Intervention de Pierre Charon

Réunion du 4 avril 2013 à 9h00
Protection pénale des forces de sécurité et usage des armes à feu — Rejet d'une proposition de loi

Photo de Pierre CharonPierre Charon :

Mais quand il s’agit d’une question aussi essentielle que le maintien de la paix civile, nous ne pouvons pas systématiquement nous réfugier derrière la complexité du droit. Si nous voulons vivre ensemble, et vivre en paix, il faut qu’il y ait un ordre, et des forces qui le fassent respecter.

Or, comme l’expliquait voilà quelques instants mon collège Louis Nègre, contrairement aux gendarmes et aux douaniers, qui peuvent faire usage de leur arme à feu après des sommations et sous réserve de conditions limitatives, les policiers ne sont autorisés à ouvrir le feu qu’en réponse à une agression de même nature. Cette situation met donc quasiment sur le même plan les délinquants et les forces de police.

C’est tout simplement moralement inadmissible. Il est par conséquent urgent de faire évoluer le droit afin de l’adapter à une réalité qui a changé.

Notre proposition de loi vise ainsi à donner aux policiers la possibilité de faire usage de leurs armes dans un cadre légal et protecteur des forces de l’ordre, et sous réserve de certaines conditions limitatives.

Dans un État de droit, si les délinquants bénéficient de la présomption d’innocence, il est légitime que les forces de police bénéficient de la présomption de légitime défense. Or, dans l’état actuel du droit, il faut quasiment que le policier se soit déjà fait tirer dessus pour pouvoir utiliser son arme. La réalité des situations est souvent beaucoup plus complexe que les classements arbitraires validant ou non la légitime défense.

Permettez-moi de vous donner un exemple, mes chers collègues, afin de bien comprendre ce qui se passe sur le terrain. Un policier poursuit un individu armé d’un pistolet. Celui-ci, à vingt mètres du policier, se retourne et menace de son arme ce dernier, lequel fait usage de la sienne à trois reprises. L’individu est tué et l’autopsie démontre que la balle l’a frappé de dos, alors que le policier affirme avoir tiré sur l’individu qui le menaçait. Légalement, la balle ayant frappé l’individu de dos, celui-ci ne pouvait diriger « simultanément » son arme en direction du policier : la légitime défense est donc exclue. Cet individu, qui s’enfuyait en tenant un pistolet à la main, présentait pourtant un danger important pour les policiers et les passants. On peut imaginer qu’entre le premier et le troisième coup de feu tiré par le policier l’individu s’est retourné un micro-instant pour se cacher, la balle l’ayant frappé alors qu’il faisait volte-face. Dans le système pénal actuel, le policier, menacé directement lorsqu’il a commencé à tirer, était en état de légitime défense, la condition de simultanéité étant retenue. Dès que l’individu a amorcé son retournement pour s’enfuir, le policier n’était plus en situation de légitime défense. Dans la réalité, toute la scène n’a duré qu’un instant. S’il est facile ensuite pour les magistrats de la décortiquer quart de seconde par quart de seconde, il était impossible pour le policier, dans le feu de l’action, d’arrêter son geste au moment où l’individu se retournait.

C’est pourquoi nous avons proposé une telle adaptation de la loi n° 2011–267 du 14 mars 2011 d’orientation et de programmation pour la performance de la sécurité intérieure, qui modifie les conditions d’usage des armes à feu pour les fonctionnaires de police. Nous proposons que les membres des forces de l’ordre puissent tirer sur un individu armé refusant de déposer son arme après les appels répétés de « halte police ». Cela leur évitera de devoir attendre, au risque de leur vie, d’être directement menacés par l’arme et incitera les délinquants à déposer leurs armes sur injonction de la police. Telle est la dimension préventive de ce texte.

En élargissant le droit des policiers à utiliser leurs armes, le législateur envoie un signal à la société, et en particulier aux délinquants. Ce signal dissuasif devrait les inviter à un plus grand respect ou, du moins, à une plus grande crainte des forces de l’ordre. Mais ce signal concerne également les policiers, qui travaillent dans un climat d’insécurité judiciaire, lequel, associé à des conditions de travail extrêmement violentes, favorise malheureusement les situations d’exaspération et la possibilité de dérapages.

Mes chers collègues, j’ai entendu les craintes exprimées par certains d’entre vous, qui redoutent que ce texte n’ouvre la porte aux violences policières. Pourtant, les gendarmes servent déjà dans le cadre de la légitime défense que nous proposons d’ouvrir aujourd’hui aux policiers, et aucun chiffre n’indique un différentiel positif, en matière de faute professionnelle, dans la gendarmerie ! Par conséquent, sauf à différencier la confiance que nous accordons aux policiers et aux gendarmes, il n’y a aucune raison de différencier les conditions d’exercice de la légitime défense. Une telle confiance dépasse les particularités des deux branches de notre sécurité intérieure, et c’est bien dans cet état d’esprit que Louis Nègre et moi-même avons décidé d’harmoniser les conditions d’utilisation des armes à feu par les policiers et les gendarmes.

Je souhaite éclairer cet état d’esprit en revenant sur un sondage, qui indiquait récemment que l’armée – celle-ci inclut la gendarmerie – est l’institution dans laquelle 85 % des jeunes de notre pays ont le plus confiance. La police ne bénéficie malheureusement pas de la même réputation

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