Intervention de Philippe Bas

Réunion du 8 avril 2013 à 14h30
Ouverture du mariage aux couples de personnes de même sexe — Articles additionnels avant l'article 1er

Photo de Philippe BasPhilippe Bas :

J’entendais tout à l’heure notre collègue Mme Benbassa parler au nom des couples homosexuels. En commençant cette explication de vote, j’ai envie de lui dire que, si elle est naturellement qualifiée pour le faire, nous ne le sommes pas moins qu’elle, car nous sommes tous les représentants de nos concitoyens, quelles que soient les travées sur lesquelles nous siégeons, et naturellement aussi de nos concitoyens homosexuels qui vivent en couple. Nous avons simplement une conception différente de ce qu’il faut faire pour traiter les difficultés rencontrées par ces couples, à la fois pour la reconnaissance du lien qui les unit, l’organisation dans un cadre stable de leur vie commune, la description des droits et des devoirs qui tissent leurs engagements mutuels.

Il me semble que nos différences sont en réalité circonscrites à un sujet essentiel, celui de la filiation et de la parenté. À cet égard, contrairement à ce que nous entendons trop souvent, nous ne cherchons pas à faire moins que vous, nous voulons faire mieux ! Nous considérons en effet que le système dans lequel vous voulez faire entrer les couples homosexuels a des conséquences négatives ou lacunaires.

Tout d’abord, en l’occurrence c’est une lacune, votre texte ne traite nullement le cas le plus fréquent, c'est-à-dire celui où un père forme, après avoir eu des enfants, un couple avec un autre homme. En la circonstance, le compagnon du père n’est évidemment pas le père – il y a le plus souvent une mère –, mais celui-ci peut, comme dans toutes les familles recomposées, jouer un rôle éducatif et tisser un lien affectif très fort avec l’enfant.

Ensuite, vous êtes confrontés à une difficulté que nous prétendons régler mieux que vous.

Nous considérons – cela nous paraît relever du bon sens – que l’on ne peut pas être juridiquement parent sans être ni père ni mère. C’est pourtant la situation que vous allez créer en permettant, par un jugement, soit l’adoption conjointe d’un enfant par un couple d’homosexuels, soit l’adoption des enfants de son conjoint par l’autre membre du couple, lorsque ceux-ci n’ont pas de père ou de mère.

Comment la loi pourrait-elle désigner comme parent à un enfant un deuxième adulte de même sexe, en lieu et place du père ou de la mère qu’il n’a pas, surtout si cet adulte est d’un autre sexe que ce père ou cette mère qui lui manque ? C’est l’une des failles de votre système. Alors même que les couples homosexuels ne mentent jamais aux enfants qu’ils élèvent – c’est du moins ce qu’ils disent toujours –, la loi créerait un mensonge légal, ce qui me paraît très grave.

Enfin, loin d’instaurer un prétendu « mariage pour tous », ce qui est un abus de langage, vous créez trois types de mariage à l’égard des enfants.

Le premier correspond au mariage que nous connaissons : l’enfant naît de la mère et l’époux de la mère devient père par la présomption de paternité.

Le deuxième type de mariage concerne les couples composés de deux femmes, où un enfant serait conçu par l’une d’elles grâce à l’assistance médicale à la procréation. À ce sujet, le fait que les choses se passent à Bruxelles, plutôt qu’à Nantes ou à Rennes, ne représente pas une très grande différence, car, dès l’adoption du projet de loi, la question fondamentale, celle de la filiation, sera réglée. Vous créerez ainsi la possibilité de faire reconnaître, par un jugement d’adoption, la filiation à l’égard de « l’épouse de la mère », puisque ce sont les termes qu’il faudra employer.

Le troisième type de mariage correspond au mariage de deux hommes. Un enfant conçu à l’étranger par gestation pour autrui, seul moyen pour un homosexuel d’avoir un enfant avec une paternité reconnue à l’étranger, ne pourra être adopté par l’époux en France, pour la simple – et heureuse ! – raison que la gestation pour autrui est contraire à l’ordre public français.

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