Intervention de Fleur Pellerin

Réunion du 4 avril 2013 à 9h00
Fiscalité numérique neutre et équitable — Suite de la discussion et renvoi à la commission d'une proposition de loi

Fleur Pellerin, ministre déléguée :

Je souhaite donner un certain nombre de précisions sur l'accord intervenu entre Google et la presse, même si cela dépasse le cadre de cette proposition de loi. Il s'agit bien d'un accord privé.

J’ai évidemment examiné attentivement la loi sur les droits voisins du droit d’auteur pour les éditeurs de presse qui vient d’être votée en Allemagne : elle est extrêmement difficile à mettre en œuvre. En réalité, si ce droit voisin est instauré pour les éditeurs de presse, ni la quotité ni les modalités ne sont définies, et il appartient aux éditeurs de presse de négocier de gré à gré avec les moteurs de recherche la manière dont ces derniers vont les indemniser pour tenir compte de ce droit. Cette loi est déjà extrêmement contestée en Allemagne : elle est peu protectrice et sera vraisemblablement à l'avantage des grandes entreprises comme Bertelsmann, en mesure de négocier avec des acteurs comme Google. Google sera peut-être incité à déréférencer les sites de presse, ainsi qu'il l’a fait au Brésil ou en Belgique.

Pour toutes ces raisons, je ne suis pas du tout sûre que cette loi soit aussi favorable au secteur de la presse, en particulier aux éditeurs de presse, qu’on l’affirme. Il me semble plus prudent de se donner quelques mois pour vérifier la façon dont elle est appliquée en Allemagne. Si les résultats sont positifs, nous pourrons toujours nous en inspirer. Pour l’instant, nous avons obtenu des espèces sonnantes et trébuchantes, alors que les éditeurs allemands, malgré cette loi, attendent encore. Patientons donc quelques mois pour décider quelle solution aura été la plus efficace.

L'accord qui a été trouvé en France entre les éditeurs de presse et Google comporte deux volets. Le premier volet est commercial et destiné à aider les éditeurs à monétiser davantage un site internet grâce à des revenus publicitaires. Le second volet prend la forme d’un fonds de dotation privé qui relève de la responsabilité sociale et environnementale de l'entreprise ; cela s’inscrit en quelque sorte dans une démarche de RSE. Ce fonds privé, assez considérable par son montant, ne se substitue en rien aux aides de l'État à la presse. Je rappelle qu'un contentieux du même type, avec les éditeurs de presse, avait éclaté en Belgique ; si les éditeurs de presse belges sont parvenus à un accord commercial, ils n'ont cependant jamais obtenu un fonds destiné à aider les entreprises de presse à moderniser leur modèle économique à l'heure du numérique, donc à mieux valoriser leur contenu, leurs revenus publicitaires, etc.

En résumé, ce fonds constitue une solution privée entre acteurs privés, une action que l’on peut identifier à du mécénat. Il faudra voir comment s’opère la gestion. L’entreprise négocie actuellement avec les représentants de la presse les modalités précises d’allocation des fonds, les types de projets concernés, les cahiers des charges, etc. L’association de la presse d’information politique et générale semble plutôt satisfaite. En tout cas, ce dispositif présente l’avantage d'être concret, ce qui n’est pas le cas des mécanismes plus théoriques qui ont été retenus en Allemagne

Je remercie une fois de plus Philippe Marini de cette proposition de loi, qui a permis de faire avancer le débat sur ce sujet très important auquel je suis, à l'instar de nombre d'entre vous, mesdames, messieurs les sénateurs, extrêmement sensible. Le Gouvernement soutient néanmoins la motion de renvoi à la commission afin d’avancer plus avant sur ce chantier de la fiscalité du numérique, à l’échelon tant national qu’international.

Vous l'avez compris, cette matière est extrêmement complexe et technique. Il faut donc attendre au moins jusqu'à l'examen du projet de finances pour 2014, puisque c'est bien de fiscalité qu'il s'agit, pour approfondir davantage ces sujets et les traiter le plus efficacement possible dans une optique d'équité et sans compromettre les capacités d'innovation des entreprises du numérique nationales. §

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