Intervention de Fleur Pellerin

Réunion du 4 avril 2013 à 9h00
Fiscalité numérique neutre et équitable — Suite de la discussion et renvoi à la commission d'une proposition de loi

Fleur Pellerin, ministre déléguée :

L’affaire Starbucks montre en effet que ces pratiques d’optimisation fiscale et de déplacement des profits sont le fait non pas seulement d’entreprises du secteur numérique, mais également de sociétés multinationales ayant recours aux prix de transfert. Il convient donc de ne pas pointer du doigt, vilipender ou accuser le seul secteur de l’économie numérique, ce secteur porteur de croissance, ce levier pour la création d’emplois et pour l’économie de la connaissance qui sera notre modèle économique de demain.

L’exploitation des contenus culturels n’est que l’un des aspects du problème. Il faut trouver une solution d’ensemble, plutôt que de recourir à un traitement découpé secteur par secteur. À cet égard, je reviendrai ultérieurement sur la question de la presse que vous avez soulevée.

M. Yves Rome a rappelé combien il était important de remédier à la fracture numérique sur le territoire, en mettant en œuvre les engagements présidentiels en matière de déploiement du très haut débit.

Le Président de la République, lors de son déplacement en Auvergne le 20 février dernier, a annoncé le lancement d’un chantier qui représentera plus de 20 milliards d’euros dans les dix prochaines années, et qui associera le secteur privé et le secteur public.

En cette période de responsabilité budgétaire où des efforts sont demandés à la fois à nos concitoyens, aux entreprises et à l’État, l’annonce d’un chantier et d’un engagement financier public d’une telle importance constitue la preuve que ce gouvernement n’hypothèque en rien l’avenir, malgré les difficultés financières, et qu’il s’engage dans des dépenses structurantes pour la compétitivité des entreprises et l’attractivité du territoire.

Le séminaire gouvernemental sur le numérique a été l’occasion de dévoiler la feuille de route précise du Gouvernement : cette dernière comporte une trentaine de mesures, mais les ministères en avaient proposé une centaine qui ont été rendues publiques et feront l’objet d’un suivi. Vous pouvez y voir le signe que le Gouvernement répond à votre préoccupation d’une véritable politique menée dans le domaine du numérique, accompagnée d’une vision à moyen terme, qui avait quelque peu fait défaut jusqu’à présent.

M. Jean Arthuis a souligné avec sévérité les responsabilités de l’Union européenne dans la situation de sous-fiscalisation des entreprises du numérique que nous constatons. Je souscris pleinement à l’idée que l’Union européenne doit reprendre des initiatives pour y remédier. Lors du Conseil Ecofin de janvier dernier, la France a annoncé des propositions en vue de procéder à une révision des règles communautaires.

Tout d’abord, nous devons mener à bien, à l’échelle européenne, la réforme de la TVA due sur les services électroniques. Il nous faut impérativement tenir l’échéance du 1er janvier 2015, date à partir de laquelle la TVA sera due dans l’État du consommateur et non plus dans l’État du siège de l’entreprise. La concurrence fiscale par la TVA prendra fin ce jour-là, supprimant ainsi une situation tout à fait inadmissible entre États européens.

Ensuite, il nous reviendra de transposer ce qui a été fait en matière de TVA pour l’appliquer à l’impôt sur les sociétés. Cette voie de l’ACCIS dans laquelle vous nous encouragez à travailler, monsieur Marini, nous allons la suivre avec nos partenaires communautaires. Tel est le sens de l’annonce faite lors du séminaire gouvernemental sur le numérique. L’État d’installation devra reverser aux États où sont établis les utilisateurs une partie de l’impôt sur les sociétés collecté.

Je dirai quelques mots sur la question du représentant fiscal. Monsieur Marini, des éléments de la lettre que vous avez reçue – et j’espère que vous nous communiquerez ce document –, je déduis que cette piste sera difficile à faire prospérer. Sachez que le Gouvernement réfléchit aussi aux moyens de rendre obligatoire pour un certain nombre d'entreprises la présence d’un représentant fiscal légal sur le territoire français. Nous avons également travaillé sur la piste des données personnelles : la manipulation de ces dernières étant une question de souveraineté nationale, un mécanisme de proportionnalité entre la défense de la souveraineté nationale et la présence d’un représentant fiscal pourrait être envisagé. Le principe de l'égalité devant l'impôt pourrait aussi tout à fait justifier ce type de dispositif.

Monsieur le sénateur, nous travaillons avec la Commission européenne pour essayer de trouver un moyen permettant la création d’un représentant fiscal tout en respectant la jurisprudence qui, il est vrai, n’est pas très favorable jusqu'à présent : il n’est qu’à voir ce qui s'est passé avec les sociétés d'assurance en Belgique. Nous devons donc trouver un moyen un peu habile pour arriver à nos fins tout en respectant la jurisprudence.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion