Intervention de Robert Tropeano

Réunion du 28 mars 2013 à 9h00
Journée nationale de la résistance — Adoption d'une proposition de loi dans le texte de la commission

Photo de Robert TropeanoRobert Tropeano :

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la proposition de loi relative à l’instauration du 27 mai comme journée nationale de la Résistance ponctuera le calendrier commémoratif national d’un nouvel hommage, légitime et très attendu, envers tous les combattants de l’ombre qui ont été et resteront pour toujours l’honneur de la France.

Au cours de ces dernières années, le Parlement a adopté plusieurs textes destinés à entretenir la mémoire collective. À l’occasion de leur examen, j’ai pu apporter tout mon soutien et celui du RDSE à des initiatives exprimant la reconnaissance de la nation envers toutes les victimes civiles ou militaires des tragédies de notre histoire.

Chaque fois, il est question de ne pas oublier tous les sacrifices endurés au nom de la défense des idéaux de paix et de liberté. Commémorer, c’est aussi transmettre la flamme du souvenir d’une génération à une autre, c’est raconter le courage de nos aînés pour mieux valoriser le prix de la démocratie auprès de nos enfants.

Dans cette perspective, il est important de bien marquer tous les événements qui sont le fruit d’une exceptionnelle fraternité collective dont nous sommes aujourd’hui comptables. La Résistance en fait partie. En effet, la résistance à l’occupation nazie et à la collaboration a dévié le destin de notre pays. Répondant à l’appel du 18 juin 1940 lancé par le général de Gaulle, les partisans de la France libre allaient s’organiser et prendre le maquis.

À tous ces résistants, nous devons un moment de recueillement national à la hauteur de leur engagement. Certes, la Seconde Guerre mondiale n’est pas absente du calendrier commémoratif actuel, mais les résistants ne sont pas spécifiquement honorés, alors que des milliers d’entre eux ont été torturés et assassinés.

Plus de 88 000 personnes ont été déportées pour des raisons autres que raciales. Parmi elles, 35 000 moururent dans les camps. Dans l’Hérault, le 6 juin 1944, une embuscade tendue au col de Fontjun, à proximité de ma commune, a coûté la vie à neuf personnes d’un groupe parti rejoindre les Forces françaises libres de la Résistance. Dix-huit résistants arrêtés cette nuit-là ont été fusillés le lendemain à Béziers.

Aujourd’hui, nous allons enfin répondre à l’attente d’un hommage appuyé à tous les hommes et toutes les femmes qui ont bravé l’ennemi au péril de leur vie. L’instauration d’une journée nationale de la Résistance est en effet une demande ancienne et consensuelle, comme en témoignent les nombreuses propositions de loi déposées tant au Sénat qu’à l’Assemblée nationale.

Le dispositif proposé à l’article 1er devrait donc être approuvé à l’unanimité, et je m’en réjouis.

Le choix du 27 mai, préconisé à l’article 2, est également partagé par nous tous. Comme vous le savez, mes chers collègues, le Conseil national de la Résistance s’est réuni pour la première fois le 27 mai 1943, jetant ainsi les bases de l’unification politique de tous les acteurs de la Résistance.

Derrière cette organisation, il y a un homme, un symbole de la Résistance, une grande figure de l’engagement et du patriotisme le plus intransigeant : Jean Moulin, qui présida le CNR jusqu’à sa capture à Caluire, avant sa mort tragique.

Courage, grandeur, dévouement, abnégation, le champ lexical de l’héroïsme est inépuisable pour qualifier le comportement si admirable de l’homme au chapeau. Né à Béziers, étudiant à Montpellier, Jean Moulin fait la fierté du département de l’Hérault.

Au-delà des hommages locaux que les maires de l’Hérault et moi-même lui avons souvent rendus, une journée nationale de la Résistance offrira une occasion supplémentaire de mettre en lumière son action remarquable ainsi que celle de ses compagnons.

Leur rendre hommage, c’est aussi transmettre aux jeunes un exemple fort de fraternité dans le combat pour la liberté, leur rappeler l’héritage politique et social du CNR dont nous profitons tous aujourd’hui, notamment à travers la sécurité sociale.

Dans cet esprit, l’article 3 s’attache à garantir la transmission de la mémoire et des valeurs de la Résistance par le biais d’actions éducatives dans les établissements du second degré.

Pour ma part, j’approuve la formulation plus souple retenue par la commission des affaires sociales.

Dans ma commune de Saint-Chinian, les professeurs et les associations sont très actifs dans l’organisation de projets éducatifs autour de la guerre, et je dois dire que les élèves sont très réceptifs. Comme l’a indiqué le rapporteur, à la lumière de l’accueil qui avait été réservé à la lecture obligatoire en classe de la lettre du jeune Guy Môquet, il est préférable de respecter la liberté pédagogique des enseignants, d’autant que ceux-ci sont souvent spontanément animés de bonne volonté sur la question des grandes guerres.

Mes chers collègues, Stéphane Hessel nous quittait le 27 février dernier, comme ont disparu avant lui d’autres résistants, notamment Raymond et Lucie Aubrac, grands résistants s’il en fut, qui, pendant de nombreuses années, sont allés à la rencontre des collégiens et des lycéens pour leur expliquer le rôle de la Résistance.

Ils ont emporté avec eux un morceau d’histoire de la Résistance. Seuls vingt-trois des trente-huit compagnons de la Libération sont encore en vie. Aussi, l’adoption de la présente proposition de loi permettra de maintenir le lien mémoriel entre les générations.

Le RDSE approuvera ce texte porteur d’un hommage à ceux qui, selon les mots touchants d’André Malraux, lors du transfert des cendres de Jean Moulin au Panthéon, « sont morts dans les caves sans avoir parlé », à « tous les rayés et tous les tondus des camps de concentration », aux « 8 000 Françaises qui ne sont pas revenues des bagnes », au « peuple né de l’ombre et disparu avec elle – nos frères dans l’ordre de la Nuit ».

Presque cinquante ans plus tard, il nous revient d’apporter notre pierre au bel édifice de la mémoire collective. §

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