. L. … – Les entreprises régies par le présent titre dotées d’un conseil d’administration doivent respecter les prescriptions de l’article L. 225-42-1 du code de commerce, même si leurs titres ne sont pas admis sur un marché réglementé.

« Les entreprises régies par le présent titre dotées d’un directoire et d’un conseil de surveillance doivent respecter les prescriptions de l’article L. 225-90-1 du code de commerce, même si leurs titres ne sont pas admis sur un marché réglementé. »

La parole est à Mme Marie-Noëlle Lienemann.

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-Noëlle Lienemann

Les sociétés cotées sont soumises à une obligation de publicité s'agissant de la rémunération de leurs dirigeants, ou à tout le moins de certains d’entre eux.

Nous proposons d’étendre cette obligation à tous les établissements de crédit.

Debut de section - PermalienPhoto de Richard Yung

Pour les raisons que j’ai exprimées précédemment, la commission sollicite le retrait de cet amendement.

Le projet de loi de transposition de la CRD IV sera l’occasion d’examiner en détail la question de la rémunération dans les banques et de sa publicité.

Debut de section - Permalien
Pierre Moscovici, ministre

Retrait, sinon rejet.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Patrick Courtois

Madame Lienemann, l'amendement n° 196 rectifié ter est-il maintenu ?

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-Noëlle Lienemann

Je reprends le même argumentaire que précédemment : on nous annonce des jours meilleurs ; je ne manquerai pas, à ce moment-là, d’être exigeante pour qu’ils le soient réellement !

Je retire l’amendement, monsieur le président.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Patrick Courtois

L'amendement n° 196 rectifié ter est retiré.

TITRE II

MISE EN PLACE DU RÉGIME DE RÉSOLUTION BANCAIRE

Chapitre Ier

Institutions en matière de prévention et de résolution bancaires

Section 1

L’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution

I. –

Non modifié

II. – Le chapitre II du titre Ier du livre VI du code monétaire et financier est ainsi modifié :

1° Après le 3° du II de l’article L. 612-1, il est inséré un 4° ainsi rédigé :

« 4° De veiller à l’élaboration et à la mise en œuvre des mesures de prévention et de résolution des crises bancaires, prévues aux articles L. 613-31-11 à L. 613-31-17, dont l’objet est de préserver la stabilité financière, d’assurer la continuité des activités, des services et des opérations des établissements dont la défaillance aurait de graves conséquences pour l’économie, de protéger les déposants, d’éviter ou de limiter au maximum le recours au soutien financier public. » ;

2° L’article L. 612-4 est ainsi rédigé :

« Art. L. 612 -4 . – L’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution comprend un collège de supervision, un collège de résolution et une commission des sanctions.

« Sauf disposition contraire, les attributions confiées à l’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution sont exercées par le collège de supervision, qui statue en formation plénière, en formation restreinte, en sous-collège sectoriel ou, le cas échéant, en commission spécialisée.

« Les missions mentionnées au 4° du II de l’article L. 612-1 ainsi qu’au III de l’article L. 312-5 et régies par les articles L. 613-31-12 à L. 613-31-16 sont exercées par le collège de résolution. » ;

3° Après l’article L. 612-8, il est inséré un article L. 612-8-1 ainsi rédigé :

« Art. L. 612 -8 -1 . – Le collège de résolution de l’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution est composé de cinq membres :

« 1° Le gouverneur de la Banque de France ou son représentant, président ;

« 2° Le directeur général du Trésor ou son représentant ;

« 3° Le président de l’Autorité des marchés financiers ou son représentant ;

« 4° Le sous-gouverneur désigné par le gouverneur de la Banque de France, ou son représentant ;

« 5° Le président du directoire du fonds de garantie des dépôts et de résolution ou son représentant.

« Par dérogation à l’article L. 612-12, un décret en Conseil d’État fixe les conditions d’organisation et de fonctionnement des services chargés de préparer les travaux du collège de résolution. Le directeur chargé de ces services est nommé par arrêté du ministre chargé de l’économie, sur proposition du président du collège de résolution. Il rapporte au collège de résolution.

« Le collège de résolution ne peut délibérer que si la majorité de ses membres sont présents.

« Ses décisions sont prises à la majorité des voix. En cas de partage égal des voix, celle du président est prépondérante.

« Les décisions pouvant entraîner, immédiatement ou à terme, l’appel à des concours publics, quelle que soit la forme de ces concours, ne peuvent être adoptées qu’avec la voix du directeur général du Trésor ou de son représentant.

« Les membres du collège de résolution et les services chargés de la préparation de ses travaux ont accès, pour l’exercice de leurs missions au sein de l’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution, aux informations détenues par l’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution pour l’exercice de ses missions de contrôle prudentiel. » ;

4° Le 5° de l’article L. 612-33 est complété par les mots : « ainsi que tout ou partie d’un portefeuille de crédits ou de dépôts d’un établissement de crédit » ;

5° Aux premier et douzième alinéas, à la première phrase du quinzième alinéa, à l’avant-dernier alinéa, trois fois, et au dernier alinéa de l’article L. 612-5, au premier alinéa et aux 3°, 4° et 5° de l’article L. 612-6, au premier alinéa de l’article L. 612-7, à l’article L. 612-8, aux sixième et avant-dernier alinéas de l’article L. 612-9, à la première phrase du premier alinéa, aux deuxième et avant-dernier alinéas, au dernier alinéa du I, deux fois, à la première phrase du premier alinéa du II et du second alinéa du III de l’article L. 612-12, au premier alinéa de l’article L. 612-13, aux 1° et 3° du II de l’article L. 612-14, aux troisième et dernier alinéas de l’article L. 612-15, à la première phrase du IV de l’article L. 612-16, au troisième alinéa, à la fin du quatrième alinéa et à la première phrase de l’avant-dernier alinéa du II de l’article L. 612-19, au dernier alinéa du III de l’article L. 612-20, à l’article L. 612-36 et à la première phrase du troisième alinéa et à la deuxième phrase du sixième alinéa de l’article L. 612-38, après le mot : « collège », sont insérés les mots : « de supervision » ;

6° Aux premier, cinquième, sixième et septième alinéas de l’article L. 612-10, après le mot : « collège », sont insérés les mots : « de supervision, du collège de résolution » ;

bis (nouveau) Le début du premier alinéa de l’article L. 612-11 est ainsi rédigé :

« Sans préjudice des dispositions de l’article L. 612-8-1, le directeur général du Trésor… (le reste sans changement). » ;

7° Le premier alinéa de l’article L. 612-38 est ainsi modifié :

a) À la première phrase, après le mot : « collège », sont insérés les mots : « de supervision ou le collège de résolution » ;

b) Le début de la deuxième phrase est ainsi rédigé : « Si cette formation ou le collège de résolution décide...

le reste sans changement

Debut de section - PermalienPhoto de Éric Bocquet

L’article 5 du projet de loi est l’un des articles déterminants du texte, s’agissant notamment de la composition de la nouvelle autorité de contrôle prudentiel, dont les missions vont être élargies et les pouvoirs de sanction quelque peu renforcés, comme nous le verrons avec l’article 7. Nous avons souligné, hier, cette avancée.

À la vérité, nous sommes toujours circonspects dès lors qu’une partie des prérogatives naturelles du pouvoir législatif ou du pouvoir politique, légitimes et démocratiquement élus, est confiée à une autorité indépendante.

D’une certaine manière, la nouvelle autorité de contrôle prudentiel et de résolution participe de ce lent mais sûr démantèlement des champs d’intervention du pouvoir politique qui a accompagné une bonne partie de l’évolution des choses dans l’appréhension de bien des domaines de la vie sociale, qu’il s’agisse par exemple des questions sanitaires, avec la Haute Autorité de santé, des questions éthiques, du fonctionnement du secteur de l’audiovisuel ou de l’ensemble des secteurs d’activité et de production ouverts à la concurrence par la voie des directives européennes et pour lesquels l’arbitrage a été confié à une autorité administrative indépendante.

Cependant, dans le cas qui nous préoccupe, plusieurs observations essentielles doivent être formulées.

Le recrutement des membres de l’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution est pour le moins restreint, puisqu’aux côtés des hauts magistrats habituels, issus des grandes juridictions du pays, il est limité aux « professionnels de la profession ».

Alors même que la nouvelle ACPR va s’occuper de la garantie des dépôts, question essentielle au regard de la relation que les particuliers peuvent entretenir avec leur banque – on peut le dire d’autant plus aisément que se développe depuis quelques jours la controverse sur le traitement par l’Europe de la crise chypriote –, nous ne trouvons aucune trace, dans la composition du collège, et a fortiori dans les commissions spécialisées, d’une représentation des usagers du secteur bancaire, pas plus d’ailleurs que des salariés de ce même secteur.

Que les concepteurs originaux de l’autorité de régulation n’aient pas jugé utile que la société civile, dans sa diversité, soit justement représentée au sein du collège est une chose, mais que le projet de loi, en l’état, oublie quelque peu cette exigence de représentation et de transparence n’est pas acceptable et doit donc être corrigé.

L’autorité de régulation a beaucoup à gagner à éviter d’être assimilée, comme cela est à craindre, à un cercle d’initiés où l’on se retrouve « entre soi », pour parfois « laver son linge sale en famille », à l’abri des regards indiscrets.

Les événements qui se sont produits depuis 2007 sur les marchés financiers, la connaissance approfondie des errements des établissements bancaires que le grand public a fini par acquérir sont autant de facteurs qui justifient pleinement que nous franchissions l’étape de la démocratie et de la transparence en ce qui concerne le contrôle prudentiel des établissements de crédit, des compagnies d’assurance et des activités financières en général.

C’est à l’aune de ces observations que nous nous positionnerons dans le cadre de la discussion de cet article essentiel du projet de loi.

Debut de section - PermalienPhoto de Francis Delattre

Les articles 5 et 6 du projet de loi sont essentiels et le vote final d’un certain nombre d’entre nous dépendra donc de leur rédaction.

Nous sommes attachés à une autorité de contrôle indépendante administrativement. Avec le dispositif que vous introduisez, l’autorité de contrôle le demeure-t-elle réellement ? Dans cette Autorité de contrôle prudentiel et de résolution, ou ACPR, c’est le « R » de résolution qui pose problème, sa composition et son fonctionnement évoluant en conséquence.

Dans son fonctionnement, le collège de supervision demeure, avec ses dix-neuf membres, mais celui qui prendra les vraies décisions, la cheville ouvrière du système sera le nouveau collège de résolution, lequel ne comprend plus que cinq membres : seuls restent deux personnalités issues de la Banque de France, auxquelles s’ajoutent le directeur général du Trésor – pourquoi pas ? –, le président de l’Autorité des marchés financiers et le président du directoire du fonds de garantie des dépôts et de résolution.

La difficulté est la suivante : les résolutions qui peuvent être prises par le collège de résolution ont une incidence directe sur le fonds de garantie des dépôts et changent profondément sa nature.

Dans l’esprit des contribuables et des déposants, le fonds de garantie des dépôts, alimenté par la profession, garantit les dépôts. En aucun cas il n’est considéré comme étant éventuellement un moyen d’intervenir dans la modification profonde du capital, du système de fonctionnement d’un établissement, comme il est prévu à l’article 6.

L’indépendance du collège de résolution est à mon avis altérée du fait de son mode de fonctionnement.

À l’origine, l’autorité de contrôle travaillait essentiellement avec les moyens de la Banque de France. Aujourd'hui, les dossiers sont instruits par le directeur d’un service, lequel est nommé par le ministre de l’économie et des finances. Autrement dit, certains des dossiers qui seront présentés au collège de résolution viendront directement des services de Bercy !

Traditionnellement, c’était la Commission bancaire qui effectuait les contrôles, suivait les problèmes bancaires au plus près. On rétablit maintenant le système qui a donné lieu voilà quelques années au fiasco du Crédit Lyonnais. En réalité, les difficultés du cet établissement ont directement résulté d’un certain interventionnisme purement politique. Une législation a ensuite été mise en place pour éviter qu’un tel fiasco ne se reproduise.

Je regrette d’avoir à le dire, mais, dès lors que les dossiers les plus importants qu’aura à traiter le collège de résolution proviendront directement des services du ministère de l’économie et des finances et que le directeur qui instruira ces dossiers sera nommé par le ministre à la tête de ce même ministère – c’est écrit noir sur blanc –, un problème d’indépendance se posera indiscutablement.

Croyez-moi, tous ceux qui ont suivi de près, à une certaine époque, l’affaire du Crédit Lyonnais savent pourquoi ses problèmes sont survenus. Il n’y a pas eu de problème de dirigeant. C’est parce qu’on a imposé à M. Haberer de financer l’achat de studios aux États-Unis par M. Paretti que le principal fiasco de la défaisance s’est produit ensuite. Je pense donc qu’il faut éviter tout interventionnisme.

Circonstance aggravante, le fonds de garantie peut être amené à intervenir dans des mesures de redressement, ce qui peut gravement lui nuire. Je reprendrai à ce sujet l’image intéressante du collier de perles utilisée par M. le rapporteur hier : si une première perle tombe, toutes les autres suivent ! En l’occurrence, je peux vous l’assurer, mes chers collègues, si le fonds de garantie est saisi afin de restructurer financièrement un établissement alors qu’il disposera, dans le meilleur des cas, d’une somme comprise entre 2 milliards et 10 milliards d’euros, il y aura un vrai problème pour garantir à hauteur de 100 000 euros les fonds des déposants dans les établissements qui arriveraient après !

