Intervention de Céline Kauffmann

Commission pour le contrôle de l'application des lois — Réunion du 16 avril 2013 : 1ère réunion
Forum sur l'application des lois

Céline Kauffmann, économiste à l'OCDE :

J'exerce mes fonctions au sein de la division de la politique réglementaire de l'OCDE. Placée auprès du comité de la politique réglementaire qui rassemble les 34 États membres, elle développe des outils et collecte les bonnes pratiques en soutien à une bonne gouvernance réglementaire.

Pour nous, il est possible d'atteindre les objectifs sociaux, économiques et environnementaux des politiques publiques, à un coût moindre, en légiférant mieux et en améliorant le processus de production des normes. Une telle démarche repose sur une vision stratégique et globale du cycle de la gouvernance réglementaire : pour les États, cette dimension implique à la fois de prendre en compte le flux de production de normes et la gestion du stock de ces normes, et d'avoir une approche globale du cycle de la production des lois, depuis leur élaboration jusqu'à leur mise en oeuvre et à leur révision, tout cela en termes juridiques mais aussi d'impact social, économique et environnemental.

De tels objectifs se sont traduits très concrètement par la mise en place d'une architecture institutionnelle destinée à favoriser leur réalisation de la manière la plus automatique possible, et par la définition de nouveaux outils de régulation -comme les études d'impact- ou favorisant la consultation et la transparence des normes. Depuis ces vingt dernières années, des organes de supervision de la gouvernance réglementaire ont ainsi été institués au sein des pouvoirs exécutifs de plusieurs États membres de l'OCDE. Ainsi, les Etats-Unis, avec leur Office of Information and Regulatory Affairs (OIARA) au sein de l'Office of Management and Budget, ont montré la voie aux autres pays membres. En France, on peut considérer que le Secrétariat général du gouvernement joue ce rôle.

Une nouvelle tendance se dessine depuis cinq ans avec cette fois le développement d'institutions indépendantes de l'exécutif et mandatées par lui pour faire retour sur la politique réglementaire et sur les études d'impact. Tel est le cas au Royaume Uni ou en République tchèque. En Allemagne, le Conseil de contrôle réglementaire, établi en 2006, reçoit les projets de loi et vérifie l'évaluation des coûts et les mesures proposées en regard des ressources disponibles et des objectifs de politique publique. En Australie, la Productivity Commission, institution indépendante, se prononce sur la politique réglementaire générale ; s'ils ne lient pas le gouvernement, ses avis sont communiqués au grand public.

Les pays se sont dotés d'outils de gestion réglementaire allant de mécanismes de consultation aux analyses d'impact ex ante et ex post. Dans la plupart des pays de l'OCDE, ces dernières se révèlent formelles et aussi superficielles qu'un exercice de tick the box (« cocher des cases »). A peine la moitié des Etats membres de l'OCDE s'assurent que les critères pertinents de l'évaluation d'impact ont bel et bien été mobilisés et seulement quatre ou cinq pays vérifient si l'analyse d'impact a eu des effets sur l'élaboration de la loi.

La Commission européenne a adopté, pour les études d'impact, des principes clés qui demeurent pour nous un modèle. Il importe d'abord que ces études contiennent une véritable analyse coûts-bénéfices du projet, et qu'elles mentionnent des alternatives à la loi, ce qui suppose que la question d'opportunité soit posée très en amont. Il faut aussi des seuils de déclenchement de la procédure car les unités d'évaluation n'auront jamais les moyens d'étudier de manière approfondie la totalité des projets : les États-Unis, par exemple, ne procèdent à des évaluations en profondeur que quand l'impact financier dépasse cent millions de dollars, tandis que le Royaume-Uni retient des seuils à la fois quantitatifs et qualitatifs.

Le deuxième principe clé réside dans la prise en compte des conditions pratiques de l'application de la loi. Ainsi, les Pays Bas ont été novateurs, à travers leur pratique du Practicability Enforcement Impact Assessment, en intégrant, dès l'évaluation d'impact, la prise en compte réaliste des conséquences.

Le Parlement joue un rôle essentiel pour s'assurer de la qualité des évaluations ex ante. La Scrutiny Unit britannique se prononce sur les évaluations d'impact soumises au Parlement et a le pouvoir de demander des informations supplémentaires. Toutefois, dans les pays de l'OCDE, les parlements interviennent surtout dans l'évaluation ex post.

L'OCDE, qui travaille ordinairement avec les gouvernements et leurs agences, commence à collaborer avec les parlements se dotant d'unités spécialisées dans l'évaluation et qui ont en charge l'évaluation ex post de l'application des lois, comme en Suisse avec le contrôle parlementaire de l'administration ou en Suède ; la Scrutiny Unit est, avec vingt personnes, l'institution la plus nombreuse. Au-delà de cette diversité, j'observe la forte indépendance de fonctionnement de ces organes, puisque ce sont des unités techniques dont les membres doivent demeurer d'une grande neutralité. N'atteignant pas la taille critique, elles ne peuvent toutefois s'emparer de la totalité des domaines, ce qui les conduit à s'associer à d'autres entités, comme des bureaux de recherche ou des organismes d'audit.

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