En ce qui concerne l’exposé des motifs de la présente proposition de loi, il me semble évident, sauf à mentir, que nous partageons tous sur ces travées les objectifs de lutte contre la délinquance et de protection maximale de nos policiers et de nos gendarmes, comme de toutes les forces armées de la nation, de toutes celles qui sont en danger à un moment ou à un autre. Il serait faux et déshonorant de tenter de faire croire le contraire.
Comme je viens de le dire, les circonstances dans lesquelles des policiers comme des gendarmes trouvent aujourd’hui malheureusement la mort ou sont blessés ne tiennent pas aux dispositions du code pénal qui régissent l’usage des armes.
Malgré vos affirmations relatives aux hésitations des policiers et des gendarmes à sortir leurs armes, je constate pour ma part ces dernières années une légère augmentation du nombre d’opérations au cours desquelles il y a des tirs. Par ailleurs, alors que, selon vous, les gendarmes se sentiraient mieux protégés et hésiteraient moins à sortir leurs armes, je constate pourtant que les interventions opérationnelles avec tirs sont moins nombreuses chez les gendarmes que chez les policiers nationaux. Même si je ne tire aucune conclusion de ce fait, il ne me semble cependant pas qu’il traduise un sentiment de liberté plus grand chez les gendarmes que chez les policiers quant à l’usage de leur arme.
Selon moi, avant de sortir une arme de son étui pour tirer sur la personne qui est en face de lui, tout homme, toute femme hésite légitimement et ne le fait qu’en cas d’absolue nécessité ou de légitime défense. C’est d’ailleurs ce qui se passe dans 99, 99 % des cas puisque fort peu de policiers ou de gendarmes sont condamnés, malgré les mises en cause systématiques et les examens systématiques. En effet, avant de retirer la vie à quelqu’un, on doit se demander pourquoi et comment.
Mon cher collègue, le sentiment d’insécurité, c’est sans doute vous qui le créez avec vos affirmations, y compris celles que vous proférez à cette tribune.
Je le rappelle, aujourd’hui, nous sommes dans un État de droit dans lequel la vie des citoyens est protégée, tout comme celle des policiers et des gendarmes, qui, pour ce faire, ont le droit d’utiliser leurs armes de par la loi ou le règlement, en cas de commandement de l’autorité légitime, d’absolue nécessité ou de légitime défense. Dans tous ces cas, l’usage de l’arme reste une infraction mais l’irresponsabilité pénale des forces de l’ordre est régulièrement affirmée par la jurisprudence. Il n’y a pas de divorce entre les forces de l’ordre et la justice, contrairement à ce que vous voudriez faire croire.
Pour être reconnues, à l’heure actuelle, la légitime défense et l’absolue nécessité doivent répondre aux mêmes critères selon la jurisprudence tant internationale que nationale, à savoir l’existence ou la probabilité forte d’une menace. Même si l’arme brandie par l’agresseur est factice, à partir du moment où les circonstances permettent d’affirmer que la personne ne pouvait pas savoir qu’il s’agissait d’une arme factice mais pouvait légitimement penser qu’elle était en danger, la légitime défense est reconnue. La menace, la mise en danger, le risque sont les premières circonstances nécessaires pour que l’absolue nécessité ou la légitime défense soient reconnues. La simultanéité comme la proportionnalité de la réponse à la menace ou au sentiment de menace sont bien évidemment également examinées.
Alors, me direz-vous, pourquoi l’article L. 2338–3 du code de la défense établit-il une différence entre les policiers et les gendarmes ? Il énumère en effet certaines circonstances précises dans lesquelles les gendarmes peuvent utiliser leurs armes en l’absence de l’autorité judiciaire ou administrative, alors que les policiers n’ont pas cette possibilité. Les gendarmes demeurent des militaires, même s’ils sont désormais rattachés au ministère de l’intérieur. Ils se voient encore confier des missions militaires et ont encore accès à une formation de militaires ; ils bénéficient en particulier du tutorat d’un gendarme expérimenté lors de leur première affectation, ce qui n’est pas le cas des policiers nationaux. En outre, même si un gendarme fait usage de son arme dans l’une des circonstances prévues par l’article L. 2338–3 du code de la défense, les juges examinent si les conditions étaient réunies et ils retiennent le critère de l’absolue nécessité.
Est-il vraiment nécessaire de faire croire que certains sont mieux protégés que d’autres, qu’ils peuvent sortir leur arme plus facilement, de manière plus libérale ? Je ne le crois pas. Il est au contraire nécessaire de leur répéter à tous – policiers et gendarmes – ce qu’ils savent déjà : sortir son arme de son étui et en faire usage contre un être humain est un acte grave, qu’il ne faut pas manquer d’accomplir si on en a besoin, mais dont on portera la trace toute sa vie. Il importe que la société, l’État, le Gouvernement et l’autorité hiérarchique de ces hommes et de ces femmes soient à leurs côtés, avec la justice, et leur disent de façon très claire que, après avoir tout regardé, tout examiné, après avoir décortiqué les circonstances, on les couvrira parce qu’on a constaté qu’ils avaient eu raison de se défendre.
C’est ce qu’il faut rappeler, au lieu de faire croire que les magistrats ou je ne sais qui d’autre seraient hostiles aux policiers et s’amuseraient à protéger les délinquants en disant aux policiers qu’ils ont eu tort de sortir leur arme. Ceux qui affirment de telles choses se déshonorent ; j’y insiste, mes chers collègues. Respecter l’honneur des policiers et des gendarmes consiste à leur dire que, dans 99, 99 % des cas, si ce n’est dans 100 % des cas, ils ont eu raison d’utiliser leur arme. La chaîne de la justice avec laquelle ils travaillent tous les jours et qui lutte à leurs côtés contre la délinquance est là aussi pour leur dire, en toute transparence et devant les citoyens, qu’ils ont eu raison.