Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous célébrons, chaque année, le 8 mai, qui nous rappelle la victoire des alliés sur la barbarie nazie, une victoire acquise au prix de sacrifices inouïs, une victoire des valeurs démocratiques et humanistes sur une conception raciste et barbare de la société.
La France a dû toutefois surmonter d’abord la période d’abandon et d’indignité qui a débuté le 10 juillet 1940, quand une majorité de parlementaires ont voté les pleins pouvoirs au maréchal Pétain. La République a ainsi été souillée par l’esprit collaborationniste, qui a conduit à la rafle du Vél’ d’Hiv et aux exactions de la milice.
Mais, dans le même temps, la résistance à l’occupation était en marche.
Souvenons-nous, mes chers collègues, des quatre-vingts parlementaires qui, à Vichy, avaient refusé de voter les pleins pouvoirs au maréchal Pétain.
Cette résistance, née ce 10 juillet, a été diverse, dispersée, mal organisée, mais elle était bien réelle, avec des hommes et des femmes dotés d’un formidable courage et d’une foi inébranlable dans les valeurs de la République. Citons les époux Aubrac, Germaine Tillion, Stéphane Hessel, Françoise Seligmann, Pierre Mendès France, Geneviève de Gaulle-Anthonioz, Simone Veil et bien d’autres moins connus.
Pour vaincre un ennemi comme le nazisme, il était nécessaire d’être uni pour être plus fort.
Cette résistance de l’intérieur complétait la résistance conduite par le général de Gaulle et la France Libre, à la suite de l’appel du 18 juin 1940.
C’est à sa demande et sous la présidence de Jean Moulin que l’unification de toutes les forces de la Résistance a pu se faire au sein du Conseil national de la Résistance le 27 mai 1943.
Dans son programme, le CNR définit les conditions d’un véritable redressement. Il appelle à l’engagement massif des Français dans un combat immédiat, incessant et multiforme. Les mesures à appliquer dès la libération du pays sont définies dans les domaines politiques, économiques et sociaux. Le CNR promet une République nouvelle, démocratique et sociale. La vie politique française sera durablement marquée par l’héritage de la Résistance et le programme du CNR.
Le Préambule de la Constitution de 1946, qui installe la IVe République, donne aux valeurs de la Résistance leur pleine reconnaissance. Ces valeurs constituent toujours le bloc institutionnel de référence qu’est chargé de faire respecter le Conseil constitutionnel. La IVe République mettra en œuvre les propositions politiques élaborées par le Conseil national de la Résistance.
Ce sont les résistants qui, à la sortie de la guerre, ont été les garants des avancées démocratiques et sociales ayant permis à la nation tout entière, dépassant ses anciennes divisions, de s’engager collectivement dans l’œuvre du redressement national. C’est cet esprit dont nous avons besoin aujourd’hui.
L’une des figures emblématiques du CNR est Jean Moulin, son premier président ; ce n’est pas un hasard si on le présente comme l’unificateur de la Résistance.
André Malraux, dans son discours du 19 décembre 1964, lors du transfert des cendres de Jean Moulin au Panthéon, souligne le rôle essentiel joué par celui-ci dans la création de l’armée des ombres. Ce jeune préfet républicain avait le sens de l’État. Il était attaché aux valeurs de la République et au respect de la parole donnée, tout ce qui a fait la « Résistance ».
Arrêté le 21 juin 1943, Jean Moulin est conduit au siège de la Gestapo à Lyon, où il est interrogé et torturé. Puis emmené en Allemagne le 8 juillet 1943, il meurt durant son transfert en gare de Metz, où une stèle est érigée à son nom.
Pour toutes les raisons que je viens d’exposer, le 27 mai s’impose comme une exigence de l’histoire pour être celle de « la journée nationale de la Résistance ».
Cette journée, non fériée, non chômée, aura pour objet de rappeler l’héritage légué par le CNR, dont le rôle est allé bien au-delà de la libération de la France. Elle permettra également de faire mieux connaître aux écoliers, collégiens et lycéens tout un pan de leur histoire, une page glorieuse de notre pays, qui vit sa jeunesse se sacrifier pour que vivent les valeurs auxquelles nous sommes attachés et que nous défendons. Des actions éducatives pourront ainsi être organisées, ce qui permettra de franchir un pas supplémentaire vers la transmission des valeurs et des combats de la Résistance, de ses idéaux de progrès et de justice sociale. §