Intervention de Jean Desessard

Réunion du 22 mars 2013 à 15h00
Séparation et régulation des activités bancaires — Vote sur l'ensemble

Photo de Jean DesessardJean Desessard :

Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, je tiens à saluer le Gouvernement, qui a inscrit à l’ordre du jour de nos assemblées ce texte de séparation et de régulation des activités bancaires.

Nous portons un double regard sur le secteur bancaire. Dans notre quotidien, la banque, c’est le dépôt, l’investissement, le prêt, par exemple pour l’achat d’un appartement. Elle joue également un rôle positif auprès des entreprises, en facilitant les échanges. Parallèlement, elle inquiète, scandalise et s’avère parfois nocive pour la collectivité.

Le secteur bancaire inquiète par sa démesure : le bilan des banques françaises correspond à plusieurs PIB de la France. Il inquiète à cause des fonds toxiques, qui sont partout. Il inquiète en raison du manque de contrôle. On a l’impression que les banques fonctionnent comme un casino : on assure, on échange, on assure l’échange, on risque, on assure le risque, et tout cela s’étend sans qu’on ait une vision réelle de cette économie virtuelle.

Le secteur bancaire scandalise lorsque les bonus des traders sont sans rapport avec la vie réelle ou bien que leur versement s’effectue au détriment du secteur industriel et du développement économique. Il scandalise aussi lorsque se déclenche une affaire Kerviel.

Le secteur bancaire peut s’avérer nocif : lorsque les contribuables sont obligés de renflouer les banques. Il peut s’avérer nocif lorsqu’il amplifie, au niveau mondial, les crises alimentaires.

Aujourd’hui, dans cette assemblée et, au-delà, en Europe, nous disons stop à la démesure et nous prônons la régulation. Nous l’avons rappelé lors de la discussion générale, nous sommes dans un contexte favorable, l’ensemble des pays européens souhaitant agir en ce sens.

L’objectif du Président de la République était de séparer les différentes activités bancaires, celles qui sont bénéfiques à la vie quotidienne et celles qu’on ne maîtrise pas, qui sont spéculatives. Si le projet de loi n’introduit pas une stricte séparation, il tend, par le biais de la filialisation, à la mettre en place, afin de limiter les risques pour les contribuables.

Ce projet de loi aura une double action : il constitue une étape et introduit, comme nous avons pu en débattre au cours de ces derniers jours, une dynamique à l’échelle européenne. Alors que certains de nos collègues étaient favorables à une action européenne, nous avons souhaité agir dès maintenant, au niveau national. Si nous remercions le Gouvernement d’avoir posé cette première pierre, nous sommes conscients que la dynamique de ce texte doit s’étendre au niveau européen.

Le groupe écologiste se félicite des échanges constructifs qu’il a pu entretenir avec le Gouvernement et la commission au cours de la discussion, ce qui a permis non pas d’enrichir – ce terme paraît déplacé dans un tel contexte §– mais de renforcer le texte sur plusieurs points essentiels. Je pense, par exemple, à la transparence demandée aux banques quant à leurs activités internationales, afin de lutter contre l’évasion fiscale.

Concernant la spéculation sur les matières premières agricoles, l’Autorité des marchés financiers aura désormais la tâche d’imposer des limites aux positions sur les produits dérivés en cause. Quant aux dirigeants de banque révoqués par l’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution, il leur est désormais interdit de recevoir les rémunérations différées dont ils auraient pu être bénéficiaires.

Deux amendements de la commission des affaires économiques ont également permis de soumettre les rémunérations des traders à l’avis de l’assemblée générale de l’établissement et de rendre ces derniers financièrement responsables en cas de difficulté de la banque. Nous nous en félicitons !

Le collège de résolution de l’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution a été élargi à un membre éminent de la Cour de cassation, évitant ainsi que ce collège ne soit exclusivement composé de membres issus du même sérail financier.

Enfin, l’adoption d’un amendement prévoyant la remise d’un rapport devrait nous permettre de faire, d’ici à deux ans, un premier bilan des conséquences de cette réforme.

Le projet de loi contient également un important volet, qui a été moins commenté, relatif à la protection du consommateur. Là aussi, le Sénat a imprimé sa marque, notamment en plafonnant les commissions bancaires d’une manière encore plus drastique pour les plus fragiles.

Je me réjouis tout particulièrement que nous ayons pu préciser les missions et les publications de l’Observatoire de l’inclusion bancaire, mieux définir les conditions d’exercice du droit à l’assurance emprunteur, en donnant au client le temps de chercher l’offre qui lui convient le mieux, et imposer aux banques un délai de trois jours pour ouvrir les comptes demandés par la Banque de France dans le cadre de l’exercice du droit au compte.

Enfin, je me félicite que le Sénat ait adopté l’amendement gouvernemental portant création de l’agence française de financement des investissements locaux, qui devrait permettre de diversifier et de sécuriser le financement de nos collectivités.

En conclusion, nous sommes sur une ligne de crête, et nous devons avancer. Allons-nous assez vite ? C’est la question que nous nous posons tous, face à la démesure du secteur bancaire. Nous saluons ce projet de loi, que nous voterons, comme une étape. Soyez assuré, monsieur le ministre, que les élus écologistes seront avec vous, au niveau européen, pour aller en ce sens.

Je remercie les présidents de séance, le rapporteur et le ministre, qui a su faire preuve de souplesse, permettant ainsi d’assurer à nos débats une excellente qualité.

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