Face à cette accélération d’une dérégulation mondiale qui touche de plein fouet le marché de l’emploi en France et en Europe, quels pouvaient être aujourd’hui les choix du Gouvernement ? Choix stratégiques, choix économiques, choix politiques, choix sociaux : la marge de manœuvre est étroite, je le conçois aisément.
Les premiers signes que vous avez donnés, par l’organisation de la conférence sociale de juillet dernier et la mise en route de plusieurs chantiers de négociations avec les organisations syndicales, tant salariales que patronales, étaient de bon augure et laissaient poindre une méthode intéressante, Claude Jeannerot l’a d’ailleurs rappelé. La commission des affaires sociales vous a félicité pour cette initiative, même si les parlementaires auraient préféré être associés d’une manière ou d’une autre en amont de ces négociations. Vous n’avez pas fait ce choix, mais il fallait – et, là encore, je peux aisément le comprendre – que se renouent les fils de la confiance entre les syndicats et le Gouvernement, fils bien distendus sous le gouvernement de François Fillon.
Mettre le dialogue social au cœur des politiques de gauche est une bonne chose. En envisager la constitutionnalisation, comme l’a proposé le Président de la République, est également une bonne chose, même si cela appelle quelques précisions quant aux modalités de ce dialogue, à la valeur juridique des accords éventuellement obtenus et au rôle de chacun dans le fonctionnement de nos institutions.
En effet, je tiens à le dire ici, le travail parlementaire est l’une des garanties de la démocratie dans notre pays, et les conditions de ce travail doivent permettre aux élus que nous sommes, quelle que soit notre appréciation des accords obtenus, de faire respecter cette démocratie. Particulièrement en matière de principes fondamentaux du droit du travail, le Parlement est libre d’élaborer la loi et il nous appartient donc, en tant que parlementaires, d’exercer nos compétences. Qui plus est, nous devons respecter les engagements internationaux et européens de la France. Aussi, lors de l’élaboration des textes législatifs, nous devons nous assurer que les droits fondamentaux prévus dans le cadre de ces engagements seront effectifs.
Je me dois donc, monsieur le ministre, au nom de la commission des affaires sociales, de faire état une nouvelle fois des conditions particulièrement difficiles dans lesquelles nous avons été contraints de travailler. Bien sûr, je l’ai dit, il y a urgence, et personne ici ne le conteste. Mais étions-nous à huit jours près ? Laissez-nous le temps nécessaire à un bon travail parlementaire : la loi n’en sera que mieux écrite !
Je souhaite revenir un instant sur le dialogue social, qui est pour moi, comme pour vous, je le sais, monsieur le ministre, et pour vous toutes et vous tous, mes chers collègues, un moment important de la démocratie sociale.
Toutes les organisations syndicales, qu’elles soient ou non signataires de l’accord, nous ont confirmé qu’elles avaient répondu en confiance et avec conviction à l’invitation du président Hollande à la conférence sociale de juillet, puis qu’elles avaient pris part dans un esprit constructif, avec un grand souci de sécurisation de l’emploi, aux négociations que vous avez ouvertes. Mais force est de constater que la lecture de l’accord n’est pas la même pour toutes : pour certaines, il s’agit d’un accord « gagnant-gagnant » quand, pour d’autres, il s’agit d’un recul social sans précédent !
Je crois pouvoir dire, tout comme vous-même, monsieur le ministre, que ce texte « fera date ». Oui, il fera date parce qu’il constitue, pour le moins, un bouleversement durable des droits individuels et collectifs des salarié(e)s et des conditions de règlement des litiges.
Je tiens à remercier à mon tour le rapporteur de notre commission, Claude Jeannerot, et l’équipe de collaborateurs qui l’a épaulé. Je salue l’importance et la qualité du travail accompli pendant le temps un peu trop court dont nous avons disposé.