Déjà à l’époque de l’affaire du Crédit Lyonnais, la mise en place du fonds de garantie avait constitué, dans l’esprit de tous et notamment des déposants, une avancée importante, que les lois de 2008 et de 2010 avaient encore renforcée. Que ce fonds puisse désormais servir à redresser un établissement bancaire en difficulté est une dénaturation du principe qui aura de graves effets sur et pour les déposants.

Monsieur le ministre, c’est, je le répète, la rédaction qui sera retenue pour les articles 5 et 6 qui déterminera notre vote final, car ils constituent à nos yeux l’armature du dispositif, armature qui, en l’état, nous paraît à bien des égards peu sûre.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Patrick Courtois

L'amendement n° 188 rectifié bis, présenté par MM. Vincent, D. Bailly, Chiron, J.C. Leroy, Magner, Mazuir, Patriat et Rainaud, Mme Rossignol, M. Néri, Mme Bourzai et MM. Vandierendonck, Teulade et Carvounas, est ainsi libellé :

Après l’alinéa 4

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

« …° De veiller à contrôler la nature des produits bancaires proposés aux collectivités territoriales, à leurs groupements et aux organismes publics afin d’éviter que des produits structurés comportant des risques financiers significatifs puissent leur être vendus. » ;

La parole est à M. Maurice Vincent.

Debut de section - PermalienPhoto de Maurice Vincent

Comme cela vient d’être rappelé, avant l’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution, c’était la Commission bancaire qui avait pour fonction de contrôler les banques et de veiller à la qualité des produits financiers diffusés dans l’économie.

Cette commission a pourtant laissé dériver sans réagir la banque Dexia, bien après le Crédit Lyonnais, ainsi que d’autres banques. Elle n’a pas réagi face à la diffusion importante d’emprunts structurés, dont certains étaient toxiques, aux collectivités territoriales. Il y a donc eu une réelle et importante défaillance, alors même que cette commission avait repéré en 2006, comme elle l’indiquait dans son propre rapport, parmi les produits offerts une part non négligeable de produits complexes dits « structurés ». Elle n’ignorait donc pas le danger potentiel. Néanmoins, elle n’a pas réagi, en tout cas pas suffisamment, ce qui a conduit à la situation que nous connaissons.

Il me semble donc utile d’ajouter de façon explicite aux missions protection des déposants de l’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution des missions de contrôle des produits bancaires vendus aux collectivités territoriales et aux organismes publics.

Debut de section - PermalienPhoto de Richard Yung

Cet amendement vise à confier à l’ACPR le contrôle de la nature des produits bancaires distribués aux collectivités publiques. Cette proposition, on le voit bien, fait suite aux situations douloureuses vécues ces dernières années par un certain nombre de ces collectivités, situations à propos desquelles je pense que tout le monde partage votre sentiment, monsieur Vincent.

Parmi les missions de l’ACPR figure cependant déjà le contrôle des produits distribués par tout établissement de crédit quel qu’il soit, en particulier des produits destinés aux collectivités publiques.

Vous me direz certainement, mon cher collègue, que l’expérience montre que ce contrôle n’a pas fait ses preuves à 100 % et je vous en donnerai volontiers acte. Cela étant dit, nous avons retravaillé, avec votre soutien d’ailleurs, l’article 11 ter, dans lequel nous avons introduit toute une série de mesures d’encadrement des emprunts par les collectivités publiques, ce qui devrait répondre à vos préoccupations et vous conduire à retirer votre amendement.

Debut de section - Permalien
Pierre Moscovici, ministre

Même avis.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Patrick Courtois

Monsieur Vincent, l'amendement n° 188 rectifié bis est-il maintenu ?

Debut de section - PermalienPhoto de Maurice Vincent

Je ne cacherai pas mon intérêt pour les précisions qu’il nous sera possible d’apporter à un certain nombre de dispositifs lors de l’examen de l’article 11 ter. Je ne suis pas totalement convaincu qu’elles répondront aux mêmes préoccupations que mon amendement, mais je veux bien faire confiance à la future Autorité de contrôle prudentiel et de résolution.

Tout en insistant sur la nécessité des missions de contrôle des produits bancaires vendus aux collectivités, je retire donc mon amendement.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Patrick Courtois

L'amendement n° 188 rectifié bis est retiré.

L'amendement n° 100, présenté par M. Bocquet, Mme Beaufils, M. Foucaud et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :

Après l’alinéa 6

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

« Le conseil de supervision comprend aussi trois députés et trois sénateurs, désignés par leur assemblée respective, avec voix consultative.

La parole est à M. Éric Bocquet.

Debut de section - PermalienPhoto de Éric Bocquet

Cet amendement porte sur la composition de la future autorité de régulation du secteur financier.

Nous avons déjà eu l’occasion de dire, lors de notre intervention sur l’article, que la composition actuelle de l’autorité de contrôle nous posait quelques problèmes, notamment en raison de son caractère assez fortement « endogamique » qui laissait peu de place à ce que nous pourrions appeler les « non-initiés ».

Au demeurant, nous regrettons que l’irrecevabilité « lolfienne » ait été opposée à nos amendements visant à intégrer dans le collège des représentants des organisations syndicales de salariés et des associations d’usagers des banques.

Une telle démarche est cohérente avec nos positions de fond et de principe. Sa motivation était d’ailleurs fort simple : l’autorité de régulation étant censée organiser la résolution en bon ordre des éventuelles « faillites » d’établissements de crédit, il paraissait tout à fait logique que les salariés et les usagers des banques soient associés à sa démarche, les uns parce qu’il y allait de leur emploi, les autres parce que la garantie de leurs dépôts pouvait être en jeu.

Sachant qu’il a fallu un vote du parlement chypriote, au demeurant unanime nonobstant l’abstention du parti du nouveau Président de la République, adhérent du Parti populaire européen, pour que la garantie des dépôts des déposants locaux ne soit pas remise en cause par le plan de sauvetage européen des banques locales, on se dit que la transparence est décidément un mal nécessaire en matière de crise bancaire et financière.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Marini

Cela pose surtout la question des dépôts russes !

Debut de section - PermalienPhoto de Éric Bocquet

Permettez-moi d’ailleurs de vous faire observer, monsieur le ministre, mes chers collègues, que, avant l’ordonnance n° 2010-76 du 21 janvier 2010 portant fusion des autorités d’agrément et de contrôle de la banque et de l’assurance, laquelle a créé l’Autorité de contrôle prudentiel, nous étions en présence d’organismes au sein desquels siégeaient ès qualités des représentants des salariés.

Ainsi, le Comité des établissements de crédit et des entreprises d’investissement, le CECEI, ancienne autorité de régulation, comportait un collège de douze membres, dont deux représentants des salariés des entreprises des secteurs bancaire et financier, choisis en fonction des rapports de force syndicaux de la branche.

Le Comité comptait également deux personnalités qualifiées, choisies à raison de leurs compétences dans les domaines couverts par le CECEI, personnalités dont on pouvait escompter l’indépendance et l’absence de liens d’intérêt avec toute entreprise du secteur.

L’amendement n° 100 vise à prévoir l’information de la représentation nationale sur l’action menée par l’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution, non pas pour la placer sous le contrôle du Parlement, mais afin de pouvoir mesurer, grâce à la présence de parlementaires, l’usage pouvant être fait des compétences dévolues à l’ACPR, d’autant que celle-ci sera appelée à jouer un rôle non négligeable dans la résolution des difficultés de certains établissements.

Ainsi, mes chers collègues, avant de créer une structure de cantonnement d’actifs présumés illiquides ou porteurs de moins-values, on peut penser que l’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution serait à même d’émettre toute recommandation et de valider tout plan de redressement d’un possible sinistre, comme celui du Crédit Lyonnais.

Or, l’extension des compétences de l’ACPR allant de pair avec une réduction des prérogatives du Parlement, nous ne pouvons que préconiser l’intégration, avec voix consultative, de représentants du Parlement au sein de ladite Autorité.

Debut de section - PermalienPhoto de Richard Yung

Cher collègue, la formation que vous avez évoquée et au sein de laquelle siégeaient des salariés avait pour fonction l’agrément bancaire, ce qui est d’une nature tout à fait différence de ce dont nous parlons aujourd'hui, à savoir la régulation et la supervision. En outre, on pourrait craindre, tout du moins dans certains cas, des conflits d’intérêts avec des salariés du secteur bancaire.

L’amendement n° 100 tend à modifier la composition du collège de supervision de l’ACPR afin d’y prévoir la présence, avec voix consultative, de trois députés et de trois sénateurs.

Je ferai deux observations.

En premier lieu, le président du Sénat et celui de l’Assemblée nationale désignent eux-mêmes un membre du comité de supervision.

En second lieu, la question de savoir si des parlementaires, députés ou sénateurs, doivent siéger au sein d’un organisme dont la fonction est d’édicter les règles générales de fonctionnement du système bancaire et les règles de supervision – je ne parle même pas du collège de résolution, où l’on voit bien quelles difficultés se poseraient, et sur la composition duquel nous reviendrons sans doute plus tard – mérite un vrai débat.

Pour l’heure, la composition du collège de supervision – vingt personnes, essentiellement des experts financiers, soit ès qualités, soit nommés par différentes autorités pour leur expertise financière – me paraît être la bonne formule.

Je vous prie donc, cher collègue, de bien vouloir retirer votre amendement.

Debut de section - Permalien
Pierre Moscovici, ministre

Même avis que la commission.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Patrick Courtois

La parole est à M. Daniel Raoul, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Daniel Raoul

Permettez-moi de vous livrer une réflexion sur les autorités indépendantes et les autorités de régulation d’une façon générale et sur la présence de parlementaires dans ces organismes.

Je ne suis pas fanatique des autorités prétendument indépendantes, et encore moins de la présence des parlementaires dans ces instances. C’est là un mélange des genres que je ne comprends pas très bien. En outre, la multiplication de la présence de parlementaires dans des organismes extérieurs pose tout de même un problème de présence dans notre assemblée, comme on peut d’ailleurs le constater cet après-midi dans notre hémicycle !

Le rôle des parlementaires est de légiférer. On ne peut pas à la fois élaborer la loi et être membre d’instances chargées de contrôler son application. Je ne comprends pas ce mélange des genres.

M. le rapporteur a évoqué une réforme du fonctionnement de nos assemblées ; je souhaiterais que, dans ce cadre, la question de la présence des parlementaires au sein de ces instances soit posée.

L’amendement n’est pas adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Patrick Courtois

Je suis saisi de trois amendements faisant l’objet d’une discussion commune.

Les deux amendements suivants sont identiques.

L’amendement n° 45 rectifié est présenté par MM. Collombat, Mézard, Baylet, C. Bourquin, Chevènement, Collin, Fortassin et Hue, Mme Laborde et MM. Mazars, Plancade, Requier, Tropeano et Vall.

L’amendement n° 120 rectifié est présenté par Mme Lienemann, M. Dilain, Mme Rossignol et MM. Chastan et Vandierendonck.

Ces deux amendements sont ainsi libellés :

Alinéa 14

Rédiger ainsi cet alinéa :

« 4° Le président de la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation, ou son représentant.

La parole est à M. Pierre-Yves Collombat, pour présenter l’amendement n° 45 rectifié.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre-Yves Collombat

Le présent amendement concerne le collège de résolution l’ACPR, qui est – convenons-en –, aussi réduit que consanguin. Il se compose, en effet, des gouverneur et sous-gouverneur de la Banque de France, du directeur du Trésor, du président de l’AMF, du président du directoire du fonds de garantie des dépôts et de résolution.

L’absence de juge, pour une procédure qui s’apparente à une liquidation judiciaire, est regrettable. Par conséquent, nous proposons de remplacer le sous-gouverneur de la Banque de France par un juge de la Cour de cassation, le gouverneur de la Banque de France étant déjà président du collège.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Patrick Courtois

La parole est à Mme Marie-Noëlle Lienemann, pour présenter l’amendement n° 120 rectifié.

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-Noëlle Lienemann

Je vais tenter de renforcer l’argumentaire de M. Collombat.

S’il est, fort heureusement, très rare que la résolution d’un organisme bancaire ou d’un établissement financier soit décidée, cette opération s’apparente à une liquidation judiciaire et les sommes en jeu peuvent être considérables. On parle de structures dont le bilan peut atteindre 2 000 milliards d’euros et d’un ensemble de près de 10 000 milliards d’euros de bilan.

Je crois, monsieur le ministre, vous avoir entendu vous-même parler des risques que pouvait représenter une certaine forme de consanguinité des dirigeants dans le milieu bancaire.

Or, comment est composé le collège de résolution ? Il y a le gouverneur de la Banque de France, qui préside, et c’est normal, et son sous-gouverneur, que je vois mal voter différemment du gouverneur, puis le directeur du Trésor, ce qui est légitime, le président de l’AMF, ce qui est également légitime, et le président du directoire du fonds de garantie des dépôts et de résolution.

