Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le président de la commission des lois, madame le rapporteur, mes chers collègues, j’aurais pu commencer mon intervention par le récit de quelques-uns de ces faits divers quotidiens qui illustrent malheureusement la terrible situation de notre pays. Louis Nègre m’ayant devancé avec beaucoup de talent et d’émotion, je consacrerai mon propos à la proposition de loi que nous présentons.
Il importe malgré tout de replacer notre initiative dans le contexte de l’hyper-violence à laquelle nos forces de l’ordre doivent répondre et qu’elles s’efforcent de contenir. Il s’agit d’une nouvelle violence dont les acteurs sont chaque jour plus lourdement armés. Quand j’étais adolescent, les blousons noirs avaient des canifs et des chaînes de vélo ; aujourd’hui, les délinquants ont troqué les canifs contre des kalachnikovs.
Or nous sommes très régulièrement témoins de situations terribles dans lesquelles un policier ou un gendarme perd la vie dans l’exercice de ses fonctions. Certains parleront sans doute des risques du métier. C’est un fait que l’engagement dans la police ou dans l’armée présente cette particularité qu’on y risque sa vie pour protéger celle des autres ; cette particularité doit nous inspirer le plus grand respect et la plus profonde gratitude, en aucun cas de la moquerie ou du dédain.
Ce sont, chaque année, plus de 10 000 policiers qui sont blessés, soit une quarantaine par jour ! Le cadre juridique semblant ne plus être adapté à cette situation, Louis Nègre, moi-même et une quarantaine de nos collègues avons décidé de déposer cette proposition de loi.
Ce texte a une portée symbolique et une nécessité concrète. Une portée symbolique, tout d’abord, en ce qu’il confirme le monopole de la violence légitime, pour reprendre la formule du sociologue Max Weber, monopole qui fonde l’État de droit. Permettez-moi, mes chers collègues, de prendre le temps d’ouvrir ici une parenthèse sur la nature de cet État de droit, si cher à nos démocraties contemporaines.
L’État de droit se fonde sur deux socles : le monopole de la violence légitime, qui justifie la prérogative de l’État en matière de maintien de l’ordre, et le respect des libertés civiles, lequel implique un usage exclusivement défensif de la violence.
Si l’on oublie l’un de ces deux socles, la société bascule, soit dans l’anarchie des règlements de compte, soit dans l’État totalitaire, qui étouffe la liberté sous la répression policière. Dans les deux cas, la fin de cet équilibre crée une situation dangereuse. Si l’État n’a plus le monopole de la violence légitime, c’est l’escalade anarchique de la violence des milices et des gangs, c’est la société du désordre du tous contre tous, où la loi du plus fort remplace la loi du juste. Au contraire, si l’État ne limite pas son autorité, c’est l’escalade de la répression, l’assèchement de la liberté et, bien souvent, la révolte d’un peuple contre un autre.
C’est donc dans un souci permanent d’équilibre que nous avons bâti cette proposition de loi, afin de donner toute leur légitimité et leur place à nos forces de l’ordre, en respectant les règles les plus fondamentales relatives aux limites de l’autorité dans une démocratie moderne.
Nous avons dû élaborer ce texte en veillant à suivre deux fils conducteurs : la protection des policiers, qui voient leurs conditions de travail se dégrader chaque jour et attendent de la part du législateur une réponse concrète à ce problème, et la vigilance, afin que ce texte ne constitue en aucun cas une incitation, pour les policiers, à tirer à la première occasion. Ce travail exige une certaine finesse, et les frontières sont bien entendu ténues.