À l’évidence, le texte que nous examinons est important, mais ce n’est malheureusement pas le grand texte de progrès annoncé par M. le ministre. À nos yeux, c’est même exactement le contraire.
Personne, dans cet hémicycle, ne peut nier la gravité de la situation : nous la constatons tous dans nos départements, nos villes, nos familles. Le chômage atteint un pic historique. La France compte 3, 2 millions de chômeurs de catégorie A, plus de 5 millions si l’on prend en compte toutes les statistiques. Chaque jour, ce sont des centaines de travailleurs supplémentaires qui allongent la liste déjà insupportable des chômeurs. Autant de personnes dont la vie bascule dans la précarité, l’incertitude et la peur du lendemain, autant de femmes et d’hommes qui se trouvent privés d’un droit constitutionnel : le droit au travail.
En effet, que reste-t-il aujourd'hui de l’article 23 de la Déclaration universelle des droits de l’homme, aux termes duquel « toute personne a droit au travail, au libre choix de son travail, à des conditions équitables et satisfaisantes de travail et à la protection contre le chômage » ? Oui, qu’en reste-t-il quand le taux de chômage atteint 12 % dans la zone euro, quand, en France, le nombre d’allocataires du RSA dépasse les 2 millions et 22, 5 % des jeunes vivent sous le seuil de pauvreté ?
Ce constat implacable est celui de la faillite d’un système et des politiques qui le servent depuis des années.
C’est contre cette machine de destruction sociale incarnée pendant cinq ans par le président Sarkozy §que le peuple français s’est exprimé le 5 mai dernier. Le besoin de changement et de rupture avec les politiques libérales a été le terreau de la victoire du candidat François Hollande.
C’est par l’engagement à mener la lutte contre la finance que la victoire s’est construite. Rappelez-vous le discours du Bourget où, reprenant une fameuse formule shakespearienne – « Ils ont échoué parce qu’ils n’ont pas commencé par le rêve » –, François Hollande dressait le tableau de son projet pour la France, celui de « l’achèvement de la promesse républicaine autour de l’école, de la laïcité, de la dignité humaine, de l’intérêt général ».
La voilà, la seule feuille de route pour laquelle les Français se sont majoritairement exprimés. La voilà, l’exigence qui a été portée par le vote républicain au plus haut sommet de l’État. Cette exigence devrait aujourd'hui avoir un nom, celui du nouveau contrat social que la gauche se doit d’établir avec les Français. Soyons clairs, avec la crise politique qui s’amplifie, le droit à l’erreur est impossible : la crise est trop profonde et le malaise va grandissant. Ne creusons pas davantage encore le fossé avec les attentes sociales du pays !
C’est malheureusement le risque que vous prenez avec ce projet de loi.
Où sont l’intérêt général et l’aspiration à la justice sociale dans ce projet de loi dit de « sécurisation de l’emploi » ? L’intitulé même de ce texte, qui résume l’intention initiale de la conférence sociale, est aujourd'hui une manipulation grossière, à l’instar de ces publicités qui vantent les mérites de la crème fraîche à 0 % de matière grasse ou des 4 X 4 écologiques...
Rien dans ce texte n’apporte aux salariés une sécurité supplémentaire. Tout n’y est que précarisation !
J’ai écouté les défenseurs de ce texte : j’ai trop souvent entendu un plaidoyer sans rapport avec la réalité de notre pays et la brutalité sociale qui y a cours.
Ce projet de loi est, en vérité, un formidable cadeau au grand patronat et aux intérêts financiers. §Encore un, après les dix années de bons et loyaux services de la droite ! Le vote à l’Assemblée nationale, obtenu avec une majorité relative à gauche et l’abstention bienveillante des députés UMP, en a été la démonstration.
Monsieur le ministre, je vous ai entendu à cette tribune vous inventer des ennemis à droite. Malheureusement, je peux vous rassurer : vous n’en aurez pas dans ce débat et, comme à l'Assemblée nationale, vous pourrez compter ici sur la clémence des sénateurs de droite – ils viennent d’ailleurs de le confirmer –, ...