Intervention de Michel Sapin

Réunion du 17 avril 2013 à 14h30
Sécurisation de l'emploi — Discussion générale

Michel Sapin, ministre :

Outre les accords de maintien de l’emploi, l’activité partielle – ou chômage partiel – sera simplifiée et fondue dans un dispositif unique et lisible. Nous avons besoin d’utiliser davantage ce type de dispositif pour passer les moments difficiles sans sacrifier les compétences accumulées. D’autres pays ont su le faire beaucoup mieux que nous, en particulier l’Allemagne ; à notre tour, nous pouvons évidemment faire mieux qu’aujourd'hui.

Autre grande innovation de ce texte : la capacité d’anticipation renforcée dans les institutions représentatives du personnel et à l’égard des représentants du personnel. Les salariés seront désormais mieux informés et consultés, en disposant d’une base de données qui rassemble et actualise toutes les informations utiles. Ils débattront des orientations stratégiques de l’entreprise. Si chacun joue le jeu et se saisit loyalement de ces nouvelles dispositions, la nature du dialogue social interne à l’entreprise en sera profondément changée.

Enfin, des représentants des salariés feront leur entrée dans les conseils d’administration des grandes entreprises – soit 5000 salariés en France et 10 000 dans le monde – et participeront pleinement comme administrateurs, à égalité de droits et de devoirs, à la gouvernance de l’entreprise. Environ un salarié sur quatre est concerné par cette disposition.

Je sais les craintes que génère cette révolution pour les conseils d’administration ou de surveillance d’entreprises cotées, avec parfois des actionnaires étrangers au conseil, mais je certifie que, dans quelques années, chacun trouvera cette présence naturelle. Je sais aussi l’impatience d’une partie d’entre vous, mesdames, messieurs les sénateurs, qui souhaiteraient aller encore plus loin. Mesurez d’ores et déjà l’avancée majeure que représente cette entrée des salariés dans les conseils d’administration : ce n’est pas un modeste premier pas, c’est une percée décisive !

Après la lutte contre la précarité, les droits nouveaux, la mobilité, les outils de maintien de l’emploi, l’anticipation et la gouvernance, j’en viens à la façon de gérer les restructurations lorsque, hélas, il n’est plus possible d’éviter des suppressions d’emploi.

Le projet de loi refonde radicalement la procédure du licenciement collectif. Demain, pour mettre en place un plan de sauvegarde de l’emploi, ou PSE, deux options – et deux seulement – s’ouvriront : soit un accord majoritaire vaudra PSE, ce qui signifie que l’entreprise aura mis les moyens pour convaincre les organisations représentant plus de 50 % des salariés de s’engager sur le plan négocié ; soit l’État homologuera le PSE proposé par l’entreprise, s’assurant alors que l’entreprise consacre les moyens nécessaires, proportionnés à sa situation, au plan social, et respecte ses obligations.

D’un côté, on privilégie la logique du dialogue social, avec la garantie renforcée de l’accord majoritaire, en échange, bien sûr, d’une plus grande simplicité, rapidité et sécurité du plan. De l’autre, on observe le retour de l’État, près de trente ans après la suppression de l’autorisation administrative de licenciement, mais un État garant, qui va s’assurer que l’entreprise agit pour minimiser les impacts du PSE pour les salariés.

L’État ira vite pour rendre sa décision. Dans ce type de situation, ce qui compte, ce n’est pas de gagner du temps, de retarder le plus possible les décisions, c’est de peser sur celles-ci pour qu’elles prennent mieux en compte le reclassement, l’accompagnement, la réindustrialisation. C’est cela qu’attendent les salariés, non des victoires hypothétiques devant un juge trois ans après, quand l’usine a disparu ; c’est cela qu’attendent les entreprises, qui préfèrent un effort supplémentaire contractualisé à une incertitude totale.

Il est faux de prétendre que les licenciements seront plus faciles. Tout comme l’accord majoritaire, l’homologation administrative est une avancée pour les salariés. L’État ne pouvait jusqu’alors que donner un avis. Demain, sans sa décision d’homologation, rien ne pourra se faire. Pour les entreprises, les procédures seront cadrées juridiquement et dans le temps. C’est la condition pour trouver des terrains d’entente.

Je récuse par ailleurs le terme que j’entends parfois de « déjudiciarisation » employé à propos de ce texte, car il est trompeur s’il est assimilé à la suppression de la possibilité de faire appel au juge pour faire valoir ses droits. Évidemment, c’est non pas de cela qu’il s’agit ici, mais d’un encouragement à trouver, par le dialogue social, une autre voie, plus sûre et plus équilibrée, qui rende aussi inutile que possible le recours au juge.

Bien entendu, le recours au juge restera un droit pour chaque personne qui voudra contester l’accord, l’homologation ou le refus d’homologation, comme pour chaque salarié, à l’issue d’un licenciement, s’il veut en contester le motif. Dans notre société démocratique chacun a, à l’évidence, droit à un juge.

Voilà pourquoi les nouveaux pouvoirs de négocier ont du sens, à la condition ultime que l’État, d’une part, et notre système judiciaire, d’autre part, restent au final les garants du respect de l’ordre public social et de la faculté de chacun de faire valoir ses droits devant un juge.

J’entends parfois mettre en doute la capacité de mon administration, les DIRECCTE – ou directions régionales des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l’emploi –, à remplir cette nouvelle mission.

Je veux, si certains d’entre vous sont sincèrement inquiets, vous rassurer sur ce point et rendre justice au professionnalisme des hommes et des femmes de ces services. Ils suivront la nouvelle procédure dès son démarrage, et non à la fin ; ils seront prêts, formés et organisés ; ils seront exigeants à l’égard des projets de PSE qui leur seront soumis. Il n’y aura pas d’homologation tacite pour non-réponse au bout de vingt et un jours. Chaque demande sera instruite et fera l’objet d’une décision motivée et explicite, en référence à des orientations que je donnerai par voie de circulaire aux DIRECCTE.

Mesdames, messieurs les sénateurs, vous comprenez maintenant ma détermination à vous demander d’adopter un texte qui porte la sève nouvelle de la démocratie sociale en entreprise, un grand texte de progrès social, qui apporte des réponses concrètes et équilibrées à l’urgence de l’heure : sécuriser l’emploi, pour éviter les licenciements, pour anticiper le drame des mutations, pour être prêts à saisir demain la croissance qui repartira.

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