Intervention de André Trillard

Réunion du 8 avril 2013 à 22h00
Ouverture du mariage aux couples de personnes de même sexe — Article 1er

Photo de André TrillardAndré Trillard :

Monsieur le président, mesdames les ministres, mes chers collègues, au travers de l’article 1er du projet de loi, vous ouvrez le mariage et l’adoption aux couples de même sexe, au prétexte que le mariage serait la reconnaissance sociale du couple. Cette vision est très réductrice.

Le mariage civil n’a pas pour but de reconnaître la relation entre deux personnes et d’officialiser leur amour. En allant jusqu’au bout de cette logique, tous les gens qui s’aiment devraient pouvoir se marier. Or la loi a fixé des limites. En effet, le mariage n’est pas la simple reconnaissance de l’amour, ni même la consécration d’une union privée ; dois-je rappeler ici le symbole que revêt l’obligation de laisser la porte de la mairie ouverte lors de la célébration d’un mariage ?

Le mariage est une institution sociale, qui permet de fonder, en droit, la filiation biologique. Nous nous situons donc bien au-delà de la simple relation de couple : dans le cadre de la famille.

Je rappelle que le code civil dispose que « le mariage est l’institution par laquelle un homme et une femme s’unissent pour vivre en commun et fonder une famille. » L’article 203 dispose également que « les époux contractent ensemble, par le seul fait du mariage, l’obligation de nourrir, entretenir et élever leurs enfants. »

Je tiens à souligner que la question n’est pas celle de la capacité des personnes homosexuelles à aimer, mais celle de l’institutionnalisation, de la codification, par la loi, d’une structure familiale nouvelle.

Autant l’orientation sexuelle est la résultante d’actes relevant du libre-arbitre des individus, autant le mariage est une institution sociale publique, entérinée par les représentants de l’État aux yeux de la société. Qu’il s’agisse d’un acte légal, soumis à des conditions précises, à commencer par la différenciation des sexes, vient contredire la notion de « liberté de se marier ».

Autre postulat erroné sur lequel repose la philosophie de votre projet : votre conception de la loi et de son rôle. Pour nous, la loi ne sert pas seulement à donner des droits, à suivre les évolutions sociales, à faire plaisir à tel ou tel, à assumer les engagements numérotés d’un candidat à la présidence de la République.

Au contraire, il s’agit d’une boussole qui sert à fixer des valeurs, qui donne autant de points de repères à la société. Lorsqu’une loi touche à des valeurs ancestrales aussi importantes que le mariage ou la filiation et à des êtres aussi vulnérables que les enfants, nous redoublons de prudence, car nous ne voulons pas jouer les apprentis sorciers.

C’est d’ailleurs pour cette raison que nous avons demandé, en vain, un grand débat public préalable. Nous sommes convaincus que, au-delà de la légitimité de la représentation nationale que nous incarnons, chaque Français doit pouvoir s’exprimer sur la forme de famille qu’il laissera en héritage à ses enfants.

C’est pour cela que nous avons défendu une motion référendaire. Nous débattons aujourd’hui d’un vrai sujet de civilisation, qui mérite mieux qu’un texte de loi bricolé, truffé d’incohérences, aussi bien juridiques que scientifiques, et bourré de non-dits.

La stabilité de la loi est un outil essentiel à la démocratie. La philosophie qui est la vôtre s’inscrit aux antipodes de ce principe : lors du débat à l’Assemblée nationale, l’un de nos collègues députés a résumé d’une phrase toute la logique de ce projet : « Il est grand temps que la loi rattrape les mœurs ! »

Vous rendez-vous compte, madame la ministre, de ce que sous-tend cette phrase et des errements auxquels l’application d’un tel principe pourrait donner lieu ? Le rôle de la loi est non pas de courir après les évolutions de la société, mais d’offrir un cadre de références cohérent, stable et protecteur aux citoyens.

La loi n’est pas faite pour répondre aux desiderata d’une minorité, même si, nous l’avons souligné à plusieurs reprises, un très large consensus se dégage sur la nécessité d’apporter une reconnaissance juridique aux couples homosexuels.

Montesquieu, qui nous inspire tant ici, ne disait-il pas en son temps : « Il faut toucher aux lois d’une main tremblante » ?

« Il est grand temps que la loi rattrape les mœurs » ? Vous rendez-vous compte, madame la ministre, que la philosophie sous-jacente à ces propos condamne par avance toutes vos dénégations relatives à la PMA et à la GPA ?

Vous rendez-vous compte de la portée de la déclaration de l’ancienne garde des sceaux, madame Élisabeth Guigou, présentant le projet de loi sur le PACS : « Mon refus de l’adoption pour des couples homosexuels est fondé sur l’intérêt de l’enfant et sur ses droits à avoir un milieu familial où il puisse épanouir sa personnalité » ?

Si je vous concède qu’il n’est pas interdit d’évoluer, le moins que l’on puisse dire est que son revirement ne plaide pas en faveur de la confiance que l’on pourrait placer dans la fermeté des engagements socialistes, en particulier dans des domaines aussi sensibles.

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