Intervention de Jacques Berthou

Réunion du 28 mars 2013 à 9h00
Journée nationale de la résistance — Article 1er

Photo de Jacques BerthouJacques Berthou :

Monsieur le président, monsieur le ministre, madame la présidente de la commission des affaires sociales, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, le 27 mai 1943, alors que Paris vit depuis plusieurs années sous la surveillance de l’oppresseur, alors que le souvenir de la zone libre s’estompe dans l’esprit des Français, alors que toute la France est occupée, le Conseil national de la Résistance, le CNR, se réunit pour la première fois, autour de celui qui devient son premier président, Jean Moulin. Cette réunion a lieu en plein centre de la capitale, dans le VIe arrondissement, comme un dernier pied de nez adressé par Jean Moulin à l’envahisseur avant sa capture, quelques semaines plus tard, à Caluire.

La mémoire, le souvenir de la Résistance est encore vif chez les plus âgés d’entre nous. Parfois, dans certains cas, ce sont nos parents ou nos grands-parents qui nous ont raconté cette époque terrible, durant laquelle la France n’était plus la France. Ce sont également tous les écrits, films, conférences et témoignages qui maintiennent vivace dans notre mémoire cette période si difficile.

Les années passées sous l’occupation sont autant de cicatrices dans le cœur des Français. On ne compte pas le nombre de familles écorchées, déchirées par le service du travail obligatoire, le STO, appliqué avec un zèle inégalable par l’administration du régime de Vichy. On ne compte pas le nombre de Français meurtris, blessés en leur cœur par la soumission au régime nazi du maréchal Pétain. On ne compte déjà plus les déportés politiques et ceux qui le furent de par leurs origines et confessions religieuses.

Cette proposition de loi, qui nous est proposée par notre collègue Jean-Jacques Mirassou, s’adresse à eux, à tous ceux qui ont cru en des lendemains meilleurs, à ceux qui ont vibré et repris espoir lors de la défaite de l’armée nazie à Stalingrad, à ceux qui ont écouté clandestinement les messages de la France libre, et qui ont espéré des jours meilleurs en entendant les nouvelles favorables venues des différents fronts.

Le 27 mai 1943, ce n’est pas seulement l’histoire d’une réunion secrète qui se tient dans un petit appartement. En unissant leurs actions, en réalisant leur unité, les réseaux de la Résistance ont écrit ce jour-là ce qu’allait être la France du lendemain.

L’un des deux collaborateurs de Jean Moulin, Robert Chambeiron, présent lors de cette réunion, l’exprime avec des mots simples : « Les conséquences de ce 27 mai 1943 sont considérables : en métropole, avant le 27 mai, il y avait des résistances ; après, il y a la Résistance. »

Dans cette pièce, les résistants viennent de tous bords, de tous horizons, et partagent la même ambition : sauver la France. En reconnaissant l’autorité du général de Gaulle, le Conseil national de la Résistance lui accorde ainsi une légitimité nationale, puis internationale, que nul n’osera contester par la suite. La France est devenue, le 27 mai 1943, un pays allié à part entière. Nous sommes fiers, aujourd’hui, de l’engagement, en cette période si difficile, des hommes et des femmes qui ont combattu l’idée de la défaite.

Puisque cette proposition de loi tend à honorer la mémoire des résistants, j’aimerais évoquer le souvenir des maquisards de l’Ain, département que je représente, en rappelant un fait qui transcenda la Résistance.

Le 11 novembre 1943, à Oyonnax, vingt-cinq ans après l’armistice qui marqua la fin de la Première Guerre mondiale, les résistants de l’Ain, plus déterminés que jamais, défilèrent, au péril de leur vie, à la barbe des occupants allemands, jusqu’au monument aux morts pour y déposer une gerbe portant l’inscription : « Les vainqueurs de demain à ceux de 14-18 ».

Oser défiler, oser adresser ce message d’espoir à toute une population privée de liberté, alors que l’ennemi est partout, alors que le régime de Vichy a interdit toute cérémonie commémorative de la guerre de 14-18, est un acte de résistance fort, un acte de combat, qui, soixante-dix ans après, continue de nous émouvoir.

Cette année, la cérémonie célébrant cet anniversaire doit être rehaussée par la présence des plus hautes autorités de l’État, ce que je souhaite particulièrement. Avec Oyonnax, c’est également le Vercors, le plateau des Glières et tous ces villages et ces villes où se constitua « l’armée de l’ombre ».

L’initiative portée par notre collègue Jean-Jacques Mirassou mérite d’être soutenue à plus d’un titre. C’est une ode à la Résistance, mais c’est aussi, et surtout, un message à l’adresse des générations futures. Parce que les années d’occupation ne doivent jamais être oubliées, enfouies ou confondues avec d’autres périodes de notre histoire, …

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