La séance, suspendue à dix-neuf heures cinquante-cinq, est reprise à vingt-deux heures, sous la présidence de M. Jean-Claude Carle.
La séance est reprise.
Nous poursuivons la discussion du projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale, ouvrant le mariage aux couples de personnes de même sexe.
Je rappelle que, dans la discussion des articles, nous en sommes parvenus à l’article 1er, sur lequel plusieurs orateurs se sont déjà exprimés.
La parole est à M. Jean-Pierre Raffarin, sur l’article.
Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, je regrette que nos collègues du Front de gauche ne soient pas présents en séance à cet instant, car je tiens à exprimer notre révolte profonde devant les propos qui ont été tenus tout à l'heure qualifiant d’« homophobes » les travées de l’UMP. C’est inacceptable !
Madame la ministre, je vous demande de prendre acte du fait que nous avons tout à l'heure été injuriés. Nous vous demandons de croire en notre bonne foi, en notre sincérité. Nous n’avons pas, vis-à-vis des homosexuels, une attitude de compassion, une attitude distante ; nous avons tout simplement à leur égard une attitude de respect, auquel tout citoyen a droit dans notre République. Nous respectons tous les citoyens, quelles que soient leurs pratiques sexuelles. Nous ne pouvons donc accepter cette violence, que l’on dénonce par ailleurs et que, dans cette assemblée même, on pratique quelquefois.
Si nous sommes pour l’apaisement, c’est justement parce que nous souhaitons que les convictions des uns et des autres soient respectées.
Nous sommes pour cette logique d’apaisement que j’ai développée tout à l’heure parce que, nous le pensons sincèrement, la France n’a pas besoin de ce débat aujourd’hui.
Nous pensons que les difficultés sociales que rencontre notre pays, que ce qui est devant nous aujourd’hui…
Peut-être pouvons-nous parler des responsabilités ; il n’empêche que la réalité est là. Ce n’est pas parce que Heuliez a déjà connu deux faillites qu’on ne va pas reconnaître que la troisième est dramatique, cher monsieur ! Vous pouvez toujours chercher les responsabilités dans la première ou la deuxième faillite, aujourd’hui, il y a 300 salariés qui sont menacés par le dépôt de bilan de leur entreprise ! Pour eux, la violence est dans la société. C’est la raison pour laquelle ce débat nous paraît dangereux parce qu’il ajoute des ruptures, des fractures dans une société qui a besoin de cohésion.
Sur le fond des choses, il existe ici un vrai risque – et c’est une autre forme de violence – qui est dans le changement de sens des mots.
Vous transformez d’abord les mots sur le plan sémantique. Plusieurs d’entre nous ont d'ailleurs saisi l’Académie française puisqu’elle est le garant du bon usage des mots. L’article 2 de notre Constitution précise en outre que le français est la langue de la République. Or, dans notre langue, aujourd’hui, selon l’Académie française, le mariage est l’union légitime d’un homme et d’une femme.
Vous changez le sens des mots, mais aussi le sens de la famille, cela a été dit et redit.
Mais ce qui nous choque profondément, c’est que vous privilégiez toujours le moment à la destinée et que votre vision est celle non pas de la famille, mais du couple. Le mariage n’est pas un contrat pour une situation présente entre deux personnes ; c’est la destinée qui fait la famille et cette destinée, c’est la destination de l’enfant. C’est cela qui est très important.
Ce n’est pas parce que nous reconnaissons aux homosexuels la liberté de la pratique sexuelle qu’ils souhaitent, que, pour autant, cela leur donne le droit à l’enfant. Nous ne pensons pas que le droit à l’enfant puisse naître de l’alliance d’un homme et d’un autre homme ou d’une femme et d’une autre femme.
C’est la raison pour laquelle il y a fondamentalement un changement dans la vision de la famille. Vous changez le sens de la famille, vous enlevez ce qui est aujourd’hui fondamentalement le sens de la famille, sa destinée. Au droit de l’enfant, vous substituez le droit à l’enfant, comme cela a déjà été dit. Donc, au-delà de ce changement sémantique, vous changez le sens de la famille.
Mais vous allez encore plus loin, par un changement sur le plan politique. Vous faites ainsi un curieux choix dans le vieux débat classique entre nature et culture, parce que c’est le seul sujet sur lequel vous faites le choix de toutes les libertés. Sur les autres sujets, vous êtes à l’inverse prêts à tout réguler, à tout diriger. Mais, sur ce sujet-là, vous appelez à toutes les libertés et vous voulez maîtriser la nature par davantage de liberté, que vous habillez du mot « égalité ».
(Exclamations sur les travées du groupe socialiste.) Au fond, vous êtes comme les libéraux américains. Mais faites-nous confiance, car nous avons appris à tempérer le libéralisme.
Applaudissements sur les travées de l'UMP.
Il va vous arriver ce qui arrive toujours lorsqu’on pèche par excès de libéralisme. §
Savez-vous qui gagne dans le match entre la culture et la nature quand vous ne faites confiance qu’aux libertés et au libéralisme ? Eh bien, c’est écrit, le vainqueur, c’est le marché et ce qu’il y a derrière votre texte, c’est le marché de l’enfant, celui de l’adoption.
Vous ne pourrez pas résister à la PMA, à la GPA, parce que la mécanique que vous enclenchez, c’est celle du marché de l’adoption.
M. Jean-Pierre Raffarin. Vous faites une grave erreur philosophique et politique en oubliant qu’on ne doit jamais s’écarter de l’essentiel, c’est-à-dire de l’espèce humaine.
Bravo ! et applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UDI-UC.
Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, cet article 1er est évidemment le cœur du projet de loi, qui donne, comme cela a été maintes fois répété, mais peut-être faut-il le dire encore, la possibilité aux personnes de même sexe de contracter mariage, ce que le code civil réservait jusqu’à maintenant à deux personnes de sexe différent.
Il permet par conséquent, et ce sera presque automatique, l’accès à l’adoption conjointe aux époux de même sexe. C’est bien en priorité ce que vise ce texte !
On parle de mariage. Il faudrait d’abord parler de divorce avec une bonne partie de l’opinion publique, avec des millions de nos compatriotes qui ont manifesté leur incompréhension, à plusieurs reprises et en de nombreux endroits ces derniers mois, qui ont témoigné de leur désarroi devant ce qu’ils considèrent comme une véritable entreprise de démolition d’une institution, l’une des plus anciennes de l’humanité, au profit d’une minorité, reconnaissons-le, agissante, active et parfaitement organisée.
Je voudrais dire un mot des conditions de la manifestation du 24 mars, …
… à tous les égards, en particulier s’agissant de l’itinéraire.
J’ai vu, évidemment comme tout le monde, qu’on avait refusé l’accès des Champs-Élysées aux familles de France qui voulaient venir exprimer leurs valeurs ; on préfère réserver les Champs-Élysées au marathon de Paris !
M. Henri de Raincourt. Les participants ont été entassés en haut de l’avenue de la Grande-Armée – nombreux ici en ont été les témoins –, mettant les familles, les personnes et surtout les enfants en danger.
Exclamations sur les travées du groupe socialiste.
La liberté de manifester est quand même inscrite dans la Constitution, mais quand on en fait usage, cela vous gêne ! Je reconnais que ce n’est pas trop dans notre culture, mais vous n’appréciez guère que nous allions manifester pour le respect de valeurs et de principes.
Mais ce n’est pas la dernière fois, chers collègues, puisque nous y retournerons le 26 avril !
Ces millions de Français, pourquoi ne pas avoir voulu les écouter ? Pourquoi n’avoir manifesté à leur égard aucune considération ? Leur réaction était bien légitime ; ils avaient tout à fait le droit de l’exprimer publiquement.
À aucun moment, il n’a été envisagé, comme nous l’avons demandé ici même à de nombreuses reprises, de les consulter spécifiquement sur cette question, qui mérite mieux que la réponse qui fut faite en référence à la Constitution.
Il faudrait également parler de divorce avec nombre de sociologues, de juristes, de philosophes et d’autres personnalités éminentes que nous avons auditionnées, proches de la majorité pour certaines d’entre elles, proches d’autres obédiences pour d’autres, soit dans le cadre de la commission des lois – et j’en remercie son président et son rapporteur –, soit dans le cadre de notre propre groupe.
Ces personnes ont su, par leurs travaux sur ce bouleversement du droit de la famille, démontrer les dangers que court l’institution du mariage, mais plus globalement notre société. Le droit de la famille est fondé sur l’alliance et la filiation ; les juristes nous l’ont, au fil des jours, suffisamment répété. Certaines de ces personnalités ont, me semble-t-il, secoué les « certitudes » d’un certain nombre d’entre nous.
Il faudrait aussi parler de divorce avec les terribles réalités du moment : les Français ont avant tout besoin que le Gouvernement trouve des réponses adaptées à la dureté des temps, à la crise économique, financière, sociale, politique maintenant, qui ronge le pays confronté au monde global, qui détruit des espérances et la cohésion de notre société.
Alors, pourquoi malmener une bonne partie de l’opinion publique avec ce projet qui dresse les Français les uns contre les autres ? Nous avons tous en mémoire la volonté exprimée par le Président de la République de rassembler les Français. Avouez qu’en la matière, ce n’est pas très réussi !
Faire fi de ce malaise dans la population nous pose un véritable problème. Ce n’est pas de cette manière que l’on pansera les plaies entre nos compatriotes et leurs élus. §
Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, si la loi a institué le mariage et créé pour lui un cadre protecteur en n’acceptant sa rupture qu’à la suite d’une procédure judiciaire et de l’intervention d’un juge, c’est parce qu’elle le considère comme base d’une famille et non pas comme reconnaissance sociale du couple.
Car la société n’a pas besoin de couples. Elle a besoin d’enfants qui bénéficient de la meilleure structure possible pour devenir les adultes de demain, d’un cadre sécurisant, objectif et protecteur. D’où le mariage.
C’est vrai, la procréation n’est pas obligatoire dans le mariage et lorsqu’un couple homme-femme ne procrée pas, c’est pour des raisons qui lui sont particulières, soit, par exemple, parce que l’un des deux souffre d’infertilité ou encore parce qu’ils sont l’un et l’autre trop âgés.
La dimension familiale du mariage peut tout à fait supporter que certains couples n’aient pas d’enfants. Cela ne prive absolument pas le mariage de cette perspective. En revanche, si des couples de même sexe ne procréent pas, ce n’est pas pour des raisons particulières et personnelles, c’est pour des raisons objectives. L’union de personnes du même sexe ne permet pas, nous le savons tous, la procréation.
La relation entre personnes de même sexe est un rapport de personnes. Il peut y avoir un lien de droit, un contrat, mais ce rapport n’a pas vocation à aller au delà pour fonder une famille, non pas parce que ces personnes n’auraient pas les qualités individuelles pour cela, mais parce que, ensemble, elles ne peuvent pas procréer.
La condition d’altérité sexuelle des époux posée par la loi n’est pas un choix. Elle découle de la signification profonde du mariage, qui a pour rôle non pas d’officialiser la vie de couple, mais d’instituer la famille.
Il n’est pas question pour moi de nier que des couples homosexuels puissent élever des enfants aussi correctement que n’importe quel autre couple. Leur homosexualité peut constituer un facteur de difficulté, mais au même titre que les difficultés spécifiques auxquelles font face de nombreux couples hétérosexuels, en lien avec leur propre histoire personnelle ou leurs difficultés du moment.
J’estime même qu’il est important de donner une sécurité juridique aux dizaines, voire aux centaines de milliers d’enfants qui sont d’ores et déjà élevés par des couples de même sexe.
En revanche, je trouve extrêmement dangereux d’organiser la fiction d’une filiation au sein de couples homosexuels. Le mariage n’articule automatiquement conjugalité et filiation que dans le cas d’un couple hétérosexuel.
Pour les couples de même sexe, la situation est différente. Je ne veux pas leur dénier le droit d’élever un enfant ensemble, mais, sur le plan de l’état civil, il est important de ne pas tromper celui-ci.
Un enfant peut être élevé par deux hommes ou par deux femmes s’il connaît les conditions de sa naissance et comment il est arrivé auprès de ce couple.
Cet accès à l’information généalogique est essentiel pour construire son identité, comme le soulignent tous les psychologues et psychanalystes.
Enfin, je considère qu’autoriser les couples de même sexe à conclure un mariage nous projette inéluctablement vers une légalisation de la PMA « de convenance » et de la GPA, quelles que soient les dénégations du Gouvernement. La PMA est actuellement autorisée pour les couples mariés infertiles ; empêchera-t-on les homosexuels de faire valoir leur propre infertilité pour en bénéficier aussi ? Cela serait sans doute considéré comme une discrimination par la CEDH.
Et si l’on autorise les couples homosexuels à concevoir par PMA, pourra-t-on encore interdire la PMA de convenance aux hétérosexuels ? Là encore, cela deviendrait discriminatoire. Bien sûr, le raisonnement vaut également pour la GPA.
Plus encore que l’accès des homosexuels à ces techniques reproductives, c’est la brèche qu’une telle autorisation ouvrirait pour l’ensemble des couples qui me paraît particulièrement dangereuse. Il y a là un véritable risque de dérive et il est tout à fait irresponsable de la part du Gouvernement de s’entêter à le nier.
Autoriser le mariage entre les couples de même sexe emporte de graves conséquences pour le droit de la filiation et pour la bioéthique. Vous vous en doutez, je voterai donc contre cet article, d’autant que la création d’un dispositif d’union civile, sans conséquence directe sur le plan de la filiation, aurait pu parfaitement répondre aux attentes légitimement exprimées par les couples homosexuels pour sécuriser leur vie conjugale. Il me semble vraiment tragique, madame la ministre, que vous n’ayez pas accepté ce concept d’union civile. §
Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, j’interviens au nom de Roland du Luart, absent ce soir pour raisons de santé.
Au regard de l’atmosphère qui règne autour de ce débat sur le mariage des couples de personnes de même sexe et des incidents qui se sont produits lors de l’exercice par le peuple du droit à manifester son opinion, je n’ai nullement l’intention d’être dans la nuance.
Pour moi, ce texte est antirépublicain.
C'est une insulte ! Vous acceptez que l’on soit traités ainsi, monsieur Raffarin ?
Ce projet de loi part d’une bonne intention : défendre les personnes revendiquant leur homosexualité qui subissent encore trop souvent des discriminations en raison de leur orientation sexuelle. Pour autant, en faisant d’une communauté fondée sur l’orientation sexuelle une sorte de corps intermédiaire qui déciderait des lois qui s’appliquent à lui-même et en instaurant une sorte de discrimination positive, il contrevient aux principes essentiels de la République française.
Comme le souligne l’avocat Alexandre Duval-Stalla dans Le Figaro du 18 septembre 2012, « la première remise en cause fondamentale est celle de la reconnaissance en tant que telle de la communauté homosexuelle en lui attribuant des droits spécifiques […]. Pourquoi la République accorderait-elle plus de droits aux couples homosexuels qu’aux autres citoyens ? » Si la loi de la nature n’a aucune importance, car elle serait rétrograde, pourquoi limiter le droit de se marier aux couples de même sexe au lieu de l’ouvrir à d’autres formes de couples qui ne sont pas encore rentrées dans les mœurs officielles ?
De fait, pousser jusqu’au bout la logique qui sous-tend le mariage homosexuel conduit à des aberrations.
Mais d’où viennent ces incantations progressistes, modernistes ou humanistes qui font qu’aujourd’hui la moindre réticence au mariage homosexuel est assimilée à une résurgence fasciste ? Visiblement, elles résultent du multiculturalisme anglo-saxon, du droit européen et, surtout, de la notion suprême, nouvelle valeur fondamentale de la République française : la non-discrimination.
Comme l’a indiqué Anne-Marie Le Pourhiet, professeur de droit public, l’argumentaire avancé en faveur du mariage homosexuel fait passer l’impossibilité naturelle et factuelle de deux hommes ou de deux femmes de se marier pour une discrimination juridique dont se rendrait coupable une méchante législation homophobe.
Le mariage a toujours été universellement défini comme l’institutionnalisation d’une relation, c’est-à-dire de l’union sexuelle d’un homme et d’une femme. Il en résulte que deux hommes ou deux femmes ne peuvent se marier. Ce n’est aucunement une question de droit, c’est un constat de pur fait, dont la législation positive, notamment la Convention européenne des droits de l’homme, se borne à prendre acte. Il faut donc une sacrée dose de mauvaise foi pour prétendre que le texte de cette convention instituerait une discrimination.
Selon Mme Le Pourhiet, l’argument discriminatoire est si faible que la Cour européenne des droits de l’homme et le Conseil constitutionnel ont dû, à plusieurs reprises, rappeler à des lobbies vindicatifs que le principe d’égalité ne s’applique pas à des situations différentes. Il n’y a évidemment pas l’ombre d’une discrimination dans cette affaire. Tout individu majeur peut parfaitement se marier, mais avec une personne de sexe différent, puisque c’est la définition même du mariage.
Par conséquent, ce texte ne va pas « ouvrir le mariage aux couples de personnes de même sexe », puisque cette expression n’a aucun sens. Il tend tout simplement à falsifier le mariage, à le dénaturer au sens fort du terme, c’est-à-dire à lui faire perdre sa signification, son fondement, sa finalité et sa nature pour le remplacer par une tout autre chose désormais asexuée et déstructurée, à laquelle on aura seulement conservé le nom de mariage. En réalité, il s’agit d’une parodie, d’un simulacre de mariage.
La nature ne se prête pas à des croyances ou à des religions ; elle est un objet de connaissance et de science, que l’on ne peut relativiser ou feindre d’ignorer. On pourrait certes écrire dans le code civil que deux hommes ou deux femmes peuvent se marier ou inscrire dans la Constitution que la terre est plate : ce serait une contrevérité, un mensonge d’État.
Applaudissements sur les travées de l'UMP.
Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, jeudi et vendredi derniers, le début de la discussion sur le projet de loi ouvrant le mariage aux couples de personnes de même sexe s’est déroulé des heures durant dans un climat serein. Les interventions étaient écoutées, et certains orateurs ont été quasi ovationnés. Nous n’avions pas le même avis sur ce projet de loi, mais le respect régnait.
Aujourd'hui, lundi, le démarrage fut un peu brutal, mais le calme est ensuite vite revenu. Puis l’un de nos collègues a pris le mors aux dents et, dépassant son temps de parole d’une minute et vingt secondes, a tenu à notre encontre, nous « gens de droite », selon ses propres mots, des propos plus que désagréables.
À cet orateur, qui est absent ce soir, je tiens à dire que je ne suis pas homophobe et que je ne connais pas parmi mes collègues des personnes qui le soient.
J’ai participé à la « manif pour tous » et, là encore, je n’ai pas rencontré de personnes homophobes.
J’ai rencontré des hommes et des femmes disant leur malaise devant ce projet de loi. Ils ne comprenaient pas pourquoi il serait nécessaire d’ouvrir le droit à la PMA, puis, toujours par souci d’égalité, peut-être à la GPA.
Certains avaient peur que les femmes des pays pauvres ne soient utilisées pour porter les enfants de certains couples de même sexe ; cela les révoltait. Tous étaient pour une procréation naturelle, tous mettaient l’enfant au centre du débat, tous parlaient de la filiation indispensable à la construction d’une société. Comme ils nous demandaient de trouver une solution, je leur ai parlé de l’union civile qui serait célébrée en mairie. Ils étaient soulagés, car, pour eux, c’était une solution de rassemblement.
Et puis il y a eu, lors la dernière manifestation, quelques dérapages, avec des individus qui n’avaient pas leur place dans un tel rassemblement
Exclamations sur les travées du groupe CRC.
… où l’ambiance était plutôt bon enfant. La presse a surtout parlé de ces petits désordres, ce qui est injuste pour les organisateurs de la manifestation.
Or cette loi est, nous le savons, très importante : elle transforme le droit français du mariage et de la filiation. Aussi, mes chers collègues, il est inutile de se lancer des noms d’oiseaux ! Nous avons chacun des convictions, respectons-les. Pour ma part, je voterai contre l’article 1er.
Applaudissements sur les travées de l'UMP.
Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, j’interviens à la place de Bruno Gilles. Ayons une pensée pour lui, qui, dans la peine d’avoir perdu sa mère, ne peut être présent parmi nous ce soir.
Au nom de l’égalité et du refus des discriminations, on nous demande, avec cet article 1er, d’établir une équivalence entre les unions homosexuelles et les couples mariés. Il semble exagéré de parler de discriminations aujourd’hui dans notre société vis-à-vis des homosexuels, même s’il existe encore des actes agressifs à leur égard, hélas, toujours trop nombreux, comme il demeure des violences contre les femmes et des crimes pédophiles.
La grande majorité de nos compatriotes refuse les discriminations. Critiquer le « mariage gay » n’a rien à voir avec une hostilité à l’égard des homosexuels.
En revanche, ce texte, notamment dans son article 1er, instaure des discriminations. En ouvrant le mariage et l’adoption aux unions homosexuelles, il instaure une réelle inégalité entre les enfants qui vivront entre un père et une mère dont ils sont issus et ceux dont la filiation sera fondée sur un mensonge et établie de façon fictive, à savoir qu’ils seraient le fils ou la fille de deux pères ou de deux mères.
Ces derniers seront intentionnellement privés d’une mère ou d’un père. Pourtant, la majorité des homosexuels pensent qu’un enfant doit vivre entre un père et une mère.
« Alors que la filiation est un élément essentiel de l’identification pour chaque individu tant sur le plan biologique que social et juridique, l’état civil ainsi reconstitué mettra en évidence, par la référence à des parents de même sexe, la fiction juridique sur laquelle repose cette filiation ». Ici, c’est le Conseil d’État qui s’exprime.
En revanche, ce texte, en ouvrant le mariage et l’adoption d’enfants aux unions homosexuelles, remet en cause notre conception de la filiation issue de la dualité sexuelle. Il donne la priorité à « un droit à l’enfant » sur « les droits de l’enfant », consacrés par la Convention internationale des droits de l’enfant et par notre corpus constitutionnel.
Lorsqu’un couple hétérosexuel adopte un enfant, il le fait pour donner à un enfant qui a perdu sa famille biologique, une famille de substitution constituée d’un père et d’une mère d’adoption. Si les homosexuels adoptent un enfant, …
… ils le font pour satisfaire leur désir d’enfant, en contournant leur impossibilité à l’engendrer.
En cherchant à mettre de l’égalité entre les unions de même sexe et les couples homme-femme, …
Madame Cukierman, c'est moi qui ai la parole, et pas vous !
Je disais donc qu’en cherchant à mettre de l’égalité entre les unions de même sexe et les couples homme-femme, on crée une inégalité entre les enfants : ceux qui auront droit à un père et une mère et les autres.
Bien plus que l’instauration d’une filiation sociale, c’est partant de l’idéologie du genre, bouleverser ce qui fonde notre civilisation.
C’est encore la porte ouverte aux gestations artificielles, aux transferts d’embryons, dans le cas d’unions de lesbiennes, et le recours à la gestation pour autrui par des mères porteuses, dans celui d’unions de deux hommes.
Quant à l’allégation d’inégalité de droits entre hétérosexuels et homosexuels, elle n’est pas recevable, car ils ont les mêmes droits.
En revanche, il ne peut y avoir d’égalité entre les couples mariés et les unions homosexuelles puisque ces dernières sont fondées sur l’absence d’altérité sexuelle et, par voie de conséquence, sur l’impossible conception d’enfants. Des situations, des réalités différentes, sans qu’il y ait pour autant discrimination, appellent des droits différents.
L’égalité de droits respecte les différences. En France, nous sommes égaux au-delà de nos différences de peau, de religion, de sexe et de naissance…
L’égalité suppose invariablement que l'on traite également les situations égales et inégalement les situations inégales. L’égalité, qui est une valeur démocratique, ne peut, en effet, se confondre avec l'égalitarisme qui est le propre de régimes autoritaires, faisant disparaître les différences pour imposer une même norme à tous.
Or le projet de loi, sous couvert de termes, improprement utilisés et sans doute volontairement choisis, de « mariage » et de « couples » d'homosexuels, veut autoritairement et officiellement éliminer ces différences.
L'article 1er répond aux revendications communautaristes d'un groupe militant, la LGTB, lesbiennes, gays, trans et bi, et l’APGL, Association des parents gays et lesbiens, qui n’est pas représentatif des homosexuels, ceux-ci étant majoritairement opposés à ce texte.
En fait, le projet de loi nous conduit à légiférer pour la minorité d'une minorité. Or notre loi fondamentale refuse d’institutionnaliser les particularismes sous peine de morceler l'unité de notre nation et la cohésion de notre société. Nous assistons là, comme disait Jean Carbonnier, à la « pulvérisation du droit objectif en droits subjectifs ».
Le mariage est une institution. La dualité sexuelle sur laquelle il se fonde, consacrée par les lois de notre République depuis 1792, constitue sans doute le principe le plus fondamental de notre droit civil.
Ne tenant plus compte de la dualité sexuelle du couple, de sa capacité à procréer, de la filiation biologique, de la présomption de paternité inhérente à l'institution du mariage, l'article 1er du texte, s'il est adopté, dénaturera l'essence même du mariage, qui n'en aura plus que le nom.
Le mariage est « le plus haut degré de protection juridique que peuvent se vouer librement deux personnes qui s'aiment », nous indique notre rapporteur. Or le mariage n'est pas un contrat qui consacre l'amour. Notre droit ne prend pas en compte les sentiments des individus, qui appartiennent à la sphère privée.
Mme Marie-Thérèse Bruguière. Je conclus, monsieur le président, mais j’observe que d’autres orateurs ont dépassé leur temps de parole d’une minute à une minute et demie… Par conséquent je ne me sens pas en infraction pour quelques secondes !
Protestations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.
Sourires sur les travées de l'UMP.
Applaudissements sur les travées de l'UMP.
Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, je voudrais reprendre le thème de la déclaration des droits de l’enfant qu’a évoqué brillamment, mais très rapidement, notre collègue Bruno Retailleau. Adoptée par l'assemblée générale de l'ONU le 20 novembre 1959, elle proclame notamment que l'intérêt supérieur de l'enfant doit être la considération déterminante de la construction de la famille.
Selon le principe n° 6 de cette déclaration, « l'enfant en bas âge ne doit pas, sauf circonstances exceptionnelles, être séparé de sa mère ». En d'autres termes, si l'on permet qu'un enfant ait deux pères, on contrevient au principe n° 6 de la déclaration des droits de l'enfant de novembre 1959.
Toujours sur le plan juridique, j'ajoute que la Cour européenne des droits de l'homme, dans son arrêt Fretté contre France – relatif au rejet d'une demande d'agrément préalable à l'adoption d'un enfant par une personne homosexuelle –, a estimé que les autorités nationales avaient légitimement et raisonnablement pu considérer que le droit d'adopter trouve sa limite dans l'intérêt de l'enfant, nonobstant les aspirations légitimes du requérant, sans que soient remis en cause ses choix et sans violation des articles 14 et 18 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, c'est-à-dire des dispositions relatives à la discrimination.
Ces éléments juridiques complètent les arguments qui vous sont fournis, mes chers collègues. La convention internationale des droits de l'enfant de 1989, notamment son article 3, nous conduit à poser la question suivante : ce projet de loi ne viole-t-il pas le droit international ?
Vous le savez, la Constitution assure la supériorité du droit international sur la loi ; cela a été rappelé tout à l’heure, lors des échanges avec Mme la garde des sceaux. Par conséquent, tout citoyen pourra attaquer cette loi au motif qu'elle ne respecte pas le droit international. La seule possibilité pour y échapper serait de modifier la Constitution, mais, pour cela, il faudrait naturellement un référendum.
De même, la connaissance des origines ressortit aux droits et à la dignité de la personne humaine. C’est pourquoi nous proposons que les enfants qui naîtront aient le droit, à l'âge de trente ans, de savoir d'où ils viennent, non seulement parce qu'ils auront besoin de se construire en tant qu'individus responsables, mais aussi, et surtout, en raison d’éventuels problèmes génétiques. Voilà qui touche au cœur de l'ensemble de nos discussions.
Ainsi, on peut regretter que vous ne répondiez pas aux questions que nous avons posées, en partant du principe que l'enfant est un sujet de droit, avec tout ce que cela implique.
Malheureusement, nous sentons que, avec ce texte, l'enfant peut devenir un objet de droit avant d'être un sujet de droit. Or il est une personne humaine. Il est protégé par le principe de dignité de la personne humaine, selon lequel un enfant doit pouvoir être élevé par son père et sa mère.
D'ailleurs, comme le relevait le psychanalyste Jean-Pierre Winter, votre projet crée « une mutation anthropologique majeure ». D’après lui, « on généralise l'exceptionnel, on coupe sciemment et légalement un enfant de ses origines ».
Par ailleurs, « l’enfant se pose en permanence des questions sans réponse, ce qui lui crée de graves difficultés lorsqu'il veut fonder sa propre famille ». Jean-Pierre Winter explique encore : « Tous les bricolages généalogiques sont sources de perturbation et l'enfant devra démêler une question difficile : celle d'être le produit du désir de deux personnes qui ne peuvent pas engendrer. Dans cette situation, comment arrivera-t-il à définir qui il est? ». Enfin, d’après lui, « l'homoparenté est un déni de la nature, un déni du réel qui inscrit l'enfant dans une illusion biographique ».
Pourquoi tant de questions, aux conséquences bioéthiques fondamentales, sont-elles ignorées ? Ces enjeux auraient nécessité un grand débat. C'est d'ailleurs ce que préconisait l'Académie des sciences morales et politiques dans son avis en date du 21 janvier 2013.
Par ailleurs, j'ai conscience que nos concitoyens sont préoccupés par d'autres problèmes, relatifs au chômage grandissant, à la crise qui touche leur pouvoir d'achat, à la fragilisation de notre modèle social, entre autres. Je considère donc que vous ne les écoutez pas.
Certes, il est difficile de revenir sur une telle réforme sociétale, car ses conséquences ne se feront pas sentir avant plusieurs décennies. Vous évoquez notre appréciation du PACS par rapport au moment où il a été voté. Certes, cette appréciation a changé, mais il s’agissait, me semble-t-il, d’un dispositif d’une nature différente, dans lequel il n’est pas question de filiation.
Dans l’histoire de l’humanité, des moments semblables à celui que nous connaissons aujourd'hui se sont déjà produits, et je pense, malgré tout, que nous reviendrons à des usages plus conformes à la nature des choses.
