Intervention de Esther Benbassa

Réunion du 28 mars 2013 à 15h00
Abrogation du délit de racolage public — Articles additionnels après l'article 2

Photo de Esther BenbassaEsther Benbassa :

Les rapports consacrés à la pénalisation du client montrent que cette solution aboutit à des résultats assez négatifs.

Je me suis rendue à Stockholm avec Mme la ministre où nous avons entendu des satisfecit sur la disparition de la prostitution de rue à la suite de la pénalisation du client. La réalité est tout autre !

En lisant quelques travaux scientifiques traduits du suédois à l’anglais qu’une personne m’a transmis, je me suis aperçue que la pénalisation des clients a conduit à la création de « bordels flottants » afin de transgresser la réglementation interdisant le recours à des actes sexués tarifés. Sur ces bateaux où la prostitution fleurit, on achète également de l’alcool sans payer de taxes…

En Suède, la pénalisation des clients a également fait basculer la prostitution de la rue vers internet où les méfaits liés au délit de racolage sont toujours les mêmes. Il n’y a pas de raison que les choses soient différentes en France.

En Norvège, le gouvernement a remis un rapport négatif sur la pénalisation des clients : cette mesure n’a pas empêché la prostitution et elle a donné naissance à une haine de la femme, comme en atteste la presse.

Pourquoi discourir longuement de toutes ces questions alors que la pénalisation des clients n’est pas l’objet du texte que j’ai présenté ? Ce dernier concerne simplement l’abrogation du délit de racolage public.

Je ne suis pas tout à fait en phase avec Mme Jouanno, même si je partage nombre de ses idées, et je ne suis pas favorable à la pénalisation du client. Mais ne pourrions-nous pas plutôt réfléchir à cette question dans le cadre de la future grande loi sur la prostitution ?

Pour vous donner un dernier exemple, chers collègues, j’ai trouvé une histoire amusante dans un article sur la pénalisation des clients en Suède. Une radio locale a proposé de mettre en rapport ses auditeurs avec des prostituées : il suffisait de téléphoner au standard. D’autres radios locales ont repris cette idée. Malgré la pénalisation, plus de mille personnes ont appelé !

Comment se fait-il que les jeunes aient encore recours à la prostitution alors que le gouvernement met en place une éducation spécifique, leur a-t-on demandé ? La réponse a été simple : ce n’est pas parce que c’est interdit qu’on va se priver d’aller voir des prostituées. C’est comme pour la limitation de vitesse : on n’a pas le droit de rouler à 180 kilomètres à l’heure, mais on le fait quand même !

Soyons donc très prudents sur cette question et réfléchissons bien avant de prendre une décision.

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