Franchement, s’agissant d’une procédure qui s’apparente à une liquidation judiciaire, nous pensons qu’il faut aussi un juge. Nous proposons donc que le sous-gouverneur soit remplacé par le président de la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation, ou son représentant. Nous aurions là des acteurs d’une grande fiabilité technique et offrant tous les gages de sérieux et de confidentialité.

Vouloir éviter que les décisions ne soient prises par un organe trop homogène me paraît répondre à une préoccupation légitime. Les fiascos divers et variés dont M. Delattre a donné quelques exemples ont sans doute plusieurs raisons, mais l’une des premières d’entre elles est que les décideurs partagent souvent une même pensée, quitte à nous envoyer collectivement dans le mur !

Un peu de diversité culturelle au sein du collège de résolution, combinée au sérieux, à la compétence et à l’intégrité du président de la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation, me paraîtrait donc une bonne chose.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Patrick Courtois

L’amendement n° 260, présenté par MM. Placé, Desessard et les membres du groupe écologiste, est ainsi libellé :

I. - Après l’alinéa 15

Insérer deux alinéas ainsi rédigés :

« ...° Un conseiller à la Cour de cassation désigné par le premier président de la Cour de cassation, ou son représentant. »

« La participation au collège de résolution ne donne pas lieu à rémunération.

II. - En conséquence, alinéa 10

Remplacer le chiffre :

cinq

par le chiffre :

six

La parole est à M. Jean Desessard.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Desessard

Le collège de résolution de l’ACPR dispose de pouvoirs très importants, puisqu’il peut défaire, du moins théoriquement, des structures bancaires.

Il dispose, de fait, d’un pouvoir de liquidation judiciaire sur des établissements de taille potentiellement systémique. Il ne nous apparaîtrait donc pas insensé qu’un magistrat puisse siéger à ce collège.

Il a déjà été évoqué que le principe de séparation des pouvoirs serait remis en cause par une telle participation, au motif que le collège de résolution relèverait du pouvoir exécutif.

C’est un argument qui ne me convainc pas puisque, précisément, il est doté de pouvoirs empiétant clairement sur le domaine judiciaire.

Étant donné l’ampleur des pouvoirs dévolus à cette instance et la confiance qui lui est accordée, il nous semble légitime que puisse y siéger un membre qui ne soit pas mécaniquement issu du sérail financier.

Debut de section - PermalienPhoto de Richard Yung

Pour les auteurs de ces amendements, les pouvoirs du collège de résolution s’apparentent au pouvoir de procéder à une liquidation, laquelle relèverait plutôt du domaine judiciaire.

Debut de section - PermalienPhoto de Richard Yung

Les dispositions du projet de loi que nous examinons et celles qui vont suivre démontrent que, justement, nous tentons de mettre en place une procédure différente de la liquidation judiciaire, l’objectif étant de sauvegarder d’abord ce qui peut l’être et de n’entrer dans la phase de liquidation que lorsque tout aura été fait en ce sens.

C'est la raison pour laquelle le collège de résolution se voit doté pour remplir son rôle d’armes, de moyens tout à fait spécifiques, qui sont détaillés dans le projet de loi et qui n’ont rien à voir, en termes d’objectifs comme de méthode, avec les mécanismes de liquidation appliqués en droit commercial.

Pour toutes ces raisons, la commission demande aux auteurs de ces trois amendements de bien vouloir les retirer. À défaut, elle émettrait un avis défavorable.

Debut de section - Permalien
Pierre Moscovici, ministre

Même avis, monsieur le président.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Patrick Courtois

Monsieur Requier, l’amendement n° 45 rectifié est-il maintenu ?

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Patrick Courtois

La parole est à Mme Marie-Noëlle Lienemann, pour explication de vote sur l’amendement n° 45 rectifié.

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-Noëlle Lienemann

À titre personnel, je me rallie à cet amendement et je retire l’amendement n° 120 rectifié.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Patrick Courtois

L’amendement n° 120 rectifié est retiré.

La parole est à M. Francis Delattre, pour explication de vote sur l’amendement n° 45 rectifié.

Debut de section - PermalienPhoto de Francis Delattre

Ces amendements avaient les mêmes finalités.

Il paraît effectivement utile de rééquilibrer la composition du collège de résolution, qui, ne nous y trompons pas, sera l’instrument principal du système mis en place par le présent projet de loi. M. le rapporteur avance – il est dans son rôle ! – que nous ne sommes pas en pré-liquidation judiciaire, mais, dans certaines circonstances, on y sera ! C’est donc la moindre des choses qu’un certain nombre de garanties juridiques encadrent cette phase de la procédure.

Par ailleurs, le projet de loi prévoyant que la voix du président, à savoir le gouverneur de la Banque de France, sera prépondérante, nous avons la garantie que le collège de résolution fonctionnera à six membres.

L’amendement n° 45 rectifié renforcerait la confiance accordée au collège de résolution. Puisque les dossiers seront instruits par des services directement issus de Bercy et dont le directeur sera nommé par le ministre des finances, une vision un peu différente sera bien nécessaire, d’autant, je le répète, qu’il s’agira souvent de processus qui conduiront à la liquidation.

J’ajoute qu’il est très utile aussi de préciser que c’est le président de la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation qui sera désigné, car tous les conseillers de la Cour ne sont pas nécessairement spécialistes de ces questions.

Nous voterons donc l’amendement n° 45 rectifié.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Patrick Courtois

La parole est à M. Jean Desessard, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Desessard

Je retire moi aussi mon amendement pour me rallier à l’amendement de M. Collombat.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Patrick Courtois

L’amendement n° 260 est retiré.

Veuillez poursuivre, mon cher collègue.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Desessard

Les banquiers que nous avons auditionnés nous ont dit qu’ils devaient assumer la responsabilité de leurs erreurs : si leur banque a contracté des produits toxiques, sa faillite doit pouvoir être organisée. Ils sont allés jusque-là, et c’est tout à fait dans cette dimension que se situent les auteurs des amendements, celle de la responsabilité des banques et donc de la nécessité d’aller jusqu’au bout en cas de défaillance, c'est-à-dire jusqu’à la liquidation judiciaire.

C’est pourquoi il est bon qu’il y ait un magistrat au collège de résolution.

Bien sûr, monsieur le rapporteur, la liquidation judiciaire est l’étape ultime, mais que vont faire les représentants du monde de la finance au collège ? Ils se serreront les coudes et soutiendront leur corporation ! Il est donc positif que quelqu’un leur rappelle le droit et jusqu’où va la logique de responsabilité.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Patrick Courtois

La parole est à Mme Nathalie Goulet, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Nathalie Goulet

Je voterai aussi l’amendement présenté par M. Collombat.

Dans le cadre de la commission d’enquête sur l’évasion des capitaux et des actifs hors de France et ses incidences fiscales, nous avons procédé à l’audition du secrétaire général adjoint de l’Autorité de contrôle prudentiel et il est apparu que sa mission était en fait extrêmement réduite et cantonnée à un domaine très particulier.

Inutile donc de jeter l’opprobre sur la structure telle qu’elle fonctionne actuellement, mais il est vrai que l’élargissement de ses compétences et de ses capacités d’action requiert que sa composition soit complètement revue et, à cet égard, la présence d’un magistrat en son sein serait tout à fait bienvenue.

Ce responsable de l’ACP nous a également indiqué qu’il ne pouvait pas gérer lui-même les faits de blanchiment mais qu’il avait cinq jours pour prévenir TRACFIN. Puisque nous en sommes à revoir le fonctionnement de l’ACP, il serait intéressant d’examiner aussi comment mieux coordonner son action avec celles des autres structures chargées de ces matières.

Debut de section - PermalienPhoto de Richard Yung

D’abord, l’amendement présenté par M. Collombat vise à remplacer le sous-gouverneur par le président de la chambre commerciale de la Cour de cassation. Or le sous-gouverneur est chargé de superviser les activités de régulation et de résolution à la Banque de France. Je ne suis pas sûr que l’évincer du collège de résolution soit la meilleure décision que nous prenions aujourd’hui !

Debut de section - PermalienPhoto de Richard Yung

Ensuite, que se passera-t-il quand les décisions du collège de résolution, qui seront des décisions fortes, seront contestées – je ne suis pas juriste, mais cela pourra certainement se produire – devant les tribunaux de commerce, puis devant les cours d’appel, puis devant la chambre commerciale de la Cour de cassation ? Je vois là un risque de conflit de compétences !

Debut de section - Permalien
Pierre Moscovici, ministre

Sans vouloir prononcer de jugement de Salomon, il me semble que l’on peut modifier cet amendement de manière intelligente.

J’entends bien les arguments échangés, même s’ils ne me convainquent pas totalement. En même temps, personne ne peut dire que les compétences du sous-gouverneur chargé de la résolution soient inutiles. Dès lors, pourquoi ne pas, tout simplement, ajouter un nouveau membre au collège sans supprimer celui-ci ? §

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-Noëlle Lienemann

Très bien ! Quel sens du compromis, monsieur le ministre !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Patrick Courtois

Je suis donc saisi d’un amendement n° 45 rectifié bis, présenté par MM. Collombat, Mézard, Baylet, C. Bourquin, Chevènement, Collin, Fortassin et Hue, Mme Laborde et MM. Mazars, Plancade, Requier, Tropeano et Vall, et ainsi libellé :

I. Après l'alinéa 14

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

« 4° bis (nouveau) Le président de la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de Cassation, ou son représentant ;

II. En conséquence, alinéa 10

Remplacer le mot :

cinq

par le mot :

six

Quel est l’avis de la commission sur cet amendement rectifié ?

Debut de section - Permalien
Pierre Moscovici, ministre

Je peux soutenir l’amendement ainsi rectifié, même si je partageais au départ la position de M. le rapporteur.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Patrick Courtois

La parole est à M. Jean-Claude Requier, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Requier

Le fait que cela fasse un nombre pair ne risque-t-il pas de créer des problèmes en cas de partage des votes ?

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-Noëlle Lienemann

Non, puisque la voix du président sera prépondérante !

L'amendement est adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Patrick Courtois

Je constate que cet amendement a été adopté à l’unanimité des présents.

L'amendement n° 212, présenté par M. Marini, est ainsi libellé :

I. – Après l’alinéa 15

Insérer deux alinéas ainsi rédigés :

« ….° Le président de l’Autorité de la concurrence, ou son représentant.

« La participation au collège de résolution ne donne pas lieu à rémunération.

II. – En conséquence, alinéa 10

Remplacer le chiffre :

cinq

par le chiffre :

six

La parole est à M. Philippe Marini.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Marini

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, chacun le sait à présent, l’ACPR aura pour mission de veiller à la préparation et à la mise en œuvre des mesures visant à démanteler les établissements en difficulté. Et c’est le collège de résolution, placé à côté du collège de supervision, qui exercera cette responsabilité.

Les récentes crises bancaires ont souvent renforcé la concentration du secteur bancaire et accéléré les regroupements entre établissements. Dans certains cas, cela peut nous placer en situation de contradiction avec le droit, notamment communautaire, de la concurrence. Plus la concentration s’accroît, plus le consommateur de services bancaires risque d’être en position de faiblesse par rapport à des groupes devenant omniprésents.

En outre, nous devons toujours être attentifs à la doctrine de la Commission et de la Cour de justice de l’Union européenne en matière d’aides d’État. Cette doctrine est au cœur de l’encadrement européen des dispositifs de soutien au secteur bancaire depuis le début de la crise. Il convient donc de veiller à ce que les considérations relatives à la sécurité financière et destinées à inspirer le collège de résolution ne soient pas en contradiction avec les principes issus du droit de la concurrence.

C’est en particulier ce que nous disait une brillante universitaire, Jézabel Couppey-Soubeyran, lorsque nous l’avons auditionnée dans le cadre de la préparation de ce projet de loi. Elle suggérait, et je souscris à sa proposition, d’associer l’Autorité de la concurrence au collège de résolution afin que les décisions prises par ce dernier tiennent compte de la nécessité de veiller le plus possible au maintien de la concurrence dans le secteur bancaire.

Je propose donc que le président de l’Autorité de la concurrence ou son représentant siègent au sein du collège de résolution. Je profite de l’occasion pour rappeler que la participation à ce collège ne doit pas être rémunérée.

Debut de section - PermalienPhoto de Richard Yung

La commission a émis un avis favorable sur cet amendement.

À titre personnel, je n’étais pas exactement sur la même ligne, le Gouvernement ayant insisté sur la nécessité d’avoir une instance resserrée pour pouvoir réagir rapidement en cas de difficulté.

Néanmoins, je comprends la préoccupation de notre collègue Philippe Marini. La concentration du secteur bancaire doit être surveillée, afin de prévenir les risques potentiels en termes de stabilité du système et de maintenir les conditions de la concurrence.

Debut de section - Permalien
Pierre Moscovici, ministre

J’ai pris bonne note de la proposition de M. Marini et de l’avis de la commission. Je vous invite toutefois à y réfléchir à deux fois, mesdames, messieurs les sénateurs, car un tel dispositif suscite plusieurs difficultés.

Tout d’abord, dans un souci d’efficacité, nous préférons que la composition du collège soit restreinte ; nous venons déjà de l’élargir un peu… Face à une crise bancaire, il faut faire preuve de réactivité. Je puis vous en parler en connaissance de cause puisque nous sommes en train de mener une sorte de procédure de résolution dans le cadre de la crise Chypriote.

