Les articles 5 et 6 du projet de loi sont essentiels et le vote final d’un certain nombre d’entre nous dépendra donc de leur rédaction.
Nous sommes attachés à une autorité de contrôle indépendante administrativement. Avec le dispositif que vous introduisez, l’autorité de contrôle le demeure-t-elle réellement ? Dans cette Autorité de contrôle prudentiel et de résolution, ou ACPR, c’est le « R » de résolution qui pose problème, sa composition et son fonctionnement évoluant en conséquence.
Dans son fonctionnement, le collège de supervision demeure, avec ses dix-neuf membres, mais celui qui prendra les vraies décisions, la cheville ouvrière du système sera le nouveau collège de résolution, lequel ne comprend plus que cinq membres : seuls restent deux personnalités issues de la Banque de France, auxquelles s’ajoutent le directeur général du Trésor – pourquoi pas ? –, le président de l’Autorité des marchés financiers et le président du directoire du fonds de garantie des dépôts et de résolution.
La difficulté est la suivante : les résolutions qui peuvent être prises par le collège de résolution ont une incidence directe sur le fonds de garantie des dépôts et changent profondément sa nature.
Dans l’esprit des contribuables et des déposants, le fonds de garantie des dépôts, alimenté par la profession, garantit les dépôts. En aucun cas il n’est considéré comme étant éventuellement un moyen d’intervenir dans la modification profonde du capital, du système de fonctionnement d’un établissement, comme il est prévu à l’article 6.
L’indépendance du collège de résolution est à mon avis altérée du fait de son mode de fonctionnement.
À l’origine, l’autorité de contrôle travaillait essentiellement avec les moyens de la Banque de France. Aujourd'hui, les dossiers sont instruits par le directeur d’un service, lequel est nommé par le ministre de l’économie et des finances. Autrement dit, certains des dossiers qui seront présentés au collège de résolution viendront directement des services de Bercy !
Traditionnellement, c’était la Commission bancaire qui effectuait les contrôles, suivait les problèmes bancaires au plus près. On rétablit maintenant le système qui a donné lieu voilà quelques années au fiasco du Crédit Lyonnais. En réalité, les difficultés du cet établissement ont directement résulté d’un certain interventionnisme purement politique. Une législation a ensuite été mise en place pour éviter qu’un tel fiasco ne se reproduise.
Je regrette d’avoir à le dire, mais, dès lors que les dossiers les plus importants qu’aura à traiter le collège de résolution proviendront directement des services du ministère de l’économie et des finances et que le directeur qui instruira ces dossiers sera nommé par le ministre à la tête de ce même ministère – c’est écrit noir sur blanc –, un problème d’indépendance se posera indiscutablement.
Croyez-moi, tous ceux qui ont suivi de près, à une certaine époque, l’affaire du Crédit Lyonnais savent pourquoi ses problèmes sont survenus. Il n’y a pas eu de problème de dirigeant. C’est parce qu’on a imposé à M. Haberer de financer l’achat de studios aux États-Unis par M. Paretti que le principal fiasco de la défaisance s’est produit ensuite. Je pense donc qu’il faut éviter tout interventionnisme.
Circonstance aggravante, le fonds de garantie peut être amené à intervenir dans des mesures de redressement, ce qui peut gravement lui nuire. Je reprendrai à ce sujet l’image intéressante du collier de perles utilisée par M. le rapporteur hier : si une première perle tombe, toutes les autres suivent ! En l’occurrence, je peux vous l’assurer, mes chers collègues, si le fonds de garantie est saisi afin de restructurer financièrement un établissement alors qu’il disposera, dans le meilleur des cas, d’une somme comprise entre 2 milliards et 10 milliards d’euros, il y aura un vrai problème pour garantir à hauteur de 100 000 euros les fonds des déposants dans les établissements qui arriveraient après !
Déjà à l’époque de l’affaire du Crédit Lyonnais, la mise en place du fonds de garantie avait constitué, dans l’esprit de tous et notamment des déposants, une avancée importante, que les lois de 2008 et de 2010 avaient encore renforcée. Que ce fonds puisse désormais servir à redresser un établissement bancaire en difficulté est une dénaturation du principe qui aura de graves effets sur et pour les déposants.
Monsieur le ministre, c’est, je le répète, la rédaction qui sera retenue pour les articles 5 et 6 qui déterminera notre vote final, car ils constituent à nos yeux l’armature du dispositif, armature qui, en l’état, nous paraît à bien des égards peu sûre.