Intervention de Marie-Hélène Des Esgaulx

Réunion du 26 mars 2013 à 14h30
Débat sur les conclusions de la mission commune d'information sur les conséquences de la suppression de la taxe professionnelle

Photo de Marie-Hélène Des EsgaulxMarie-Hélène Des Esgaulx :

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je commencerai mon propos par un constat : la réforme de la taxe professionnelle et la mise en place de la contribution économique territoriale par Nicolas Sarkozy n’ont pas été remises en cause par François Hollande.

Le 7 mars 2012, l’actuel Président de la République, alors candidat, reconnaissait : « Cette réforme de la taxe professionnelle a pu avoir des effets positifs sur un certain nombre d’entreprises [...], et tant mieux. [...] Nous n’allons pas rétablir la taxe professionnelle. Nous prendrons cette réforme pour ce qu’elle est, [mais] nous la corrigerons pour ses excès. »

Le groupe UMP ne dit pas mieux.

Je pense que nous pouvons presque tous nous retrouver, de manière consensuelle, sur un tel sujet.

La création de la contribution économique territoriale n’est pas un aboutissement, elle est une étape importante de la réforme de notre impôt économique local, mais cette réforme est encore appelée à évoluer : elle est perfectible.

La partie « salaires » de la taxe professionnelle avait été progressivement supprimée entre 2000 et 2002 par Dominique Strauss-Kahn et n’existe plus depuis le 1er janvier 2003. Avec la création de la CET, c’est la partie « investissements productifs » qui a été enlevée de l’assiette.

Si cette réforme était nécessaire, sa conception fut complexe : rappelons-nous le travail crucial qui fut mené ici, au Sénat, et qui permit de remanier profondément la réforme initialement proposée par le Gouvernement.

Notre travail fut transpartisan.

Nous introduisîmes notamment une clause de revoyure, qui signifiait bien que la réforme n’était pas achevée et qu’elle était sans doute perfectible, au vu des conséquences de son application concrète, susceptibles de diverger des simulations.

C’est ainsi que notre commission des finances s’est emparée voilà quelques semaines du problème de la cotisation foncière des entreprises, dont le relèvement en 2012 de la cotisation minimale par certaines collectivités, qui ne disposaient pas alors de simulations, a entraîné une taxation excessive de certains artisans et commerçants. Sur l’initiative de notre commission, nous avons adopté à l’unanimité un amendement autorisant les communes à délibérer de nouveau sur la cotisation minimum de CFE pour 2012.

Au final, c’est à l’Assemblée nationale, dans le collectif budgétaire de fin d’année, qu’un dispositif a été adopté définitivement : divers amendements de la majorité et de l’opposition ont ainsi autorisé les EPCI à revenir sur leur délibération de 2012 en prenant une nouvelle délibération jusqu’au 21 janvier 2013 : cela donnait la possibilité aux collectivités territoriales de diminuer ou d’annuler une part de la CFE votée.

Cette difficulté fut donc résolue de manière consensuelle.

La réforme, si elle doit être encore améliorée, ne sera pas remise en cause, car ses effets positifs ont été indéniables pour notre industrie.

À l’heure où le Gouvernement parle de réindustrialisation, de redressement productif, de compétitivité, la réforme de la taxe professionnelle a eu des effets bénéfiques dans ce domaine.

La suppression des investissements productifs de l’assiette de l’impôt économique local a favorisé la compétitivité des entreprises industrielles.

Selon Bercy, elle a donné lieu à 7, 5 milliards d’euros d’allégements pour les entreprises en 2010, puis à 4 milliards d’euros par an.

Au total, 2 millions d’entreprises sont sorties gagnantes de la réforme, contre moins de 800 000 qui ont constaté une augmentation de leur cotisation de plus de 10 % et plus de 500 euros.

Selon Bercy, le premier bénéficiaire de la réforme en 2010 est le secteur de l’industrie, qui a profité d’une baisse d’impôt de près de 2 milliards d’euros, soit 26 % de l’allégement global.

Mais il est faux de dire que cette réforme a favorisé les grandes entreprises.

Les PME s’en sortent en effet mieux : alors que les grandes entreprises, dont le chiffre d’affaires excède 250 millions d’euros, qui produisent au total 33 % de la valeur ajoutée nationale, ne représentent que 19 % du gain global, , les entreprises réalisant moins de 1 million d’euros de chiffre d’affaires bénéficient, selon Bercy, de 36 % des allégements. C’est donc parmi les plus grandes entreprises que les perdants sont proportionnellement les plus importants.