À ce propos d’ailleurs, monsieur le président, je vous prie de bien vouloir suspendre la séance à dix-neuf heures, soit bien plus tôt que je ne l’aurais souhaité, car je dois participer à une réunion téléphonique de l’Eurogroupe sur ce sujet, qui nous concerne tous.

Résoudre une crise exige une très grande concentration des intelligences et une très forte rapidité de réaction. À mon avis, moins on est, mieux on se porte !

Ensuite, la présence du président de l’Autorité de la concurrence au sein du collège de résolution risque le placer dans une situation de conflit. S’il est sollicité en tant que membre du collège de résolution sur une question dont l’Autorité de la concurrence n’a pas été saisie, il devra se prononcer sans connaître le point de vue de sa propre instance. Si celle-ci est saisie ensuite, il sera alors lié par la position qu’il aura prise au sein de l’ACPR.

Par conséquent, je crains fort qu’une telle mesure ne remette en cause l’autonomie même de l’Autorité de la concurrence.

Au demeurant, le rôle de l’ACPR est de veiller à la stabilité financière. La situation serait donc totalement inédite si le président de l’Autorité de la concurrence y siégeait. Cela pourrait même créer une certaine confusion quant aux missions de l’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution.

Nous devons être exemplaires en matière de respect des règles sur la concurrence, ce qui n’est pas toujours le cas dans les autres pays.

En outre, le projet de loi ne modifie pas la compétence de l’Autorité de la concurrence, qui pourra toujours être saisie si des décisions du collège de résolution amènent, par exemple, à déclencher une procédure de contrôle des concentrations.

Monsieur Marini, je connais votre esprit de finesse et votre souci de précision. Nous sommes en présence, me semble-t-il, d’une « fausse bonne idée ». D’une part, une telle mesure apporterait surtout de la confusion. D’autre part, nous risquons d’affaiblir deux institutions à la fois : l’Autorité de la concurrence et l’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution.

Je vous invite donc à bien réfléchir et, si possible, à retirer votre amendement. C’est d’ailleurs la position qu’avait défendue M. le rapporteur en commission. Si cet amendement n’était pas retiré, j’appellerais les membres de la Haute Assemblée à prendre en compte les arguments que je viens de développer.

M. Jean Desessard applaudit.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Marini

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, on peut en effet comprendre la nécessité de réagir rapidement et de n’avoir autour de la table que les compétences strictement indispensables dans une situation de crise.

Toutefois, certains exemples récents nous montrent que les difficultés conduisant à organiser la cession des actifs d’un groupe par branches ont des conséquences sur la structure du secteur et, de proche en proche, sur un grand nombre d’établissements voisins.

Vous avez raison de souligner qu’il ne faut pas confondre les registres. Néanmoins, si le point de vue d’un spécialiste du droit de la concurrence est intégré dans les délibérations du collège de résolution, cela ne pourra, à mon sens, qu’en renforcer la portée.

Si le président de l’Autorité de la concurrence siège au sein du collège, il sera un membre parmi d’autres, mais il n’engagera pas son institution. La décision qui sera prise sera une décision collégiale. Et je ne crois pas qu’il soit envisagé de publier les comptes rendus des délibérations en communiquant les opinions individuelles, majoritaires ou minoritaires, des membres du collège.

Par conséquent, le risque de conflit que vous évoquez ne me paraît pas convaincant.

Nous avons souhaité renforcer l’indépendance de l’ACPR en prévoyant la présence du président de la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de Cassation ou de son représentant au sein du collège de résolution, afin de tenir compte de certaines appréhensions, d’aucuns craignant une proximité trop grande avec la Direction générale du Trésor ou les services qui examinent ces sujets sous votre autorité. Je crois que l’argument s’applique tout autant au président de l’Autorité de la concurrence.

Au demeurant, comme le président de l’Autorité de la concurrence est généralement un haut magistrat de l’ordre juridictionnel administratif, souvent un membre du Conseil d'État, nous aurions un équilibre tout à fait opportun avec l’ordre juridictionnel judiciaire, dont est issu le président de la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de Cassation.

Dans ces conditions, je pense pouvoir maintenir la proposition que j’ai formulée.

L'amendement n'est pas adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Patrick Courtois

L'amendement n° 90, présenté par M. Bocquet, Mme Beaufils, M. Foucaud et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :

Alinéa 19

Remplacer cet alinéa par trois alinéas ainsi rédigés :

« Aucune décision pouvant entraîner immédiatement ou à terme l’appel à des concours publics, quelle qu’en soit la forme, ne peut être adoptée sans accord préalable du Parlement.

« Après autorisation du Parlement, les décisions pouvant entraîner immédiatement ou à terme l’appel aux concours publics mentionnées à l’alinéa précédent ne peuvent être mises en œuvre qu’avec la voix du directeur général du Trésor ou de son représentant.

« Tout appel aux concours publics importe une mise en œuvre de la suspension des fonctions des dirigeants de l’entité concernée et la nomination d’une administration provisoire. »

La parole est à M. Éric Bocquet.

Debut de section - PermalienPhoto de Éric Bocquet

Cet amendement procède d’une philosophie légèrement différente de celui que nous venons d’exposer. En effet, il porte non pas sur la composition de l’Autorité de régulation, mais sur le contenu de son intervention.

Nous sommes clairement pour que, dans le cadre des procédures de résolution, tout appel aux concours publics emporte modification organique de la gouvernance de l’établissement concerné, règle figurant dans l’échelle des sanctions que l’Autorité de contrôle prudentiel est habilitée à prendre.

L’installation d’une administration provisoire est considérée aujourd’hui comme la seule résolution d’une faute ou d’une erreur de gestion, alors même que nous préconisons que ce dispositif s’applique de fait, au moment même où le plan de redressement de tel ou tel établissement est organisé avec le concours du contribuable.

Il ne s’agit d’ailleurs pas nécessairement de sanctionner : l’impasse financière dans laquelle peut se trouver un établissement de crédit peut fort bien avoir sa source dans les contraintes externes de l’établissement. La raison est ailleurs. En effet, la moindre participation des deniers publics au redressement d’une banque en difficulté engage bel et bien la collectivité et la société dans son ensemble dans cette opération.

Quant à la procédure, elle suivrait évidemment les règles habituelles, notamment le passage par la nomination de l’administration provisoire par la justice commerciale.

C’est donc une simple mesure de bon sens que nous vous invitons ici à adopter.

Debut de section - PermalienPhoto de Richard Yung

Cet amendement vise à soumettre à l’autorisation du Parlement toute décision pouvant entraîner l’appel à des concours publics.

La commission a demandé le retrait de ce dispositif, car l’article 5 prévoit que le directeur général du Trésor a un droit de veto sur les décisions du collège de résolution, pouvant entraîner, immédiatement ou à terme, un appel à des concours publics : il s’agit d’une formulation large couvrant un nombre important de décisions, en particulier la toute première, l’entrée en résolution.

Le présent amendement vise à ajouter un étage supplémentaire au dispositif, en prévoyant que cet appel à fonds publics sera autorisé par le Parlement.

L’intention démocratique et votre souci d’information sont légitimes, mon cher collègue, mais cette mesure conduirait à rendre le dispositif de résolution inopérant. Il faudrait convoquer le Parlement, ce qui peut prendre plusieurs jours, voire plusieurs semaines, mais également l’informer, alors que ces données sont souvent couvertes par le secret des affaires ou relatives à des décisions délicates.

Cette proposition ne paraît pas opérationnelle. Les mesures de résolution doivent en effet être décidées dans les quelques heures qui suivent l’apparition de la crise. Nous avons prévu d’informer le Parlement ultérieurement, au travers d’un amendement aux termes duquel le ministre doit informer les présidents des commissions des finances de l’Assemblée nationale et du Sénat.

Je vous demande donc, mon cher collègue, de bien vouloir retirer votre amendement.

Debut de section - Permalien
Pierre Moscovici, ministre

C’est le même avis.

L'amendement n'est pas adopté.

L'article 5 est adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Patrick Courtois

Section 2

Le fonds de garantie des dépôts et de résolution

(Non modifié)

I. – Dans tous les codes et les dispositions législatives en vigueur, les mots : « fonds de garantie des dépôts » sont remplacés par les mots : « fonds de garantie des dépôts et de résolution ».

II. – La section 3 du chapitre II du titre Ier du livre III du code monétaire et financier est ainsi modifiée :

1° Le premier alinéa de l’article L. 312-4 est ainsi modifié :

a) Après le mot : « crédit », sont insérés les mots : «, les compagnies financières, les compagnies financières holding mixtes et les entreprises d’investissement, à l’exception des sociétés de gestion de portefeuille, » ;

b) Sont ajoutés les mots : « et, sur demande de l’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution, d’intervenir, dans les conditions prévues à l’article L. 613-31-15, auprès d’un établissement de crédit, d’une entreprise d’investissement, autre qu’une société de gestion de portefeuille, d’une compagnie financière et d’une compagnie financière holding mixte » ;

2° Les deux derniers alinéas du II et le III de l’article L. 312-5 sont remplacés par des III à VI ainsi rédigés :

« III. – L’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution peut également saisir le fonds de garantie des dépôts et de résolution de la situation d’un établissement de crédit, d’une entreprise d’investissement, d’une compagnie financière et d’une compagnie financière holding mixte, qui correspond aux prévisions de l’article L. 613-31-15 et donne lieu à la mise en œuvre des mesures prévues à l’article L. 613-31-16.

« L’Autorité peut demander au fonds de garantie des dépôts et de résolution d’intervenir auprès de la personne agréée pour reprendre ou poursuivre les activités cédées ou transférées en application du même article.

« Lorsque le fonds de garantie des dépôts et de résolution est saisi, ne peuvent être mis à sa charge que les montants nécessaires après l’exercice par l’Autorité des prérogatives prévues au 9° du I de l’article L. 613-31-16.

« Il intervient selon les modalités déterminées par l’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution.

« IV. – Pour l’application des II et III, le fonds de garantie des dépôts et de résolution peut :

« 1° Acquérir tout ou partie des actions ou des parts sociales de l’établissement concerné ;

« 2° Souscrire au capital de l’établissement-relais mentionné à l’article L. 613-31-16 ;

« 3° Souscrire à une augmentation du capital de l’établissement concerné ou de l’établissement-relais ;

« 4° Consentir des financements à l’établissement concerné ou à l’établissement-relais, sous quelque forme que ce soit, y compris sous la forme d’une garantie ;

« 5° Participer, sur demande d’un organe central mentionné à l’article L. 511-30, à l’action de ce dernier en prenant en charge une partie du coût des mesures destinées à garantir la solvabilité d’un établissement de crédit affilié à cet organe central ou, en cas de nécessité constatée par l’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution, intervenir sur demande de cette dernière.

« Les sommes versées par le fonds de garantie des dépôts et de résolution dans la mise en œuvre des II et III bénéficient du privilège mentionné à l’article L. 611-11 du code de commerce.

« Le fonds de garantie des dépôts et de résolution ne peut être tenu responsable des préjudices subis du fait des concours qu’il a consentis, sauf dans les cas limitativement énumérés à l’article L. 650-1 du même code.

« V. – Les recours de pleine juridiction contre les décisions du fonds de garantie des dépôts et de résolution au titre des I et II relèvent de la juridiction administrative.

« VI. – L’article L. 613-31-18 est applicable aux décisions prises par le fonds de garantie des dépôts et de résolution au titre des III et IV du présent article. » ;

3° L’article L. 312-15 est ainsi rédigé :

« Art. L. 312 -15 . – I. – Dans l’exercice de sa mission d’indemnisation prévue au I de l’article L. 312-5, le fonds de garantie des dépôts et de résolution a accès aux informations détenues par ses adhérents nécessaires à l’organisation, à la préparation et à l’exécution de sa mission, y compris celles couvertes par le secret professionnel mentionné à l’article L. 511-33.

« II. – Lorsque l’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution informe le fonds de garantie des dépôts et de résolution que la mise en œuvre des II et III de l’article L. 312-5 est envisagée, celui-ci a accès, par l’intermédiaire de l’Autorité, à l’ensemble des documents comptables, juridiques, administratifs et financiers relatifs à la situation et aux éléments d’actif et de passif de l’établissement qui seraient susceptibles de faire l’objet de son intervention, y compris les documents couverts par le secret professionnel mentionné à l’article L. 511-33, ainsi qu’aux rapports des commissaires aux comptes.

« III. – Le fonds de garantie des dépôts et de résolution peut communiquer les informations et documents obtenus en application des I et II du présent article aux personnes qui concourent, sous sa responsabilité, à l’accomplissement de ses missions. Ces personnes sont tenues au secret professionnel dans les conditions prévues à l’article L. 312-14. » ;

4° Au 5 de l’article L. 312-16, les mots : « de crédit adhérents » sont remplacés par le mot : « adhérant ».

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Patrick Courtois

L'amendement n° 178 rectifié, présenté par M. de Montesquiou et les membres du groupe Union des Démocrates et Indépendants - UC, est ainsi libellé :

Supprimer cet article.

La parole est à M. Aymeri de Montesquiou.

