Dès lors, il n’existerait plus aucune disposition spécifique pour sanctionner le racolage et, comme l’a rappelé Mme la rapporteur, les seules limites seraient à trouver dans les dispositions de droit commun. Or le délit d’exhibition sexuelle, tel qu’il est actuellement défini, est manifestement inadapté à la lutte contre le racolage, surtout contre certaines de ses formes.
La suppression de toute répression du racolage vaudrait bien sûr pour la prostitution de rue, mais également pour toutes les autres formes de racolage, notamment celles qui utilisent la presse, la publicité, le téléphone ou internet. Le racolage serait donc libre dans notre pays, où la prostitution n’est pas interdite. Je pense que cette situation serait en contradiction avec la position abolitionniste affirmée par la France depuis 1960.
Aussi est-ce avec la plus grande prudence que nous devons envisager l’abrogation seule de ce délit. En effet, nous ne reviendrons assurément pas à l’état antérieur des choses : dix ans ont passé depuis 2003, au cours desquels la prostitution et son organisation ont changé. Dans ces conditions, nous ne pouvons que redouter la façon dont les réseaux de prostitution pourraient exploiter la situation qui résulterait de cette abrogation décidée seule.
C’est pourquoi, mesdames les ministres, il me semble nécessaire, dans l’hypothèse où la proposition de loi serait adoptée, que des dispositions soient prises pour empêcher qu’un espace plus large soit ouvert aux réseaux de prostitution. Telle est la raison de l’amendement d’appel que j’ai déposé ; il a une petite histoire, que je vous raconterai dans quelques instants.
Mes chers collègues, vous aurez compris que l’abrogation prévue par la proposition de loi de Mme Benbassa m’inspire de l’inquiétude ; même si je l’approuve, il me semble que, présentée seule – j’insiste sur cette précision –, elle est incomplète, risquée et prématurée. Je souhaite vous convaincre que c’est par un profond sentiment d’humanisme que j’émets ces réserves et que je vous appelle à la plus grande vigilance : prenons garde que cette décision hâtive, si elle devait être adoptée par l’Assemblée nationale, ne déclenche un processus qui, au bout du compte, se retournerait une fois de plus contre les victimes que nous souhaitons protéger !