Intervention de Didier Mathus

Commission pour le contrôle de l'application des lois — Réunion du 16 avril 2013 : 1ère réunion
Forum sur l'application des lois

Didier Mathus, maire de Montceau-les-Mines, membre du bureau de l'Association des maires de France :

J'ai en effet pu apprécier comment on écrit la loi et comment on l'applique. L'AMF a alerté à de nombreuses reprises sur les conséquences préoccupantes de l'inflation législative. Les petites communes subissent cette dérive et s'égarent dans une jungle normative.

On ne sait plus qui produit les normes. La plupart sont d'origine réglementaire et leur base législative apparaît souvent ténue. L'impact financier de nombreuses lois n'est pas évalué. Ainsi la loi de 2005 sur le handicap, généreuse et légitime dans son principe, fixe un objectif hors d'atteinte : comment ma ville de 20 000 habitants trouvera-t-elle d'ici 2015 les quelque 2,5 millions d'euros qu'elle suppose ?

En outre beaucoup de lois sont trop imprécises et empiètent sur le domaine réglementaire. Il convient de s'interroger sur la manière de rédiger la loi. La qualité d'écriture s'est dégradée au fil des décennies. La loi, qui devrait exprimer de grands principes, se perd dans des déclinaisons trop précises et d'application délicate.

Je me pose une question fondamentale : toutes les normes concourent-elles au bien public ? Je n'en suis pas convaincu. Après Furiani, un préfet a été traduit en justice pour la première fois. Une culture nouvelle s'est répandue dans le corps électoral, qui ouvre les parapluies à la moindre alerte. Du haut en bas de l'appareil administratif chacun cherche à se couvrir.

S'il m'apparaît forcément bien de publier le patrimoine des ministres à partir du moment où les autres pays le font, ne peut-on s'interroger sur le fait que la France soit le seul pays au monde à avoir inscrit le principe de précaution dans sa Constitution ? Là encore, la déclinaison de ce principe généreux donne lieu à de multiples interprétations divergentes et complique les choses.

L'utilité de ces normes pour l'intérêt général est douteuse. J'ai longtemps été député d'une circonscription rurale. Dans certaines petites communes, des dames s'occupaient de la cantine scolaire et préparaient à manger pour une dizaine d'enfants qu'elles connaissaient bien. Puis les services vétérinaires sont intervenus et ont interdit cette pratique au nom de l'hygiène et de la sécurité alimentaire ; j'ai ainsi en tête l'exemple d'une petite cantine qui a été fermée parce qu'un placard à balais était trop proche de la cuisine... L'organisation de ces cantines, qu'on donnerait aujourd'hui en exemple de « circuit court », a changé : désormais, elles sont servies par des industriels de l'agroalimentaire.

Autre exemple : dans ma commune je construis une passerelle pour que les handicapés accèdent à l'église. L'installer sur le côté aurait été plus simple, mais on m'a dit que cela aurait constitué une discrimination. Il a donc fallu se résigner à la construire sur la grande entrée, en dépit d'un dénivelé plus important. En outre la passerelle doit être suffisamment large pour que deux fauteuils puissent se croiser. Bref, je me retrouve avec un pont de Tancarville !

Ces situations sont paradoxales. Le récent rapport Lambert-Boulard de la mission de lutte contre l'inflation normative en témoigne. L'AMF a saisi l'exécutif, qui a pris des mesures dans la perspective du choc de simplification. On ne mesure pas assez que la société française étouffe sous le poids de ces contraintes. Ces normes sont techniquement et financièrement inapplicables, et pas seulement pour les petites communes. L'AMF a fait de cette question un cheval de bataille.

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