Il n'est pas question, ici, d'évaluer ce qui est bien ou mal, ce qui est moral ou ce qui ne l'est pas, ce qui est normal ou ce qui ne l'est pas. Il s'agit de prendre de la hauteur et de constater que, un jour ou l'autre, l'œuvre humaine est rattrapée par la nature.
Or malgré toute notre bonne volonté, malgré notre désir d’égalité – qui ne supprime pas les différences –, malgré la conscience mélancolique dans laquelle la réalité plonge certains, il est des privilèges et des responsabilités que nous ne pourrons pas abolir, parmi lesquels figure celui de donner la vie.
Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, nous sommes conduits à débattre d’un sujet de société dont l’incidence sur la vie de nos concitoyens est forte et durable.
Chacun d’entre nous a bien sûr le devoir de se prononcer selon sa conscience et son vécu. À cet égard, je veux le souligner, le groupe politique auquel j’appartiens permet à ses membres d’exprimer leur opinion et leurs convictions sur le sujet ; puisse son président, Jean-Claude Gaudin, en être remercié.
Comme pour chacun d’entre nous, mes chers collègues, c’est la pratique du terrain, la richesse des rencontres, la participation à des débats, mais aussi la souffrance qui nous est exprimée lors de certains échanges qui nous conduisent à faire nos choix. C’est mon expérience de parlementaire et d’élue de terrain qui a forgé, au plus profond de moi-même, ma conviction : il est temps, pour la République, de donner aux personnes homosexuelles la même reconnaissance, les mêmes droits et la même sécurité juridique qu’aux personnes hétérosexuelles.
Je comprends l’attachement au mot « mariage » de ceux de nos concitoyens qui sont opposés au projet de loi du Gouvernement. Toutefois, j’entends également la revendication légitime d’égalité des couples homosexuels, qui s’adresse à l’ensemble des institutions de la République.
Même si notre société a beaucoup évolué, pour nombre d’homosexuels, le chemin de l’adolescence, de la construction d’une vie d’adulte et de l’acceptation personnelle, familiale et sociétale demeure parsemé de difficultés profondes.
Par ailleurs, je suis profondément attachée à la famille et à son rôle structurant dans la société. Premier cercle de l’éducation, de la construction de l’individu et des solidarités, elle est un repère fondateur. Permettre à des personnes homosexuelles de s’unir, de se marier, de fonder une famille, c’est promouvoir et consolider la structure familiale dans une société qui prône trop l’individualisme et le chacun pour soi.
Avec le mariage homosexuel, mes chers collègues, se pose bien sûr la question de l’enfant, qui est d’ailleurs au centre de nos débats. Or l’intérêt supérieur de celui-ci, c’est d’être aimé, choyé, éduqué par ses parents.
L’homoparentalité ne prive pas les enfants des richesses de l’altérité dans l’éducation.
Nous savons tous que la famille présente désormais des formes diverses, homoparentales, mais aussi monoparentales et recomposées.
Défendre l’intérêt de l’enfant, c’est aussi se préoccuper de la précarité des milliers d’enfants élevés aujourd'hui par des couples homoparentaux, au sein desquels un seul parent est reconnu par la loi. Nous le savons tous, cette situation place ces enfants dans une position d’insécurité juridique.
Ne nous y trompons pas, mes chers collègues, le droit à l’adoption n’offre pas un droit automatique à l’enfant : il ouvre le droit de se soumettre aux procédures et contrôles légaux en vigueur.
Ceux qui ont la chance d’être parents savent quelle est l’importance des enfants et apprécient le sens qu’ils donnent à nos vies. Or, aujourd'hui, accepter son homosexualité, c’est renoncer au mariage et à la parentalité. C’est s’amputer de l’un des plus beaux objectifs de l’existence : fonder une famille, aimer et élever des enfants.
L’homosexualité est non pas un choix, mais une réalité qui s’impose à ceux qui aiment une personne de même sexe. Je ne me sens pas prête, en tant que parlementaire, à accepter que toute l’existence d’une personne puisse être conditionnée par la préférence sexuelle qu’elle se découvre à l’adolescence.
Je ne me sens pas prête, en tant que parent, à interdire ce bonheur à ceux dont les orientations sexuelles ne seraient pas les miennes. Nous sommes tous, évidemment, des êtres en quête de bonheur. Notre rôle de parlementaires n’est pas d’inventer ce dernier, mais de le rendre accessible. L’homosexualité n’est ni un danger ni une chance pour notre société. Elle en fait tout simplement partie. Je souhaite prendre en compte cette réalité, plutôt que la contester.
Pour l’ensemble de ces raisons, par attachement à la notion d’égalité, pour laquelle je me suis toujours battue, et après avoir réfléchi et m’être questionnée sur mes valeurs et le sens de mon engagement, j’ai décidé, en mon âme et conscience, de voter en faveur du mariage pour tous.
Je voterai donc l’article 1er de ce texte, come l’ensemble de ce projet de loi.
Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, je voulais redire, après Jean-Pierre Raffarin tout à l’heure, que les propos tenus tout à l’heure, à notre endroit, par notre collègue Laurent étaient tout à fait déplacés, notamment en ce qu’ils laissaient entendre que nous serions homophobes.
Jean-Pierre Raffarin a été très clair, et je regrette qu’il n’ait pas été présent lors de notre débat sur l’union civile de cet après-midi, car il aurait pu constater que les propos en question n’étaient justifiés ni par notre volonté, ni par notre attitude, ni par nos convictions.
Notre premier objectif était de dire que l’on pouvait parfaitement faire ce choix de vie, qu’un couple homosexuel avait naturellement vocation à obtenir les mêmes droits, dans toutes leurs acceptions, et que l’union civile était de nature à répondre à cette demande.
Cependant, la majorité sénatoriale en a décidé autrement, préférant maintenir la position qui est la sienne en faveur du mariage pour tous, qui entraîne nécessairement la filiation.
Or si vous êtes publiquement réservés sur une partie de ce sujet – je pense en particulier à la procréation médicalement assistée, voire à la gestation pour autrui –, il n’en demeure pas moins que, en ce qui concerne l’adoption, les choses sont engagées.
Je ne reviendrai pas sur les conditions de cette adoption, abordées par le doyen Gélard, sur les difficultés rencontrées, voire sur l’impossibilité dans laquelle se trouveront les couples de voir aboutir leur désir d’enfant.
Ce que je crains surtout, c’est que nous ne soyons confrontés très rapidement, au détour du texte sur la famille que vous nous promettez prochainement, aux questions de la procréation médicalement assistée, puis de la gestation pour autrui, qui seront inévitablement évoquées, dans un souci d’égalité. Or, sur ce point, nous ne pouvons évidemment pas vous suivre, …
… la gestation pour autrui supposant le commerce d’un être humain, d’une femme.
Car c’est bien de cela qu’il s’agit, que les choses soient claires ! On peut s’offrir un enfant pour 80 000 euros aux États-Unis et, sans doute, pour environ 15 000 euros en Europe centrale. Un tel dispositif est d’ailleurs contraire à la législation française, le corps humain ne pouvant faire l’objet d’un commerce.
Vous n’abordez pas ces questions aujourd’hui parce qu’elles ne sont pas mûres sur le plan politique, mais vous y viendrez la prochaine fois. En réalité, avec ce texte, vous avancez masqués. Nous savons tous, car nul n’est dupe ici, que c’est la prochaine étape.
C'est la raison pour laquelle je voterai contre ce texte !
Applaudissements sur les travées de l'UMP. – Mme Françoise Férat applaudit également.
Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, j’ai parfois le sentiment, en écoutant nos échanges, que la définition même du mariage est en question et que certains d’entre nous ne l’ont plus réellement à l’esprit. On peut d'ailleurs formuler la même observation bien au-delà de cet hémicycle.
Les instituts de sondage demandent souvent à nos concitoyens de se prononcer sur deux questions, la première portant sur le mariage des personnes de même sexe, la seconde sur l’adoption par des personnes de même sexe vivant en couple. Il est très intéressant de constater que la réponse n’est pas la même aux deux questions, et l’on peut se demander pourquoi il en est ainsi.
En effet, il est écrit noir sur blanc à l’article 345-1 du code civil que, quand la filiation d’un enfant n’est établie qu’à l’égard d’une personne, le conjoint de celle-ci peut l’adopter. Quand on est marié, on peut donc adopter l’enfant de son conjoint. L’article 346 du même code prévoit en outre que nul ne peut être adopté par deux personnes, si ce n’est par deux époux.
Par conséquent, sans même rien modifier – nous verrons tout à l'heure que vous touchez cependant à ces règles –, le système dans lequel nous entrons rend l’adoption automatique. Les Français doivent en être bien conscients, car j’ai le sentiment, malgré le débat qui s’est développé au cours des derniers mois, qu’ils imaginent encore qu’un mariage est possible sans qu’en découle mécaniquement la possibilité de l’adoption par le conjoint ou de l’adoption conjointe par les époux.
Le problème est grave. Je crains fort qu’il n’y ait un très grave malentendu, non pas à l’égard de nos compatriotes qui se sont opposés au projet de loi, mais envers ceux qui disent le soutenir tout en refusant l’adoption.
Pour ma part, je crois que ces Français ont raison. En effet, l’adoption consiste tout de même à présenter à un enfant, à égalité de droits et de devoirs avec sa mère ou avec son père, un adulte de même sexe que le père ou la mère en considérant que, sans être père ni mère, il pourra être parent. C’est une parenté d’intention ; elle repose sur une construction du cœur et de l’esprit respectable, mais elle est essentiellement une fiction.
Je suis, pour ma part, inquiet de cette fiction, en particulier en ce qui concerne l’assistance médicale à la procréation, même si celle-ci est interdite par la loi française.
Pour rebondir sur ce que disait à l’instant excellemment notre collègue Buffet, il est certes interdit de recourir à l’assistance médicale à la procréation à Caen, à Rennes et à Nantes, mais tel n’est pas le cas à Barcelone, à Londres ou à Bruxelles. Or l’enfant ainsi conçu, avec le mariage des personnes de même sexe, sera adoptable par le conjoint.
Tout est donc fait, sans même modifier la loi française sur l’assistance médicale à la procréation, pour créer des enfants sans père. Eh bien, c’est une perspective à laquelle, personnellement, je me refuse ! Tous les Français qui ont eu le malheur de grandir orphelins de père partagent ce sentiment profond, car on peut avoir bénéficié des meilleures qualités éducatives de la part de sa mère, du conjoint de sa mère, de sa grand-mère et de toute sa famille, mais rien ne remplace un père qui n’est pas là !
M. Philippe Bas. Or tel est bien le chemin que vous prenez non seulement en permettant de créer des enfants sans père, mais en faisant en sorte, par une forme d’imposture, que le conjoint de la mère puisse devenir le deuxième parent de l’enfant. C’est un artifice, et il est grave !
Applaudissements sur les travées de l'UMP. – M. Jean Boyer applaudit également.
Chers collègues, je voudrais d’abord affirmer qu’il me semble tout à fait normal qu’un couple homosexuel bénéficie d’un statut renforcé et protecteur de ses droits légitimes.
La question des différents cadres juridiques existants, comme le concubinage, le PACS, que j’avais d’ailleurs voté en son temps, mérite à ce titre d’être posée. Le droit doit être appréhendé, dans notre conception, non pas comme un corpus de règles figées, mais plutôt comme un vecteur d’accompagnement des évolutions de notre société, dans le domaine conjugal comme dans d’autres.
C’est tout le sens d’un certain nombre d’amendements que mes collègues du groupe UDI-UC et moi-même avons déposés. Je pense notamment à l’amendement relatif à la création d’une institution distincte du mariage et du PACS, l’union civile, qui fonctionne bien dans plusieurs pays voisins, comme j’ai pu le constater, mais qui n’a malheureusement pas recueilli l’assentiment de notre assemblée.
L’union civile répondrait pourtant aux attentes de tous, en offrant aux couples à la fois un cadre juridique, avec l’application d’un statut patrimonial protecteur et le recours au juge en cas de rupture, et une célébration solennelle en mairie, soit une reconnaissance sociale semblable dans la forme au mariage, comme l’a rappelé le président de notre groupe, François Zocchetto.
La mise en place d’un tel cadre juridique, qui nous semble aussi pertinente que nécessaire, apporterait également une réponse sans ambiguïté aux questions de filiation, d’adoption plénière, ainsi que de PMA et de GPA, qui suscitent les préoccupations que l’on sait chez nombre de nos concitoyens.
Ce n’est pas la problématique de la conjugalité qui ébranle nos convictions, c’est bien celle de la filiation. En effet, alors que le principe d’union homosexuelle pourrait rassembler très largement nos concitoyens comme nous-mêmes, force est de constater que le principe de l’homoparentalité, tel qu’il est formulé dans ce texte, nous divise.
L’ouverture du mariage aux couples homosexuels emporte de fait la possibilité pour ces couples d’adopter un enfant. Sans remettre en cause la capacité de quiconque à adopter, éduquer, aimer un enfant, j’émets toutefois des réserves fortes sur ce qui me semble être une transformation profonde de la parentalité et de la filiation.
Notre espèce humaine se reproduit, dure et existe par l’union d’un homme et d’une femme. Ainsi, inscrire dans le même cadre juridique l’union homosexuelle et l’union hétérosexuelle mettrait en cause la notion d’altérité sexuelle nécessaire à la transmission de la vie.
La théorie du genre, finalement, n’est pas très loin, et c’est peut-être là que réside le véritable clivage, qu’on l’assume ou non. Les conversations sur ce sujet l’attestent. Cependant, si on veut défendre la théorie du genre, il faut le dire clairement.
J’ai évoqué, au début de mon intervention, l’adoption du PACS, que j’avais défendu à l’époque. Je ne reviendrai pas sur les propos de Mme Guigou, qui affirmait alors, certainement avec une totale sincérité, que le PACS n’était pas le mariage. Nous avions déjà ce débat entre ceux qui pensaient, comme moi, que le PACS était une solution dans le contexte de l’époque et ceux qui soulignaient que d’autres étapes viendraient inévitablement.
Nous en sommes aujourd'hui à l’étape suivante. Nous voyons bien qu’il y en aura d’autres et que nous serons confrontés aux éléments de clivage qui ont été rappelés par l’ensemble des collègues. Au fond, je le répète, la théorie du genre n’est pas très loin.
Ce projet de loi – et j’en termine, monsieur le président – bouleverse les repères de la filiation, pourtant essentiels à la compréhension par l’enfant de son identité. La différence sexuelle reste fondamentale dans la construction de la filiation, beaucoup d’entre nous l’ont dit. L’adoption elle-même garde d’ailleurs une structure asymétrique, avec deux parents possibles, non identiques, père et mère.
En conséquence, adopter en l’état l’article 1er du projet de loi, mes chers collègues, conduirait à modifier pas à pas les principes fondamentaux de notre société, en gommant progressivement, et en le disant sans le dire, la différence biologique entre les sexes, ce qui n’est pas anodin.
Vous l’avez compris, je voterai contre cet article, tout en souhaitant qu’un prochain texte puisse se faire l’écho de nos propositions visant à renforcer le cadre actuel de l’union des couples de personnes de même sexe.
Applaudissements sur les travées de l'UDI-UC et de l'UMP.
Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, le mariage doit rester l’union entre un homme et une femme. Je le répète devant Jean Étienne Marie Portalis, dont la statue nous surplombe. Celui-ci entend les fondements mêmes du code civil être remis en cause, lui qui définissait le mariage comme « la société de l’homme et de la femme qui s’unissent pour perpétuer leur espèce, pour s’aider par des secours mutuels […] et pour partager leur commune destinée ».
Certes, monsieur le président de la commission, il reste de marbre quand il vous entend remettre en cause les fondements mêmes de notre code civil !
Je suis contre ce texte, comme la plupart des collègues qui siègent dans mon groupe.
Je respecte évidemment, comme nous tous, les choix de vie de chacun et je suis prêt à admettre que certains droits acquis aux personnes hétérosexuelles doivent être reconnus ou renforcés par la loi au profit des personnes homosexuelles.
En revanche, je suis fondamentalement opposé à ce projet de loi, qui marque une profonde hypocrisie, parce que vous n’assumez absolument pas les conséquences entraînées par la remise en cause du code civil, notamment en ce qui concerne la filiation.
Je me souviens également des débats sur le projet de loi instituant le PACS à l’Assemblée nationale, dont le rapporteur n’était autre que notre collègue Jean-Pierre Michel. Que nous disait, en substance, la ministre de la justice ? « Le PACS n’est pas le mariage, il n’ouvre pas droit à l’adoption. Acceptez-le, car c’est le droit que revendiquent les personnes homosexuelles, et nous n’irons pas au-delà » !
J’ajoute d’ailleurs que, au terme de la discussion, qui avait pris quelques mois, nous avions entendu des voix s’élever en disant : « C’est un premier pas, nous en reparlerons » ! Il a fallu attendre effectivement quelques années, mais nous voyons aujourd'hui les mêmes personnes revendiquer ce qui était refusé par principe par le représentant du Gouvernement à l’époque.
Vous êtes hypocrites, chers collègues de la majorité, parce que vous n’assumez pas que, derrière ce texte, se cachent d’autres projets, d’ailleurs assez spontanément revendiqués par certains orateurs.
Après avoir reconnu que l’adoption serait difficile pour le plus grand nombre – aujourd’hui, on le sait, peu d’enfants sont adoptables –, on nous annonce déjà la procréation médicalement assistée, la PMA, et la gestation pour autrui, la GPA.
En ce qui concerne la gestation pour autrui, redisons-le, nous assistons à une marchandisation. Aujourd’hui, elle existe, les voies sont connues, mais elles sont réservées à des personnes qui ont des moyens, qui peuvent traverser l’Atlantique ou l’Oural pour obtenir ce que l’on ne peut pas aujourd’hui obtenir en France. Néanmoins, vous dites vous-même que nous serons conduits, demain, à accepter l’introduction dans notre législation du droit, pour certaines personnes, de faire faire un enfant par d’autres mères situées loin de chez nous.
Enfin, ce projet de loi vient ouvrir des plaies profondes au sein de notre société. Le Gouvernement et la majorité actuelle refusent d’entendre un certain nombre de personnes afficher leurs convictions. Ils n’acceptent pas d’en discuter et préfèrent donner satisfaction à des minorités influentes dans lesquelles ne se reconnaissent pas forcément les personnes homosexuelles ; en effet, nous connaissons tous dans nos départements des personnes homosexuelles qui ne revendiquaient pas cette réforme et souhaitaient surtout que l’on s’en tienne à la loi existante, avec quelques aménagements.
Aujourd’hui, chers collègues de la majorité, vous avancez masqués vers l’instauration du droit à l’enfant pour tous, ce que nous dénonçons, car c’est un contresens par rapport à l’idée que nous nous faisons de la famille !
Au terme de ce débat, nous aurons l’occasion de fournir à l’opinion un florilège des mots utilisés dans ce débat. Parmi les plus provocants figurent ces propos d’un sénateur de gauche : « Il y a un phantasme, celui du père, de la mère et de l’enfant ». Non, le père, la mère et l’enfant ne sont pas des phantasmes, ils constituent les piliers de notre société !
Applaudissements sur les travées de l’UMP et de l’UDI-UC.
Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, des foules immenses se sont déplacées de toute la France, le 13 janvier et le 24 mars 2013, pour manifester à Paris contre ce projet de loi. Le Gouvernement a cru bon de ne pas en tenir compte, de balayer d’un revers de main méprisant les inquiétudes, le malaise de ces familles, de ces jeunes, de tous ceux qui se sont exprimés.
Il aurait pourtant dû écouter l’angoisse et mesurer la détermination de ces femmes et de ces hommes venus manifester : angoisse devant ce qui est non pas une évolution, mais une révolution, dont ils ne comprennent pas – ou comprennent trop bien ! – le sens ; détermination à se faire entendre et à empêcher la réalisation du plus ahurissant des projets que notre République ait jamais porté en son sein.
Et tout cela au nom de l’égalité ! Quel cheval de Troie, quel détournement de cette valeur essentielle de notre République.
Oui, le genre humain est divisé non pas entre hétérosexuels et homosexuels, mais entre femmes et hommes. Aucune société, même celles de Grèce ou de Rome, dans lesquelles l’homosexualité était relativement courante et acceptée, aucune société, jusqu’à la fin du XIXe siècle, n’a autorisé le mariage homosexuel.
Si nous abandonnons la définition actuelle du mariage, selon laquelle il s’agit de l’union d’un homme et d’une femme, nous courons le risque, à terme, de ne plus définir du tout ce qu’est le mariage. N’en doutons pas, tout ce qui contribue à affaiblir l’institution du mariage nous entraînera inévitablement vers une fragilisation de notre société. En effet, le mariage n’est pas seulement l’expression d’un choix libre entre deux personnes. Dans ses conséquences pratiques, il concerne bien évidemment la société tout entière et son avenir. Oui, je veux parler des enfants, notre bien le plus précieux et le plus cher !
Mme la garde des sceaux, ministre de la justice, l’a dit à l’envi, et fort justement : ce projet de loi ne modifie en rien l’article 343 du code civil, donc le mariage continue à emporter l’adoption, sous certaines conditions peu restrictives – être marié depuis plus de deux ans et avoir plus de vingt-huit ans.
Or, nous le voyons bien, ce projet de loi introduit une dérive très claire du droit de l’enfant vers le droit à l’enfant. Disons-le clairement : le droit à l’enfant reste très subsidiaire par rapport au droit de l’enfant. Examinons ensemble ce qui se passera demain, si ce projet de loi est adopté.
Actuellement, l’adoption plénière est très difficile à réaliser, car le nombre d’enfants adoptables est très faible en France – en effet, ils ne sont considérés comme tels que si la famille biologique ne s’intéresse plus à eux, et la jurisprudence veut que l’envoi d’une seule carte postale par an prouve que la famille biologique entretient toujours des liens avec son enfant. L’adoption « en interne », si je puis m’exprimer ainsi, est donc pratiquement fermée.
La famille se tournera donc vers l’adoption internationale. Ainsi que l’a dit fort justement, Mme Bertinotti, ministre de la famille, les pays d’origine traditionnels des enfants adoptables encouragent de plus en plus l’adoption nationale, tournant donc le dos à l’adoption internationale. De plus, ce qui est particulièrement cruel pour l’actuel gouvernement, ces pays sont de plus en plus réticents, pour ne pas dire hostiles, aux adoptions par des couples homosexuels : ils ont gardé les pieds sur terre, eux !
En résumé, si les futurs mariés homosexuels de demain veulent exercer leur prétendu droit à l’enfant, ils n’auront pas accès à l’adoption nationale ni internationale.
Il leur restera donc trois solutions, sans plus : soit l’adoption par le conjoint, homme ou femme, de l’enfant de l’autre conjoint ; soit la procréation médicalement assistée pour les couples de femmes ; soit, enfin, la gestation pour autrui pour les couples d’hommes ou les couples de femmes qui n’ont pas la possibilité d’avoir des enfants. La vérité nue, sans faux-semblant, est celle que je viens de décrire.
Je note que M. le Président de la République n’a jamais promis, dans son programme de gouvernement, ni la PMA ni la GPA.
Toutefois, si l’on veut bien y réfléchir, on y vient tout naturellement, comme l’ont dit avant moi certains de mes collègues.
M. Jospin a bien promis, en 1998, à l’occasion du débat sur le PACS, que celui-ci n’ouvrirait pas la porte vers le mariage homosexuel, disant que « le mariage est, dans son principe et comme institution, l’union d’un homme et d’une femme ».
Mme Guigou a bien pu dire, toujours à l’occasion de la discussion du projet de loi relatif au PACS : « Pourquoi l’adoption par un couple d’homosexuels serait-elle une mauvaise solution ? Parce que le droit, lorsqu’il crée des filiations artificielles […], ne peut ni ignorer ni abolir la différence entre les sexes ».
Pour l’enfant adopté, il y a un arrachement à ses origines, à son histoire, qui est très difficile à surmonter. La quête des origines est prégnante, alors même que, le plus souvent, ces recherches ne peuvent aboutir.
M. Bruno Sido. Je conclus en soulignant que je ne voterai pas cet article 1er !
Très bien ! et applaudissements sur les travées de l’UMP et de l’UDI-UC.
M. Yann Gaillard . Pour ma part, je m’étonne de la timidité de cet article 1er. Je comprends, à la rigueur, qu’on interdise le mariage entre frères et sœurs, mais je ne vois vraiment pas pourquoi, puisqu’il est question d’une libération de cette institution, on se préoccupe encore des relations de l’oncle et de son neveu, de la tante et de sa nièce ! Cet article me paraît donc ridiculement timide.
Sourires sur les travées de l'UMP.
Applaudissements sur les travées de l’UMP.
Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, après le refus, par la majorité sénatoriale, du contrat d’union civile, qui aurait pourtant pu réduire la fracture que nous sentons, jour après jour, s’élargir dans la société française, le vote de l’article 1er est bien le cœur de ce projet de loi.
Nous sommes pour la liberté et contre toute discrimination – il me semble nécessaire de le rappeler après avoir entendu certains propos en fin d’après-midi. Nous défendons la liberté pour chacun de vivre comme il l’entend. Nous voulons cependant réaffirmer pourquoi nous ne sommes pas favorables à ce projet de loi.
Le mariage, c’est la destinée de la famille, au travers de l’enfant. Nous sommes bien ici au cœur du sujet.
Ce projet de loi engendrera de profonds changements sociétaux s’il est adopté, parce qu’il va révolutionner la famille et la filiation. Le terme « révolution » est bien celui qui convient.
Au fond, nos références les plus essentielles sont bouleversées. C’est pourquoi, avec Bruno Retailleau, nous avons souhaité que l’ensemble des Français soient consultés face à un tel bouleversement.
Approuver ce texte tel quel ne reviendrait pas simplement à accorder aux couples de personnes de même sexe un droit au mariage, au nom de l’égalité devant les lois de la République. Cela aboutirait nécessairement, logiquement, juridiquement, au nom même de cette égalité, à accorder un droit à tous les attributs de la parentalité, notamment un droit à la transmission du nom, du patrimoine et, surtout, à la reconnaissance du lien de filiation et de l’exercice de l’autorité parentale.
Cette tendance simplificatrice reviendrait, ni plus ni moins, à renier le code civil, sur lequel repose l’organisation de notre société tout entière. Peu importe ce que nous pensons du code civil et du code de la famille en leur état actuel, ceux-ci devraient être profondément modifiés si ce projet de loi était adopté.
La question du mariage est intrinsèquement et originellement liée à la question de la filiation. Sur les bancs des ministres, dans cet hémicycle ou à l’Assemblée nationale, lors des questions d’actualité ou en commission, beaucoup ont appelé à la fin des postures hypocrites ; très bien !
Dans ce cas, reconnaissons d’abord que, de l’institution du mariage, résulte l’établissement de la présomption de paternité. Reconnaissons que, avec ce projet de loi, nous aboutirons, qu’on le veuille ou non, à l’ouverture de l’adoption plénière aux couples mariés de même sexe.
Soyons logiques et allons jusqu’au bout de cet égalitarisme à tous crins. Ouvrir le mariage aux personnes de même sexe revient à leur ouvrir le droit de filiation.
Cette filiation « artificielle » sera indispensable, en même temps, puisque ni un couple d’hommes ni un couple de femmes ne peuvent procréer par eux-mêmes. Ces personnes, une fois mariées, n’auront pas les mêmes droits que les hétérosexuels mariés, puisqu’elles seront privées d’enfant, et la réalité fera que l’adoption ne pourra pas, à elle seule, répondre à l’ensemble des demandes.
Je veux insister sur un point : à l’esprit du don, qui sied à notre éthique – don d’organe, gratuit ; don du sang, gratuit ! –, succédera un marché de la procréation, qui bouleversera profondément notre éthique ! §Cela, nous ne pouvons pas le faire par petites étapes successives de non-dits additionnés. Ce point me semble essentiel.
Samedi dernier – si vous en doutez, chers collègues, vous le vérifierez –, j’ai marié un jeune couple et, en relisant les articles 212, 213 et suivants du code civil, je me suis demandé quel sens pouvait avoir cet engagement.
Ce couple présentait une particularité : il était composé d’un jeune garçon d’origine cambodgienne, dont la famille était rescapée des drames du Cambodge, et d’une jeune fille d’origine bien bretonne, puisqu’elle le revendiquait – de Bénodet, très exactement. Ce jeune couple avait inscrit ce proverbe cambodgien en exergue de son faire-part de mariage : « Un enfant sans père, c’est comme une maison sans toit. Un enfant sans mère, c’est comme une maison sans âtre. »
Exclamations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.
C’est bien ce à quoi nous devons réfléchir, avant de voter cet article 1er. Pour ma part, je le rejetterai avec conviction !
Bravo ! et applaudissements sur les travées de l’UMP et de l’UDI-UC.
Monsieur le président, madame la garde des sceaux, mes chers collègues, certains propos ne peuvent rester sans réponse.
Mme Françoise Héritier a déclaré, lors des auditions de la commission des lois : « Rien de ce qui nous paraît marqué du sceau de l’évidence n’est naturel : tout procède de créations de l’esprit […]. »
Tout à l’heure, M. Dominique de Legge a répondu – je ne pense pas déformer ses propos, qui figurent d'ailleurs au compte rendu de la séance –, « quand on nie le naturel pour privilégier les constructions de l’esprit, on ouvre la porte à toutes les dictatures. » Cette phrase est terrible, parce qu’elle exprime la négation de nos traditions humanistes, et même spiritualistes. §
Il faut tenir compte de la nature. Elle est parfois dure avec les constructions de l’esprit, elle se venge. Il faut chercher l’harmonie avec la nature. Toutefois, quand l’esprit abdique, c’est la porte ouverte à toutes les dictatures.
C’est la raison pour laquelle je tenais à relever ce cheminement intellectuel.
Je veux également rapporter les propos de Mme Cayeux, qui est intervenue sur l’article 1er. « Quand rien n’arrête plus le désir, […] les dégâts commencent. La loi du désir tout-puissant conduit à insulter la nature. »
Marques d’ironie sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.
Vous avez, madame, tout à fait le droit d’avoir une telle conception du désir, mais vous vous êtes exprimée à propos de ce texte, ce qui, pour moi, n’est pas anodin. En effet, ce que vous avez voulu dire, c’est que certaines formes de plaisir sont un bienfait et que d’autres, celles qui émanent d’homosexuels, deviennent des malédictions ! §Madame Cayeux, c’est ce que vous avez dit !
