Intervention de Françoise Laborde

Réunion du 17 avril 2013 à 14h30
Sécurisation de l'emploi — Discussion générale

Photo de Françoise LabordeFrançoise Laborde :

Aussi suis-je quelque peu étonnée d’entendre certains expliquer que l’adoption de ce projet de loi, du fait de la méthode qui a présidé à son élaboration, menacerait le pouvoir législatif et remettrait en cause l’utilité des parlementaires. Il s’en faut de beaucoup, et c’est pourquoi nous avons, comme nous le devions, utilisé notre droit d’amendement.

La représentation nationale est dans son rôle en venant compléter et amender le texte des partenaires sociaux, car ce projet de loi relatif à la sécurisation de l’emploi est bien la transposition d’un accord national interprofessionnel, signé par la plupart des syndicats et le patronat le 11 janvier 2013.

Il réconcilie ainsi démocratie sociale et démocratie parlementaire. Il n’y a évidemment là, de ma part, aucun mépris pour le travail fourni pendant plusieurs mois par les partenaires sociaux. Nous avons suffisamment condamné cette attitude sous le précédent quinquennat !

Je rappellerai que ce projet de loi est le fruit d’un processus entamé lors de la grande conférence sociale de juillet dernier. Celle-ci a permis l’élaboration d’une feuille de route sociale, à la suite de laquelle, monsieur le ministre, vous avez incité les partenaires sociaux à trouver un accord sur la sécurisation de l’emploi et leur avez indiqué les grandes orientations, faisant ainsi écho à quelques-uns des engagements du candidat commun du parti socialiste et du parti radical de gauche.

Le texte que vous nous présentez n’est nullement la remise en cause du travail du législateur. Vous l’avez rappelé devant les députés : « Nous ne sommes pas des greffiers, nous sommes des garants. » Les améliorations apportées à l’Assemblée nationale peuvent d’ailleurs en témoigner. Au Sénat, dans les jours qui viennent, de poursuivre et parachever le travail.

De notre point de vue, c’est un texte équilibré, qui s’inscrit dans une stratégie globale pour l’emploi et la compétitivité. Il garantit de nouveaux droits aux salariés et donne aux entreprises les outils pour une plus grande réactivité aux évolutions conjoncturelles.

Il est vrai, cependant, que l’ANI du 11 janvier dernier n’a pas été signé par l’ensemble des partenaires sociaux : deux syndicats s’y sont refusés parce qu’ils y voyaient un risque de mutation du droit du travail, une atteinte aux droits des salariés.

Je sais que leurs inquiétudes sont partagées par certains de nos collègues. Je pense pourtant que c’est une erreur d’affirmer que cet accord fait la part belle aux entreprises. Il va surtout leur permettre de reprendre le chemin de la création d’activités et d’emplois, et faciliter la reprise de la croissance. Le marché du travail français étant souvent perçu comme trop rigide pour les employeurs et bien peu protecteur pour les salariés, nous devrions tous nous rassembler autour de cet objectif.

Le projet de loi va permettre aux entreprises de s’adapter aux mutations économiques et de trouver des alternatives aux plans sociaux, sans, je l’espère, sacrifier d’emplois. Les entreprises pourront notamment recourir à la mobilité interne, au chômage partiel et aux accords de maintien dans l’emploi.

D’autres dispositions, comme l’homologation des plans de sauvegarde de l’emploi ou la réduction des délais de prescription, sont plus difficiles à accepter. Je comprends que ces dispositions puissent heurter les organisations syndicales. Cependant, elles n’ont été accordées aux entreprises qu’en contrepartie de droits nouveaux pour les salariés. Quels sont-ils ?

Il s’agit essentiellement des droits rechargeables à l’assurance chômage, de la taxation des contrats courts, de l’ouverture des conseils d’administration aux salariés, de la mise en place du compte personnel de formation ou encore de la généralisation de la couverture complémentaire santé à l’ensemble des salariés.

Sur ce dernier point, j’estime toutefois que le dispositif mériterait d’être amélioré. L’article 1er constitue une avancée pour l’ensemble des salariés qui n’ont pas les moyens d’accéder à une complémentaire santé, mais on peut s’interroger sur la pertinence de ce dispositif pour les très petites entreprises, qui comptent moins de dix salariés. Pour elles, le contrat collectif n’est peut-être pas la meilleure solution.

Avant de conclure, je souhaite évoquer l’impact de ce projet de loi sur l’emploi des femmes, sujet important.

Je ne reviendrai pas sur les recommandations adoptées par la délégation aux droits des femmes, que Mme Génisson a largement développées tout à l’heure. Je tiens surtout à souligner que la situation des femmes sur le marché du travail n’est pas satisfaisante : les femmes occupent toujours 80 % des emplois à temps partiel et il s’agit encore trop souvent d’un temps partiel subi ; leur taux de chômage reste supérieur à celui des hommes, et un plus grand pourcentage d’entre elles occupent un emploi précaire ; enfin, leur rémunération est, en moyenne, inférieure de 27 % à celle des hommes.

Je regrette donc que le thème de l’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes ait été absent des négociations entre les partenaires sociaux, contrairement à ce que prévoyait la feuille de route publiée à l’issue de la conférence sociale.

Pour autant, certaines dispositions vont dans le bon sens. Je pense, par exemple, à l’obligation pour l’employeur de prendre en compte les contraintes personnelles et familiales des salariés concernés par une mesure de mobilité interne, à l’application du principe de parité pour le choix des représentants des salariés au conseil d’administration, ainsi qu’à l’encadrement du temps partiel.

Toutefois, s’agissant de ce dernier point, je regrette, monsieur le ministre, que vous ayez obtenu, à l’Assemblée nationale, dans le cadre d’une seconde délibération, la suppression d’une disposition introduite par amendement, qui visait à décourager le recours aux avenants tout en préservant la majoration des heures complémentaires.

Monsieur le ministre, le projet de loi relatif à la sécurisation de l’emploi établit un juste équilibre entre les attentes des entreprises, qui souhaitent améliorer leur compétitivité, et celles des représentants syndicaux, qui veulent sauvegarder les droits des salariés et assurer une plus grande continuité des parcours professionnels. Parce qu’il constitue l’occasion de refonder notre modèle économique et social, les sénateurs radicaux de gauche apporteront leur soutien à ce texte. J’ajoute même qu’aucun membre du RDSE ne devrait s’y opposer. §

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