Debut de section - PermalienPhoto de Aymeri de Montesquiou

Le fonds de garantie des dépôts, créé par la loi du 25 juin 1999 relative à l’épargne et la sécurité financière, a pour mission principale d’indemniser aussi rapidement que possible les déposants, mais sous certaines conditions, et en particulier dans la limite d’un plafond de 100 000 euros, lorsque l’établissement auquel ils ont confié leurs avoirs ne peut plus faire face à ses engagements.

Les réserves du fonds sont actuellement abondées à hauteur de 2 milliards d’euros, soit 30 euros par habitant. Le Gouvernement a réaffirmé hier sa volonté de porter ces réserves à 10 milliards, grâce à la contribution des groupes bancaires.

Le fonds peut aussi intervenir à titre préventif pour permettre la disparition ordonnée d’un établissement défaillant, sans que les déposants soient lésés par cette défaillance. Son action, en coordination avec celle de l’Autorité de contrôle prudentiel, l’ACP, est donc une composante de la sécurité du système bancaire français, confortant en cas de nécessité la confiance des déposants dans la qualité d’ensemble de ce système.

Ce fonds agit comme une assurance à laquelle une banque peut souscrire pour protéger ses déposants. Faut-il pour autant en faire une assurance tout risque en en faisant l’appui financier de la procédure de résolution confiée à l’ACPR ? Nous pensons que non.

Même avec un montant de réserves porté à 10 milliards d’euros, le fonds reste sous-abondé. Il ne pourra pas assumer, à la fois, la protection des dépôts et la mise en œuvre de la résolution. Cette mise en cause de l’exécution de sa mission première est de nature à distiller la défiance chez les épargnants.

Cet amendement de suppression a donc pour vocation de vous alerter, monsieur le ministre, en vous communiquant nos interrogations quant au rôle du fonds de garantie dans votre dispositif.

Debut de section - PermalienPhoto de Richard Yung

Cet amendement vise à supprimer l’article 6, qui confie au fonds de garantie des dépôts la mission d’intervenir en résolution.

La commission souhaite le retrait de cet amendement. À défaut, j’émettrai un avis défavorable, car ce fonds est une pièce essentielle du dispositif de résolution.

Si l’on suivait l’auteur de l’amendement, il faudrait d’ailleurs prévoir un second fonds, destiné à gérer les fonds de résolution. En l’état actuel des choses, nous avons mieux à faire.

Si l’objectif est de protéger les fonds déposés, qui sont ceux des banques, il est nécessaire de disposer d’un fonds de résolution alimenté par les banques et capable d’intervenir sous différentes formes.

Par ailleurs, l’intervention en résolution n’affaiblira pas la garantie des dépôts puisqu’elle permettra, au contraire, d’éviter la résolution et, par conséquent, de mieux protéger les dépôts. C’est l’argument, auquel je souscris, de la fongibilité des deux fonds, les dépôts et le fonds de résolution.

Debut de section - Permalien
Pierre Moscovici, ministre

Même avis.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Patrick Courtois

Monsieur de Montesquiou, l’amendement n° 178 rectifié est-il maintenu ?

Debut de section - PermalienPhoto de Aymeri de Montesquiou

Vous souhaitez apaiser mes angoisses, monsieur le rapporteur, en rendant fongibles ces deux fonds. Ainsi rassuré, je retire mon amendement…

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Patrick Courtois

L’amendement n° 178 rectifié est retiré.

Je suis saisi de trois amendements faisant l’objet d'une discussion commune.

L'amendement n° 47 rectifié, présenté par MM. Collombat, Mézard, Baylet, C. Bourquin, Chevènement, Collin, Fortassin et Hue, Mme Laborde et MM. Mazars, Plancade, Requier, Tropeano et Vall, est ainsi libellé :

I. - Alinéa 1

Remplacer cet alinéa par quatre alinéas ainsi rédigés :

I. - Le fonds de garantie des dépôts prend le nom de fonds de garantie des dépôts et de résolution.

Il comprend deux structures juridiques distinctes et cantonnées :

« 1° Le fonds de garantie des dépôts exclusivement dédié à la protection des dépôts et autres fonds remboursables conformément à l’article L. 312-4 du code monétaire et financier ;

« 2° Le fonds de résolution.

II. - En conséquence, alinéas 7 à 9, 11, 17 à 20, 23 et 24, remplacer les mots :

fonds de garantie des dépôts et de résolution

par les mots :

fonds de résolution

La parole est à M. Jean-Claude Requier.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Requier

Notre groupe avait déposé un amendement visant à séparer en deux le fonds de garantie des dépôts et de résolution, avec, d’un côté, l’entité chargée de la garantie des dépôts et, de l’autre, le fonds chargé de la résolution au sein d’une structure juridique unique.

La commission nous ayant opposé l’article 40 de la Constitution, nous vous proposons un amendement de repli qui vise, non pas à séparer, mais à distinguer ces deux entités. Cette proposition, qui ne coûte rien, enrichirait le projet de loi.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Patrick Courtois

L'amendement n° 91, présenté par M. Bocquet, Mme Beaufils, M. Foucaud et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :

Alinéa 1

Rédiger ainsi cet alinéa :

Le fonds de garantie des dépôts et de fiscalisation est composé de deux structures juridiques et comptables distinctes : le fonds de garantie des dépôts, exclusivement dédié à la protection des dépôts, titres et cautions, et le fonds de résolution. Aucune décision prise au titre de la résolution ne peut avoir d’incidence sur le fonds de garantie des dépôts.

La parole est à M. Éric Bocquet.

Debut de section - PermalienPhoto de Éric Bocquet

La mise en place d’un fonds commun de résolution et de garantie des dépôts constitue une question sérieuse.

Dans les faits, les sommes mises en jeu sont, pour l’heure, relativement réduites. Le fonds ne dispose aujourd’hui que d’environ 2, 1 milliards d’euros, somme bien inférieure, faut-il le souligner, au total du bilan de nos établissements de crédit, et très au-dessous des sommes nécessaires à la seule garantie des particuliers déposants, garantie établie à 100 000 euros maximum par compte ouvert.

Même si l’objectif affiché du projet de loi est de procéder à l’accroissement des moyens du fonds de garantie pour le porter, dans les années à venir, aux alentours de 10 milliards d’euros, on peut légitimement se demander si les sommes concernées seraient suffisantes au cas où un sinistre surviendrait et si l’ensemble des procédures suivies par l’Autorité de contrôle éviterait la sollicitation de ces réserves de liquidités finalement plutôt réduites.

Pour ce qui nous concerne, il nous a toutefois semblé nécessaire de procéder à la séparation des affectations potentielles des ressources du fonds de garantie, séparation à la fois juridique et comptable, en mettant d’un côté les ressources mobilisables pour apport en capital et accompagnement de la résolution d’un plan de redressement d’établissement, de l’autre des ressources utilisables pour faire face à l’inquiétude des déposants.

Il ne nous paraît pas souhaitable de mélanger les ressources et les usages, sous peine de confusion éventuelle, avec tout ce que cela peut impliquer.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Patrick Courtois

L’amendement n° 121 rectifié, présenté par Mme Lienemann et M. Vandierendonck, est ainsi libellé :

Après l'alinéa 1

Insérer un paragraphe ainsi rédigé :

... – Le fonds de garantie des dépôts et de résolution comprend deux structures juridiques distinctes et cantonnées :

- le fonds de garantie des dépôts, exclusivement dédié à la protection des dépôts, titres et cautions ;

- le fonds de résolution.

Aucune décision prise au titre de la résolution ne doit pouvoir impacter les fonds dédiés à la protection des dépôts.

Cet amendement n’est pas soutenu.

Quel est l’avis de la commission sur les amendements n° 47 rectifié et 91 ?

Debut de section - PermalienPhoto de Richard Yung

J’ai déjà expliqué notre position sur la séparation des deux fonds et sur la fongibilité. Je n’y reviens pas, car ces arguments demeurent valables. Je vous demande donc, monsieur Bocquet, de bien vouloir retirer l’amendement n° 91.

Je comprends l’intention des auteurs de l’amendement n° 47 rectifié, ayant moi-même d’abord exploré cette voie en cherchant une solution à cette confusion des deux fonds de garantie des dépôts et de résolution, avant de me heurter au problème de la fongibilité. J’émets donc, là encore, une demande de retrait.

Debut de section - Permalien
Pierre Moscovici, ministre

C’est le même avis.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Patrick Courtois

Monsieur Requier, l’amendement n° 47 rectifié est-il maintenu ?

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Patrick Courtois

L’amendement n° 47 rectifié est retiré.

Monsieur Bocquet, l’amendement n° 91 est-il maintenu ?

L'amendement n'est pas adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Patrick Courtois

L'amendement n° 48 rectifié, présenté par MM. Collombat, Mézard, Baylet, Chevènement, Collin, Fortassin et Hue, Mme Laborde et MM. Mazars, Plancade, Requier, Tropeano et Vall, est ainsi libellé :

Alinéa 9

Après le mot :

Autorité

insérer les mots :

de l'intégralité

La parole est à M. Jean-Claude Requier.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Requier

Il s’agit de s’assurer que le fonds de garantie des dépôts et de résolution n’intervient bien qu’en dernier ressort pour sauver un établissement défaillant, après que l’intégralité des prérogatives prévues à l’article 7 a été mise en œuvre par l’ACPR. Son intervention ne se produirait donc qu’à la fin d’un long processus, une fois toutes les autres possibilités épuisées.

Debut de section - PermalienPhoto de Richard Yung

Cet amendement vise à préciser que le fonds de garantie des dépôts et de résolution ne peut intervenir en résolution seulement quand les mesures de dépréciation sur les actionnaires et les créanciers ont été intégralement épuisées.

L’article 6 du projet de loi confie au fonds la mission d’intervenir en résolution, par exemple pour financer un établissement en difficulté ou pour le recapitaliser. Il précise que cette intervention ne peut avoir lieu qu’après que les mécanismes d’absorption des pertes prévus à l’article 7 – imputation des pertes sur les actionnaires ou détention des titres hybrides, par exemple – ont tous été utilisés.

L’amendement vise à préciser que les mécanismes d’imputation sur les actionnaires ou les créanciers devront être intégralement épuisés. Or la dépréciation des titres des créanciers pourrait ne pas être totale : il pourrait s’agir, par exemple, d’une décote de 50 % ou de 70 % sur les différents types de dettes.

Il pourrait être nécessaire de faire intervenir le Fonds de garantie des dépôts et de résolution pour boucler un programme de recapitalisation.

D'une façon générale, il convient de laisser à l’ACPR une marge d’appréciation pour décider, au cas par cas, de la configuration du programme de résolution.

C'est la raison pour laquelle la commission demande le retrait de cet amendement.

Debut de section - Permalien
Pierre Moscovici, ministre

Même avis.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Patrick Courtois

Monsieur Requier, l'amendement n° 48 rectifié est-il maintenu ?

L'amendement n'est pas adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Patrick Courtois

L'amendement n° 112, présenté par M. Bas, est ainsi libellé :

Alinéa 15

Remplacer les mots :

sous quelque forme que ce soit, y compris

par le mot :

uniquement

Cet amendement n'est pas soutenu.

L'amendement n° 272, présenté par M. Yung, au nom de la commission des finances, est ainsi libellé :

Alinéa 19

Remplacer les références :

des I et II

par les mots :

du présent article

La parole est à M. le rapporteur.

L'amendement est adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Patrick Courtois

L'amendement n° 141 rectifié ter, présenté par M. Caffet, Mme M. André, MM. Berson et Botrel, Mme Espagnac, MM. Frécon, Germain, Haut, Hervé, Krattinger, Marc, Massion, Miquel, Patient, Patriat, Rebsamen, Todeschini et Yung, Mme Lepage et les membres du groupe socialiste et apparentés, est ainsi libellé :

Après l'alinéa 20

Insérer deux alinéas ainsi rédigés :

...° Après la première phrase du second alinéa de l’article L. 312–6, il est inséré une phrase ainsi rédigée :

« Il peut engager toute action en responsabilité à l’encontre des actionnaires ou détenteurs de titres représentatifs d’une fraction de capital social des établissements pour lesquels il intervient aux fins d’obtenir le remboursement de tout ou partie des sommes versées par lui. »

La parole est à M. Jean-Pierre Caffet.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Caffet

Lors d'une procédure de résolution, c'est-à-dire dans des cas très précis, il convient de permettre au Fonds de garantie des dépôts et de résolution d'agir en responsabilité, pour le compte de l’ACPR, contre les actionnaires ou les sociétaires de l'établissement en résolution sur le plan tant économique que juridique. En effet, s’il est bon de responsabiliser les acteurs du secteur financier comme les dirigeants bancaires, il doit en être de même pour les actionnaires, et ce dans deux cas : lorsqu'il s'agira d'obtenir le remboursement de tout ou partie des sommes versées par le Fonds de garantie des dépôts et de résolution, d’une part, si les actionnaires s'opposent aux mesures prises par l’ACPR dans le cadre d'une procédure de résolution, d’autre part.

Debut de section - PermalienPhoto de Richard Yung

Il est utile que le Fonds de garantie des dépôts et de résolution puisse se retourner contre ceux, dirigeants ou actionnaires, qui s’opposeront à son intervention. Nous avons connu, voilà quelques mois, un tel cas dans le paysage bancaire français.