M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois. C’est exactement ce qui a été dit.
M. Charles Revet s’exclame.
Lorsque l’on nous parle de la polygamie, dont tout le monde voit bien qu’elle n’est pas l’objet du projet de loi, lorsque l’on nous redit, pour la cent cinquantième fois au moins, que nous avançons masqués et que ce texte dissimule la PMA et la GPA, …
… où veut-on en venir ? Mes chers collègues, nous sommes nombreux ici – quelques-uns, en tout cas, dont je suis – qui ignorons totalement, dans l’hypothèse où viendrait en discussion un texte sur la PMA et la GPA, ce que nous voterions.
Pour ma part, je ne sais pas ce que je voterais.
Aujourd’hui, nous débattons d’un texte qui a un objet. Et il n’est pas correct, sur le plan intellectuel, de nous ressasser qu’il serait invalidé en raison d’un objet qui n’est pas le sien et par rapport auquel on fait constamment des procès d’intention à ceux qui voteraient ce texte !
On a le droit d’être pour ce texte et de n’être favorable ni à la PMA ni à la GPA, dont nous discuterons le cas échéant.
Ensuite, monsieur Raffarin, je tiens à revenir sur cette question du langage. Vous nous dites que le français est la langue de la République en vertu de la Constitution, et nous sommes ici bien d’accord. Il existe une Académie française, qui prévoit que tel mot, par exemple « mariage », a un sens et n’en changera pas.
Néanmoins, je le répète, toutes les institutions scientifiques humaines et sociales montrent le contraire, bien entendu, y compris l’Académie française elle-même. En effet, si le mot n’avait qu’un sens et que ce sens était immuable, ce serait contraire à l’histoire des langues et à l’histoire tout court. Vous savez, monsieur le Premier ministre, que le dernier dictionnaire de l’Académie française à être paru est le neuvième du genre. La première édition date de 1694. Si l’Académie française a publié neuf dictionnaires, c’est que le sens de nombreux mots a changé.
Les mots sont des êtres vivants, et ce n’est pas la peine de faire comme si tous les mots gardaient toujours le même sens, puisque c’est rigoureusement faux, tout le monde le sait d’ailleurs.
Enfin, je termine en rappelant que nous sommes très attachés à l’esprit du don, monsieur Larcher. C’est quelque chose qui est beau, qui est fort. Nous y tenons, comme nous sommes sensibles aux mots « reconnaissance » et « respect ». Et c’est avec respect que nous voterons cet article 1er, notamment à l’égard de toutes les personnes qui ont été si longtemps vilipendées, qui ont vécu dans la honte, qui veulent être reconnues et qui, ainsi, le seront !
Applaudissements sur les travées du groupe socialiste, du groupe CRC et du groupe écologiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.
Étant très attentive et respectueuse des autres, je me réjouis d’entendre que personne, sur aucune travée, n’est homophobe. Je m’en félicite !
Néanmoins, après vous avoir écoutés avec beaucoup d’attention les uns et les autres, je voudrais vous poser un certain nombre de questions, notamment pour savoir le lien que vous établissez entre les homosexuels et, par exemple, le droit à l’enfant. À supposer qu’il existe, ce dernier s’adresse indifféremment aux hétérosexuels comme aux homosexuels.
Protestations sur les travées de l'UMP.
Mesdames, messieurs les sénateurs de l’opposition, je vous ai écoutés avec beaucoup d’attention. Je vous demande donc de me rendre la pareille !
Vous donnez, monsieur Sido, une très belle définition de l’adoption par les couples hétérosexuels quand vous dites que c’est « donner une famille à un enfant ».
Néanmoins, pensez-vous vraiment que la seule motivation de l’ensemble des couples hétérosexuels lancés dans des démarches d’adoption soit de donner une famille à un enfant ? Eh bien, je vous réponds que tel n’est pas le cas ! Sans porter ici de jugement, la réalité est qu’il existe un désir d’enfant qui peut se satisfaire de façon « naturelle », comme vous le dites si bien, mais qui, lorsqu’il ne peut pas être satisfait de façon « naturelle », cherche à s’exprimer dans l’adoption. Cela n’a donc rien à voir avec notre débat.
Je dirai la même chose pour les couples hétérosexuels qui ont recours à l’assistance médicale à la procréation. N’est-ce pas, là aussi, une forme du droit à l’enfant ou du désir d’enfant qui n’a rien à voir avec l’homosexualité et qui peut s’appliquer indifféremment aux homosexuels comme aux hétérosexuels ?
J’ai également entendu dire que, pour les enfants adoptés par des couples homosexuels, il y aurait une perte des origines. Toutefois, pendant combien de décennies les couples hétérosexuels ont-ils caché à l’enfant qu’ils avaient adopté d’où il venait ? À l’époque, je n’ai pas entendu de voix, ou bien peu, s’élever contre la perte des origines !
Enfin, pensez-vous que les homosexuels seraient assez sots pour laisser croire aux enfants qu’ils élèvent et éduquent qu’ils sont nés de deux pères ou de deux mères ?
Pour ma part, je ne leur ferai pas cette insulte !
J’ai entendu l’opposition parler d’« enfants adoptables », de « la fiction d’une filiation », de « l’enfant qu’on peut s’offrir » ou du « marché de la procréation. » Toutefois, pensez-vous que l’adoption, telle qu’elle est pratiquée aujourd’hui à l'échelle internationale, n’est pas, elle aussi, une forme de marché ?
Exclamations sur les travées de l'UMP.
Croyez-vous que l’adoption soit actuellement un processus gratuit ? Certes, on peut très bien combattre tout le processus d’adoption qui implique de l’argent, mais pourquoi aller stigmatiser les homosexuels ? Pourquoi les rendre responsables d’une brusque marchandisation ? Pourquoi les stigmatiser avec cette expression si affreuse selon laquelle « on peut s’offrir un enfant » ?
Je suis assez étonnée que vous n’appliquiez ce vocabulaire qu’aux homosexuels, sans pousser votre réflexion jusqu’au bout et l’étendre aux couples hétérosexuels.
Vous nous faites aussi brosser un tableau qui camperait, d’un côté, les « rétrogrades », et, de l’autre, les « progressistes ». Nous n’avons pas employé de tels mots, pas plus Christiane Taubira que moi-même.
Il n’en demeure pas moins indispensable de le reconnaître, ce sont bien deux visions de la famille qui s’opposent.
Mme Dominique Bertinotti, ministre déléguée. Les uns défendent l’idée d’une famille idéale, composée d’un père, d’une mère et de deux enfants. Pour eux, elle est éternelle et doit constituer le seul modèle.
Protestations sur les travées de l'UMP.
Laissez-moi m’exprimer, mesdames, messieurs les sénateurs de l’opposition !
La parole est à Mme la ministre déléguée et à elle seule, mes chers collègues.
Mme Dominique Bertinotti, ministre déléguée. Cette famille idéale a-t-elle existé une seule fois dans l’histoire ? Et même si elle existe, que cela plaise ou non à vous ou à moi, aujourd'hui, les formes de la famille dans la société sont diverses.
Exclamations sur les travées de l'UMP.
De toute façon, il ne s’agit pas de porter un jugement décrétant que tel type de famille serait positif et que tel autre ne serait pas défendable. Ce n’est pas ce que demandent nos concitoyens. C’est là que vous faites erreur !
Ce que demandent l’ensemble de nos concitoyens, c’est que soit reconnue, à droits et à devoirs égaux, la diversité de ces modèles de familles, que vous pouvez, en effet, opposer à une famille idéale. Pour ma part, j’ai envie de vous opposer la diversité des familles réelles qui existent aujourd'hui.
Sourires sur les travées de l'UMP.
Il ne s’agit pas de la destruction de la famille, au contraire ! Je veux répondre à M. Raffarin. Celui-ci a affirmé que le Gouvernement allait autoriser toutes les libertés. Ce grand libéral nous a annoncé la loi du marché.
Je ne suis pas un « grand libéral ». Je suis un libéral tempéré ! Et vous y viendrez !
Je vous donne acte du « libéral tempéré ».
Contrairement à ce que vous pensez, la demande de mariage est très normative. Elle exprime la volonté d’entrer dans un cadre qui est, effectivement – vous avez raison et nous vous rejoignons sur ce point – très traditionnel. Ceux qui demandent le mariage réclament, non la liberté débridée, mais, au contraire, une protection et une sécurisation juridiques.
Non, cela ne nous ennuie pas ! Ce que nous proposons, c’est de prendre en considération la réalité de la demande de nos concitoyens homosexuels, qui souhaitent bénéficier de la même protection et de la même sécurité juridique que n’importe quelle autre famille.
Le marché commence ainsi, par une demande, qui est suivie d’une offre !
J’ai entendu réclamer une grande loi sur la famille. Ce texte, qui ne relèverait pas de la logique du tout ou rien, aurait pour objet de reconnaître la diversité des modèles familiaux. Vous avez évoqué des questions de fond, qui sont très justes : le statut du beau-parent, la réforme de l’adoption, la levée de l’anonymat, par exemple. Cependant, pour pouvoir élaborer un tel texte, encore faudrait-il que toutes les familles soient sur un pied d’égalité.
Or, aujourd'hui, s’il est des familles qui ne sont pas sur un pied d’égalité avec les autres, qui n’ont les mêmes droits et les mêmes devoirs, ce sont bien les familles homoparentales. Elles existent déjà. Et il y a déjà des enfants – nombreux ! – qui vivent en leur sein. La loi sur la famille viendra dans un second temps, une fois que l’égalité sera réalisée.
S'agissant de la gestation pour autrui, je ne vois pas comment il faut le dire ! Le Président de la République n’a cessé de répéter sa ferme détermination et son hostilité à la légalisation de la gestation pour autrui, et même à l’ouverture d’un débat sur cette question.
Sourires sur les travées de l'UMP.
Je vous renvoie sur ce point à l’article 16-1 du code civil qui, justement, protège contre toutes les formes de marchandisation du corps.
Enfin, je veux remercier Mme Fabienne Keller.
Exclamations sur les travées de l'UMP.
Celle-ci a déclaré avec beaucoup d’humanité qu’elle ne se verrait pas, en tant que parent, expliquer à un enfant ou à un adolescent, futur adulte homosexuel, qu’il ne pourrait pas bénéficier des mêmes droits, des mêmes devoirs et des mêmes potentialités que n’importe quelle autre personne vivant en couple, et qu’il devrait renoncer à la parentalité.
Mme Dominique Bertinotti, ministre déléguée. Au fond, les homosexuels ne réclament pas autre chose qu’une certaine banalisation. En leur proposant une autre forme de mariage, en leur refusant l’adoption plénière, vous leur dites : on vous tolère, mais on ne vous accepte pas ; on veut bien que vous viviez à côté de nous, mais pas avec nous.
Vives protestations sur les travées de l'UMP.
Mme Dominique Bertinotti, ministre déléguée. Les homosexuels ne demandent qu’à être des citoyens à part entière.
Applaudissementssur les travées du groupe socialiste, du groupe CRC et du groupe écologiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.
Je suis saisi de deux amendements identiques.
L’amendement n° 5 rectifié bis est présenté par MM. Gélard, Hyest et Buffet, Mme Troendle et les membres du groupe Union pour un Mouvement Populaire et MM. Darniche et Husson.
L’amendement n° 170 rectifié ter est présenté par MM. Zocchetto et Détraigne, Mme Gourault, MM. Mercier et Pozzo di Borgo, Mme Morin-Desailly, MM. Amoudry, Arthuis, J. Boyer, Delahaye, Marseille, Bockel et Dubois, Mme Férat et MM. Roche, Merceron, J.L. Dupont, Namy, Tandonnet, Maurey, Guerriau et de Montesquiou.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Supprimer cet article.
La parole est à M. Patrice Gélard, pour présenter l’amendement n° 5 rectifié bis.
Monsieur le président, mesdames les ministres, mes chers collègues, il est difficile de prendre la parole après les orateurs qui se sont succédé pour intervenir sur l’article 1er, car de nombreux arguments ont d’ores et déjà été développés. Je veux cependant contredire certaines des affirmations que je viens d’entendre.
Oui, monsieur Sueur, ce texte est un camouflage, derrière lequel vous avancez masqués. On ne peut pas le nier.
Ce texte projette toute une série de dispositions à venir que nous ne pouvons pas, et vous avez raison sur ce point, examiner aujourd’hui.
Nous sommes en réalité dans un théâtre d’ombres ou dans un village Potemkine : ce que l’on voit est tout à fait supportable, mais on ne voit pas ce qui se trouve derrière le décor, tout simplement parce que l’étude d’impact a été insuffisante, superficielle, et parce que les questions qui auraient dû être posées ne l’ont pas été.
Je souhaite revenir sur quelques éléments du texte.
Monsieur Gaillard, vous n’avez pas très bien compris le texte que vous nous avez lu. §Il nous pose problème ! Dorénavant, la tante et la nièce pourront vivre ensemble, de même que l’oncle et le neveu. Plus grave encore, le texte dispose que le Président de la République pourra autoriser le mariage entre eux pour « motif grave ». Et ce motif, c’est le fait d’avoir un enfant. En d’autres termes, nous sommes en plein délire !
Une autre disposition, figurant dans le chapitre IV bis, intitulé« Des règles de conflit de lois », est plus grave encore, car elle tend à affirmer, purement et simplement, qu’il faut violer les règles de droit international privé qui nous régissent. Il nous faudrait aller à l’encontre de tout ce que nous avons fait jusqu’à présent et autoriser ce que les conventions que nous avons signées avec d’autres États nous interdisent de faire !
Nous ne pouvons aller en ce sens. Pour ces raisons, mes chers collègues je vous demande de voter cet amendement de suppression de l’article 1er.
Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UDI-UC.
La parole est à Mme Françoise Férat, pour présenter l'amendement n° 170 rectifié ter.
Nous présentons cet amendement visant à supprimer l’article 1er à plusieurs titres, notamment au nom du principe d’égalité, qui a été si souvent invoqué depuis le début de cette discussion.
Dans ce texte, l’égalité présente deux dimensions : l’une, absolue et systématique, concerne l’égalité entre les couples de sexe différent et les couples de même sexe ; l’autre, relative, est en cause lorsqu’il s’agit de donner à des enfants une parenté fondée sur l’altérité sexuelle et une parenté avec des couples de même sexe.
On ne peut pas invoquer en permanence la notion d’égalité et lui donner, dans certains cas, une acception absolue et systématique, et, dans d’autres, une acception relative.
Nous avons également déposé cet amendement en raison du flou, volontairement entretenu, sur la portée réelle de la réforme que vous envisagez.
Cette réforme du mariage est en fait la porte d’entrée d’une réforme qui ne dit pas son nom, celle de la parenté.
C’est le point central du projet de loi, mes chers collègues, et nous ne pouvons pas rester dans le flou sur ces questions.
Avec votre conception de l’égalité, où s’arrête-t-on ? Vous proposez aujourd’hui l’égalité entre couples hétérosexuels et couples homosexuels. Et demain ? Il vous faudra, bien sûr, instaurer l’égalité entre couples homosexuels. Comment ? En autorisant la PMA pour les couples de femmes et la GPA pour les couples d’hommes ! Ces changements seront en vérité inévitables, puisqu’ils reposeront sur cette prétendue égalité qui irrigue ce projet de loi, en particulier son article 1er.
