Intervention de Philippe Bas

Réunion du 5 avril 2013 à 21h30
Ouverture du mariage aux couples de personnes de même sexe — Demande de renvoi à la commission

Photo de Philippe BasPhilippe Bas :

… ou par deux personnes de même sexe, qui n’ont pu concevoir cet enfant ensemble et ont donc avec lui un lien qui peut être fort mais qui, pour l’un d’eux au moins, n’est pas le lien de paternité ou de maternité.

Si le Parlement veut néanmoins appliquer les mêmes règles aux deux catégories de familles, il peut tenter de le faire, c’est son droit, mais certainement pas au nom d’une conception toute personnelle, toute particulière, de l’égalité qui la détournerait de son sens profond. Et ce ne peut d’ailleurs être que sous réserve de respecter nos principes constitutionnels. Ce que vous aurez à démontrer avec ce texte !

Ce qui fonde notre opposition, ce n’est pas le refus de reconnaître la réalité vécue par les personnes de même sexe liées par un engagement mutuel. Leur vie commune doit pouvoir s’organiser dans un cadre stable. Ce qui nous sépare, en vérité, c’est le sentiment que le mariage n’est pas un instrument adapté pour poser ce cadre.

Il ne s’agit pas seulement de permettre à deux adultes de voir leur amour reconnu par un acte solennel, puis protégé ou dénoué par un juge. Si elle se réduisait à cela, votre réforme relèverait d’un acte essentiellement symbolique et politique, destiné à affirmer l’égale dignité de toute personne et la valeur de tout amour. §Ce sont des finalités nobles mais étrangères à l’objet du mariage. Celui-ci n’a pas été institué pour le seul bonheur des individus qui s’y engagent, mais dans l’intérêt de la société et des plus vulnérables, c’est-à-dire conjoints sans revenus et enfants.

Se marier, dès lors, c’est s’inscrire dans un cadre juridique conçu principalement pour permettre à la famille de se constituer et d’être protégée.

Il n’y a pas aujourd’hui de mariage sans possibilité d’adoption ni sans droit d’adopter l’enfant de son conjoint, sous réserve de réunir certaines conditions. À travers l’adoption, la « coparenté » – j’utilise cette expression approximative, faute de mieux – serait donc rendue possible du seul fait que le mariage de personnes de même sexe serait autorisé.

Il est difficile d’admettre l’argument presque incivique qui consiste à soutenir que nul ne devrait s’opposer à ce projet dès lors qu’il ajouterait des droits aux uns sans en retirer aux autres. Il ne peut y avoir de « mariage pour tous », selon un slogan que son inexactitude condamne, sans une évolution profonde du sens donné au mariage de chacun. Vous n’êtes pas seulement en train d’élargir l’accès au mariage, vous changez le mariage.

Votre réforme esquisse une conception de la filiation qui reposerait principalement sur la parenté d’intention, parenté intellectuelle et affective, qui s’imposerait comme supérieure ou, à tout le moins, égale à toute autre.

Les auditions auxquelles notre commission a procédé permettent d’entrevoir les quelques fondements doctrinaux et même anthropologiques que vous tentez d’invoquer à l’appui de cette théorie de rupture avec le droit matrimonial actuel.

Nul ne peut d’ailleurs nier la part qui revient à la dimension affective dans la création du lien réciproque de parent à enfant.

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