Debut de section - PermalienPhoto de Richard Yung

L’intervention du Fonds de garantie des dépôts et de résolution, en garantie des dépôts ou en résolution, peut se révéler coûteux pour lui-même et pour ses adhérents. Dans ce cadre, le Fonds doit pouvoir se retourner en responsabilité contre les dirigeants des établissements aidés, lorsque la situation de l’établissement est liée à des manquements de leur part.

Par conséquent, la commission émet un avis favorable sur cet amendement.

Debut de section - Permalien
Pierre Moscovici, ministre

Même avis.

L'amendement est adopté.

L'article 6 est adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Patrick Courtois

Chapitre II

Planification des mesures préventives de rétablissement et de résolution bancaires et mise en place du régime de résolution bancaire

La section 2 du chapitre III du titre Ier du livre VI du code monétaire et financier est complétée par une sous-section 3 ainsi rédigée :

« Sous-section 3

« Mesures de prévention et de résolution des crises bancaires

« Art. L. 613 -31 -11 . – Dans le but de préserver la stabilité financière dans les conditions énoncées au 4° du II de l’article L. 612-1, les établissements de crédit et les entreprises d’investissement, à l’exception des sociétés de gestion de portefeuille, dépassant un seuil de bilan fixé par décret et qui ne font pas l’objet d’une surveillance sur une base consolidée dans les conditions prévues à l’article L. 613-20-1 élaborent et communiquent à l’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution un plan préventif de rétablissement prévoyant, en cas de détérioration significative de leur situation financière, les mesures envisagées pour leur rétablissement.

« En outre, l’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution peut demander à un établissement, à une société ou à une entreprise soumise à son contrôle et se trouvant hors du champ des dispositions qui précèdent, et dont l’activité viendrait à présenter un risque spécifique au regard de la stabilité financière, de lui soumettre un plan préventif de rétablissement.

« Lorsque ces établissements et entreprises appartiennent à un groupe, au sens de l’article L. 511-20, dont le total de bilan dépasse un seuil fixé par décret et font l’objet d’une surveillance sur une base consolidée dans les conditions de l’article L. 613-20-1, le plan préventif de rétablissement est élaboré sur une base consolidée.

« Le plan préventif de rétablissement ne prend en compte aucune possibilité de soutien financier exceptionnel de l’État ou du fonds de garantie des dépôts et de résolution.

« Le plan préventif de rétablissement est actualisé par l’établissement ou l’entreprise au moins une fois par an, ainsi qu’après chaque modification significative de son organisation ou de ses activités.

« Si l’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution estime que le plan préventif de rétablissement n’est pas suffisant, elle peut adresser des observations à l’établissement ou à l’entreprise et lui demander de le modifier.

« Les personnes ayant participé à l’élaboration du plan ou ayant connaissance de celui-ci sont tenues au secret professionnel dans les conditions prévues à l’article L. 511-33.

« Un décret en Conseil d’État précise les conditions d’application du présent article.

« Art. L. 613 -31 -12. – §(non modifié) L’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution établit pour les établissements de crédit et entreprises d’investissement mentionnés à l’article L. 613-31-11 un plan préventif de résolution prévoyant les modalités spécifiques d’application des mesures de résolution prévues à l’article L. 613-31-16.

« Dans les cas prévus au troisième alinéa de l’article L. 613-31-11, le plan préventif de résolution est élaboré sur une base consolidée et comporte des sections spécifiques pour chacune des entités de taille significative.

« Les personnes ayant participé à l’élaboration du plan ou ayant connaissance du plan sont tenues au secret professionnel dans les conditions prévues à l’article L. 511-33.

« Art. L. 613 -31 -13 . – §(non modifié) Dans les cas où l’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution estime, au vu notamment des plans préventifs de rétablissement ou de résolution prévus aux articles L. 613-31-11 et L. 613-31-12, que l’organisation et le fonctionnement d’un établissement ou d’une entreprise mentionnés à l’article L. 613-31-12 seraient de nature à faire obstacle à la mise en œuvre efficace des mesures de résolution prévues à l’article L. 613-31-16, elle peut demander à cet établissement ou à cette entreprise de prendre des mesures visant à réduire ou à supprimer ces obstacles.

« Si l’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution estime que ces mesures sont insuffisantes, elle peut, après que l’établissement ou l’entreprise a pu présenter ses observations, lui enjoindre de prendre dans un délai déterminé les mesures, y compris, le cas échéant, de modification de ses activités ou de sa structure juridique et opérationnelle, qu’elle estime nécessaires afin de permettre la mise en œuvre effective des mesures de résolution mentionnées à l’article L. 631-31-16.

« Un décret en Conseil d’État précise les conditions d’application du présent article.

« Art. L. 613 -31 -14 . – §(non modifié) Les membres mentionnés aux 1° et 2° de l’article L. 612-8-1 peuvent saisir le collège de résolution de l’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution de la situation d’un établissement de crédit, d’une compagnie financière, d’une compagnie financière holding mixte ou d’une entreprise d’investissement, à l’exception des sociétés de gestion de portefeuille, en vue de la mise en œuvre des mesures de résolution mentionnées à l’article L. 613-31-16. Toutefois, dans le cas prévu au 3° du II de l’article L. 613-31-15, seul le membre du collège de résolution mentionné au 2° de l’article L. 612-8-1 peut saisir l’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution.

« Art. L. 613 -31 -15 . – I. – Dans les cas où il est saisi en application de l’article L. 613-31-14, le collège de résolution de l’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution apprécie si la personne en cause, prise individuellement ou au sein du groupe auquel elle appartient, au sens de l’article L. 511-20, est défaillante et s’il n’existe aucune perspective que cette défaillance puisse être évitée dans un délai raisonnable autrement que par la mise en œuvre d’une mesure de résolution.

« II. – L’établissement ou l’entreprise est défaillant s’il se trouve ou s’il existe des éléments objectifs montrant qu’il est susceptible de se trouver à terme rapproché dans l’une ou l’autre des situations suivantes :

« 1° Il ne respecte plus les exigences de fonds propres qui conditionnent le maintien de l’agrément ;

« 2° Il n’est pas en mesure d’assurer ses paiements, immédiatement ou à terme rapproché ;

« 3° Il requiert un soutien financier exceptionnel des pouvoirs publics.

« Art. L. 613 -31 -16 . – I. – Les mesures prises par le collège de résolution de l’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution au titre de la résolution poursuivent les finalités d’intérêt public mentionnées au 4° du II de l’article L. 612-1. Les mesures prises envers toute personne soumise à la procédure de résolution permettent d’atteindre ces finalités de manière proportionnée et peuvent consister à :

« 1° Exiger de toute personne soumise à son contrôle, de ses dirigeants, de ses mandataires sociaux, de ses commissaires aux comptes ou de ses salariés de fournir toutes informations utiles à la mise en œuvre de la procédure de résolution ;

« 2° Nommer un administrateur provisoire, au sens de l’article L. 612-34. Toute stipulation prévoyant que cette nomination est considérée comme un événement de défaut est réputée non écrite ;

« 3° Révoquer tout dirigeant responsable, au sens de l’article L. 511-13, de la personne soumise à la procédure de résolution ;

« 4° Décider du transfert d’office de tout ou partie d’une ou plusieurs branches d’activité de la personne soumise à la procédure de résolution. Ce transfert est réalisé de plein droit à la date fixée par l’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution sans qu’il soit besoin d’aucune formalité. Il entraîne la transmission universelle de patrimoine de la branche d’activité concernée. Nonobstant toute disposition ou stipulation contraire, les contrats afférents aux activités cédées ou transférées se poursuivent sans qu’aucune résiliation ni compensation ne puisse intervenir du seul fait de ce transfert ou de cette cession ;

« 5° Décider du recours à un établissement-relais chargé de recevoir, à titre provisoire, tout ou partie des biens, droits et obligations de la personne soumise à la procédure de résolution, en vue d’une cession dans les conditions fixées par l’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution. Ce transfert est réalisé de plein droit à la date fixée par l’Autorité et sans qu’il soit besoin d’aucune formalité. Il porte également sur les accessoires des créances cédées et des sûretés réelles ou personnelles les garantissant. Nonobstant toute disposition ou stipulation contraire, les contrats afférents aux activités cédées ou transférées se poursuivent sans qu’aucune résiliation ni compensation ne puisse intervenir du seul fait de ce transfert ou de cette cession. L’Autorité peut procéder à l’agrément de l’établissement-relais en le dispensant à titre provisoire du respect de tout ou partie des exigences prudentielles en vigueur ;

« 6° Faire intervenir le fonds de garantie des dépôts et de résolution en application de l’article L. 312-5, en veillant à ce que cette intervention ne provoque pas de contagion des difficultés de la personne soumise à la procédure de résolution aux autres adhérents du fonds. Un décret en Conseil d’État fixe les conditions dans lesquelles est déterminé le plafond des contributions qui peuvent être appelées auprès des adhérents du fonds, en tenant compte de leur situation au regard des exigences de fonds propres qui leur sont applicables ;

« 7° Transférer, avec son accord, au fonds de garantie des dépôts et de résolution ou à un établissement-relais les actions et les parts sociales émises par la personne soumise à la procédure de résolution ;

« 8° Estimer les dépréciations sur la base d’une valorisation de l’actif et du passif de la personne soumise à la procédure de résolution, sans prendre en compte la mise en œuvre des mesures de résolution ni l’éventualité d’un soutien public ;

« 9° Imposer la réduction du capital, l’annulation des titres de capital ou des éléments de passif ou la conversion des éléments de passif afin d’absorber le montant des dépréciations, selon l’ordre et les modalités suivantes :

« a) En premier lieu, les dépréciations sont imputées sur les capitaux propres ;

« b) En deuxième lieu, les dépréciations qui demeurent sont imputées sur les titres subordonnés de dernier rang émis en application de l’article L. 228-97 du code de commerce, les titres participatifs et les autres instruments de dernier rang dont le contrat d’émission prévoit qu’ils absorbent les pertes en continuité d’exploitation. Les mesures qui précèdent peuvent consister en une réduction du principal, en une annulation ou en une conversion de ces titres à hauteur des dépréciations constatées sur les actifs ;

« c) En troisième lieu, les dépréciations qui demeurent sont imputées sur les autres obligations dont le contrat d’émission prévoit que, en cas de liquidation de l’émetteur, elles ne sont remboursées qu’après désintéressement des créanciers privilégiés et chirographaires. Les mesures qui précèdent peuvent consister en une réduction du principal, en une annulation ou en une conversion de ces titres à hauteur des dépréciations constatées. Ces mesures s’appliquent de manière égale entre créanciers de même rang, en réduisant le montant en principal de ces créances ou l’encours exigible à leur titre dans une égale mesure proportionnellement à leur valeur ;

« 10° Imposer à la personne soumise à la procédure de résolution qu’elle émette de nouvelles actions ou parts sociales ou d’autres instruments de fonds propres, y compris des actions de préférence et des instruments convertibles conditionnels ;

« 11° Prononcer, pour un délai fixé par décret, nonobstant toute disposition ou toute stipulation contraire, l’interdiction de payer tout ou partie des dettes mentionnées au 9° nées antérieurement à la date de la décision de l’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution ;

« 12° Limiter ou interdire temporairement l’exercice de certaines opérations par cet établissement ;

« 13° Interdire ou limiter la distribution d’un dividende aux actionnaires ou d’une rémunération des parts sociales aux sociétaires de cet établissement ;

« 14° Suspendre l’exercice du droit d’invoquer la déchéance du terme, ainsi que des droits de résiliation et de compensation prévus à l’article L. 211-36-1, de tout ou partie d’un contrat conclu avec cet établissement, jusqu’à 17 heures au plus tard le jour ouvrable suivant la publication de cette décision, dans des conditions fixées par décret en Conseil d’État.

« Lorsque les mesures mentionnées aux 12° et 13° ont déjà été prises par le collège de supervision, le collège de résolution est seul compétent pour décider de les maintenir, les adapter ou les lever aux personnes entrées en résolution.

« II. – Le collège de résolution de l’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution veille, selon des modalités fixées par décret en Conseil d’État, à ce qu’aucun actionnaire, sociétaire ou créancier n’encoure de pertes plus importantes que celles qu’il aurait subies si la personne avait été liquidée selon la procédure de liquidation judiciaire prévue par le code de commerce.

« III. – Le prix d’émission des actions nouvelles et autres instruments de fonds propres à émettre, le taux de conversion des dettes convertibles, le prix de cession ou de transfert des actions et autres titres de capital et le prix de cession ou de transfert des actifs sont fixés par l’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution sur proposition d’un expert indépendant désigné par le premier président de la Cour de cassation. Dans le cas où une valorisation indépendante n’est pas possible en raison de l’urgence de la situation, l’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution peut procéder elle-même à la valorisation. Ces valorisations justes et réalistes sont conduites selon les méthodes objectives couramment pratiquées en matière de cession totale ou partielle d’actifs de sociétés, en tenant compte, selon une pondération appropriée à chaque cas, de la valeur boursière des titres, de la valeur des actifs, des bénéfices réalisés, de l’existence des filiales et des perspectives d’activité.

« IV. – Les biens, droits et obligations régis par une convention mentionnée à l’article L. 211-36-1 et leurs accessoires ne peuvent être cédés ou transférés qu’en totalité.