L’ouverture du mariage et de l’adoption aux couples de personnes de même sexe ne peut être fondée sur un principe d’égalité de droit entre les couples homosexuels et les couples hétérosexuels, alors même que leur situation est différente au regard de la transmission de la vie.
Cette ouverture constituerait une remise en cause profonde des fondements mêmes de notre société et de notre politique familiale.
Nous vous avons proposé précédemment de créer, en lieu et place de l’ouverture du mariage aux couples de personnes de même sexe, une union civile, proposition que vous avez balayée d’un revers de main.
Mme Françoise Férat. Il ne nous reste qu’une possibilité : nous opposer fermement, avec conviction, à votre texte.
Très bien ! et applaudissements sur les travées de l'UDI-UC et de l'UMP.
La commission des lois est bien entendu défavorable à ces deux amendements tendant à supprimer l’article 1er, qui est le nœud de ce texte, comme elle l’était à ceux qui visaient à proposer la mise en place d’une union civile et qui ont été repoussés précédemment.
Mes chers collègues, y a-t-il lieu de passionner autant ce débat ?
Certains d’entre vous, qu’ils soient pour ou contre ce texte, sont intervenus calmement, quand d’autres se livraient à des envolées lyriques qui ne changent rien à la réalité des choses.
Cette réalité, quelle est-elle ? De mon point de vue, la famille d’aujourd'hui offre plutôt une meilleure image que celle du XIXe siècle et du début du XXe siècle, qui était abîmée et salie par les mariages forcés, les adultères à répétition, la situation des bâtards et des enfants naturels.
Exclamations sur les travées de l'UMP.
C’était cela, la famille, tout au moins dans les milieux aisés et bourgeois ! La situation était différente, on le sait, dans les milieux ruraux.
Aujourd’hui, la famille vit à son aise et à son rythme : elle peut se former et se défaire par le divorce, qui n’est d’ailleurs pas sans conséquences, hélas, pour les enfants. Dans cette famille, personne n’est contraint de se marier et les enfants sont désirés, y compris au sein des couples hétérosexuels. Dans cette famille, on peut même faire entrer des enfants que l’on n’a pas eus au sein du mariage.
Vous avez dit, monsieur Gérard Larcher, que le mariage était intimement lié à la présomption de paternité. Or nous savons bien que celle-ci est aujourd’hui réduite à sa plus simple expression.
Il existe également les familles recomposées et décomposées par les hasards de la vie. Nous en connaissons tous, et certains d’entre nous sont même concernés par cette situation. Il y a aussi les familles monoparentales, composées de femmes qui élèvent seules leurs enfants, qu’elles l’aient voulu ou que le hasard de la vie en ait ainsi décidé.
Enfin, qu’on le veuille ou non, il y a les familles homosexuelles, qui élèvent des enfants, souvent nés d’une union antérieure.
Ces familles et ces enfants existent. Or ils n’ont pas les mêmes droits que les autres et ne bénéficient pas de la même sécurité. Telle est réalité !
Monsieur Hyest, l’ouverture du mariage aux couples de personnes de même sexe et la possibilité d’adopter qui leur est donnée ne change rien à la nature du mariage.
Certes, j’en suis d’accord avec vous, le mariage a des modalités juridiques différentes selon les pays, mais sa signification est la même qu’en France.
Une autre réalité s’impose à nous. Dans des pays très différents, tels que la Belgique, les pays scandinaves, l’Espagne, le Portugal et le Royaume-Uni, entre autres, l’adoption par des couples homosexuels a été légalisée, parfois même avant le mariage. Or une fois que celui-ci a été autorisé, il n’y a pas eu de tsunami familial. Les choses se passent normalement !
M. Jean-Pierre Michel, rapporteur. Il n’est pas étonnant que le législateur prévoie des barrières ou des bornes afin de préparer les étapes suivantes qui, bien sûr, ne manqueront pas de survenir...
Ah ! sur les travées de l'UMP.
Chers collègues, sommes-nous au bal des hypocrites ? Pour ma part, je n’y suis pas et n’y serai jamais !
Le législateur est là pour dire la vérité, observer la réalité, mettre des bornes, poser des règles et prévoir des empêchements.
Vous avez parlé des enfants qui, selon vous, viendront demain « on ne sait comment ». Toutefois, mes chers collègues, rappelez-vous que, il y a encore quelques dizaines d’années, l’adultère était un délit condamné par les tribunaux correctionnels. J’ai moi-même, en 1978, condamné des hommes, au pénal – j’y insiste –, pour ce motif !
Et les enfants, dites-vous ? En 1972, on a considéré que les enfants adultérins pouvaient être légitimés. Dans l’histoire des sociétés, c’est toujours la réalité qui s’impose !
Avant la loi Veil, adoptée sous le septennat de M. Giscard d’Estaing, l’avortement était considéré comme un crime.
les débats étaient encore plus vifs qu’aujourd’hui, ce qui, selon moi, se justifiait davantage.
Aujourd’hui, nous en sommes là. Certes, tous n’acceptent pas l’avortement, mais des bornes ont été posées, et la loi dit ce qui est permis et ce qui ne l’est pas. On évite ainsi ces situations absolument terribles, à la Zola, dans lesquelles des femmes mouraient parce qu’elles se faisaient avorter dans la clandestinité. Voilà la réalité !
Ce n’est donc pas la peine de passionner le débat et de désinformer des personnes déjà mal informées. Il faut, au contraire, les informer sur l’état de la société, sur la réalité, sur ce qu’ils ne veulent pas voir, ...
... et sur les problèmes que nous tâchons, très modestement, de régler avec ce projet de loi.
Pourquoi tant de passions face à un texte qui, finalement, ne révolutionnera rien, qui ne fait qu’offrir un cadre à ce qui existe déjà ?
Applaudissements sur les travées du groupe socialiste, du groupe CRC et du groupe écologiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.
Ces deux amendements identiques de suppression de l’article 1er, celui qui est signé notamment par MM. Gélard et Hyest, et celui qui est présenté, entre autres, par M. Zocchetto, ont une logique claire, puisque leurs auteurs contestent le texte du Gouvernement depuis le début de nos discussions.
Après une discussion générale qui fut dense et d’abondantes prises de parole sur l’article 1er, vous êtes, mesdames, messieurs les sénateurs de l’opposition, dans la cohérence et la continuité de votre opposition à ce texte. Vous passez cependant à un autre niveau de contestation : la suppression de l’article 1er. Je suppose que vous en viendrez ensuite, si ces amendements ne sont pas adoptés, au démembrement de l’article.
Or consentez, à votre tour, que le Gouvernement demeure lui aussi dans sa cohérence. Nous n’avons pas rédigé ce texte par inadvertance ! Il résulte d’un choix mûrement pesé et réfléchi, et d'autant plus approfondi que la Haute Assemblée examine ce projet de loi après qu’il a été discuté l'Assemblée nationale.
Je note la logique qui est la vôtre, mesdames, messieurs les sénateurs de l’opposition. Vous souhaitez supprimer l’article 1er du projet de loi. Nous le maintiendrons pourtant, parce que c'est l'article principal de ce texte.
Je relève en particulier les observations qu’a formulées à l'instant Patrice Gélard, avec une certaine tension.
Exclamations sur les travées de l'UMP.
Ce n'est pas là un jugement de valeur : c'est plutôt un hommage à son tempérament.
Sourires.
Monsieur Gérard, j'ai du mal à vous suivre. Depuis le début de ce débat, vous répétez à l'envi qu'il faut cesser de se référer aux formes de mariage qui ont été instituées à l'étranger pour les personnes de même sexe, parce que les conséquences des effets de la législation diffèrent. J’en conviens, et c’est d’ailleurs ce que j’ai répondu à l'Assemblée nationale à ceux qui prétendaient que nous cherchions à rejoindre un club de pays prétendument audacieux.
Pour ma part, même si nous devons rappeler que nous ne sommes pas les seuls à avoir décidé cette réforme, je considère que cet argument ne suffit pas. Je préfère me référer à l'évolution de l'histoire du mariage, à celle de l’histoire de la France, à celle de l’histoire de ses valeurs, à celle des libertés et de l'égalité en France même.
Aujourd'hui, je m’étonne que vous fassiez une telle « fixation » – pardonnez-moi de le dire ainsi – sur les conventions internationales, dont nous avons débattu cet après-midi, et que vous nous expliquiez que nous ne pourrions pas légiférer en droit interne au motif que la France est engagée par de tels textes.
Vous avez raison sur un point : la hiérarchie des normes fait que les conventions internationales s'imposent à notre droit. Nous avons passé en revue les principales conventions internationales, notamment les douze traités bilatéraux qui précisent explicitement que les ressortissants de ces pays ne peuvent pas déroger à leur loi nationale. Le Gouvernement avait initialement fait mention de ces conventions dans le projet de loi, mais l'Assemblée nationale a supprimé cette référence. La hiérarchie des normes ne s’en trouve pas pour autant remise en cause. En cas de conflit, je l’ai rappelé cet après-midi, c’est non pas l'officier d'état civil, mais bien le juge qui tranchera, en se référant à la jurisprudence en la matière.
Nous n’avons donc d’aucune crainte à avoir à ce sujet. Je rappelle en outre que la Cour européenne des droits de l’homme, statuant sur la question de l'autorisation de l'interdiction du mariage pour les personnes de même sexe, a très clairement indiqué qu'il s'agissait d'une législation qui relevait des États.
Que vous soyez opposés à ce projet de loi, nous en convenons. Que vous manifestiez votre opposition jusqu'au bout, preniez toutes initiatives, toutes dispositions, recouriez à tous les instruments juridiques et parlementaires pour en empêcher l’adoption, nous en convenons aussi. C'est le rôle de l'opposition.
En revanche, en matière de conventions internationales, qu’elles soient bilatérales ou multilatérales, il n'y a pas d'argument d'autorité, même si, tout comme M. Hyest, ancien président de la commission des lois, vous faites autorité en matière de droit, monsieur Gélard.
Pour toutes ces raisons, le Gouvernement émet un avis défavorable sur ces amendements identiques de suppression.
Applaudissements sur les travées du RDSE, du groupe écologiste, du groupe socialiste et du groupe CRC.
M. le président. Y a-t-il des demandes d’explication de vote sur ces amendements identiques ?...
De nombreux sénateurs du groupe UMP lèvent la main. – Protestations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.
Monsieur le président, mesdames les ministres, mes chers collègues, notre droit de la famille relatif au mariage et, en conséquence, à l'adoption et à la filiation se trouve fondamentalement bouleversé par ce projet de loi. L'article 1er remet en cause le sens et la vocation du mariage pour l'ensemble des couples.
Au nom du principe d'égalité, vous instaurez dans notre droit positif une fiction juridique, celle d'un nouveau principe d'égalité entre les personnes, qui passe par la suppression de la référence au sexe biologique. Ainsi, le texte supprime les mots « mari » et « femme » du code civil au profit de ceux d’ « époux » ou de « conjoints ».
Madame la garde des sceaux, vous avez affirmé : « Pour moi, une civilisation a des fondements et des principes. Parmi eux figure celui de l'égalité. » Estimez-vous que ce principe s'appliquera aux enfants qui seront délibérément privés de leur père ou de leur mère, qui ne pourront établir leur filiation paternelle ou maternelle et qui ne pourront s'inscrire dans une généalogie ?
Que répondra l’institutrice aux élèves qui lui demanderont : « Pourquoi n'ai-je pas de papa ? », « Pourquoi mon copain en a-t-il deux ? », « Pourquoi cet autre en a-t-il un ? »
Protestations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.
Cette enseignante sera particulièrement désemparée et, franchement, je n’aimerais pas être à sa place ! Si c'est ça l'égalité, merci !
Vous allez donc priver certains enfants de tout ce que permet le cadre juridique du mariage. En fusionnant dans un article deux mariages, on abolit à l'évidence le sens et la finalité de l'institution du mariage. En obligeant chacun à entrer dans ce nouveau modèle, on instaure une vision uniforme et statutaire de la société. Au contraire, celle-ci doit être ouverte, c'est-à-dire cultiver et proposer plusieurs modèles. C’est pourquoi nous avons proposé l'union civile, en plus du mariage.
Pour toutes ces raisons, je voterai la suppression de l'article 1er. §
Monsieur le rapporteur, votre vision de l’histoire de la famille est étonnante.
M. Jean-Jacques Hyest. Je vais moi aussi vous livrer mon témoignage. J’appartiens à une famille nombreuse, et c'est ma fierté. Il est important que des hommes et des femmes se soient consacrés à leur famille. Aujourd'hui, cela n'a plus d'importance, on « fait » famille ; j'ignore ce que cela signifie. On peut très bien avoir des enfants, vivre en couple longtemps et ne pas se marier. J’en veux pour preuve le Président de la République.
Et alors ? sur les travées du groupe socialiste.
Dans ces conditions, pourquoi accorder un traitement particulier aux couples homosexuels ? On le sait, il existe des formes extrêmement variées, non pas de familles, mais d'exercices de l'autorité parentale.
Pour autant, je demeure absolument convaincu que, si l'on ne maintient pas la définition de la famille telle qu’elle existe depuis toujours, on détruira la famille. Si c'est ce que l'on veut, il faut le dire !
On nous rétorque que cela n'a aucune importance, de la même façon que l'on nous répond que l'altérité sexuelle ne signifierait rien et qu’il faut d'autres principes.
Monsieur le rapporteur, vous prétendez donner simplement aux couples homosexuels la possibilité de faire comme les autres et de rentrer dans le rang. C’est aussi ce que nous proposons, par le biais de l'union civile. Mais vous, ce faisant, vous touchez à la filiation, à la famille, ce qui est extrêmement dangereux, car, quand on commence à toucher à des institutions qui sont millénaires, la société se délite peu à peu.
M. Jean-Jacques Hyest. Laissons de côté le droit : mon humanisme m’empêche de faire n'importe quoi. Et c’est parce que je considère que l'on va trop loin que je voterai avec conviction ces amendements de suppression.
Bravo ! et applaudissements sur les travées de l'UMP.
M. François Trucy. J’essayerai de faire preuve de la même cohérence que Patrice Gélard, celle-là même qu’a saluée Mme la garde des sceaux, mais je doute d’avoir son tempérament...
Sourires.
Quoi que vous en disiez, l’ouverture du mariage aux couples de même sexe ne trouve aucune justification sur le terrain du combat pour l’égalité. D’ailleurs, le Conseil constitutionnel lui-même rappelle qu’il est loisible au législateur d’organiser le droit différemment afin de régler des situations différentes.
C’est d’ailleurs ce que le législateur a fait depuis toujours en créant notamment le PACS, dont le régime fiscal et patrimonial a été progressivement aligné sur celui du mariage. Certes, des différences existent, vous l’avez rappelé, mais d’autres formules, plus respectueuses de tous, pouvaient être envisagées pour remédier à cette différence de traitement. Vous ne les avez pas voulues.
Contrairement à ce que certains d’entre vous croient, les enfants élevés par des couples de personnes de même sexe ne sont pas non plus en situation de totale insécurité juridique. Le législateur a prévu des possibilités en matière de partage ou de délégation de l’autorité parentale. Voilà du droit appliqué !
