Nous voilà parvenus à un autre sujet important du présent projet de loi, à savoir le Haut Conseil de stabilité financière.
Dans les faits, celui-ci apparaît comme la déclinaison française nécessaire au fonctionnement de la future Union bancaire, quand bien même les contours de cette Union bancaire sont bien loin d’être exactement fixés et que les pouvoirs dévolus au Conseil sont loin d’être parfaitement coercitifs.
On notera, d’ailleurs, que le Haut Conseil sera habilité à formuler des avis et recommandations quant à la prévention des risques systémiques, mais que la véritable mise en œuvre de ces décisions ne pourra être réalisée qu’avec le concours soit de la Banque centrale européenne, soit de sa quasi-succursale nationale qu’est devenue la Banque de France.
L’indépendance confirmée de la Banque centrale européenne au regard des gouvernements de la zone euro, la large privatisation des secteurs de la banque et de l’assurance ont, de fait, déplacé le centre de production et de création monétaire vers la sphère privée.
Dans notre pays, aujourd’hui, ce sont les établissements bancaires qui réalisent l’essentiel des transactions financières ; ce sont eux dont l’activité est génératrice de la création, au départ souvent virtuelle, de la monnaie.
L’intérêt qui grève un emprunt consenti à une entreprise ou à un particulier, les agios qui renchérissent un découvert bancaire ne sont rien d’autre que de la monnaie virtuelle, déjà présente dans les faits, ne serait-ce que par le jeu d’écritures comptables que cela représente.
De la même manière, pour revenir sur les termes de la surchauffe financière de ces dernières années, l’amoncellement de créances de plus en plus démembrées qui a conduit à la crise des prêts hypothécaires aux États-Unis, les produits dérivés compartimentés de plus en plus sophistiqués que nous avons vu apparaître ont constitué autant d’éléments de masse monétaire potentielle qui venaient accroître les décalages entre finance, d’une part, et économie, d’autre part.
C’est aussi ce glissement progressif vers une masse monétaire toujours plus importante qui a motivé la situation que nous avons connue en 2008 et qui nécessite aujourd’hui qu’une surveillance particulière soit désormais apportée aux mouvements systémiques de la finance.
Alors, évidemment, se pose la question : comment faire ? L’article 11 tente de la résoudre en dotant le Haut Conseil de la faculté de donner son avis sur un ensemble de sujets particulièrement significatifs.
De par l’indépendance proclamée de la Banque centrale européenne, cet article ne peut toutefois ignorer tout à fait l’une des limites dès lors posées à toute surveillance macro-prudentielle, à savoir ne pouvoir influer directement sur les choix opérés par la Banque centrale, notamment en matière d’action en faveur de la liquidité des marchés financiers. Ainsi, en la matière, les pouvoirs du Haut Conseil procèdent clairement d’une simple faculté. Les 4° et 5° du texte proposé par l’article 11 pour l’article L. 631–2–1 du code monétaire et financier sont explicites de ce point de vue.
Le 4° dispose : « Il peut, sur proposition du gouverneur de la Banque de France, imposer aux personnes définies au 1° et au a du 2° du A du I de l’article L. 612-2 des obligations en matière de fonds propres plus contraignantes que les normes de gestion arrêtées par le ministre chargé de l’économie au titre du 6 de l’article L. 611-1 en vue d’éviter une croissance excessive du crédit ou de prévenir un risque aggravé de déstabilisation du système financier ».
Le 5° précise : « Il peut fixer, sur proposition du gouverneur de la Banque de France, des conditions d’octroi de crédit par les personnes soumises au contrôle de l’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution pour prévenir l’apparition de mouvements de hausses excessives sur le prix des actifs de toute nature ou d’un endettement excessif des agents économiques ».
On l’aura noté, dans l’affaire, seul le gouverneur de la Banque centrale, président du Conseil, est en situation de solliciter l’avis des membres sur des questions aussi importantes que l’effet de levier bancaire et la sélectivité éventuelle du crédit consenti aux ménages comme aux entreprises, et peut, en ces matières, outrepasser les normes arrêtées par le Gouvernement lui-même.
Il nous paraît clair que cette faculté doit être étendue à d’autres membres du Conseil et qu’elle doit porter sur des orientations plus pertinentes encore de la création monétaire. Le levier de l’intervention du Haut Conseil doit être renforcé et judicieusement utilisé.