Monsieur le président, mesdames les ministres, mes chers collègues, il est difficile de prendre la parole après que deux ténors de mon groupe ont exprimé, avec autant de sincérité et de force, la réalité de la situation.
Nous comprenons les revendications des couples homosexuels lorsqu’elles portent sur une plus grande sécurité juridique. Nous sommes d’ailleurs disposés à intervenir dans ce domaine, puisque c’est le rôle légitime des pouvoirs publics que de régler les rapports civils de nos concitoyens. C’est seulement en cela que l’intérêt des particuliers rejoint l’intérêt général. Voilà pourquoi il ne peut être question ici d’amour ou de reconnaissance sociale de l’amour des uns ou des autres : ces affaires sont d’ordre privé.
Sans vouloir polémiquer, je remarque d’ailleurs que les différents rapports sur le texte font très souvent référence à la reconnaissance sociale de l’amour des couples homosexuels. Comment croire alors qu'il ne serait pas question ici d'une réforme sociale ? Soit ! Dès lors, vous ouvrez le mariage et l'adoption aux couples de personnes de même sexe au prétexte que le mariage est la reconnaissance sociale du couple. Mais cela est totalement réducteur : le mariage n'a pas pour but de reconnaître la relation entre deux personnes et d'officialiser leur amour ; si tel était le cas, tous les gens qui s'aiment devraient pouvoir se marier… Or, la loi a fixé un certain nombre de limites. Remarquez d'ailleurs, madame la garde des sceaux, que s’il en était ainsi, votre texte romprait avec le principe d'égalité, au regard de toutes les autres formes d'union légalement ou socialement réprimées.
Il ne s'agit donc pas, pour les pouvoirs publics, de prendre en considération la simple relation de couple, mais d’aller au-delà en organisant les rapports intrafamiliaux. Contrairement à ce que vous prétendez, il n'y a pas de discrimination dans le mariage actuel. Simplement, le droit contresigne cette réalité de la nature : les sexes ne sont pas interchangeables. Ils sont égaux, mais pas équivalents, du fait de la dissymétrie entre homme et femme.
Néanmoins, nous souhaitons apporter des droits supplémentaires aux couples homosexuels, afin de leur offrir une plus grande sécurité juridique. C'est ce que nous faisons en l’occurrence ici avec l’amendement de M. Gélard tendant à instaurer l'union civile.
Ces notions de droits et de devoirs au sein des couples homosexuels doivent être totalement dissociées de toute question de filiation. Je m'interroge d'ailleurs sur la place que vous faites à l'enfant.
Les questions de l'enfant, de l'adoption et de la filiation doivent être inscrites dans le cadre des obligations internationales souscrites par la France. M. Dominique Baudis, Défenseur des droits, l'a rappelé lors de son audition par la commission des lois de l’Assemblée nationale : « La procédure suivie pour l'élaboration du projet de loi présente une évidente lacune. En effet, l'étude d'impact qui accompagne le projet ignore totalement la Convention internationale des droits de l'enfant. » Or, dans toutes les décisions qui le concernent, c'est l'intérêt supérieur de l'enfant qui doit prévaloir.
Vous trompez les Français en renvoyant les discussions sur la procréation médicalement assistée à l’examen d’un autre texte. Vous trompez les Français en leur promettant que la gestation pour autrui ne sera pas autorisée, alors que toute votre argumentation repose sur la reconnaissance de l'amour et sur l'égalité des droits !
Ainsi, l'égalité des droits peut se concevoir d'un point de vue patrimonial : l'homosexualité étant socialement acceptée et chaque individu ayant la liberté d'orienter sa sexualité comme il l'entend, il paraît normal que les pouvoirs publics puissent accorder aux homosexuels les droits patrimoniaux communs, dès lors qu’ils souhaitent s'engager dans une communauté de vie.
Notre proposition prévoit donc, sur ce point, que l'ensemble des dispositions du titre V du livre III du code civil s'appliquent aux personnes ayant contracté une union civile. Dès lors, les conditions requises pour contracter cette union et les conséquences qui découleront de celle-ci seront identiques à celles qui prévalent pour le mariage.
Mais si le mariage tel qu'il existe doit rester inchangé, c’est qu’il n’est justement pas question d'égalité. Le Conseil constitutionnel lui-même le reconnaît. Le législateur peut organiser différemment des situations différentes. Or les couples homosexuels et les couples hétérosexuels se trouvent dans des situations différentes, dès lors que l'altérité sexuelle offre la possibilité de procréer.
Certes, les techniques médicales permettent aujourd'hui d'avoir recours à la procréation artificielle, mais cette procréation n'est artificielle qu'au stade de l'assemblage des gamètes masculin et féminin ; ainsi, l'altérité sexuelle persiste. De plus, la médecine a vocation à soigner, à guérir ou à prévenir des maladies, et non à assouvir le besoin de consommation des individus.