Par ailleurs, l’effet d’aubaine a été évité pour certaines grandes entreprises non délocalisables, avec l’instauration de l’IFER, qui neutralise pour les entreprises de réseaux les bénéfices de la réforme.

Ainsi, l’effet jugé parfois quelque peu « anti-économique » de la taxe professionnelle, dans la mesure où cet impôt était fondé sur la valeur des investissements et sur la masse salariale, a été en grande partie corrigé.

Plus précisément, il s’agit d’un rééquilibrage : en effet, lorsque la taxe professionnelle a remplacé la patente en 1975, 15 % des assujettis, notamment des entreprises industrielles, virent leur cotisation à l’impôt économique local augmenter de plus de 70 %. Les principaux bénéficiaires de cette réforme furent les petites entreprises commerciales et artisanales.

D’une disposition fiscale de quelques lignes les corrections apportées au fil des années firent un texte de plusieurs pages, extrêmement complexe.

Pour autant, cet impôt économique local est indispensable.

Comme l’ancienne taxe professionnelle, l’actuelle CET est une ressource essentielle des collectivités territoriales et revêt une grande importance pour le développement de la coopération intercommunale.

Par ailleurs, la CET occupe une place centrale dans les politiques de péréquation des inégalités de richesse fiscale entre les collectivités.

La suppression d’une partie de l’assiette de la taxe professionnelle lors de la création de la CET n’a pas pour autant affecté les ressources des collectivités : une compensation relais leur a été versée par l’État en 2010, avant la mise en place, à compter de 2011, de mécanismes de garantie et l’attribution d’un nouveau panier de ressources. Ce dernier est composé de nouvelles recettes fiscales rétrocédées par l’État, comportant la taxe sur les surfaces commerciales, le solde de la taxe sur les conventions d’assurance, la fraction de DMTO – droits de mutation à titre onéreux – qui était encore perçue par l’État, ainsi qu’une partie des frais de gestion de la fiscalité directe locale revenant auparavant à l’État.

Ainsi, la réforme de la taxe professionnelle a profondément modifié non seulement le panier des ressources des collectivités, mais aussi la répartition de celles-ci sur le territoire.

Les départements et les régions furent les catégories de collectivités les plus affectées par cette réforme du fait de la quasi-disparition du levier du taux pour les premiers et de sa suppression totale pour les secondes.

Toutefois, plusieurs mécanismes ont été établis, qui ont permis d’améliorer fortement la péréquation : un fonds de péréquation de la CVAE a été institué pour les deux niveaux de collectivités et un fonds de péréquation des DMTO a été tout particulièrement créé pour les départements.

Pour ce qui concerne les DMTO, les écarts étaient auparavant élevés : en 2008, leur montant pouvait varier de 50 euros par habitant pour la Haute-Marne à 300 euros par habitant pour les Alpes-Maritimes, soit un rapport de un à six. Je prends cet exemple au hasard, sur une question que notre excellent rapporteur Charles Guéné connaît bien ! §Ces écarts ont été réduits grâce à la création du fonds de péréquation des DMTO, dont le mécanisme de redistribution a été amélioré au fil des lois de finances, notamment sous l’impulsion du groupe UMP du Sénat.

En effet, la péréquation est un enjeu essentiel, sur lequel nous nous sommes fortement engagés depuis la réforme de la taxe professionnelle.

Le Sénat a notamment obtenu de nouvelles avancées en faveur des territoires ruraux et des territoires défavorisés. Je songe, par exemple, au dispositif voté lors de l’examen de la loi de finances pour 2011.

Parallèlement, la création du fonds de péréquation des recettes intercommunales et communales a constitué une avancée décisive en matière de péréquation.

En résumé, la réforme de la taxe professionnelle, quoique complexe à mettre en œuvre, était nécessaire. Elle a été très substantiellement modifiée par le Sénat, et la clause de revoyure permet d’en corriger les imperfections.

Elle reste encore très certainement perfectible, mais ses effets positifs, notamment sur les entreprises industrielles et sur les PME, sont essentiels dans un contexte de déliquescence de notre industrie et de déclin de notre compétitivité.

Grâce à des mécanismes de garantie et de compensation, les ressources des collectivités territoriales n’ont pas été affectées. Le panier de ressources fiscales dont celles-ci disposent a été très opportunément diversifié et la péréquation, améliorée.

Au total, le groupe UMP, qui a soutenu cette réforme et participé à son amélioration, juge donc avec le recul que, si celle-ci reste perfectible, elle était nécessaire et a eu des effets positifs pour notre pays. §

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