Intervention de Kader Arif

Réunion du 28 mars 2013 à 9h00
Journée nationale de la résistance — Adoption d'une proposition de loi dans le texte de la commission

Kader Arif :

Je salue tout particulièrement M. Jean-Jacques Mirassou, Haut-Garonnais, auteur de cette proposition de loi, ainsi que M. Ronan Kerdraon, rapporteur de la commission des affaires sociales sur le texte.

Permettez-moi de débuter mon intervention par l’évocation d’une rencontre récente. Voilà quelques mois, à la fin de l’année 2012, j’étais à El Alamein, pour le soixante-dixième anniversaire de cette bataille qui fut l’un des tournants de la Seconde Guerre mondiale.

À cette occasion, j’ai eu le privilège d’être accompagné d’un ancien combattant de la France Libre, ancien de Bir Hakeim, El Alamein, de Provence et des Ardennes.

Cet homme, qui fut lui-même un héros, qui avait connu la guerre dans les engagements les plus durs, tenait un des discours les plus élogieux que j’ai pu entendre à l’égard des résistants. À ses yeux, ces femmes et ces hommes étaient mus par un sens du devoir hors du commun.

J’ai été marqué par ses mots, que je vous restitue de mémoire : Les combattants de l’ombre, quel que soit leur rang, quelle que soit leur tâche, constamment pourchassés par l’occupant et ses affidés, avaient ceci de propre qu’ils ne connaissaient jamais le repos et mettaient en péril leur vie et celle de leurs proches à toute heure du jour et de la nuit, ce qui n’était pas le cas pour le soldat que j’étais. Cette reconnaissance m’avait touché de la part d’un homme qui a lui-même marqué l’histoire de notre pays.

Des figures aussi héroïques, vous en connaissez, nous en connaissons. Je citerai Robert Chambeiron, qui participa à la réunion du 27 mai 1943 et qui est aujourd’hui le président d’honneur de l’Association nationale des anciens combattants de la Résistance, l’ancien Office national des anciens combattants, et Daniel Cordier, le secrétaire particulier de Jean Moulin, qui faisait le guet devant le 48, rue du Four ce même jour si déterminant et avec lequel j’ai récemment inauguré le musée de la Résistance de Lyon ; je fus frappé par la modestie de son héroïsme, à l’instar des autres grands résistants. Il est donc tout naturel, et nécessaire, de rendre hommage à ces femmes et à ces hommes.

Je souhaite, et c’est la volonté du Gouvernement, que l’année 2013 soit précisément l’occasion de rendre hommage à tous ceux qui s’organisaient, à tous les niveaux de la société, pour résister face à l’ennemi et lutter contre l’idéologie nazie, la barbarie, la collaboration.

C’est pourquoi, cette année, le soixante-dixième anniversaire de la création du Conseil national de la Résistance doit être l’occasion d’une reconnaissance nationale et du lancement d’un cycle commémoratif qui se terminera le 8 mai 2015.

Autour des figures de la Résistance, au cours de l’un des anniversaires permettant encore de mettre en avant une mémoire de chair, avant que la mémoire de pierre ne prenne malheureusement le relais, nous célébrerons le tournant majeur dans l’histoire de France qui s’opéra le 27 mai 1943.

L’année 2013 sera une occasion unique de mettre ou de remettre à l’honneur ces héros, figures connues ou anonymes, auxquels nous devons la liberté dont nous jouissons aujourd’hui.

Ces dernières semaines furent marquées par les disparitions de grands résistants. Permettez-moi d’en citer quelques-uns : Denise Vernay, Françoise Seligmann, Alain Plantey, Robert Galley, Stéphane Hessel. Rappeler leur engagement et leur combat est un devoir pour nous tous. Ces résistants rejoignent, hélas ! la longue cohorte des héros disparus, dont Pierre Brossolette, que je ne veux pas oublier.

Le général de Gaulle disait : « La flamme de la Résistance ne doit pas s’éteindre […] » C’est aussi à cet appel que répond cette proposition de loi, en son article 1er, qui institue une journée nationale de la Résistance.

Parmi les résistants, des hommes se réunirent pour créer le 27 mai 1943 – cela vient d’être souligné – le Conseil national de la Résistance. Ils rassemblèrent autour d’eux l’ensemble des forces vives de la nation ; ce travail doit être rappelé.

Huit grands mouvements de résistance, six partis couvrant l’ensemble du spectre politique et deux syndicats unirent ainsi leurs forces. Ensemble, ils parvinrent à structurer et à donner son élan final non seulement à l’entreprise de libération du territoire, mais aussi à la préparation de la reconstruction du pays.

L’adoption du programme du CNR le 15 mars 1944 allait inspirer l’essentiel des lois votées après-guerre, lesquelles structurent encore le fonctionnement de notre société et en font une spécificité.

Ce rassemblement national, unique dans notre histoire, doit pleinement intégrer notre mémoire collective.

En cette journée du 27 mai, les valeurs de solidarité, de justice, de fraternité, de démocratie, de courage et de combat, qui sont celles de la Résistance, seront mises à l’honneur. La mémoire des femmes et des hommes qui portèrent au plus haut ces valeurs, le payant parfois de leur vie, toujours au prix de la douleur, sera rappelée aux Français.

Un hommage sera également rendu à la diversité de tous ces résistants qui, d’origine étrangère, se mobilisèrent pour la France. Je ne les citerai pas tous, mais souvenons-nous de Manouchian et des résistants de « L’Affiche rouge », fusillés au Mont-Valérien parce qu’ils étaient étrangers et résistants. Ils doivent être une référence pour notre jeunesse qui s’interroge.

La transmission de la mémoire est l’un des défis majeurs auxquels nous sommes confrontés. Or ce sont les jeunes générations qui seront demain les porteurs de mémoire.

Une mémoire partagée est aussi créatrice de lien social ; elle éveille les consciences, elle construit l’identité citoyenne, elle favorise la cohésion nationale.

C’est précisément le sens de l’article 3 de la proposition de loi que vous examinez aujourd’hui, qui pointe spécifiquement cet effort en direction de la jeunesse.

L’organisation de temps de débats et d’enseignements sur la Résistance dans les établissements scolaires permettra de donner un nouveau souffle à l’acte commémoratif, en y intégrant avec force la dimension transgénérationnelle et pédagogique. Je tiens à saluer les professeurs qui transmettent déjà, sans attendre qu’une décision soit prise sur cette histoire de la Résistance.

À cet égard, le texte qui vous est proposé – et c’est un point essentiel pour le Gouvernement – laisse aux enseignants toute liberté pédagogique sur l’organisation de ces actions éducatives.

La proposition de loi, telle qu’elle vous est présentée aujourd’hui, a donc le plein soutien du Gouvernement.

Mesdames, messieurs les sénateurs, je tiens à vous remercier pour l’organisation de ce débat, et votre participation atteste de l’importance que vous accordez à ce travail de mémoire.

Je ne suis pas pour une mémoire éteinte, je suis pour une mémoire vivante, une mémoire qui honore et qui permette d’avancer vers plus de tolérance, de respect, de liberté, sans jamais subir la résignation.

Je conclurai en vous disant que, dans le rôle qui est le mien, la rencontre de ces femmes et de ces hommes encore vivants qui honorent de leur présence, de leur engagement, notre mémoire collective m’a appris plusieurs choses : ce sont des personnes modestes, qui respectent l’autre, qui ont oublié la haine et qui, malgré leur engagement, leurs douleurs et leurs souffrances, honorent ce que doit être, à mes yeux, l’idée d’une République et d’une mémoire apaisées. §

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion