Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, comme la fiscalité nationale, la fiscalité locale constitue certes un enjeu pragmatique – les moyens dont on dispose pour agir –, mais également un enjeu démocratique, puisque le citoyen doit pouvoir juger les élus en fonction de leur gestion des deniers publics. Or, de ce point de vue, eu égard au manque de lisibilité de la fiscalité locale, il y a de quoi s’inquiéter !
En tant que sénateur, je me réjouis que nous puissions avoir ce débat. J’en remercie le groupe RDSE, et spécialement son président, Jacques Mézard. Nous écologistes, nous aimons envisager le Sénat comme la « future chambre des régions ». Aussi, je crois que notre assemblée est l’endroit idéal pour soulever cette question, particulièrement en amont de notre réflexion sur la réforme des collectivités territoriales.
Le rapport d’information de notre collègue Charles Guené, fait au nom de la mission commune d’information sur la taxe professionnelle, présidée en son temps par Anne-Marie Escoffier, qui est depuis entrée au Gouvernement et à laquelle je tiens à rendre hommage, établit un remarquable tableau de la situation et des conséquences de la réforme de la taxe professionnelle.
Il est un point sur lequel nous serons probablement tous d’accord, c’est que la taxe professionnelle n’était pas un impôt satisfaisant. Cette taxe donnait en réalité lieu à de nombreuses exonérations, permanentes ou temporaires, son assiette était à revoir puisqu’elle reposait sur une valeur locative obsolète des immeubles et terrains et elle pénalisait l’investissement des entreprises. On avait même parlé de « taxe imbécile »… Enfin, elle coûtait très cher aux finances de l’État dans la mesure où la puissance publique se substituait bien souvent aux entreprises, grâce à des compensations et dégrèvements, pour devenir, au final, le premier contribuable à la taxe professionnelle.
Ces dérives ont profondément remis en cause le principe constitutionnel selon lequel les « ressources propres des collectivités territoriales représentent, pour chaque catégorie de collectivités, une part déterminante de l’ensemble de leurs ressources ». Nous pouvons en effet déplorer que l’autonomie financière des collectivités ait radicalement diminué depuis l’acte II de la décentralisation.
La fin de la taxe professionnelle était inévitable, mais elle a mis beaucoup de temps, beaucoup trop de temps, à s’opérer, rendant cette taxe encore plus illisible et absurde. Cependant, sa suppression n’a pas forcément permis d’aller dans le sens d’un meilleur respect des principes de la décentralisation.
La nouvelle contribution économique des territoires, mise en place, sinon dans la précipitation, à tout le moins très rapidement, est assez opaque et accroît encore davantage la perte d’autonomie fiscale des territoires.
Tandis que les collectivités prennent en charge le quotidien des Français, l’aménagement du territoire, les transports, les dépenses de la solidarité, l’accompagnement économique des territoires, la formation professionnelle et, de plus en plus, les politiques culturelles, sanitaires, etc., elles continuent de vivre avec des budgets étriqués, dont elles ne maîtrisent quasiment pas les taux ni l’assiette.
Les collectivités constituent, on le sait, un véritable rempart en faveur de la protection des services publics, elles assurent près de 80 % de l’ensemble des investissements publics et elles assument toujours plus de compétences en raison du désengagement de l’État. Or la part des recettes fiscales correspondant à des impôts dont les collectivités territoriales votent les taux devient de plus en plus en marginale. Élu régional, je suis en mesure de le constater tous les jours : nous ne contrôlons plus guère de ressources fiscales.
Je vois le président Patriat opiner. Je suis d’autant plus sensible à son approbation qu’il connaît cette question bien mieux que moi !
Par ailleurs, il existe une véritable incohérence dans cette réforme puisqu’elle rompt le lien entre l’implantation d’entreprises et les collectivités territoriales, notamment la région, pourtant chef de file en matière économique.
Cette réforme a d’ailleurs eu des conséquences néfastes sur la situation économique de nombreuses entreprises, notamment les plus petites, qui doivent, au titre de la cotisation foncière minimale des entreprises, acquitter des sommes trop lourdes pour elles.
La CFE ayant été particulièrement mal pensée, les collectivités locales qui ont voté une augmentation de la cotisation minimale n’ont pas eu les moyens de calculer les conséquences financières de leur décision pour les assujettis.