De la même manière, la commission des lois a souhaité préciser les procédures et les délais nécessaires à la mise en place de cette nouvelle obligation. Je crois que ce point ne crée pas de difficultés. Elle a également ouvert des discussions sur certaines modifications apportées par l’Assemblée nationale, mais toujours à la marge.
Ce qui est certain, c’est que le dispositif de l’article 5 permettra d’amplifier un phénomène qui restait, jusqu’à présent, extrêmement limité. Dans le rapport pour avis, je rappelle que la représentation des salariés dans les conseils d’administration et de surveillance des entreprises est aujourd’hui extrêmement modeste. Elle repose sur des lois de 1983, 1986 et 1993, qui font que, pour l’essentiel, les entreprises la pratiquant sont soit des sociétés nationales, soit d’anciennes sociétés nationales qui ont été privatisées.
Le secteur privé, de façon générale, n’a pas développé ces pratiques de lui-même, à l’exception, peut-être, des administrateurs salariés, désignés dès lors que les salariés contrôlent 3 % du capital social. Toutefois, aujourd’hui, nous ne disposons pas des informations permettant d’apprécier réellement l’influence de ce dispositif. On le voit, il y a un progrès à accomplir, et ce texte devrait permettre de le réaliser.
J’en viens aux autres articles sur lesquels la commission des lois a été saisie.
L’article 13 a un impact sur les procédures de redressement et de liquidation judiciaires, au travers de la modification des procédures de licenciement collectif. Nous avons de petits problèmes d’ajustement concernant l’Association pour la gestion du régime de garantie des créances des salariés, l’AGS, et la garantie des salaires. Je pense que nous pourrons clarifier cet aspect des choses pendant le débat.
L’article 14, qui concerne l’information des salariés du comité d’entreprise en cas de recherche d’un repreneur et qui fait allusion à un texte débattu dans cet hémicycle avant l’élection présidentielle de 2012, n’a pas appelé d’observation.
L’article 16, en revanche, qui modifie les délais de prescription, donc les règles de principe fixées par le code civil, a suscité des interrogations au sein de notre commission.
Cet article, en effet, touche à des règles sur lesquelles le Parlement s’était mis d’accord il n’y a pas si longtemps, et qui portent, notamment, sur le délai de prescription extinctive de droit commun de cinq ans. Le ramener à deux ou trois ans, selon les types de contentieux, pose question. Nous n’avons pas jugé utile de déposer des amendements, mais nous souhaiterons, évidemment, avoir quelques explications sur ce sujet.
Je dirai un dernier mot, mes chers collègues, sur le contexte dans lequel nous entamons ce débat.
On pourrait, évidemment, s’interroger sur l’opportunité d’ouvrir ce type de discussion dans le contexte que nous connaissons. On peut aussi penser que ce dernier doit nous inciter à nous appuyer sur la négociation sociale pour tenter de trouver des réponses aux grandes préoccupations exprimées sur toutes les travées de cette assemblée, et notamment à gauche.
Je veux entendre, avec l’ensemble, je crois, des membres du groupe socialiste, le malaise exprimé par certains de nos collègues comme la transposition dans cet hémicycle des difficultés auxquelles sont confrontés beaucoup de nos concitoyens et de salariés, qui attendent que des réponses leur soient rapidement apportées.
Nous faisons le pari que la négociation sociale, sur laquelle nous fondons notre démarche, est de nature à le faire, à la condition, naturellement – j’ai déjà eu l’occasion de m’exprimer sur ce point – qu’elle soit bien le point de départ d’un processus, et non simplement un moment isolé à partir duquel nous enregistrerions le résultat d’un travail collectif. La négociation sociale doit être ce moment à partir duquel nous pourrons, s’agissant de la réforme de la formation professionnelle ou de l’assurance chômage, par exemple, faire en sorte qu’émergent les dispositifs adaptés à la situation exceptionnelle dans laquelle nous nous trouvons.
Je pense que le message que nous devons faire passer aux partenaires sociaux est double. Nous devons, naturellement, respecter l’engagement qu’ils ont pris, dans la mesure où il constitue un réel effort de coopération. Toutefois, nous devons aussi leur dire que, compte tenu des nécessités actuelles, nous attendons d’eux qu’ils accélèrent leurs travaux sur les sujets que je viens d’évoquer, et sur lesquels nous sommes prêts à coopérer.
Vous verrez alors, mes chers collègues, que le résultat obtenu par cette négociation, bien loin d’être un sujet de controverse, aura été le point à partir duquel d’autres progrès nécessaires auront pu être enregistrés. Cette négociation permettrait, en tout cas, de prendre des mesures concrètes pour placer nos concitoyens frappés par la crise dans une situation moins défavorable que celle qu’ils connaissent aujourd’hui.
Certes, on parle souvent de démocratie sociale dans notre pays, mais celle-ci y est toujours restée relativement modeste, et souvent orpheline. La démocratie sociale ne fait pas partie de notre tradition politique, ni même de notre tradition syndicale.
Ceux qui se souviennent de la charte d’Amiens – j’imagine que nous sommes nombreux sur ces travées, au moins à gauche, mais aussi à droite, j’en suis persuadé, à l’avoir en tête et à pouvoir y faire référence – savent qu’elle n’a pas été adoptée pour affirmer l’autonomie du mouvement syndical en termes de capacité à négocier sans l’influence des partis. Elle a été adoptée pour répondre à l’unification du parti socialiste de l’époque et montrer que deux voies étaient possibles pour construire une société différente : une voie syndicale et une voie politique.
On le voit bien, notre syndicalisme a toujours été animé à la fois par l’idée d’une société différente et par une approche de la société et de l’entreprise marquée par la conflictualité et l’idée du changement.
Ce mouvement ne peut se faire que très progressivement. Il s’est amorcé au cours des dernières décennies. Encore faut-il que nous lui fassions confiance. Il s’agit non pas de perdre le goût de l’utopie, mais d’avoir, chaque fois que nous serons confrontés à des difficultés, la volonté de traiter les réalités.