Pour répondre à M. Marini, je dirai d’abord, comme je l'ai fait en commission, que je suis de près l'évolution de la situation d’Euronext. Je serai évidemment attentif aux développements qui pourront se produire dans les prochains mois. Ma réponse n’est pas évasive ; elle traduit simplement mon attachement au maintien à Paris d'un groupe boursier fort, capable de fournir des services utiles aux émetteurs et aux investisseurs, notamment au MATIF pour les matières premières agricoles.
J'en viens à l'amendement présenté par Yannick Vaugrenard, ainsi qu’aux explications apportées par le rapporteur.
Cet amendement tend à prévoir que l'assemblée générale se prononce sur l'enveloppe des rémunérations accordées aux mandataires sociaux et aux salariés dont les activités ont une incidence significative sur le profil de risque de la société.
Nous avons bien évidemment une convergence de vues sur l'objectif poursuivi. La proposition de la commission des affaires économiques rejoint la réflexion du Gouvernement sur les mécanismes de limitation des rémunérations indécentes et sur la possibilité qui pourrait être offerte aux actionnaires de s'exprimer sur la politique de rémunération des entreprises.
Toute la question est cependant de savoir par quel véhicule législatif, à quel moment et sous quelle forme cette idée peut être transcrite dans la loi.
Sur les bonus des traders et des dirigeants, la discussion a énormément progressé dans le cadre des discussions sur la future directive CRD IV, qui devraient aboutir dans les jours à venir. Cela tient en grande partie à la France, qui a permis de dégager une majorité qualifiée sur un accord ambitieux, basé sur une proposition du Parlement européen, dont je veux saluer le travail.
Si les discussions parviennent à leur terme, ce qui devrait être le cas, la part variable des rémunérations ne pourrait pas dépasser la part fixe. J'insiste sur ce point, car c'est une victoire politique considérable ! Songez, mesdames, messieurs les sénateurs, qu’avec les règles internes en vigueur des établissements de la City le rapport est plutôt d’un pour neuf, ce qui explique une bonne part des résistances à l’œuvre de l'autre côté de la Manche. Toutefois, nos amis Britanniques sont bien obligés de constater qu’il y a là un mouvement qui dépasse les frontières de tel ou tel pays. Vous avez mentionné la Suisse, dont j’avais également évoqué la situation.
Ainsi, au conseil Ecofin, le ministre britannique a cherché à apporter des amendements, mais n’a évoqué ni une remise en question du texte ni un éventuel veto. Une telle démarche ne serait de toute façon plus du tout comprise par l'opinion publique.
Sur la politique de rémunération générale, le Premier ministre a annoncé son intention de déposer rapidement un projet de loi comprenant notamment les dispositions que vous avez envisagées, monsieur Vaugrenard.
Il faudra discuter aussi avec les représentants des professions, car certains aspects peuvent être intégrés dans un code de conduite ; d'autres sont, en revanche, de nature législative. Nous devrions pouvoir proposer rapidement des mesures qui concerneront l'ensemble de nos entreprises. Ce chantier, le Premier ministre m'a demandé de m’en charger et les choses ont d’ores et déjà beaucoup avancé.
Je veux rappeler que ce gouvernement a fait en sorte que les écarts de rémunération dans les entreprises publiques – il ne s’agit pas ici des entreprises privées – ne dépassent pas un rapport d’un à vingt. Ainsi, dans les entreprises publiques majoritairement détenues par l'État, aucun salaire ne dépasse aujourd'hui 450 000 euros, ce qui est déjà une somme très respectable ! Un certain nombre de dirigeants d'entreprises publiques, dont je ne citerai pas les noms, ont ainsi vu leur rémunération, fixe et variable, divisée de moitié, voire plus.
De la sorte, nous sommes revenus dans l’épure de ce que j'appellerai la décence. Celle-ci doit s'appliquer à tous, et il me semble qu’un effort semblable doit être fourni par les entreprises privées, tout en tenant compte évidemment des différences de structures, même si, je le redis, cela ne passera pas par le même canal.
Pour en revenir à l’amendement, la question qui se pose est la suivante : faut-il légiférer maintenant dans le cadre de ce projet de loi, ou plutôt attendre la conclusion des discussions sur la proposition de directive CRD IV, qui ne saurait tarder, et la présentation par le Gouvernement de son projet de loi sur la gouvernance et sur la rémunération des dirigeants ? J’opterai plutôt pour la seconde solution, je vous l’avoue. Je le dis d'autant plus facilement que je serai amené à présenter également ce dernier texte. Il me semble que, de la sorte, notre démarche sera plus forte, plus percutante et plus globale.
J'ajoute que l'amendement tel qu'il est rédigé, même si j'en partage la philosophie, peut soulever un certain nombre de problèmes. On ne sait pas notamment ce qui se passerait en cas de vote négatif ; cela pourrait entraîner un réel risque juridique.
Afin de supprimer toute ambiguïté, peut-être vaudrait-il mieux prévoir une brève suspension de séance. La volonté du Gouvernement rejoint tout à fait la vôtre, mesdames, messieurs les sénateurs : nous voulons avancer, réguler, moraliser et introduire de la décence. Dans le même temps, j’aimerais qu'une réflexion soit menée sur le calendrier et sur le véhicule législatif. Honnêtement, sauf à modifier la rédaction de cet amendement, possibilité que je laisse ouverte, pour atténuer un peu, à ce stade, ses effets, il me semble préférable d'attendre le projet de loi sur la gouvernance et sur la rémunération des dirigeants.
Je voudrais en discuter quelques instants avec le président de la commission des affaires économiques, le rapporteur et le rapporteur pour avis, s'ils en sont d'accord, raison pour laquelle une suspension de séance me paraîtrait souhaitable.