« Les contreparties ne peuvent exercer le droit d’invoquer la déchéance du terme, ainsi que les droits de résiliation et de compensation, prévus par une convention, du seul fait qu’une mesure de résolution prévue au I du présent article a été prise, sauf lorsque cette mesure entraîne la cession ou le transfert prévu au 4° ou au 5° du même I, s’agissant des biens, droits et obligations régis par une convention mentionnée à l’article L. 211-36-1 ainsi que leurs accessoires, qui ne sont pas cédés ou transférés à un tiers ou à un établissement-relais, selon les cas.

« V §(nouveau) . – Le ministre chargé de l’économie informe les présidents et les rapporteurs généraux des commissions des finances de l’Assemblée nationale et du Sénat de la mise en œuvre des mesures de résolution.

« Art. L. 613 -31 -17 . – §(non modifié) I. – En cas d’urgence, les mesures mentionnées à l’article L. 613-31-16 peuvent être prises à titre provisoire sans procédure contradictoire. Une procédure contradictoire est engagée dès que possible aux fins de lever, d’adapter ou de confirmer ces mesures.

« II. – Lorsque la mise en œuvre d’une mesure prévue à l’article L. 613-31-16 n’a pu donner lieu à l’information ou à la consultation préalable du comité d’entreprise dans les conditions prévues à l’article L. 2323-2 du code du travail, cette instance est réunie par l’employeur dès que possible.

« Art. L. 613 -31 -18 . – §(non modifié) L’annulation d’une décision du collège de l’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution n’affecte pas la validité des actes pris pour son application lorsque leur remise en cause est de nature à porter atteinte aux intérêts des tiers, sauf en cas de fraude de ceux-ci. »

Debut de section - PermalienPhoto de Éric Bocquet

Cet article porte sur l’une des questions essentielles posées par le contrôle prudentiel des établissements de crédit, celle de la réalité des sanctions qui pourront être prises, selon la gravité des situations qui aura été relevée par l’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution.

L’éventail des opérations de contrôle et de sanction que peut prendre l’Autorité indépendante est globalement renforcé par cet article 7, et l’échelle des mesures prises est fixée avec relativement de précision et de sérieux.

Faisons une remarque d’emblée, qui n’est pas qu’incidente.

On pourrait s’étonner que les mesures de résolution ne prévoient qu’assez peu de moyens pour assurer la garantie des dépôts, ce qui constitue sans doute la préoccupation essentielle des usagers des banques, et tentent surtout de repousser autant que faire se peut toute démarche mobilisant des fonds publics, privilégiant de fait le financement interne des dispositifs éventuels de redressement.

Avec ce texte, nous sortons donc a priori du schéma privilégié ces dernières années qui, la plupart du temps, a consisté à solliciter les puissances publiques pour résoudre les crises de liquidité qu’ont traversées les marchés financiers, en particulier les établissements de crédit.

Pour autant, il nous semble que l’une des questions qui n’est pas encore résolue se pose directement dans le cadre de cet article relatif aux procédures de résolution.

Depuis la loi bancaire de 1984, et singulièrement depuis l’alternance politique de 1986, notre secteur financier a connu de profondes transformations, conduisant à la privatisation forcenée de l’essentiel des établissements de crédit, qu’il s’agisse des banques nationalisées en 1981 comme des entités historiques de la Libération. Cette privatisation est allée de pair avec des changements de structure assez fondamentaux au sein des établissements à statut particulier, comme l’a montré, par exemple, la fusion entre les Banques populaires et les Caisses d’épargne telle qu’elle a été mise en œuvre sous la législature précédente.

Observons d'ailleurs qu'aucune disposition du texte n’est venue mettre en question la loi de fusion et que le Groupe BPCE a quelque peu anticipé la séparation des activités bancaires en détachant Natixis de l’ensemble BPCE.

Pour autant, et cela en surprendra certains, dans ce maelström de la privatisation du secteur financier, quels sont les établissements considérés comme les plus sûrs du monde, ceux dans lesquels le risque systémique est faible ? Étonnamment, il s’agit d’établissements dont le caractère public est plus ou moins clairement affirmé, c’est-à-dire qui assurent pour l’essentiel des missions d’intérêt général.

En tête de gondole – si je puis dire – du classement établi par le magazine Global Finance, référence en la matière, la banque allemande KfW, Kreditanstalt für Wiederaufbau, littéralement Établissement de crédit pour la reconstruction, dont nous avions eu l’occasion de parler lors de l’examen du projet de loi relatif à la création de la Banque publique d’investissement et qui constitue la référence en la matière.

La KfW devance la banque néerlandaise BNG, Bank Nederlandse Gemeenten, littéralement Banque néerlandaise des communes, c’est-à-dire l’établissement finançant les investissements des collectivités locales aux Pays-Bas.

En troisième position se trouve la Zürcher Kantonalbank, Banque cantonale de Zurich, entité placée sous le contrôle direct et la supervision du conseil cantonal de Zurich.

Suivent les deux institutions spécialisées que constituent la Landwirtschaftliche Rentenbank et la Landesbank Baden-Württemberg, deux établissements de propriété publique intervenant l’un dans le champ du financement des activités agricoles et agroalimentaires, l’autre dans celui de l’économie générale, singulièrement dans la partie sud de l’Allemagne.

Arrive ensuite notre bonne vieille Caisse des dépôts et consignations, dont les activités, celles de la Section générale en fait, sont suffisamment sérieusement conduites pour que l’établissement, placé sous le contrôle des parlementaires, figure en bonne position dans cette liste des établissements « sûrs ».

La suite du classement publié par Global Finance continue d’égréner les entités publiques, avec des noms aussi surprenants que la Nederlandse Waterschapsbank N.V., qui ressemble quelque peu à la structure que d’aucuns souhaiteraient mettre en place dans notre pays pour le financement local, DBS, la Banque de développement de Singapour, ou la Caisse centrale Desjardins, sorte de Caisse d’épargne version canadienne. Quel tour du monde ! §

La première banque privée figurant dans la liste est la Rabobank néerlandaise, même s’il convient de rappeler que cette structure présente un caractère coopératif.

La première banque française privée figurant dans ce classement est la Banque fédérative du Crédit mutuel, structure particulière du point de vue de l’actionnariat et de l’organisation, classée en 36e position, devant La Banque Postale en 43e position et BNP Paribas en 47e position.

Ces statistiques ne sont pas inintéressantes.

Nous sommes donc en présence d’un univers financier où la plupart des grands établissements privés, européens ou américains, portent en eux-mêmes l’essentiel des risques systémiques et où, la plupart du temps, les circuits de financement du développement local et de la finance au service de l’économie – ménages, collectivités ou entreprises – font la démonstration de leur qualité.

Nous ne pouvions que souligner cet aspect à ce stade du débat.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Patrick Courtois

L'amendement n° 1 rectifié, présenté par M. Vaugrenard, au nom de la commission des affaires économiques, est ainsi libellé :

I. – Compléter cet article par trois alinéas ainsi rédigés :

« Art. L. 613–31–19. - Dans les sociétés mentionnées à l’article L. 613–31–14, les modalités de détermination de la rémunération des dirigeants responsables au sens des articles L. 511–13 et L. 532–2 et des catégories de personnel, incluant les preneurs de risques, les personnes exerçant une fonction de contrôle, ainsi que tout salarié qui, au vu de ses revenus globaux, se trouve dans la même tranche de rémunération, dont les activités professionnelles ont une incidence significative sur le profil de risque de l’entreprise ou du groupe, prévoient les conditions dans lesquelles les éléments de rémunération variable, y compris les éléments de rémunérations attribués mais non versés, et les indemnités ou avantages dus ou susceptibles d’être dus en raison de la cessation ou du changement de fonctions de ces personnes, peuvent être réduits ou annulés en cas de mise en œuvre de l’une ou plusieurs des mesures mentionnées à l’article L. 613–31–16.

« L’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution s’assure que ces modalités sont de nature à garantir une participation financière effective des personnes concernées en cas de mise en œuvre de l’une ou plusieurs des mesures mentionnées à l’article L. 613–31–16. »

II. - L’article L. 631–31–19 du code monétaire et financier est applicable aux contrats conclus à partir de l’entrée en vigueur de la présente loi. Les contrats conclus avant cette date doivent être modifiés dans un délai de trois ans après la promulgation de la même loi pour tenir compte de l’obligation prévue par le même article L. 631–31–19.

III. – En conséquence, alinéa 1

Faire précéder cet alinéa de la mention :

I. –

La parole est à M. Yannick Vaugrenard, rapporteur pour avis.

Debut de section - PermalienPhoto de Yannick Vaugrenard

Dans le cadre du plan de résolution bancaire, les dispositions du projet de loi de séparation et de régulation apportent bien la garantie des actionnaires et des créanciers des banques : ceux-ci seront mis à contribution. En revanche, l'hypothèse d'une garantie des principaux dirigeants, notamment des traders, n'est pas évoquée, en cas de résolution.

Cet amendement vise donc à impliquer personnellement les dirigeants des banques et les traders dans le coût financier du sauvetage de leur établissement en cas de crise. Il a également pour objet de faire figurer dans les contrats de travail les conditions dans lesquelles les preneurs de risques renoncent à tout ou partie de leur rémunération variable, y compris les retraites chapeau.

Actuellement, rien n'oblige ces preneurs de risques à supporter le coût des décisions qu'ils ont prises. Leur rémunération est acquise quoi qu'il arrive. Ils ne sont donc pas incités à la prudence.

L’amendement que je propose introduit en quelque sorte une forme de franchise d’assurance dans la rémunération des dirigeants et des traders. En cas de sinistre bancaire, ils devront payer la franchise.

J'ajoute que l’ACPR vérifiera si cette franchise est fixée à un niveau significatif.

Monsieur le président, avec votre autorisation, je donnerai d'emblée mon point de vue sur le sous-amendement n° 280 du Gouvernement. Il est précisé dans l'amendement que les contrats en cours devront être modifiés dans un délai de trois ans après la promulgation de la loi. Cette disposition pose à l'évidence un problème juridique et administratif. J’accepte donc sa suppression. Je souhaite cependant que le Gouvernement s'engage à introduire ladite disposition, si l'expertise approfondie proposée par M. le ministre est positive.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Patrick Courtois

Le sous-amendement n° 280, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :

Amendement n° 1 rect.

Alinéa 4, dernière phrase

Supprimer cette phrase.

La parole est à M. le ministre.

Debut de section - Permalien
Pierre Moscovici, ministre

L’amendement n° 1 rectifié est conforme aux intentions du Gouvernement.

Toutefois, l'application de la mesure aux contrats en cours soulève de possibles difficultés, puisqu'il s'agit d'intervenir dans des contrats de travail de salariés. Il me semble plus raisonnable de ne pas accepter cette disposition sans qu'une expertise préalable de son impact ait été menée.

Par conséquent, le Gouvernement émet un avis favorable sur cet amendement, sous réserve de l'adoption du sous-amendement qu’il présente et qui vise à supprimer la dernière phrase du II relative aux contrats en cours.

Debut de section - PermalienPhoto de Richard Yung

Nous avons déjà abordé la question des rémunérations, de la partie fixe et de la partie variable, et j’avais alors indiqué que nous serait soumis un amendement visant à supprimer totalement ou partiellement le versement de ces compléments de rémunération pour les entreprises en situation de résolution.

La commission émet donc un avis favorable sur cet amendement, modifié par le sous-amendement du Gouvernement.

Le sous-amendement est adopté.

L'amendement est adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Patrick Courtois

L'amendement n° 179 rectifié, présenté par M. de Montesquiou et les membres du groupe Union des Démocrates et Indépendants-UC, est ainsi libellé :

I. - Alinéa 30

Supprimer cet alinéa.

II. - Alinéa 31

Supprimer les mots :

au fonds de garantie des dépôts et de résolution ou

La parole est à M. Aymeri de Montesquiou.

Debut de section - PermalienPhoto de Aymeri de Montesquiou

Cet amendement s’inscrit dans la lignée de l’amendement n° 178 rectifié que nous avons déposé à l’article 6.

Les sénateurs du groupe UDI-UC ont des doutes quant au rôle du Fonds de garantie des dépôts et de résolution dans ce nouveau dispositif. Nous avons déjà pu exposer nos interrogations à ce sujet, notamment sur la protection des épargnants et des déposants. Il s’agit donc de dissocier le Fonds des dispositions relatives à l’ACPR.

Nous l’avons souligné : ce Fonds agit comme une assurance. Or toutes les banques n’y souscrivent pas. Quelle en est la conséquence ? Ce sera aux banques prudentes de financer la prise de risque des banques les moins prudentes. Ce phénomène porte un nom, l’aléa moral, ce même aléa moral que le texte entend combattre.

Nous nous interrogeons donc sur l’opportunité de faire courir aux déposants un risque majeur causé par une résolution qui se passerait mal en attribuant au Fonds deux missions différentes. N’aurait-il pas été plus opportun de créer un fonds alternatif pour appuyer les procédures de résolution ?

Debut de section - PermalienPhoto de Richard Yung

La commission avait demandé le retrait de l'amendement n° 178 rectifié, ce que M. de Montesquiou a accepté de faire. Aussi, par coordination, elle demande le retrait de l’amendement n° 179 rectifié.

Debut de section - Permalien
Pierre Moscovici, ministre

Même avis.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Patrick Courtois

Monsieur de Montesquiou, l'amendement n° 179 rectifié est-il maintenu ?