En revanche, si la situation actuelle ne porte préjudice à personne, l’ouverture du mariage aux couples de personnes de même sexe crée, à nos yeux, de nouvelles inégalités.
Une telle ouverture produit des inégalités au sein même du mariage. Si ce texte est adopté, le principe d’unité du mariage disparaît. Il existera un mariage « hétérosexuel », qui continuera de garantir à l’enfant une double filiation par le biais de la présomption de paternité, et un mariage « homosexuel », dans lequel la filiation tiendra plutôt du virtuel.
Cette ouverture crée des inégalités dans l’accès au mariage. Si l’on transforme fondamentalement et substantiellement le fondement, autrefois juridique, du mariage en lui substituant un fondement simplement sentimental, on réduit le mariage à une simple reconnaissance sociale de l’amour des couples de même sexe. Dans ces conditions, comment le Conseil constitutionnel, saisi par le biais d’une question prioritaire de constitutionnalité, pourrait-il ne pas s’attaquer aux lois prohibant la polygamie ou la minorité dans le mariage ? Cet aspect ne vous a pas inquiétée, madame la garde des sceaux. Nous, il nous inquiète !
Cette ouverture crée des inégalités parmi les couples de personnes de même sexe. Le Gouvernement aurait dû nous permettre de discuter sereinement de ce dispositif, qui introduit une inégalité certaine entre les couples homosexuels sur le simple fondement de leur sexe.
Cette ouverture crée des inégalités parmi les enfants adoptés, nous en avons suffisamment parlé. La vérité nous oblige à dire que la majorité des enfants adoptés sont des ressortissants de pays qui n’acceptent pas l’union homosexuelle des adoptants. C’est pourquoi les enfants, selon les candidats à l’adoption, ne disposeront pas des mêmes droits pour créer une famille.
Enfin, cet article, que nous contestons et qui constitue le cœur de ce texte, ne nous paraît pas en conformité avec notre ordre juridique interne qui, depuis 1804, a fait de l’altérité sexuelle un caractère fondamental du mariage. Or, en rappelant ce principe dans un nombre important de textes antérieurs à 1946 – la loi du 27 juillet 1884 sur le divorce, la loi du 13 juillet 1907 sur le libre salaire de la femme mariée et la contribution des époux aux charges du ménage, la loi du 18 février 1938 portant modification des textes du code civil relatifs à la capacité de la femme mariée –, le législateur en a fait un principe fondamental reconnu par les lois de la République.
C'est la raison pour laquelle je voterai ces amendements identiques de suppression.
Applaudissements sur les travées de l'UMP.
À l’évidence, l'article 1er pose un problème de filiation. Nous nous sommes largement expliqués sur ce point. Nous connaissons la position du Gouvernement, vous connaissez la nôtre, je n'y reviens pas.
La situation de l’adoption étant ce qu’elle est, vous ouvrez un droit dont on sait qu’il ne pourra pas effectivement s’exercer.
Par ailleurs, madame la garde des sceaux, à la question qui vous a été posée vendredi dernier par Bruno Retailleau et de nouveau cet après-midi par moi-même, ...
... vous n’avez toujours pas répondu, ou plutôt nous avons eu plusieurs réponses.
Tout à l’heure, M. Sueur a affirmé : « Nous n’avançons pas masqués ! »
Or j’ai aussi entendu M. Michel, rapporteur, nous dire tout à l’heure : « Je ne suis pas hypocrite, la suite viendra. »
J’ai enfin entendu Mme la ministre chargée de la famille nous expliquer que le Président de la République n’était pas favorable à la GPA, mais je ne connais toujours pas la position du Gouvernement sur la procréation médicalement assistée.
En conséquence, au moment où nous allons voter ces amendements identiques de suppression de l’article 1er, il est important que vous nous disiez clairement si le Gouvernement est en accord ou en désaccord avec la position exprimée par Mme Vallaud-Belkacem et par M. Michel.
Madame la garde des sceaux, vous devez la vérité à la représentation nationale et aux Français. Il est temps que vous sortiez de l’hypocrisie et que vous nous disiez quelle sera la suite !
Applaudissements sur les travées de l'UMP et sur certaines travées de l'UDI-UC.
Monsieur le président, mesdames les ministres, mes chers collègues, je regrette le manque de bonne volonté du Gouvernement sur des questions qui intéressent l’ensemble de la société.
Il va de soi que nos propositions dénaturent votre projet, puisque nous y sommes opposés. Nous contestons les notions de « droit à la parenté » et de « droit à l’enfant » que vous tentez d’introduire dans notre droit. Au-delà, nous sommes opposés au bouleversement que vous engagez !
En effet, nous espérons préserver l’altérité sexuelle dans le mariage afin de préserver la présomption de paternité.
Nous souhaitons créer une nouvelle union assurant une meilleure sécurité juridique pour les couples de personnes de même sexe. Cela nous permettrait d’ailleurs de codifier les nombreuses dispositions qui existent déjà et qui permettent d’assurer la protection des enfants vivant avec des couples homosexuels. De surcroît, certains d’entre nous souhaitent très logiquement ouvrir l’adoption simple à ces couples.
Nous considérons en revanche que le mariage s’insère dans la réalité biologique de la procréation. L’objectif de cette institution est de protéger juridiquement le lien de filiation entre un père et son enfant, par le biais de la présomption de paternité. Or vous souhaitez réduire le mariage à la reconnaissance sociale de l’amour entre deux personnes de même sexe.
Nous ne défendons pas seulement une position de principe : nous avions prévu la création d’une union civile, qui aurait permis aux couples de même sexe de bénéficier d’un statut plus protecteur. Le régime de cette union aurait été aligné, comme nous vous l’avons exposé en début de débat, sur celui du mariage, excepté en ce qui concerne la filiation, puisque nous considérons que le droit ne saurait se substituer totalement à la nature, qui veut que la procréation soit le fait d’un homme et d’une femme.
Ainsi, conscients des réalités biologiques qui s’imposent à nous, nous n’ignorons pas non plus la nécessité d’améliorer le cadre juridique de l’union des couples de même sexe.
Malheureusement, vous rejetez notre proposition au motif qu’elle modifie substantiellement le texte qui nous est présenté.
Ainsi, et puisqu’il faut mettre en avant les interrogations que vous devriez à l’évidence résoudre par vous-mêmes, je souhaiterais que vous nous expliquiez votre position sur les conséquences de cet article, tout d’abord en ce qui concerne la dilution de la présomption de paternité, qui se voit fortement fragilisée par l’instauration d’une parenté virtuelle, ensuite en ce qui concerne la PMA, voire la GPA – celle-ci constitue en réalité la suite logique du cheminement que vous tracez –, enfin en ce qui concerne l’égal accès des enfants à une famille, qui devrait être l’une des préoccupations majeures de ce débat.
Je rappellerai, comme beaucoup d’autres collègues avant moi, que beaucoup de pays qui ouvrent l’adoption à des couples français le font, notamment, sur la base de leur situation matrimoniale. Certes, cette position peut vous déplaire ; elle n’en constitue pas moins une réalité.
Applaudissements sur les travées de l'UMP.
Madame la garde des sceaux, madame la ministre, mes chers collègues, tout à l’heure, notre excellent rapporteur s’est étonné du caractère quelque peu passionné du débat.
Je ne parlais pas de vous. Vous êtes toujours d’un calme normand, cher collègue !
Pour ma part, je suis surpris de son étonnement. Il y a en effet de multiples raisons de se passionner pour cette question, en raison de l’importance des répercussions de la loi que vous nous proposez d’adopter sur la société française.
Tout à l’heure, monsieur le président de la commission des lois, non seulement vous avez contesté certains propos tenus par des membres de mon groupe – c’est votre droit –, mais vous êtes allé jusqu’à mettre en évidence ce que vous appelez les « présupposés » de certains de ses discours.
Nous sommes ainsi passés du procès d’intention à une forme d’inquisition.
Ce n’est plus seulement ce que nous disons qui est en cause, mais les présupposés de nos interventions. Permettez-moi de le dire, je trouve cela très désagréable, pour ne pas dire insupportable.
Quand Mme la ministre chargée de la famille ne cesse de répandre sur nous le soupçon, de mettre en cause les arrière-pensées que nous pourrions avoir, je me dis que vous préférez mettre en cause vos contradicteurs plutôt que de répondre à la contradiction. C’est un aveu de faiblesse plus qu’une démonstration de force.
En effet, pour ce qui nous concerne, nous ne partageons en aucune façon les dérives que vous dénoncez, et les caricatures que vous nous opposez nous blessent et nous offensent.
Nous sommes, nous aussi, soucieux des droits de nos concitoyens, en particulier des droits des homosexuels qui vivent en couple et élèvent des enfants. Tout autant que vous, nous avons conscience de cette réalité. Néanmoins, et c’est une grande différence entre nous, nous considérons que les solutions que vous êtes en train d’apporter à ce problème sont non seulement excessives, mais aussi dangereuses.
Si la reconnaissance officielle du lien qui unit deux personnes de même sexe nous gênait à ce point, nous n’aurions pas proposé le contrat d’union civile.
Non, ce qui justifie cette passion que nous mettons à répondre à votre projet, que des centaines de milliers de Français mettent à s’opposer à ce projet, que 700 000 d’entre ces derniers mettent à contester ce projet par une pétition, c’est le souci, éminemment humain et humaniste, de préserver un certain nombre d’intérêts fondamentaux, parmi lesquels figure au premier rang la préoccupation envers les plus vulnérables.
Nous considérons que, en raison du lien indissoluble qui existe entre le mariage et l’adoption, ce projet de loi conduira inévitablement à la situation suivante : des jeunes femmes mettront au monde des enfants qui auront été conçus par assistance médicale à la procréation, sans père, et les épouses de ces jeunes femmes pourront, par un jugement d’adoption, devenir elles aussi les mères de ces enfants.
Or je ne connais pas d’autres mots pour désigner des parents que les mots « père » ou « mère ». Vous êtes en train d’inventer une troisième catégorie de parents, qui ne seront ni pères ni mères.
Je crois pour ma part que ce projet comporte des inconvénients très graves pour le développement de l’enfant. Cela n’a rien à voir avec l’amour que les adultes se portent, rien à voir avec l’amour qu’ils portent à leurs enfants, rien à voir avec leurs capacités éducatives.
Au cœur de la vie de ces enfants qui, comme tous les autres, n’ont pas demandé à naître, il y aura l’absence du parent de l’autre sexe. En dépit de vos rêves et de vos utopies, vous ne pourrez faire en sorte que cela se passe autrement. Vous ne pourrez empêcher que cette absence soit un manque profond.
Nous voulons éviter cela, tout simplement, et nous affirmons pouvoir organiser la vie de ces familles sur d’autres fondements que ceux que vous proposez.
C’est la raison pour laquelle je soutiens, avec un peu de passion en effet, monsieur le rapporteur, les amendements identiques de suppression présentés par nos collègues Patrice Gélard et François Zocchetto.
Très bien ! et applaudissements sur les travées de l'UMP.
Je voudrais revenir sur votre dernière intervention, madame la ministre, qui condense en quelque sorte tous les arguments que nous contestons dans votre défense de ce projet.
Vous avez prétendu, tout d’abord, qu’il n’y avait pas de modèle de la famille : finalement, tout se vaudrait, et le pire serait encore l’existence même d’un modèle.
C’est ignorer que tous les responsables de l’action sociale, qui sont en première ligne, savent que les situations de misère sont souvent suscitées par des pathologies de la famille. Ce n’est pas un problème d’homosexualité ou d’hétérosexualité : il est évident pour tout le monde que le délitement de la famille emporte des conséquences sociales.
Par conséquent, entendre des propos aussi relativistes dans la bouche de la ministre de la famille de la République est assurément un mauvais signal !
Toutes les études montrent aujourd’hui que, face aux difficultés sociales, le premier bouclier reste précisément la famille.
Madame la ministre, il s’agit non pas de dégrader tel ou tel comportement familial, mais de reconnaître, en tant que représentant de l’État, l’importance de l’existence d’un modèle familial. Car le système le plus protecteur reste pour l’instant le père, la mère et les enfants.
J’en viens maintenant à la question centrale : les enfants.
Vous avez, madame la ministre, utilisé à plusieurs reprises le terme de « droit à l’enfant ». Vous avez même parlé du « désir d’enfant », qui serait plutôt, en l’occurrence, le « désir pour l’enfant ».
Ce qui fonde notre opposition radicale à ce texte, c’est que vous ne prenez garde à rien. Vous allez même jusqu’à ignorer les précautions qu’un certain nombre d’autorités vous ont invité à prendre.
Le Défenseur des droits, Dominique Baudis, a ainsi pointé des incertitudes juridiques préjudiciables aux enfants. Et je n’insisterai pas sur l’avis du Conseil supérieur de l’adoption – il est relaté dans l’étude d’impact du projet de loi, au demeurant bien lacunaire – ou sur la position de nombreux pédopsychiatres.
Pourquoi passer par pertes et profits tous ces avis mitigés sur les conséquences que pourrait avoir ce projet pour les plus faibles, c’est-à-dire pour les enfants ?
En réalité, vous préférez les ignorer par pure idéologie, parce que vous n’êtes guidés que par l’utopie. Vous n’ignorez sans doute pas les racines grecques de ce terme : l’utopie, c’est un lieu qui n’existe pas.
Madame la ministre, ce n’est pas le droit qui empêche des couples de même sexe d’avoir des enfants, mais la nature, tout simplement. Certes, il y a l’adoption, mais vous verrez que, malheureusement, l’« offre d’adoption », selon l’expression que vous avez vous-même employée, sera insuffisante, et qu’il faudra recourir à d’autres moyens.
À ce stade du débat, je voudrais, madame la garde des sceaux, madame la ministre déléguée, que vous répondiez enfin à la question que j’ai posée vendredi soir. Confirmez-vous les propos de la porte-parole du Gouvernement, à savoir, premièrement, que la PMA serait légalisée, et, deuxièmement, que l’un des objectifs du projet de loi était de régulariser les « bébés Thalys », c'est-à-dire ceux qui sont conçus par insémination artificielle en Belgique ?
Je vous sais attachée à la vérité, madame la garde des sceaux. Aujourd’hui, les Français ont besoin de savoir. Oui ou non, cette loi a-t-elle un double fond ?
Aujourd’hui, vous sentez sans doute, comme nous tous, la colère publique qui monte. Sans doute est-elle causée par l’attitude de quelques-uns ; sans doute est-elle aussi suscitée par l’impuissance publique de beaucoup, depuis longtemps. Toutefois, il ne faudrait pas qu’elle soit accentuée par le mensonge, fût-il par omission.
Oui ou non, y a-t-il derrière ce texte autre chose qui se profile en matière de méthodes de procréation assistée ? Votre réponse nous intéresse et intéresse tous les Français, madame la garde des sceaux.
Applaudissements sur les travées de l'UMP et sur certaines travées de l'UDI-UC.
Monsieur le président, mesdames les ministres, mes chers collègues, au travers de l’article 1er du projet de loi, vous ouvrez le mariage et l’adoption aux couples de même sexe, au prétexte que le mariage serait la reconnaissance sociale du couple. Cette vision est très réductrice.
