Intervention de Francis Delattre

Réunion du 22 mars 2013 à 15h00
Séparation et régulation des activités bancaires — Vote sur l'ensemble

Photo de Francis DelattreFrancis Delattre :

Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, je n’ai pas vu passer l’amendement de MM. Jean-Pierre Chevènement et Pierre-Yves Collombat, dont l’objet indique que « la crise ne remet pas en cause le modèle de la banque universelle ». Or il est heureux que nous ayons un système bancaire dans un pays où 75 % des investissements des entreprises sont assumés par les banques – ce sont elles qui prennent les risques ! – et où l’essentiel de l’épargne trouve refuge dans un système d’assurance-vie.

Nos quatre grandes banques ont survécu aux difficultés de la crise de 2008 et obtiennent aujourd’hui des résultats. Heureusement pour notre économie ! Car ce sont elles qui seront les principaux facteurs du redémarrage de la croissance.

Dans ce projet de loi qui traite de problèmes techniques, on peut distinguer plusieurs parties.

L’une d’elles vise à séparer les activités de marché, plus ou moins spéculatives, des dépôts. L’idée est séduisante, mais, une fois aux prises avec la réalité, on s’aperçoit que la chose n’est pas aisée. De nombreux experts, à la suite des débats qui ont eu lieu à l’Assemblée nationale, ont estimé que ces activités spéculatives représentent environ 1 % à 2 % des activités bancaires.

Même si nous sommes tous d’accord pour dire qu’il faut trouver un système garantissant aux déposants leurs biens, nous ne sommes pas sûrs que la filialisation soit la solution idoine. Plusieurs pistes sont possibles, comme l’a d’ailleurs indiqué très honnêtement M. le rapporteur. Pour notre part, nous aurions préféré attendre, avant de légiférer, la directive européenne, en tout cas son architecture, car nous risquons de nous écarter quelque peu du modèle qui sera mis en place.

Le ministre de l’économie déterminera désormais par arrêté les opérations a priori spéculatives. Il nous semble pourtant qu’une telle activité relève vraiment de la responsabilité du Parlement.

Une autre partie porte sur la tentative, louable, de régulation des marchés des matières premières. Nous soutenons de telles dispositions. Pour autant, il est reconnu que le trading, dès lors qu’il concerne des opérations commerciales normales, n’est pas forcément spéculatif. Il s’agit d’un instrument financier comme un autre.

Quant au trading à haute fréquence, qui s’effectue notamment sur les marchés des matières premières, il comporte des volets spéculatifs avérés, qu’il convient effectivement d’encadrer et de contrôler. Toutefois, nous le savons bien, ce n’est pas au niveau d’un simple pays comme le nôtre que nous traiterons sérieusement le sujet. Là aussi, il aurait été intéressant de connaître l’architecture européenne.

Mais c’est sur les articles 5 et 6 que portaient nos principales interrogations. L’Autorité de contrôle prudentiel avait été créée par une ordonnance ratifiée par la loi du 22 octobre 2010. Elle comprenait dix-neuf personnalités. Après l’adoption de ce projet de loi, c’est le collège de résolution, resserré autour de cinq membres, qui détiendra l’essentiel des responsabilités. Nous avons tous soutenu l’amendement visant à adjoindre à ce collège un haut magistrat. Il est en effet souhaitable qu’un magistrat puisse être confronté à ces problèmes, qui concernent non seulement la régulation, mais aussi la structure même, le management des entreprises visées par des comportements anormaux. Espérons que nous obtiendrons ainsi un bon équilibre.

En revanche, monsieur le ministre, mes chers collègues, le problème du Fonds de garantie des dépôts et de résolution demeure. Le collège de résolution pourra en effet prendre des mesures très importantes, voire recapitaliser un établissement, en utilisant les sommes de ce fonds. Or, pour tout un chacun, il s’agit du fonds de garantie des déposants. Une telle situation pose un vrai problème non seulement de compréhension, mais aussi d’éthique. Plutôt que de mettre en danger un fonds dont l’utilité est parfaitement claire depuis la loi de 2010, mieux vaut que le Trésor use d’autres possibilités pour recapitaliser !

C’est une vraie préoccupation, à laquelle il conviendrait de réfléchir dans le cadre de la navette. Je suis persuadé que, pour le public, l’existence de ce fonds de garantie signifie que tout citoyen de ce pays sera dédommagé, jusqu’à 100 000 euros, quoi qu’il arrive à sa banque. Mettre en péril ce fonds par une utilisation différente – modifications capitalistiques ou renflouements – pose un problème qui peut se révéler essentiel.

Naturellement, pour ce qui concerne l’ensemble des dispositions relatives à la protection des consommateurs et la lutte contre le surendettement, nous avons soutenu largement, tant en commission des finances qu’ici, les dispositions qui nous paraissaient incontestablement utiles.

Pour toutes ces raisons, je suivrai sans réticence aucune la position de mon groupe. Il est vrai que, au cours de la discussion, nous avons pu avoir, y compris avec M. le ministre, des discussions intéressantes, ce qui n’est d’ailleurs pas souvent le cas. Quant à nos propositions, elles n’ont pas été forcément rejetées. Ainsi, je me réjouis à la fois du climat dans lequel se sont déroulés nos débats et des solutions consensuelles qui ont pu être trouvées, sur un texte important mais pas décisif.

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