Debut de section - PermalienPhoto de Aymeri de Montesquiou

Je tiens à manifester mon étonnement devant le fait que certaines banques souscrivent alors que d'autres ne souscrivent pas.

Cela étant dit, je retire cet amendement, monsieur le président. Mais j'aurais souhaité avoir une réponse du Gouvernement !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Patrick Courtois

L'amendement n° 179 rectifié est retiré.

Je suis saisi de trois amendements faisant l'objet d'une discussion commune.

L'amendement n° 92, présenté par M. Bocquet, Mme Beaufils, M. Foucaud et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :

Alinéa 36, première phrase

Rédiger ainsi cette phrase :

« c) En troisième lieu, les dépréciations qui demeurent sont imputées sur l’ensemble des autres obligations et titres de créances émis, l’application de cette disposition concernant les obligations autres que celles dont le contrat d’émission prévoit qu’en cas de liquidation de l’émetteur, elles ne seront remboursées qu’après le désintéressement des créanciers privilégiés et chirographaires pouvant être reportées jusqu’à l’entrée en vigueur d’une législation équivalente au niveau de l’Union européenne.

La parole est à M. Éric Bocquet.

Debut de section - PermalienPhoto de Éric Bocquet

L’article 7 du projet de loi prévoit pour l’autorité de résolution la possibilité d’imputer les pertes sur les actions, puis sur les dettes subordonnées, puis sur les dettes dites « juniors ».

Les dettes dites « seniors » sont en revanche exclues de la liste, et cet oubli est lourd de conséquences, car la possibilité pour les créanciers d’absorber les pertes constitue le seul moyen d’éviter que ces dernières ne soient supportées par le contribuable.

Or les seuls actionnaires et détenteurs de dette « subordonnée » et « junior » s’avéreront vite insuffisants en cas de défaillance d’un établissement financier.

Ne pas inclure les dettes « seniors » des banques dans la liste des instruments financiers pouvant faire l’objet d’une résolution revient donc à renoncer à casser l’aléa moral.

Il est ici important de noter que les mécanismes de résolution bancaire envisagés aux États-Unis, en Grande-Bretagne ou au niveau de l’Union européenne prévoient tous de donner le pouvoir à l’autorité de résolution d’imputer des pertes aux créanciers seniors.

Le texte du présent projet de loi est donc le seul, pour le moment, à faire exception à ce niveau.

Dans un but d’articulation de la loi française avec la réglementation en cours d’élaboration au niveau de l’Union européenne sur ce sujet, il est possible de prévoir une entrée en vigueur de cette disposition concomitamment avec la réglementation européenne, mais il est indispensable que la règle soit posée par la loi française, car l’impossibilité de faire supporter le poids de pertes éventuelles à l’ensemble des créanciers aurait comme conséquence de faire porter ces pertes par le contribuable.

Avouez tout de même qu’il serait paradoxal que le renforcement des pouvoirs et compétences de l’Autorité de contrôle prudentiel aille de pair avec une sollicitation probablement aussi significative qu’auparavant des deniers publics.

Il serait dommage de donner des prérogatives à l’ACPR pour avoir le bonheur de rejouer le psychodrame du Crédit Lyonnais à la première faillite bancaire venue...

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Patrick Courtois

L'amendement n° 49 rectifié, présenté par MM. Collombat, Mézard, Baylet, Chevènement, Collin, Fortassin et Hue, Mme Laborde et MM. Mazars, Plancade, Requier, Tropeano et Vall, est ainsi libellé :

Alinéa 36, première phrase

Après le mot :

imputées

rédiger ainsi la fin de cette phrase :

sur l’ensemble des autres obligations et titres de créances.

La parole est à M. Jean-Claude Requier.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Requier

La rédaction actuelle du projet de loi permet de faire supporter les pertes de la banque aux créanciers juniors et subordonnés, mais non aux créanciers seniors. Cette disposition, qui doit être prise au niveau français et européen, est pourtant essentielle pour assurer à nos concitoyens que ceux qui bénéficient aujourd’hui des possibilités offertes par la spéculation seront aussi ceux qui en assumeront les risques en cas de nouvelle crise.

Il peut paraître choquant que tous ceux qui ont profité des investissements risqués en période faste soient à l’abri des conséquences des risques pris.

En n’intégrant pas la possibilité de faire supporter les pertes éventuelles aux créanciers dits « seniors », le projet de loi français est très en retrait sur divers dispositifs ou projets de dispositifs de résolution ayant le même objet : projet de directive européenne ou dispositifs de rétablissement et de résolution bancaire aux États-Unis, en Grande-Bretagne et au Danemark.

Ce souci des intérêts des créanciers privés des établissements financiers à finalité spéculative est touchant, mais moins que ne pourrait l’être celui des finances publiques et du contribuable français.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Patrick Courtois

L’amendement n° 191 rectifié bis, présenté par Mme Rossignol, M. Dilain, Mme Lienemann, MM. Madec, Madrelle, Fauconnier, Chastan, Antoinette, Leconte et Teston, Mmes Alquier et Claireaux, MM. J.C. Leroy, Vincent, Rome et Filleul, Mme Lepage et MM. Mirassou et Vandierendonck, est ainsi libellé :

Après l'alinéa 36

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

« ...) En quatrième lieu, les dépréciations qui demeurent sont imputées sur les autres valeurs mobilières représentatives de créances. Les mesures qui précèdent peuvent consister en une réduction du principal, en une annulation ou en une conversion de ces titres à hauteur des dépréciations constatées. Ces mesures s’appliquent de manière égale entre créanciers de même rang, en réduisant le montant en principal de ces créances ou l’encours exigible à leur titre dans une égale mesure proportionnellement à leur valeur ;

La parole est à Mme Laurence Rossignol.

Debut de section - PermalienPhoto de Laurence Rossignol

Cet amendement vise à inclure la dette senior dans la liste des instruments financiers pouvant faire l’objet d’une résolution.

Avouez, mes chers collègues, que cette disposition prend un peu de relief dans la période actuelle.

Le projet de loi, dans sa rédaction présente, prévoit pour l’autorité de résolution la possibilité d’imputer les pertes sur les actions, puis sur les dettes subordonnées, puis sur les dettes dites « juniors ». Les dettes dites « seniors », qui bénéficient d’un privilège de remboursement, sont pour l’instant exclues de la liste des outils financiers mobilisables.

Notre amendement vise à permettre à l’autorité de résolution, à l’instar de ce qui a été fait en Grande-Bretagne et aux États-Unis, d’intégrer les créances de dette senior parmi celles que les banques peuvent appeler.

Ce ne serait pas, pour l’autorité de résolution, une obligation, mais une simple possibilité. Nous considérons donc que cet amendement ne fragilise pas l’équilibre du projet de loi, puisqu’il ne crée pas une sanction automatique.

Debut de section - PermalienPhoto de Richard Yung

Ce débat sur la participation de tous les créanciers au comblement de passif, ou bail-in, est important.

La commission a émis un avis de sagesse négative sur ces amendements, considérant qu’ils permettaient d’engager un débat important mais que les réponses qu’ils apportaient n’étaient pas pleinement satisfaisantes.

L’article 7 du projet de loi prévoit que les pertes d’un établissement en résolution sont imputées, dans l’ordre, sur les actionnaires, les détenteurs de titres hybrides, puis certains créanciers dits subordonnés.

Je vous rappelle que, dans la hiérarchie des titres, on trouve au sommet les obligations sécurisées, puis les créances garanties par des sûretés – mobilières et immobilières –, les créances ordinaires ou chirographaires, au sein desquelles on trouve les dépôts, les titres subordonnés – ce que l’on appelle la dette « junior » –, les prêts et titres participatifs, les titres super-subordonnés et, enfin, les actions. Le terme de dette senior est imprécis, car il renvoie non seulement aux créances ordinaires, mais aussi aux créances garanties et privilégiées.

Le présent amendement vise à inclure l’ensemble des créanciers dans le dispositif, y compris les créanciers ordinaires et les créanciers privilégiés.

Il s’agit d’une évolution à laquelle je suis, sur le principe, plutôt favorable.

À ma connaissance, les négociations qui se déroulent au niveau européen s’orientent plutôt dans ce sens. À terme, cette solution me semble d’ailleurs la seule capable de nous prémunir contre un appel de fonds publics d’importance, la dette senior représentant une part considérable de l’ensemble des titres.

Cependant, il ne me semble pas opportun de la prévoir dans le texte français à ce stade pour deux raisons.

D’une part, il conviendrait d’en préciser les contours techniques. Quels créanciers privilégiés veut-on inclure ? Veut-on inclure les dettes de court terme, nécessaire au refinancement des banques ? Veut-on, surtout, inclure les déposants, qui ne sont rien d’autre que des créanciers de la banque ?

D’autre part, cette discussion est déjà bien engagée à Bruxelles, même si elle n’est pas finalisée, et il me semble prudent d’attendre d’avoir le texte européen définitif.

Debut de section - Permalien
Pierre Moscovici, ministre

Je partage l’avis de M. le rapporteur.

Je soutiens moi aussi la philosophie de ces amendements, mais il me semble que l’inscription de ces mesures dans la loi n’est pas souhaitable à ce stade.

Premièrement, l’implication des créanciers seniors, c’est-à-dire les créanciers obligataires ne bénéficiant d’aucune garantie particulière, mais aussi des dépôts, est en cours de discussion au niveau européen dans le cadre de la directive « résolution ». Il me paraît donc plus sage d’attendre que les choses se consolident à Bruxelles.

Deuxièmement, si j’ai eu l’occasion d’affirmer publiquement, lors des débats à l’Assemblée nationale, en commission des finances comme en séance, que la France soutenait l’implication des créanciers seniors dans le processus de résolution, il ne me semble pas pour autant souhaitable d’inclure dès à présent cette disposition dans la loi, pour plusieurs raisons.

Tout d’abord, attendons le consensus européen sur le périmètre du bail-in, sans aller au-delà de ce qui figure à ce stade dans le projet de loi. Ces débats européens, auxquels je participe, sont loin d’être stabilisés et il me paraît donc plus prudent d’attendre l’adoption de la directive.

Ensuite, le projet de directive lui-même prévoit des exceptions à l’endroit des dépôts couverts par des garanties afin de protéger les déposants et d’éviter les risques de panique ou de run, encore illustrés par les événements survenus récemment.

Ces exceptions sont nécessaires pour la stabilité financière et la protection des déposants et nous devons les prendre en compte.

Enfin, cette disposition peut avoir un effet important sur l’accès des banques au financement et sur son coût. Il faut prendre en compte l’impact d’une telle mesure sur le financement des banques, et donc sur le financement de l’économie.

À cet égard, mon souci est toujours le même : oui, réformer, contrôler, réguler, maîtriser, mais ne pas pénaliser unilatéralement le financement de l’économie française.

Le dispositif de directive lui-même prévoit un dispositif spécifique pour l’entrée en vigueur du bail-in. Le report à 2018 doit permettre de prendre en compte ses effets possibles sur le financement bancaire, car nous ne sommes pas en mesure de le prévoir immédiatement.

Dans le cadre des négociations en cours sur le projet de directive, nous participons activement aux travaux pour trouver rapidement un consensus sur ce sujet sensible. Je souhaite que la directive retienne un périmètre large, tout en reconnaissant des exceptions nécessaires pour la stabilité financière, notamment en excluant les dépôts des particuliers.

Sous le bénéfice de ces explications, je vous invite, mesdames, messieurs les sénateurs, à retirer ces trois amendements. À défaut, et même si le Sénat est une assemblée sage, par définition, je dirais que ma sagesse est peut-être encore plus négative que la vôtre, monsieur le rapporteur.

Sourires.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Patrick Courtois

Sur ces trois amendements en discussion commune, je suis saisi d’une demande de scrutin public émanant du groupe socialiste.

Madame Rossignol, l'amendement n° 191 rectifié bis est-il maintenu ?

Debut de section - PermalienPhoto de Laurence Rossignol

Je me satisfais des explications que vient de donner M. le ministre. Elles témoignent d’une convergence d’intentions et apportent un certain nombre d’éléments complémentaires et sérieux, qui justifient en eux-mêmes le dépôt de cet amendement.

Pour ce qui me concerne, je n’ai nul besoin d’une demande de scrutin public pour m’inciter à retirer un amendement, ce que j’ai déjà su faire à plusieurs étapes du débat, lorsque le Gouvernement m’a convaincu.

Quoi qu’il en soit, je retire cet amendement, monsieur le président.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Patrick Courtois

L'amendement n° 191 rectifié bis est retiré.

Monsieur Caffet, la demande de scrutin public du groupe socialiste est-elle maintenue sur les amendements n° 92 et 49 rectifié ?

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Caffet

Je n’en suis pas à l’origine, mais il ne me semble pas nécessaire de procéder par scrutin public.

L'amendement n'est pas adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Patrick Courtois

Monsieur Requier, l'amendement n° 49 rectifié est-il maintenu ?

L'amendement n'est pas adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Patrick Courtois

Mes chers collègues, à la demande du Gouvernement, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à vingt et une heures trente.

La séance, suspendue à dix-neuf heures, est reprise à vingt-et-une heures trente-cinq, sous la présidence de Mme Bariza Khiari.