Le mariage civil n’a pas pour but de reconnaître la relation entre deux personnes et d’officialiser leur amour. En allant jusqu’au bout de cette logique, tous les gens qui s’aiment devraient pouvoir se marier. Or la loi a fixé des limites. En effet, le mariage n’est pas la simple reconnaissance de l’amour, ni même la consécration d’une union privée ; dois-je rappeler ici le symbole que revêt l’obligation de laisser la porte de la mairie ouverte lors de la célébration d’un mariage ?
Le mariage est une institution sociale, qui permet de fonder, en droit, la filiation biologique. Nous nous situons donc bien au-delà de la simple relation de couple : dans le cadre de la famille.
Je rappelle que le code civil dispose que « le mariage est l’institution par laquelle un homme et une femme s’unissent pour vivre en commun et fonder une famille. » L’article 203 dispose également que « les époux contractent ensemble, par le seul fait du mariage, l’obligation de nourrir, entretenir et élever leurs enfants. »
Je tiens à souligner que la question n’est pas celle de la capacité des personnes homosexuelles à aimer, mais celle de l’institutionnalisation, de la codification, par la loi, d’une structure familiale nouvelle.
Autant l’orientation sexuelle est la résultante d’actes relevant du libre-arbitre des individus, autant le mariage est une institution sociale publique, entérinée par les représentants de l’État aux yeux de la société. Qu’il s’agisse d’un acte légal, soumis à des conditions précises, à commencer par la différenciation des sexes, vient contredire la notion de « liberté de se marier ».
Autre postulat erroné sur lequel repose la philosophie de votre projet : votre conception de la loi et de son rôle. Pour nous, la loi ne sert pas seulement à donner des droits, à suivre les évolutions sociales, à faire plaisir à tel ou tel, à assumer les engagements numérotés d’un candidat à la présidence de la République.
Au contraire, il s’agit d’une boussole qui sert à fixer des valeurs, qui donne autant de points de repères à la société. Lorsqu’une loi touche à des valeurs ancestrales aussi importantes que le mariage ou la filiation et à des êtres aussi vulnérables que les enfants, nous redoublons de prudence, car nous ne voulons pas jouer les apprentis sorciers.
C’est d’ailleurs pour cette raison que nous avons demandé, en vain, un grand débat public préalable. Nous sommes convaincus que, au-delà de la légitimité de la représentation nationale que nous incarnons, chaque Français doit pouvoir s’exprimer sur la forme de famille qu’il laissera en héritage à ses enfants.
C’est pour cela que nous avons défendu une motion référendaire. Nous débattons aujourd’hui d’un vrai sujet de civilisation, qui mérite mieux qu’un texte de loi bricolé, truffé d’incohérences, aussi bien juridiques que scientifiques, et bourré de non-dits.
La stabilité de la loi est un outil essentiel à la démocratie. La philosophie qui est la vôtre s’inscrit aux antipodes de ce principe : lors du débat à l’Assemblée nationale, l’un de nos collègues députés a résumé d’une phrase toute la logique de ce projet : « Il est grand temps que la loi rattrape les mœurs ! »
Vous rendez-vous compte, madame la ministre, de ce que sous-tend cette phrase et des errements auxquels l’application d’un tel principe pourrait donner lieu ? Le rôle de la loi est non pas de courir après les évolutions de la société, mais d’offrir un cadre de références cohérent, stable et protecteur aux citoyens.
La loi n’est pas faite pour répondre aux desiderata d’une minorité, même si, nous l’avons souligné à plusieurs reprises, un très large consensus se dégage sur la nécessité d’apporter une reconnaissance juridique aux couples homosexuels.
Montesquieu, qui nous inspire tant ici, ne disait-il pas en son temps : « Il faut toucher aux lois d’une main tremblante » ?
« Il est grand temps que la loi rattrape les mœurs » ? Vous rendez-vous compte, madame la ministre, que la philosophie sous-jacente à ces propos condamne par avance toutes vos dénégations relatives à la PMA et à la GPA ?
Vous rendez-vous compte de la portée de la déclaration de l’ancienne garde des sceaux, madame Élisabeth Guigou, présentant le projet de loi sur le PACS : « Mon refus de l’adoption pour des couples homosexuels est fondé sur l’intérêt de l’enfant et sur ses droits à avoir un milieu familial où il puisse épanouir sa personnalité » ?
Si je vous concède qu’il n’est pas interdit d’évoluer, le moins que l’on puisse dire est que son revirement ne plaide pas en faveur de la confiance que l’on pourrait placer dans la fermeté des engagements socialistes, en particulier dans des domaines aussi sensibles.
Vous trompez les Français en reportant les discussions sur la procréation médicalement assistée à un autre texte. Et que dire du mépris destructeur avec lequel Mme la ministre de la famille a traité l’ensemble du système de protection de l’enfance ? Vous trompez les Français en leur promettant que la gestation pour autrui ne sera pas autorisée.
Le premier pas vers la légalisation de la GPA a d’ailleurs été franchi avec votre circulaire, madame la garde des sceaux. La nécessité supposée de prendre en compte la situation particulière des enfants nés selon de tels procédés est une argutie. Ces enfants sont instrumentalisés par ceux-là mêmes qui ont provoqué cette situation, afin de satisfaire leurs propres revendications d’adultes.
Derrière le « mariage pour tous » se trouve donc clairement le « droit à l’enfant pour tous », et par tous les moyens, sans pour autant que vous assumiez ouvertement les conséquences de votre texte.
Non, madame la garde des sceaux, il n’est pas « grand temps que la loi rattrape les mœurs ». Il est grand temps que le législateur réfléchisse au sens du droit !
Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UDI-UC.
M. le président. La parole est à M. Christophe Béchu, pour explication de vote.
Marques de lassitude sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.
Monsieur le président, madame la garde des sceaux, madame la ministre, mes chers collègues, cet article est la clef de voûte du projet de loi qui nous est soumis.
Consacrer quelques minutes à expliquer notre vote me semble, compte tenu de l’importance de cette disposition, aller de soi.
Vous venez seulement d’arriver. Nous, nous sommes là depuis quatorze heures trente !
J’ajoute que les amendements déposés à la fois par le doyen Gélard et par le président Zocchetto proposent de supprimer purement et simplement cet article, ce qui, par rapport à ceux qui suivront et qui proposeront de n’en supprimer qu’une partie, a au moins le mérite de la clarté.
De quoi, finalement, le projet de loi sur le mariage pour tous nous parle-t-il ?
M. François Rebsamen. Il arrive à l’instant ! Il n’a rien entendu de ce qui s’est dit depuis tout à l'heure !
Sourires sur les travées du groupe socialiste.
« Chaque adulte est libre de son orientation et de ses pratiques sexuelles dès lors qu’elles sont consenties, non violentes […].
« S’agit-il d’un nouveau contrat entre deux personnes ? La réponse est non. » Le PACS existe depuis 1999 », même s’il « pourrait être amélioré sans doute […].
« S’agit-il de permettre une reconnaissance sociale de l’amour ? La réponse est encore non. Le mot amour ne figure pas dans le code civil. Et heureusement, car il faudrait alors en vérifier la réalité ! »
« Un officier d’état civil ne demande jamais aux futurs époux s’ils s’aiment. Il le constate souvent et c’est tant mieux. Il faut ajouter qu’on peut s’aimer toute une vie sans se marier. »
« S’agit-il d’une question de filiation, donc des enfants ? La réponse est oui. Car le mariage entre deux personnes de sexe différent présuppose une filiation biologique […] ».
Ces mots, chers collègues, sont ceux de Bernard Poignant.
Ils datent non pas d’il y a dix ans, mais de l’année 2012. Je n’ai pas eu à les chercher dans les comptes rendus du Journal officiel relatant les débats sur le PACS.
Ces propos, publics, ont été exprimés voilà moins d’une année. Cela montre, au-delà de ce que certains voudraient faire croire, que peuvent exister des opinions personnelles et de conscience dans tous les partis…
… et que chacun, sur ce sujet, peut avoir sa propre singularité.
Pour dire les choses de manière encore plus claire, chers collègues, il y a quelque chose que je n’apprécie pas dans la manière dont se déroulent les débats.
Vives exclamations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.
C’est que l’on veut croire que tous ceux qui refusent ce projet de loi participent d’une homophobie honteuse ou avouée, franche ou larvée !
Acceptez, mes chers collègues, qu’il puisse y avoir dans cet hémicycle des gens qui, sans partager votre opinion, ne manquent en aucune manière de respect à nos concitoyens vivant d’une manière différente la sexualité et la parentalité.
Vous avez souligné tout à l'heure, monsieur le rapporteur, que le rôle du législateur était de dire la vérité. Cet article 1er est au cœur de votre dispositif. Toutefois, les dispositions qui suivent doivent également orienter notre vote sur ces amendements de suppression.
Dans votre conception, l’égalité devant le mariage doit s’accompagner de l’égalité devant l’adoption. Or cette même égalité dont vous vous targuez amènera, demain, la GPA, de manière automatique, en quelque sorte par un effet de domino.
L’édifice législatif que vous construisez mériterait d’être présenté plus clairement, afin que chacun puisse voter en son âme et conscience.
En ce qui me concerne, les démonstrations du doyen Gélard et du président Zocchetto m’ont convaincu, et je voterai ces amendements de suppression.
Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UDI-UC.
Mesdames les ministres, permettez-moi de rappeler l’un des arguments que vous avez régulièrement avancés. Le mariage, le vrai, a perdu de sa valeur : il n’est plus qu’une forme de vie de couple parmi d’autres, et l’on constate une forte augmentation des divorces, du nombre de familles recomposées et monoparentales. L’ouverture du mariage aux personnes de même sexe s’inscrit donc dans la politique du moins-disant pour les familles et les enfants.
Si votre constat est juste, en revanche, votre passivité face à lui est contestable.
Alors que vous êtes respectivement garde des sceaux, chargée de la protection des personnes, et ministre chargée de la famille, votre action se résume à constater que le cadre protecteur et sécurisant pour chacun des membres de la famille que met en place le mariage n’a plus lieu d’être.
Ce bilan revient à dire que les enfants s’épanouissent aussi bien dans les familles désunies ou recomposées que dans celles où les parents restent engagés et unis. Il revient à prendre comme prétexte la souffrance des enfants dont les parents se séparent et divorcent pour dévaloriser l’institution du mariage.
Votre devoir, en tant que ministres, n’est-il pas plutôt de vous attaquer aux causes des divorces, qui entraînent tant de souffrances pour les adultes et les enfants ? En la matière, le champ des mesures à mettre en œuvre relève de nombreux domaines, à commencer par celui de l’éducation des jeunes à l’engagement, pour finir par celui de la fiscalité, eu égard aux mesures fiscales appropriées qui doivent être prises.
Est-ce à dire que les fragilisations conséquentes à l’instabilité des familles et aux séparations sont sans effet sur la société dans son ensemble ? Est-ce à dire encore que les jeunes d’aujourd’hui, adultes de demain, n’aspirent plus à cette forme d’engagement profond à laquelle souscrivent les personnes qui optent pour le mariage ? Cela qui revient à mépriser leur souhait de s’engager dans la durée et leur capacité à le faire.
Le cadre protecteur mis en place par l’institution du mariage entre deux personnes de même sexe l’est non seulement pour la famille, mais aussi pour la société tout entière. Il est corrélatif de l’engagement pris par l’homme et la femme unis dans le mariage devant la société. Il s’agit d’un engagement social. En tant que législateurs, nous nous devons donc d’encourager le service social qu’il rend.
Quel en est le sens ? La dimension familiale du mariage inclut la perspective de la transmission de la vie. S’agissant donc de l’enfant, il est acquis pour tous que, pour se construire et se développer harmonieusement, celui-ci a besoin de cette sécurité très étroitement liée à son environnement familial.
À cet égard, il est de la responsabilité d’un gouvernement d’encourager les situations qui garantissent au mieux cette sécurité et suscitent le maximum de stabilité ; nul doute que la structure la plus favorable est bien celle du mariage entre deux personnes de sexe différent, conscientes de l’engagement qu’elles prennent devant les enfants et la société, et l’une vis-à-vis de l’autre.
Mesdames les ministres, nous espérons que, dans le cadre du prochain projet de loi portant sur la famille, vous saurez aller au-delà du constat d’échec et proposer les dispositions propres à redonner un élan à cette institution protectrice.
Ces mesures devront être à la hauteur du service public que rend cette institution, qui articule, dans les domaines personnel et patrimonial, les droits et devoirs des époux, entre eux comme à l’égard des enfants à venir.
Quant au projet de loi dont nous débattons, la vraie question que l’on doit se poser est la suivante : madame la garde des sceaux, comme vous l’avez considéré, la remise en cause du cadre juridique et social qui structure la société et la filiation depuis des siècles constitue-t-elle un progrès de civilisation ? Pourquoi menacer ce cadre, alors qu’il doit être consolidé, comme je l’ai évoqué précédemment ? N’y avait-il pas d’autres voies pour organiser juridiquement les liens entre les personnes de même sexe ?
Par ailleurs, vous êtes-vous vraiment posé toutes les questions quant aux conséquences de son remplacement par un nouveau référent : la volonté contractuelle des individus, quelle que soit leur orientation sexuelle ? Le contrat relevant de la liberté des individus, comment poser les limites à ne pas dépasser dans l’exercice de cette liberté, dans le souci du respect de celle de l’autre ? Notre République ne doit-elle pas veiller à ce qu’un individu ne fasse pas primer son propre intérêt sur celui d’un autre ? Comment définir et aboutir au bien commun ?
Peut-il y avoir une vie en société sans repères partagés ? La source de la transmission de la vie n’en est-elle pas un ?
Le droit de la famille porte-t-il une valeur symbolique ? Ne doit-il pas poser des jalons partagés par tous ?
La course réitérée aux « droits à », qui semblent prendre le pas sur les « droits de », est-elle compatible avec le modèle de notre République « une et indivisible » ? En effet, ne risque-t-elle pas de faire se multiplier les communautarismes, à l’inverse de la recherche du bien commun ?
Pour toutes ces raisons, je demande la suppression de l’article 1er, qui, au lieu de valoriser le mariage comme cadre protecteur de la famille et des enfants, en supprime la condition de l’altérité du couple qui s’unit par ce biais.
Bravo ! et applaudissements sur les travées de l'UMP.
M. le président du Conseil constitutionnel a informé le Sénat, le lundi 8 avril 2013, que, en application de l’article 61-1 de la Constitution, le Conseil d’État avait adressé au Conseil constitutionnel une décision de renvoi d’une question prioritaire de constitutionnalité portant sur l’article L. 43 du code des pensions militaires d’invalidité et des victimes de la guerre (Droits à la pension) (2013-324 QPC).
Le texte de cette décision de renvoi est disponible à la direction de la séance.
Acte est donné de cette communication.
Voici quel sera l’ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment fixée à aujourd’hui, mardi 9 avril 2013 :
À neuf heures trente :
1. Questions orales
Le texte des questions figure en annexe.
À quatorze heures trente et le soir :
2. Suite du projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale, ouvrant le mariage aux couples de personnes de même sexe (n° 349, 2012-2013) ;
Rapport de M. Jean-Pierre Michel, fait au nom de la commission des lois (n° 437, tomes I et II, 2012-2013) ;
Texte de la commission (n° 438, 2012-2013) ;
Avis de Mme Michelle Meunier, fait au nom de la commission des affaires sociales (n° 435, 2012-2013).
Personne ne demande la parole ?…
La séance est levée.
La séance est levée le mardi 9 avril 2013, à zéro heure trente.