Les deux autres écarts notables du projet de loi par rapport à l’ANI concernent l’article 10, relatif à la mobilité interne.
Le premier est tout à fait justifié. Il s’agit de la requalification par le Conseil d’État du licenciement pour refus de mobilité interne en un licenciement individuel pour motif économique, et non personnel. Je suis d’ailleurs persuadé que, si la loi n’opérait pas elle-même cette modification, le juge se prononcerait dans le sens d’une telle requalification.
Par ailleurs, le texte désamorce les craintes des représentants patronaux puisque, au terme du compromis trouvé, ces licenciements ne pourront donner lieu à des plans sociaux. Il nous faudra obtenir des assurances complètes sur ce point.
En revanche, l’Assemblée nationale a rendu facultative la négociation portant sur les conditions de la mobilité professionnelle interne. Comme je l’ai indiqué ce matin en commission, là réside le troisième écart notable, et selon nous problématique, du projet de loi par rapport à l’ANI. Nous aurions en effet souhaité qu’il s’agisse non d’une possibilité, mais d’une négociation systématique et obligatoire au sein de l’entreprise, et nous défendrons un amendement en ce sens.
J’en arrive maintenant au cœur du texte, qui est incontestablement l’article 12, portant création des accords de maintien dans l’emploi, le plus important dispositif de flexisécurité.
Il s’agit de pouvoir moduler ponctuellement un certain nombre de leviers – la durée du travail, son organisation, ainsi que les rémunérations – pour éviter les plans sociaux en cas de difficultés économiques. L’usage du dispositif est temporaire puisque la durée de l’accord ne peut excéder deux ans. De plus, il est assorti d’une clause de retour à meilleure fortune puisque, en cas d’échec, le plan social est établi en fonction des durées du travail et des rémunérations antérieures à l’accord.
Dans le cadre du plan social, le salarié n’aura donc en rien perdu le bénéfice du dispositif, ce qui est un point essentiel. Au pire, il s’agit d’un sursis et, au mieux, d’un moyen efficace de faire face collectivement à un creux de vague.
Le dispositif est d’autant plus défendable que, il convient de le préciser, des dispositions analogues existaient dans le droit en vigueur. En effet, une entreprise, en difficulté ou non, peut d’ores et déjà conclure un accord d’aménagement du temps de travail qui permet, en réduisant ce dernier, d’ajuster les salaires à la baisse.
De plus, les entreprises peuvent recourir au chômage partiel, dès lors qu’elles ont connaissance de ce dispositif, ou aux plans de départs volontaires.
L’apport principal de l’accord de maintien dans l’emploi est donc de compléter les aides existantes en matière d’adaptation des salariés aux évolutions de l’emploi et des compétences, de chômage partiel, ainsi que de reclassement et de conversion professionnelle. Il crée un cadre à la fois plus global et alternatif à des outils ciblés et disparates, ce qui permet de mieux sécuriser et garantir l’emploi.
Hormis l’accord de maintien dans l’emploi, l’ANI comporte d’autres avancées notables, que nous saluons.
Ainsi en est-il de la création du compte personnel de formation, le CPF, dont le financement doit, certes, faire encore l’objet d’une concertation entre partenaires sociaux, État et régions, mais qui constitue un progrès réel. Il s’agit d’un compte universel et individuel, donc indépendant du statut de son bénéficiaire, et ouvert autant aux demandeurs d’emploi qu’aux salariés. Enfin, il est intégralement transférable.
Nous n’avions pas connu une avancée aussi essentielle pour la formation professionnelle – pourvu qu’on l’utilise bien – depuis les lois Delors, votées voilà quarante ans.