Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, comme cela a été rappelé par Jacques Mézard le 30 janvier, dans l’espace réservé du RDSE, le débat sur les suites de la suppression de la taxe professionnelle a été organisé sur l’initiative de notre groupe, qui est aussi à l’origine de la constitution de la mission commune d’information que présida notre ancienne collègue Anne-Marie Escoffier, mission dont les conclusions et le rapport en deux tomes ont été rendus public au mois de juin 2012.
Un tel débat avait toute sa place dans une semaine sénatoriale de contrôle. C’est pourquoi nous nous réjouissons qu’il puisse être poursuivi précisément dans ce cadre-là aujourd’hui.
La tenue de ce débat dans notre hémicycle ne pouvait plus attendre, car les conclusions de la mission commune d’information sur les conséquences pour les collectivités territoriales, l’État et les entreprises de la suppression de la taxe professionnelle et de son remplacement par la contribution économique territoriale méritent que le Gouvernement fournisse certains éclaircissements, informe la Haute Assemblée de ses intentions en la matière et, plus largement, nous dise comment il appréhende la question de plus en plus sensible des finances des collectivités territoriales.
Sur cette question, mon groupe s’enorgueillit d’être en pointe et de remplir ainsi la mission que nous confère, à nous sénateurs de la République, l’article 24 de la Constitution.
Désormais, les vingt-cinq propositions formulées par la mission d’information sont autant de pistes pour « limiter les dégâts », dont les effets se font toujours sentir, causés par la réforme de la taxe professionnelle, mais aussi pour apporter des compléments utiles sur des points qui n’ont pas été traités jusqu’à présent.
Malheureusement, l’évaluation des conséquences de la réforme s’est révélée particulièrement délicate compte tenu des difficultés rencontrées par les membres de la mission pour obtenir certains chiffres et informations.
En effet, un des éléments les plus frappants, à la lecture de ce rapport, est bien le déficit d’informations qu’ont constaté les auteurs et dont ils ont eux-mêmes souffert. Je citerai quelques passages très révélateurs.
Le rapport rappelle, par exemple, qu’«aucune estimation n’a été fournie par le Gouvernement s’agissant des conséquences de [la] nouvelle définition des potentiels fiscal et financier, sur le classement des communes et des EPCI en fonction de leur potentiel par habitant ».
À propos des fonds de péréquation de la CVAE, on peut lire : « Votre rapporteur regrette que, malgré les travaux approfondis menés par la commission des finances sur ce sujet, le Gouvernement n’ait procédé à aucune évaluation détaillée des conséquences de ces dispositifs de péréquation pour les départements et les régions. »
Ce constat a conduit les membres de la mission à recommander de « renforcer les dispositifs départemental et régional de péréquation de la CVAE et [de] simuler leurs effets en amont de l’examen de la loi de finances pour 2013 » ; il s’agit de leur seizième proposition.
De telles simulations ont, certes, été partiellement fournies avec le projet de loi de finances pour 2013, dont l’article 69 revoyait en profondeur le fonctionnement et les modalités de répartition des fonds de péréquation de la CVAE, qui doivent être mis en place cette année. Cependant, le rôle des parlementaires est nécessairement contraint par le fait qu’ils n’ont pas les moyens de réaliser leurs propres simulations, donc d’élaborer des propositions alternatives de manière éclairée, ce qui est tout à fait regrettable. Il me semble en effet indispensable que, dans une démocratie parlementaire moderne, le Parlement dispose de toutes les simulations nécessaires pour éclairer les décisions qu’il prend.
Mais nous n’avons pas tous la même préoccupation si l’on en juge par le vote des députés, qui ont, lors de l’examen en deuxième lecture du projet de loi de finances pour 2013, adopté un amendement gouvernemental modifiant à nouveau totalement les modalités de fonctionnement des fonds de péréquation de la CVAE, et ce sans aucune simulation.
Je pourrais citer de nombreux autres passages du rapport qui relèvent l’absence d’information et de simulation sur tel ou tel point. C’est significatif du peu de cas qui est fait du rôle et des droits du Parlement et des parlementaires. Nous regrettons qu’il en soit ainsi et, monsieur le ministre, puisque vous êtes nouveau à ce poste, nous espérons que vous faciliterez au maximum la diffusion des informations demandées par les parlementaires, notamment à vos services de Bercy, qui font parfois de la rétention…
Je reviens maintenant aux conclusions du rapport de la mission. Que nous apprend-il ?
Tout d’abord, que l’effet « positif » attendu de la réforme de la taxe professionnelle sur les entreprises n’est pas aussi évident qu’il y paraît et, surtout, pas aussi mirobolant que ce qu’on nous avait laissé entrevoir.
Certes, cette réforme a été bénéfique pour un nombre non négligeable d’entreprises, notamment dans le secteur industriel, mais trois ans après sa mise en œuvre, la situation n’a pas fondamentalement changé, car les ressorts de notre perte de compétitivité, qui se poursuit depuis plus de dix ans, comme l’a rappelé l’excellent rapport de Louis Gallois, se trouvent ailleurs.
En outre, cette réforme a été pénalisante pour un certain nombre de petites entreprises, notamment des artisans et des commerçants.
Elle ne s’est pas non plus traduite par des créations d’emplois, contrairement à ce qui était prévu et annoncé. De nouvelles mesures doivent donc être mises en place d’urgence pour restaurer la compétitivité, la croissance et l’emploi. Le Gouvernement s’y attache et le groupe RDSE lui apporte tout son soutien à cet égard.
Pour ce qui concerne les collectivités territoriales, le principal constat du rapport est sans appel : la réforme de la taxe professionnelle a eu pour conséquence de les maintenir dans un état d’incertitude quant à leurs ressources fiscales et budgétaires.